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A propos du caractère juridictionnel de la procédure de non-respect du protocle de Kyoto

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A propos du caractère juridictionnel de la procédure de non-respect du protocle de Kyoto

BOISSON DE CHAZOURNES, Laurence, MBENGUE, Makane Moïse

BOISSON DE CHAZOURNES, Laurence, MBENGUE, Makane Moïse. A propos du caractère juridictionnel de la procédure de non-respect du protocle de Kyoto. In: S. Maljean-Dubois.

Changements climatiques : les enjeux du contrôle international . Aix-Marseille : Centre d'études et de recherches internationales et communautaires, Université Pau-Cézanne,

Aix-Marseille III, 2007. p. 73-109

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:8315

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Chapitre 1

NATURE

À PROPOS DU CARACTERE JURIDICTIONNEL DE LA PROCEDURE DE NON-RESPECT

DU PROTOCOLE DE KYOTO

Laurence Boisson de Chazournes •

& Makane Moïse Mbengue ..

La promotion du respect de la règle de droit s'est accompagnée ces dernières années d'une attention plus soutenue aux modes de règlement des différends. Des juridictions internationales ont été créées de même que d'autres mécanismes de règlement des différends. Ainsi en a-t-il été des procédures et mécanismes de contrôle du respect des accords environnementaux multilatéraux (AEM) '. Ces derniers, portant le sceau générique de procédures de non-respect, ont de prime abord souvent été qualifiés de procédures non contentieuses et revêtant un caractère diplomatique. Or, cette qualification procède, dans certains cas, d'une analyse trop simple de la dynamique matérielle et fonctionnelle des procédures de non-respect. Celles-ci offrent, en effet, de plus en plus l'image d'une mosaïque complexe. En son sein, le contentieux côtoie le non contentieux et le juridictionnel convoite le diplomatique. Cette mix- ture déteint sur bon nombre de procédures de non-respect et leur confère une nature juridique sui generis tant il est difficile de les faire entrer dans une catégorie ou un autre mode de règlement des différends internatio- naux. Certaines procédures de non-respect font une place plus marquée aux aspects de procédure contentieuse et juridictionnelle que d'autres. La procédure de non-respect du Protocole de Kyoto en est une illustration patente. Bien que tirant inspiration d'autres procédures de non-respect, elle opère un « salit qualitatif» 2 parmi les techniques élaboTtes pour promouvoir la mise en œuvre du droit international.

*" Professeur à la Faculté de droit de l'Université de Genève, Directrice du Département

de droit international public et organisation internationale.

** Assistant de recherche et d'enseignement, Faculté de droit de l'Université de Genève.

1 L. Boisson de Chazoumes, « La mise en œuvre du droit international dans le domaine de la protection de l'environnement: enjeux et défis ), RGD/P, 1995. nO 1> pp. 37-76.

2 L. Boisson de Chazournes, « Préface ), in J. Voïnov KohJer, Le mécanisme de contrôle du respect du Protocole de Kyoto sur les changements c/imatiqiœs, Schulthess, Genève, 2006, p. III.

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74 LES CONTOURS DU MECANISME D'OBSERVANCE

Ce saut qualitatif confère à ladite procédure une texture juridic- tionnelle marquée. Le choix de la juridictionnalisation du mécanisme de contrôle du respect du Protocole de Kyoto (ci-après le « Protocole ») tient en grande partie à l'originalité et à la complexité du régime juri- dique prévu par le Protocole 3. L' enserrement de la procédure de non- respect dans un carcan diplomatique n'aurait pu suffire à garantir l'effectivité, la viabilité et l'efficacité du corpus juris transcrit dans le Protocole. Un adjuvant juridictionnel semblait être mieux à même de prévenir les risques de dommage à l'environnement global et les risques d'atteinte à l'intégrité juridique du Protocole. Telle paraît être l'option choisie à travers la création du Comité de contrôle du respect des dispo- sitions du Protocole (ci-après le« Comité »).

Le Comité est la pierre angulaire et la cheville ouvrière des Procédures et mécanismes relatifs au respect des dispositions du Proto- cole de Kyoto, adoptés d'abord par la Septième Conférence des Parties à Marrakech (COP 7) en 2001" puis approuvés et adoptés en 2005 par la Première Conférence des Parties agissant comme réunion des Parties au Protocole de Kyoto (COPIMOP 1) dans la Décision 27/CMP.15 Le Comité exerce ses fonctions dans le cadre de deux chambres, à savoir la chambre de lafacilitation et la chambre de l'exécution.

La chambre de la facilitation est chargée de donner des conseils, d'apporter une aide aux États Parties aux fins de l'application du Protocole et de promouvoir le respect des engagements qu'elles ont pris en vertu du Protocole, et ce, en tenant compte du principe des respon- sabilités communes mais différenciées et des capacités des États Parties.

La chambre de la facilitation apparaît prima facie comme un organe diplomatique chargé de promouvoir l'application du Protocole de Kyoto.

Des éléments de juridictionnalisation sont néanmoins palpables et détec- tables dans la procédure afférente à cette chambre, la rapprochant de ce fait de la procédure des groupes spéciaux institués par l'Organe de

3 S. MaJjean-Dubois, «La mise en route du Protocole de Kyoto à la Convention-cadre des Nations Unies sur les cl)-angements climatiques », AFDJ, 2005, pp. 433-463;

L. Boisson de Chazournes, «A propos de la régulation juridique de stratégies écono- miques dans le domaine de l'environnement », in L 'outU économique en droit inter- national ef européen de l'environnement, Documentation française, Paris, 2002;

L. Boisson de Chazournes, «La gestion de l'intérêt commun à l'épreuve des enjeux économiques: le Protocole de Kyoto sur les changements climatiques », Annuaire français de droit international, 1997, pp. 700-715 ; plus généralement sur le régime du changement climatique, L. Boisson de Chazournes, « Le droit international au chevet de la lutte contre le réchauffement planétaire: éléments d'un régime », in Mélanges offerts à Hubert Thierry: L ·évolution du droit international, Pedone, Paris, 1998, pp. 23-42.

4 Décision 24/CP.7, Annexe, «Procédures et mécanismes relatifs au respect des dispo- sitions du Protocole de Kyoto }), doc. FCCC/CP/2001113/Add.3. Le texte est reproduit dans L. Boisson de Chazournes, R. Desgagné, M. M. Mbengue, C. Romano, Protec- tion internationale de l'environnement, Pedone, Paris, 2005, p. 733.

5 Dans cette contribution, il sera fait référence à la Décision 27/CMP.I, celle-ci incluant l' «Annexe» de la Décision 27/CMP.l qui contient en réalité les procédures et mécanismes relatifs au respect des dispositions du Protocole de Kyoto.

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règlement des différends (ORD) de l'Organisation mondiale du com- merce (OMC), dont les pouvoirs oscillent entre règlement de nature diplomatique et règlement à caractère juridictionnel.

La chambre de l'exécution est chargée d'établir si les États Parties respectent ou non, inter alia, leurs engagements chiffrés en matière de limitation et de réduction des émissions au titre de l'article 3 du Protocole, les dispositions prévues en matière de communication d'informations à l'article 5 et à l'article 7 du Protocole et les critères d'admissibilité aux instruments économiques énoncés aux articles 6, 12 et 17 du Protocole. La procédure devant la chambre de l'exécution com- porte des aspects qui ne ressortent nullement d'une logique de règlement diplomatique des différends mais qui s'inscrivent au contraire dans une logique proprement juridictionnelle.

Afin d'apprécier et d'analyser la portée et l'étendue du prisme juridictionnel sur la procédure applicable respectivement et communé-

ment aux deux chambres, il est nécessaire de soumettre cette procédure à ce que l'on dénommera un test de la juridictionnalité. Ce test nécessite que soit définie au préalable la notion de juridiction internationale.

La notion de juridiction internationale ne fait pas l'objet d'une définition juridique communément admise. Le développement du droit international public a donné lieu, concomitamment à l'expansion du droit international, à l'émergence d'une constellation de juridictions internationales qui revêtent chacune une singularité et une contexture propres. Des esquisses et tentatives de définition sont toutefois apparues dans la doctrine. L'une d'elles est celle donnée par le Dictionnaire de droit international public qui définit une juridiction internationale comme toute « institution investie du pouvoir de juger, c'est-à-dire de trancher des litiges entre États par décision obligatoire, qu'il s'agisse d'un organe arbitral ou judiciaire ou de tout autre organisme disposant de pouvoirs juridictionnels» '. Si pertinente soit-elle, cette définition laisse cependant dans l'ombre certains traits caractéristiques essentiels de la notion de juridiction internationale. D'une part, elle ne met pas en relief la connexité inhérente entre une juridiction internationale et la nécessité de principe pour celle-ci de statuer sur la base du droit interna- tional. D'autre part, elle occulte certaines fonctions intrinsèques liées à la juridiction internationale tel le pouvoir du juge international de décider de la compétence de sa compétence et de dire le droit. Enfin, elle simpli- fie à certains égards la nature fondamentale de la décision rendue par une juridiction internationale qui a trait à son caractère final et exécutoire.

Elle a néanmoins le mérite de ne pas tomber dans le piège formaliste qui consiste à considérer que seul un organisme qui dispose a priori d'une structure juridictionnelle pourrait être qualifié de juridiction interna- tionale. Tout au contraire, la définition en question met l'accent sur le

6 Dictionnaire de droit international public (sous la direction de J. Salmon). Bruylant / AUF, Bruxelles, 2001, p. 628.

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76 LES CONTOURS DU MECANISME D'OBSERVANCE

structurant juridictionnel, c'est-à-dire l'exercice per se de pouvoirs juridictionnels par un organe qui n'est pas à l'origine une juridiction internationale. De plus en plus, sont esquissés au sein de l'ordre inter- national, des mécanismes de règlement des différends qui sans revêtir la forme de véritables juridictions internationales, exercent en substance des pouvoirs ou fonctions juridictionnels et auxquels un test de j uridic- tionnalité peut être appliqué. C'est l'hypothèse de la «juridiction par ses actes » ou de la «juridiction par ses fonctions» '. Parmi ces mécanis- mes, figurent les organes de règlement des différends de l'OMC', les tribunaux pénaux internationaux ad hoc 9 et la Commission de compen- sation des Nations Unies '".

L'approche ici retenue de la notion de juridiction internationale combine tant la structure juridictionnelle que le structurant juridictionnel.

Elle se démarque d'une vision de la juridiction internationale qui ne pourrait être détectée que par son « activité productive », à savoir l'acte juridictionnel". Le test de la juridictionnalité tel qu'il sera appliqué à la procédure de non-respect du Protocole de Kyoto s'opère à deux niveaux cumulatift. D'une part, il a trait à l'évaluation du caractère juridictionnel d'un mécanisme à l'aune de la jonction juridictionnelle internationale.

D'autre part, il renvoie à la qualification du caractère juridictionnel d'un mécanisme à l'aune des critères de la juridiction internationale pro- prement dits.

Section 1

LE MECANISME DE CONTROLE DU PROTOCOLE DE KYOTO A L'AUNE DE LA FONCTION JURIDICTIONNELLE INTERNATIONALE

Deux aspects essentiels de la fonction juridictionnelle interna- tionale transparaissent de la procédure de non-respect du Protocole de Kyoto. Il s'agit en premier lieu de la faculté tant pour la chambre de la facilitation que pour la chambre de l'exécution de déterminer la compé- tence de leur compétence lorsqu'elles procèdent à l'examen préliminaire d'une question de mise en œuvre. Il s'agit en second lieu de lajurisdictio (le pouvoir de dire le droit) conférée aux deux chambres dans l'examen de la question de mise en œuvre.

7 C. Santulli, ( Qu'est-ce qu'une juridiction internationale? Des organes r'épressifs inter- nationaux à j'ORD )). Annuaire français de droit international, 2000, p. 59 et p. 70.

S H. Ruiz-Fabri,« Le juge de l'OMe : ombres et lumières d'une figure~udjciaire singu- lière n. Revue générale de droit international public, 2006, nO l, pp. 3})-83.

9 C. Santulli, op. cil., pp. 64-70.

10 D. Campanelli, « The United Nations Compensation Commission (UNCC): Reflec- tions on its Judicial Character )), The Law and Practice of internaTional Courts and Tribunals. 2005, l, pp. 107-139.

11 C. Santulli, op. cil., p. 63.

."

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1- LA DETERMINATION DE LA COMPETENCE DE LA COMPETENCE: LA PHASE D'EXAMEN PRELIMINAIRE DE LA QUESTION DE MISE EN ŒUVRE PAR LES DEUX CHAMBRES

C'est un principe bien établi du droit international public qu'« en règle générale, tout organe possédant des pouvoirs juridictionnels a le droit de se prononcer en premier lieu lui-même sur l'étendue de ses attributions» ". Ce principe qualifié de principe de la compétence de la compétence, semble parfois biaisé par la pratique et la doctrine inter- nationales. Il apparaît, en effet, bien souvent comme un principe résiduel ne s'appliquant qu'en cas de contestation de la compétence du juge international par les Parties à un différend. La lettre de l'article 36, paragraphe 6 du Statut de la Cour internationale de Justice, contribue à créer une telle confusion: « En cas de contestation sur le point de savoir si la Cour est compétente, la Cour décide» ". Or, le principe de la compétence de la compétence est un principe général du contentieux international applicable à toute juridiction internationale 14, indépendam- ment et indifféremment de toute contestation des Parties à un différend international.

L'Organe d'appel de l'OMC entérine cette position: « il existe une règle généralement admise voulant qu'un tribunal international soit habilité à examiner de sa propre initiative la question de sa propre compétence et à établir qu'il a compétence pour une affaire qui lui est soumise» 15. La Cour internationale de Justice l'a également reconnu dans un dictum deveriu fort célèbre: « Le paragraphe 6 de l'article 36 ne fait que reprendre une règle que le droit international commun a consacrée en matière d'arbitrage international. Depuis l'affaire de

12 Cour pennanente de justice internationale, Interprétation de l'accord grécQ-turc du rr décembre 1926, Avis du 28 août 1928, série B, nO 16, p. 20.

13 La même confusion se retrouve dans le Dictionnaire de droit international public qui définit la compétence de la compétence comme le «pouvoir dont disposent lesjuridic- tions, dans les limites statutaires, de trancher une contestation sur leur propre compé- tence }), p. 217.

14 G. Abi-Saab, Les exceptions préliminaires dans la procédure de la Cour internatio- nale: étude des notions fondamentales de procédure et des moyem de leur mise en

œuvre, Pedone. Paris, 1%7, p. 13.

15 Voir note de bas de page JO dans l'affaire États-Unis - Loi anti-dumping de /916, rapport de l'Organe d'appel, 28 août 2000, Doc. WT/DS/36/AB/R. WT/DS/62/AB/R, p. 19. L'article 9 du Modèle de règles de la Commission du droit international (ACDI, 1950, vol II, pp. 114-180) sur la procédure arbitrale codifie cette règle coutumière en ces tennes : {( le tribunal arbitral, juge de sa compétence, dispose du pouvoir d'inter- préter le compromis et les autres instruments sur lesquels cette compétence est fon- dée )). De même la CIJ a clarifié le contenu de la règle de la compétence de la compé- tence dans ['affaire des Essais nucléaires (Australie c. France), arrêt. CIJ Recueil 1974, p. 262) dans Je sens d'une autonomie par rapport à une quelconque contes- tation en affirmant: « c'est donc le devoir de la Cour de circonscrire le véritable problème en cause et de préciser l'objet de la demande. Il n 'a jamais été contesté que la Cour est en droit et qu'elie a même le d(!l,'oir d'interpreter les conclusions des parties; c'est un des attributs de sa fonction judiciaire ).

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78 LES CONTOURS DU MECANISME D'OBSERVANCE

l'Alabama, il est admis, conformément à des précédents antérieurs, qu'à moins de convention contraire, un tribunal international est juge de sa propre compétence et a le pouvoir d'interpréter à cet effet les actes qui gouvernent celle-ci. Ce principe est expressément consacré par l'article 48 et par l'article 73 des conventions de La Haye du 29 juillet 1899 et du 18 octobre 1907 pour le règlement pacifique des conj/its internationaux

[ .. .J

Le rapporteur de la convention de 1899 avait insisté sur la nécessité

de ce principe présenté par lui comme « lié à l'essence même de la fonction arbitrale et aux nécessités inhérentes à l'accomplissement de celle fonction)} [. . .}. Ce principe, que le droit international commun admet en matière d'arbitrage, prend une force particulière quand le juge international n'est plus un tribunal arbitral constitué par l'accord spécial des Parties en vue de statuer sur un différend particulier, mais une institution préétablie par un acte international qui en déj/nit la compétence et en règle le fonctionnement [. .

.J »".

Le principe de la compétence de la compétence peut ainsi présupposer une action proprio motu d'un tribunal international".

L'autonomisation de ce principe par rapport à toute idée de contestation des Parties à un différend s'avère cruciale pour appliquer le test de juridictionnalité à la procédure de non-respect du Protocole de Kyoto.

Celle-ci au paragraphe 2 de sa Section VII (Renvoi et examen préli- minaire des questions) prévoit l'obligation pour la chambre saisie par une question de mise en œuvre de procéder au préalable à un examen préliminaire de ladite question. Cet examen préliminaire a pour objet de permettre, soit à la chambre de la facilitation soit à la chambre de l'exé- cution, de déterminer sa compétence vis-à-vis d'une question de mise en œuvre et ce, sans qu'aucune contestation n'ait été expressément soulevée par l'État concerné par l'enclenchement de la procédure de non-respect.

L'examen préliminaire s'applique ainsi ipso jure et ipso facto dans le cadre de la procédure de non-respect du Protocole et la chambre de l'exécution ne peut s'en exonérer même en cas de procédure accélérée telle qu'envisagée par la Section X de la Décision 27/CMP.I.

L'examen préliminaire fait suite au renvoi par le bureau du Comité - selon le mandat énoncé pour chacune des chambres" -, de la ou des questions de mise en œuvre, à la chambre compétente. Le renvoi par le Comité se fait sur la base d'une présomption réjragable de compé- tence de l'une des deux chambres. Ce renvoi se fait donc de manière subjective. Seul l'examen préliminaire est en mesure de déterminer objectivement si la chambre saisie par le Comité est ou non compétente pour entrer en matière sur les questions de mise en œuvre.

16 Affaire Notrebohm (Liechtenstein c.Guatemala), arrêt CfJRecueil1953, p. 119.

17 Sir G. Fitzmaurice, The Law and Procedure of rhe International Court of Justice, vol. Il, Grotius Publications Limited, Cambridge, 1986, pp. 454-455.

18 Paragraphes 4 à 7 de la section IV pour la chambre de la facilitation et paragraphes 4 à 6 de la section V pour la chambre de l'exécution.

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La phase d'examen préliminaire dénote du caractère fortement juridictionnel de la procédure de non-respect du Protocole de Kyoto. En effet, tel un juge international, la chambre de la facilitation et la chambre de l'exécution sont toutes deux strictement tenues d'apprécier la réalité du différend 19 à savoir, la question de mise en œuvre du Protocole, à elles soumise et leur compétence ratione materiae, sauf s'il s'agit d'une question soulevée par une Partie à l'égard d'elle-même. La chambre saisie doit ainsi procéder à un examen préliminaire des questions de mise en œuvre pour s'assurer que: « a) Les informations fournies à l'appui de la question sont suffisantes; b) Il ne s'agit pas d'une question insigni- fiante ou sans fondement; c) La question est fondée sur les prescriptions

du Protocole »20. La première question qui vient à l'esprit à la vue de ces critères est celle de savoir s'ils sont cumulatifs ou alternatifs. À cet égard, par analogie à la jurisprudence de la Cour internationale de Justice dans laquelle cette dernière a rappelé qu'elle « rest[ait] libre dans le choix des motifs sur lesquels elle fonder[ait] son arrêt» 21 et qu'elle est libre de baser ses décisions de compétence sur un ou plusieurs motifs de son choix, et en particulier « sur le motif qui, selon elle, est plus direct et décisif,,", les chambres demeurent souveraines dans l'appréciation du critère prépondérant selon la question faisant l'objet d'un examen préli- minaire. Cela ne revient pas à dire qu'un des critères pourrait être occulté dans l'examen préliminaire par les chambres du Comité. Les critères sont bel et bien cumulatifs mais la prépondérance de l'un sur l'autre est alternative selon la question de mise en œuvre soulevée dans la commu- nication d'une Partie.

Ces trois critères de l'examen préliminaire méritent d'être exa- minés tour à tour. Les deux derniers critères ont trait respectivement à la vérification par la chambre de la facilitation ou par la chambre de l'exé- cution de l'objectivité factuelle de la question de mise en œuvre et à la vérification par la chambre saisie de l'objectivité juridique de la question de mise en œuvre. L'objectivité factuelle implique qu'au titre de l'examen préliminaire, les chambres seront appelées à déterminer leur compétence au sens de décider si la question de mise en œuvre soulevée n'est pas dénuée de sens ou de fondement. Ce constat dépendra en

19 Sur l'application du concept de différend à la procédure de non-respect du'protocole de Kyoto, voir infra.

20 Section VII, paragraphe 2 de la Décision 27/CMP.1.

21 Application de la convention de 1902 pour régler la tu/elle des mineurs, arrêt. CIJ Recueil 1958, p. 62 ; Demande en révision et en interprétation de l'arrêt du 24 février 1982 en l'affaire du Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne) (Tunisie c. Jamahiriya arabe libyenne), arrêt, çlJ Recueil 1985, para. 29; Plate/ormes pétro- lières (République islamique d'Iran c. Etats-Unis d'Amérique), arrêt, Cl) Recueil 2003, para. 37.

22 Certains emprunts norvégiens (France c. Norvège), arrêt, Ci) Recueil 1957, p. 25 ; Incident aérien du 27 juillet 1955 (Israël c. Bulgarie), arrêt, CU Recueil 1959, p. J 27 ; Plateau continental de la mer Egée, (Grèce c. Turquie), arrêt, CIJ Recueil 1978, para. 39-40; Incident aérien du JO août 1999 (Pakistan c. Inde), compétence de la Cour, arrêt, CU Recueil 2000, para. 26.

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80 LES CONTOURS DU MECANISME D'OBSERVANCE

grande Partie des infonnations fournies à l'appui de la question. Quant à l'objectivité juridique, elle a pour fonction de lier la compétence des chambres aux questions de mise en œuvre concernant les prescriptions du Protocole de Kyoto.

Le critère de la suffisance des infonnations fournies à l'appui de la question n'est pas sans rappeler la phase de l'examen prima facie (commencement de preuve ou prima facie case, en anglais) des allégations devant les organes de règlement des différends de l'OMC" et les tribunaux CTRDl. Dans l'affaire États-Unis - Mesures affectant les importations de chemises, chemisiers et bIol/ses de laine tissés en provenance d'Inde, l'Organe d'appel de l'OMC a défini les contours de l'examen prima facie d'une allégation: {( Nous comprenons en fait dijjicilement comment un système de règlement judiciaire pourrait fonc- tionner s'il reprenait l'idée que la simple [onnulation d'une allégation pourrait équivaloir à une preuve. JI n'est donc guère surprenant que divers tribunaux internationaux, y compris la Cour internationale de Jus- tice, aient systémariquement accepté et appliqué la règle selon laquelle il appartient à la Partie qui affirme un fait, que ce soit le demandeur ou le défendeur, d'en apporter la preuve. Par ailleurs, un critère de /a preuve généralement admis en régime 'code civil', en régime 'common Law' et, en fait, dans la plupart des systèmes juridiques, est que la charge de la preuve incombe à la Partie, qu'elle soit demanderesse ou défenderesse, qui établit, par voie d'affirmarion, une allégation ou un moyen de défense particulier. Si ladite Partie fournit des éléments de preuve suffisants pour établir une présomption que ce qui est allégué est vrai, alors la charge de la preuve se déplace et incombe à l'autre Partie, qui n'aura pas gain de cause si elle ne fournit pas des preuves suffisantes pour réfuter la présom- ption. Dans le cadre du GATT de /994 et de l'Accord sur l'OMC, la quantité et la nature précises des éléments de preuve qui seront nécessai- res pour établir une telle présomption varieront forcément d'une mesure à l'autre, d'une disposition à l'aulre et d'une affaire à l'aurre ,,".

23 La règle du commencement de preuve devant les organes de règlement de différends de l'OMC a trait non pas au principe de la compétence de la compéteQce mais à la charge de la preuve. Elle est donc intéressante pour interpréter le critère -requis par l'examen préliminaire en vertu de la procédure de non-respect du Protocole de Kyoto, à ~avojr que les « informations fournies à l'appui de la question sonl suffisantes JI.

24 Etats·Unis - Mesures affectant les importations de chemises, chemisiers et blouses, de laine, tisses en provenance d'Inde, Rapport de J'Organe d'appel, 25 avril 1997, WT/DS33/AB/R, p. 14. Voir aussi, Communaulés européennes - Mesures communau- taires concernant les viandes et les prodlûts carnës(Hormones), Rapport de l'Organe d'appel, 16 janvier 1998, WTiDS26iAIlIR, WTiDS48iABIR, para. 109: «Conformé- ment à notre décision dans l'affaire Etats-Unis - Chemises et blouses,-le Groupe spécial aurait d~ commencer l'analyse de chaque disposition en examinantla quesrion de savoir si les Etars-Unis et Je Canada avaienl présenté des éléments de preuve et des arguments juridiques suffisants pour prouver que les mesures communautaires étaient incompatibles avec les obligations assumées par les Communaulés européennes au titre de chaque article de l'Accord SPS examiné par le Groupe spécial [. . .] Ce n'est qu'une/ois établie cette présomption par le Groupe spécial que la charge d'apporter des éléments de preuve et des arguments pour réfuter J'allégation de la partie plai- gnante peut être attribuée aux Communautés européennes ».

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Devant les tribunaux CIRDI, la question de l'examen prima facie des allégations (primafacie test) a été évoquée dans de nombreuses affaires, dont l'affaire Joy Mining Machinery Limited and Ihe Arab Republic of Egypt.- «Before this examinalion, hOlVever, the Tribunal IVishes to address an issue that has commonly arisen in many recent arbitrations. It is ofien argued, and this is the case also in this dispute, Ihat the Tribunal needs only ta be satisfled that

il

the facls or the contenlions alleged by the Claimant are ultimately proven true, they IVould be capable ofconstituting a violation of the Treaty. This is infact the prima facie test applied in UPS v. Canada and the assumption relied upon in Methanex v. United States that, for the Iimited purpose of deter- mining jurisdiction, the Claimant's factual contentions are prima facie deemed ta be correct. The Tribunal notes that the prima facie test has also been applied in a number of ICSID cases [. . .}. As a prima facie approach ta jurisdictional decisions this is no doubt a usejitl rule»".

Des traits similaires caractérisent l'examen préliminaire par les deux chambres d'une question de mise en œuvre et le test prima fade développé dans le cadre de la jurisprudence des organes de règlement des différends de l'OMC et des tribunaux CIRDl. La chambre de la facilitation et la chambre de l'exécution doivent apprécier leur compé- tence au titre de l'examen préliminaire à l'aune d'éléments de preuves suffisants et non pas sur la base de simples allégations. Certes le 1 ibellé du paragraphe 2 de la Section VII de la procédure de non-respect se réfère aux « informations» et non explicitement à des preuves, mais il n'en demeure pas moins que les infonnations en question doivent consti- tuer un commencement de preuve susceptible de fonder la compétence de la chambre de la facilitation ou de la chambre de l'exécution. Le caractère suffisant des infonnations fournies n'obéit à aucune règle prédéterminée en droit international et relève de l'appréciation discré- tionnaire de la chambre saisie d'une question de mise en œuvre par analogie à celle dont bénéficie les groupes spéciaux de 1 'OMC dans l'établissement des faits: « la question de la crédibilité d'un élément de preuve donné et de l'importance à lui accorder (c'est-à-dire l'appré- ciation dudit élément de preuve) fait partie intégrante du processus

25 Joy Mining Machinery Limited and the Arab Republic of Egypl, para. 29-30. United Parcel Service of America (<< UPS ») v. Government a/Canada. Award on~urisdiction of November 22, 2002, disponible sur <http://www.state.gov/s/I/c3749.htm>; Merhanex Corp. v. United States of America, First Partial Award of August 7, 2002, disponible sur <http://www.state.gov/s/Uc5818.htm>; Emilio Aguslin Maffezini v. Kingdom afSpain (lCSID Case No. ARB/9717), Decision on Objections to Jurisdic- tion of January 25, 2000, 16/CSID Rev.-FIU 212 (2001); CMS Gas Transmission Company v. Argentine Republic (ICSID Case No. ARB/OI/8), Decision on Jurisdiction of July 17,2003,42 ILM788 (2003) ; Azurix Corp. v. Argentine Republic (ICSID Case No. ARB/Dl/12), Decision on Jurisdiction of December 8, 2003, disponible sur

<http://www.asil.org/iliblazurix.pdt> ;

ses

Société Générale de Survei//allce S.A. v.

Islamie Republic a/Pakistan (ICSJD Case No. ARB/OI/J3), Decision on Objections to Jurisdiction of August 6, 2003, 18 lCSID Rev.-F1LJ 301 (2003); Salini Cons/rut/ori S.p.A. and Italstrade S.p.A. v. Kingdom of Morocco (ICSID Case No. ARB/OO/4), Decision on Jurisdiction of July 23, 2001, Journal du droit international, 2002, p. 196.

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82 LES CONTOURS DU MECANISME D'OBSERVANCE

d'établissement des faits et est laissée, en principe, à la discrétion d'un groupe spécial, à qui il appartient de juger les faits » 26.

A l'issue de l'examen préliminaire, la Partie concernée reçoit, par l'intermédiaire du secrétariat, une notification écrite de la décision prise. S'il s'agit d'une décision d'entrer en matière, une conununication est adressée à la Partie concernée précisant la question à l'examen, les informations fournies à l'appui de ceIJe-ci et la chambre qui l'exa- minera 27. Toute décision de ne pas entrer en matière est notifiée par le secrétariat aux autres Parties et le texte est publié'". Il est intéressant de relever que la procédure prévoit la possibilité pour la Partie concernée, de soulever une sorte d'exception préliminaire à la compétence de l'une des chambres, en faisant « connaître par écrit ses vues au sujet de toute information concernant la question de mise en œuvre et la décision d'entrer en matière »29. Cette exception préliminaire ne peut être formu- lée qu'ex post facto c'est-à-dire suite à la notification de la décision de l'une des chambres. Cependant, la procédure ne clarifie pas l'effet juridique qu'aurait une teUe objection. Il ne semble pas que ceIJe-ci puisse avoir un quelconque effet suspensif dans la mesure où la décision d'entrer en matière se profile juridiquement comme une décision irrévo- cable qui entraîne ipso jure et subséquemment un examen au fond de la question de mise en œuvre.

La phase de l'examen préliminaire constitue véritablement un des traits juridictionnels majeurs de la procédure de non-respect du Pro- tocole de Kyoto. C'est une phase délicate en ce sens qu'eUe confronte un État à une question de respect de ses engagements internationaux en vertu du Protocole. L'interprétation des trois critères de l'examen préliminaire n'est toutefois pas sans poser de problèmes juridiques. Le rapport de 2006 du Comité de contrôle du respect des dispositions sur les délibérations de la chambre de la facilitation relatives à la conunu- nication de l'Afrique du Sud intitulée « Compliance with Article 3.1 of

26 Communautés européennes - Mesures communautaires concernant les viandes el les produits carnés(Hormones), Rapport de l'Organe d'appel, 16 janvier 1998, WTIDS26/ABIR, WTIDS48/ABIR, para. 132. De même, dans l'affaire Corée ~ Taxes sur les boissons alcooliques, l'Organe d'appel a indiqué que: « L'exam,en par le Groupe spécial des éléments de preuve présentés et l'importance à leur aCforder sont laissés, en principe, à la discrétion du Groupe spécial, à qui il appartient de juger les faits et, en conséquence, ne relèvent pas de l'examen en appel ), Corée - Taxes sur les boissons alcooliques, Rapport de l'Organe d'appel, 17 février 1999, WTIDS75/ABIR, para. 161. Au paragraphe 162 de son rapport, l'Organe d'appel a encore ajouté ce qui suit: ({ La marge d'appréciation dont un groupe spécial dispose pour juger les faits n'est bien sûr pas illimitée. Elle est toujours subordonnée entre autres choses à l'obli- gation du groupe spécial de procéder à une évaluation objective de la question dont il est saisi, et est limitée par cette obligation ».

27 Section VII, paragraphe 4 de la Décision 27/CMP.1.

28 Section VII, paragraphe 6 de la Décision 27/CMP.l.

29 Section VII, paragraphe 7 de la Décision 27/CMP.1.

'!l

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the Kyoto Protocol» (Respect des dispositions du paragraphe 1 de l'ar- ticle 3 du Protocole de Kyoto) 30 en est une illustration pertinente.

Les faits étaient les suivants: Le 31 mai 2006, la chambre de la facilitation a entamé un examen préliminaire de ladite communication que l'Afrique du Sud, en sa qualité de Président du Groupe des 77 et de la Chine, avait présentée au nom du Groupe des 77 et de la Chine. Deux projets de décision ont été proposés: d'une part, un projet de décision d'entrer en matière et, d'autre part, un projet de décision de ne pas engager de procédure. Au terme de ses délibérations, la chambre de la facilitation n'a pu parvenir à une décision par consensus". Aussi, a-t-elle procédé à un vote électronique, qui n'a permis d'adopter ni une décision d'entrer en matière ni une décision de ne pas engager de procédure à la majorité des trois quarts des membres présents et votants. Le projet de décision d'engager une procédure était libellé comme suit: « La commu- nication a été reçue le 31 mai 2006 pal' la chambre de la facilitation du Comité de contrôle du respect des dispositions. Celle chambre a décidé de reporter la prise d'une décision au 20 juin 2006. Elle a poursuivi ses délibérations et a entrepris l'examen préliminaire de la question de mise en œuvre le 20 juin 2006, conformément au paragraphe 2 de la section VII de l'annexe à la décision 27/CMP.I. Il a été procédé à un vote électronique le 21 juin 2006. Conformément au paragraphe 4 de la section VII de la décision 27/CMP.I, la chambre de lafacilitation décide

d'engager une procédure concernant la question de mise en œuvre que

l'Afrique du Sud. en sa qualité de Président du Groupe des 77 et de la

Chine, a présentée au nom du Groupe des 77 et de la Chine. qui compor- te le texte suivant concernant la question de mise en œuvre,' Non- présentation d'une communication nationale contenant les informations supplémentaires requises en vertu du paragraphe 139 de l'annexe à la décision 22/CMP.I, du paragraphe 3 de la décision 25/CP.8, et du paragraphe 4 de l'article 7 et du paragraphe 3 de l'article 8 du Protocole de Kyoto.

Cette décision a été prise compte tenu du fait que la communication que l'Afrique du Sud. en sa qualité de Président du Groupe des 77 et de la Chine, a présentée au nom du Groupe des 77 et de la Chine répondait pleinement aux prescriptions de l'alinéa b du paragraphe 1 de la section VI et des alinéas a, b et c du paragraphe 2 de la section VII. En conséquence, en vertu des attributions que lui confèrent le pa1'agraphe 4 et l'alinéa c du paragraphe 6 de la section IV, la chambre prendra les mesures nécessaires pOUl' donner des conseils. et faciliter et promouvoir le respect des dispositions auprès de chaque Partie concernée.

La chambre de la facilitation achèvera son examen et prendra une décision finale sur la communication de l 'Aji-ique du Sud à sa réunion de

30 Rapporl annuel du Comité de contrôle du respect des dispositions à la Conférence des Parties agissant comme réunion des Parties au Protocole de Ky%.

FCCC/KP/CMP/2006/6, 22 septembre 2006.

3 [ Section JI, Paragraphe 9 de la Décision 27/CMP.l.

(13)

84 LES CONTOURS DU MECANISME D'OBSERYANCE

septembre, en tenant compte des dispositions des sections VI, VII et VIII de la décision 27/CMP. /

»".

Quant au projet de décision de ne pas engager de procédure, il a été rédigé en ces termes: « La communication a été reçue le 3/ mai 2006 par la chambre de la facilitation du Comité de contrôle du respect des dispositions. Cette chambre a décidé de reporter la prise d'une décision au 20 juin 2006. Elle a poursuivi ses délibérations et a entrepris / 'examen préliminaire de la question de mise en œuvre le 20 juin 2006, conformément au paragraphe 2 de la section VII de l'annexe à la décision 27/CMP. /. Il a été procédé à un vote électronique le 2/ juin 2006.

A

la suite d'un examen préliminaire, la chambre a constaté que la communication que l'Afrique du Sud, en sa qualité de Président du Groupe des 77 et de la Chine, avait adressée au Comité de contrôle du respect des dispositions au nom du Groupe des 77 et de la Chine ne pouvait être considérée comme une question de mise en œuvre au sens du paragraphe 2 de l'article VII de l'annexe à la décision 27/CMP./, et ce, pour les raisons suivantes:

a) La communication n'a pas été présentée par une Partie en son nom propre par l'intermédiaire d'un représentant dûment autorisé à cette fin. Les procédures et mécanismes ne prévoient pas la possibilité que des groupes de Parties présentent des communications par procura- tion et n'autorisent pas la chambre de la facilitation à examiner une question de mise en œuvre qui n'a pas été dûment soumise coiformé- ment au paragraphe / de la section VI de l'annexe à la décision 27/CMP.J.

b) La communication ne désigne pas clairement et individuellement les Parties à l'égard desquelles elle entend soulever une question de mise en œuvre.

c) La communication n'est pas étayée par des iiformations complémen- taires sur la question de mise en œuvre qu'elle entend soulever et ne montre pas que cette question a trait à l'un quelconque des enga- gements précis pris en vertu du Protocole de Kyoto visés au para- graphe 5 ou 6 de la section Vil.

En conséquence, la chambre a décidé de ne pas engager de procédure. Celle décision de ne pas engager de procédure est prise sans préjudice du droit d'une Partie quelconque de soumettre une question de mise en œuvre concernant le même point par ['intermédiaire de ses représentants

dûment autorisés » JJ. -

Aucun des deux projets de décision n'a pu être adopté au sein de la chambre de la facilitation subséquemment à l'examen préliminaire.

Quatre membres ont voté pour la décision d'entrer en matière, quatre membres ont voté contre et deux membres se sont abstenus. Pour ce qui

32 Rapport annuel du Comité de contrôle du respect des djspositions à la Conférence des Parties agissant comme réunion des Parties au Protocole de Kyoto, op. cil., pp. 24-25.

33 Ibid., p. 25.

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est de la décision de ne pas engager de procédure, cinq membres ont voté pour, cinq membres ont voté contre et aucun·membre ne s'est abstenu.

La chambre de la facilitation n'a pu prendre alors de décision d'engager une procédure ou de ne pas engager de procédure. Elle s'est ainsi retrou- vée forclose du fait de son incapacité, conformément au paragraphe 3 de la section VITI de la procédure de non-respect, à achever l'examen préli- minaire dans les trois semaines qui suivent le renvoi par le Comité. En outre, la chambre de la facilitation se reconnaît implicitement incompé- tente à connaître de la question de mise en œuvre non du fait de l'absen- ce d'un des critères de l'examen préliminaire prévus à la Section VII de la Décision 27/CMP.l, mais du fait de l'impossibilité formelle à adopter une décision.

Une telle possibilité de blocage de la phase d'examen préli- minaire dénature un tant soit peu le caractère juridictionnel de la procé- dure de non-respect du Protocole. Au niveau des juridictions interna- tionales, des règles sont gén·éralement prévues pour permettre le délibéré en cas d'égalité des voix suite à un vote. L'article 55 du Statut de la Cour internationale de Justice prévoit par exemple que «les décisions de la Cour sont prises à la majorité des juges présents [et qu'} en cas de partage des voix, la voix du Président ou de ceilli qui le remplace est prépondérante ». La procédure de non-respect du Protocole de Kyoto ne contient pas de règles de ce genre et il serait important d'y remédier pour éviter que la compétence des chambres puisse être limitée par un simple vote formel. Il est à noter que l'absence totale de décision des chambres sur l'opportunité ou non d'entrer en matière sur une question de mise en œuvre pourrait s'apparenter à une sorte de déni de justice et remettre en cause la légitimité de la procédure.

Il - LA JURlSDICTIO (LE POUVOIR DE DIRE LE DROIT) DANS L'EXAMEN DE LA QUESTION DE MISE EN ŒUVRE PAR LES DEUX CHAMBRES

Le propre d'une juridiction internationale est de statuer en droit et sur la base du droit. La jurisdictio, entendue comme « pouvoir légiti- mement exercé de 'dire le droit' »" est un des attributs essentiels de la fonction juridictionnelle internationale. Elle présuppose deux éléments:

le principe jura novit curia 35 (le juge « sait» le droit) et le pouJoir du jus dicere (dire le droit) proprement dit. Ces deux éléments requièrent à leur tour que la composition de la chambre de la facilitation et de la chambre de l'exécution soit à même de garantir leur application. En d'autres

34 L. Condorelli, « Le Tribunal Pénal International pour J'Ex-Yougoslavie et sajurispru- dence }), Cursos Euromediterraneos. Bancaja de Derecho fnlernacional, Vol. l, 1997, p.260.

35 Sur ce principe, voir E. Suy, « Jura novil curÎa et le juge international », in Common Values in International Law. Bsays in Honour a/Christian TomuscJUJI. N. P. Engel Verlag, Kehl, 2006, pp. 635-653.

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86 LES CONTOURS DU MECANISME D'OBSERVANCE

tennes, pour savoir le droit (jura novit curial et dire le droit (jus dicere), encore faudrait-il que les personnes qui siègent dans les chambres du Comité de contrôle du respect des dispositions du Protocole aient une compétence avérée dans le domaine juridique.

Le droit n'est pas en reste dans la procédure de non-respect du Protocole de Kyoto, même s'il est couplé d'autres qualifications. Le paragraphe 6 de la Section Il de cette procédure prévoit que «les membres du Comité ont une compétence avérée dans le domaine des changements climatiques et dans des domaines pertinents tels que les domaines scientifique, technique, socioéconomique ou juridique ». Les juristes ne sont pas les parents pauvres de la procédure puisque le paragraphe 3 de la Section IV de la procédure insiste sur le fait que dans l'élection des membres de la chambre de la facilitation, la Conférence des Parties agissant comme réunion des Parties au Protocole doit s'efforcer d'assurer une «représentation équilibrée» des compétences dans les domaines susmentionnés. Qui plus est la composition de la chambre de l'exécution laisse même apparaître un avantage en faveur des juristes, puisque la procédure requiert spécifiquement de la Confé- rence des Parties agissant comme réunion des Parties au Protocole qu'en élisant les membres de la chambre de l'exécution, elle «s'assure que (ceux-ci) ont une expérience dans le domaine juridique» 3 ••

Est-ce à dire que la chambre de l'exécution statuera exclusi- vement en droit et que la chambre de la facilitation statuera en fait et en droit? Une telle lecture de la répartition des compétences entre les chambres ne peut se déduire directement de la lettre de la Décision 27/CMP.1. Une originalité de cette Décision tient dans la faculté reconnue à la chambre de l'exécution d'un renvoi préjudiciel d'une question de mise en œuvre à la chambre de la facilitation". L'article 23 du Règlement intérieur du Comité de contrôle du respect des dispo- sitions du Protocole de Kyoto dispose que « tout renvoi d'une question de mise en œuvre à la chambre de la facilitation en application du paragraphe 12 de la section IX a lieu à la suite d'une décision de la chambre de l'exécution qui expose la question de mise en œuvre et indique les informations sur la base desquelles la question est soulevée (. .. ] Une question de mise en œuvre renvoyée par la chambre de l'exécution à la chambre de la facilitation ne donne pas lieu à un examen préliminaire

»".

Une délimitation s'opère tout de même ici dans la mesure où en cas de renvoi par la chambre de l'exécution d'une question à la chambre de la facilitation, celle-ci ne peut pas procéder à un éxamen

36 Section V, paragraphe 3 de la Décision 27/CMP.l.

37 SectÎon IX, paragraphe 12 de la Décision 27/CMP.l : «S'il y a lieu, la chambre de l'exécution peut à tout moment renvoyer une question de mise en œuvre à la chambre de la/acilitalion, pour examen )).

38 Le Règlement intérieur du Comité de contrôle du respect des dispositions du Protocole de Kyoto a été adopté lors de la deuxième COP/MOP, Nairobi (Kenya), 6-17 novembre 2006.

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préliminaire. Autrement dit, l'examen préliminaire effectué par la cham- bre de l'exécution s'impose mutatis mutandis à la chambre de la facilitation en cas de renvoi préjudiciel.

La place du droit dans la procédure de non-respect du Protocole de Kyoto lui confère en grande partie un visage juridictionnel. La chambre de la facilitation et la chambre de l'exécution sont dotées du pouvoir de dire le droit (jus dicere) dans toutes les phases de la procé- dure de non-respect du Protocole de Kyoto. Ce pouvoir se déduit tout particulièrement de l'article 22 du Règlement intérieur du Comité de contrôle du respect des dispositions du Protocole de Kyoto qui prévoit qu'une décision préliminaire ou finale contient «les dispositions du Protocole de Kyoto et de la décision 27/CMP.I et d'aulres décisions pertinentes de la Conférence des Parties agissant comme réunion des Parties au Protocole de Kyoto qui constilUent la base de la décision préliminaire ou finale». La Décision 27/CMP.1 va même plus loin en conférant une dimension anticipative au jus dicere. La chambre de la facilitation a pour fonction, en effet, de signaler tout risque de non- respect des dispositions du Protocole et de donner des conseils pour en faciliter le respect continu.

L'article 22 du Règlement intérieur du Comité de contrôle du respect des dispositions du Protocole de Kyoto révèle également la faculté des chambres d'exploiter toute disposition juridique qui pourrait leur permettre de garantir et de contrôler le respect du Protocole de Kyoto. C'est le cas notamment des règles contenues dans les décisions pertinentes de la Conférence des Parties agissant comme réunion des Parties au Protocole de Kyoto. Les chambres ne sont donc pas tenues de se limiter aux règles invoquées par un État dans sa communication rela- tive à lme question de mise en œuvre. Si l'on considère que le principe jura novit curia signifie « f. . .j qu'un organe judiciaire international, f. .. ] est f. . .j censéf. . .j constater le droit international et f. . .j est donc tenu f. . .j de prendre en considération de sa propre initiative toutes les règles de droit international qui seraient pertinentes pour le règlement du différend f. . .j, car le droit ressortit au domaine de la connaissance judiciaire [. . .j »39, ce principe se trouve ainsi appliqué de manière origi-

nale dans le cadre de la procédure de non-respect du Protocole de Kyoto.

Le principe jura novit curia demeure toutefois d'application limitée car le mécanisme de contrôle du respect du Protocole de Kyoto offre l'image d'un régime spécifique de mise en œuvre. La Convention sur les changements climatiques, le Protocole et le droit dérivé de cet instrument, en l'occurrence la décision 27 /CMP.I et les aulres décisions de la Conférence des Parties agissant comme réunion des Parties au Pro- tocole de Kyoto constituent la lex specialis sur laquelle doivent se fonder les chambres dans l'examen d'une question de mise en œuvre. Néan-

39 Açtivités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique), arrêt du 27 juin 1986, CIJ Recueil 1986, para. 29.

(17)

88 LES CONTOURS DU MECANISME n'OBSERVANCE

moins, la procédure de non-respect n'opére pas en isolation clinique des règles coutumières d'interprétation du droit international public, ni d'autres règles du droit international qui pourraient trouver application si elles n'étaient pas exclues par la Convention sur les changements clima- tiques et le Protocole de Kyoto 40.

Section 2

LE MECANISME DE CONTROLE DU PROTOCOLE DE KYOTO A L'AUNE DES CRITERES

DE LA JURIDICTION INTERNATIONALE

Les critères de la juridiction internationale sont contenus dans la définition classique selon laquelle une juridiction internationale est « un organe qui met fin à un différend par une décision obligatoire (i.e.

"revêtue de l'autorité de la chose jugée'~ rendue en application du droit» 41. De celte définition se profilent en filigrane trois critères essen- tiels. Le premier critère est d'ordre organique et il a trait à la nature de l'organe chargé de l'examen des questions de mise en œuvre. Le deuxième critère est d'ordre formel et renvoie à la nature de la procédure d'examen des questions de mise en œuvre. Le troisième critère est d'ordre matériel et concerne la nature de la décision faisant suite à l'examen des questions de mise en œuvre.

40 Un tel constat peut être déduit par analogie de l'affaire Corée - Mesures.affectant les marchés publics, dans laquelle le Groupe special a reconnu que « l'article 3.2 du Mémorandum d'accord exige qu '[il cherche), dans le contexte d'un différeiui parti- culier, à clarifier les dispositions existantes des Accords de /'OMC conformément aux règles coutumières d'interprétation du droit international public. Cependant, le lien entre les Accords de l 'OMe et le droit international coutumier est plus large que cela.

Le droit international coutumier s'applique d'unefaçon générale aux relations écono- miques entre les Membres de ['OMe. Il s'applique dans la mesure où les Accords de ,'OjWC ne contiennent pas de clauses qui les excluent de son champ d'app~ication. En d'autres termes, dans la mesure ou il ny a pas de conf/it ni d'incompatibilité, ni d'expression dans un accord visé de l 'OMe donnant à entendre qu'il en va autrement, [. . .] les règles coutumières du droit international s'appliquent au traité de l'OMC et au processus d'élaboration des traités de rOMe ), Corée - Mesures affectant les marchés publics, rapport du Icr mai 2000, Doc. WT/DS/63/R. para. 7.%. Cette interprétation du Groupe spécial rejoint de près celle de Verzij! dans l'affaire Georges Pinson (France) v. United Mexican States (Recueil des Sentences arbitrales, vol. V, p_

422) et selon laquelle « toute corrvention internationale doit être réputée s'en référer tacitement au droit international commun, pour toutes les questions qu'elle ne résout pas elle-même en termes exprès et d'une façon différente ).

41 C. Santulli, op. cit., p. 61.

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