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D'un hospice à une commune

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Academic year: 2022

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D'UN HOSPICE A UNE COMMUNE

H O P I T A U X E T H O S P I C E S

On sait que l ' E u r o p e se couvrit au m o y e n âge, sous l ' i n s p i r a t i o n de la c h a r i t é c h r é t i e n n e , de t o u t u n réseau d ' h ô p i t a u x et d'hospices

— on ne distinguait p a s alors e n t r e les deux t e r m e s — destinés à recueillir et secourir les p a u v r e s , les voyageurs, les p è l e r i n s et les m a l a d e s *. C'est l ' h o n n e u r de l ' O r d r e de l ' H ô p i t a l Saint-Jean de J é r u - salem ( a p p e l é plus t a r d de R h o d e s , puis de Malte, du n o m des rési- dences successives de ses g r a n d s - m a î t r e s ) d'avoir créé ou a d m i n i s t r é , a u x X I Ie et X I I Ie siècles, e n v i r o n 760 c e n t r e s h o s p i t a l i e r s , de l ' E u r o p e à la P a l e s t i n e ( a u j o u r d ' h u i e n c o r e l ' O r d r e e n t r e t i e n t une c i n q u a n t a i n e d ' h ô p i t a u x et assure des soins à 40 000 l é p r e u x en A f r i q u e é q u a t o r i a l e ) .

« Le Valais, ainsi que les a u t r e s pays de l ' E u r o p e , se couvrit d'hospices é c h e l o n n é s sur les deux r o u t e s du S a i n t - B e r n a r d et du Simplon. A la fin d'une j o u r n é e de m a r c h e , les p è l e r i n s qui se ren- d a i e n t à R o m e , en P a l e s t i n e ou à Saint-Jacques de Compostelle en E s p a g n e , y t r o u v a i e n t un gîte assuré. Ces maisons h o s p i t a l i è r e s les accueillaient c h a r i t a b l e m e n t , les logeaient et leur fournissaient les m o y e n s de p o u r s u i v r e leur r o u t e 1. » Les h i s t o r i e n s valaisans T a m i n i et Délèze ont signalé p l u s de vingt é t a b l i s s e m e n t s de ce g e n r e e n t r e Villeneuve, le G r a n d - S a i n t - B e r n a r d et le Simplon 2.

L ' O r d r e de Saint-Jean de J é r u s a l e m avait une C o m m a n d e r i e à S a l q u e n e n 3, avec des maisons secondaires à Brigue et sur le col du S i m p l o n .

* D'amicales instances nous ont engagé à reproduire ici, à l'intention des lecteurs du Valais, ces pages parues en 1956 dans les Archives Héraldiques Suisses (Annuaire). Nous en profitons pour apporter quelques légères retouches à cet article.

1 Jean-Emile Tamini et Pierre Délèze : Nouvel essai de Vallesia christiana, Saint-Maurice, 1940, pp. 385-386.

2 Ibid., pp. 385-405.

3 Gregor Mathier : Beiträge zur Geschichte der Pfarrei Salgesch, dans Blätter aus der Walliser Geschichte, t. IV, Brigue, 1913, pp. 14-27.

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La Prévôté du Grand-Saint-Bernard, qui est elle-même un Hospice et un Ordre hospitalier, possédait en 1177 près de 80 dépendances échelonnées, d'une part, jusqu'à la Sicile, de l'autre, jusqu'à l'Angle- terre, et la répartition géographique de ces maisons montre bien que celles-ci étaient au service des voyageurs et pèlerins « qui, de l'Angle- terre, du bassin de la Seine, de la Rhénanie ou de la Bourgogne.

se dirigeaient vers le Sud, ou qui, de la Terre Sainte, du Sud de l'Italie, de Rome, de la Lombardie ou du Piémont, gagnaient le Nord en utilisant le col du Mont-Joux 4 » où saint Bernard avait fondé son Hospice au milieu du XIe siècle. Maxime Reymond a rappelé, de son côté, que l'Hospice bernardin avait également des maisons sur la grande route du Rhône, du Valais jusqu'à Marseille, et, pour ne parler que de la Suisse romande, il cite les maisons de cet Ordre à Martigny, Aigle, Roche, Noville, Vevey, Lausanne, Etoy, Saint-Loup près de Versoix, avec le prieuré de Bière sur la route du pied du Jura, puis, sur la route de Lausanne à Fribourg, les maisons de Mont- preveyres, Moudon d'une part, Semsales de l'autre, avec continuation sur Sâles, Avry, Farvagny, pour arriver enfin au bord de la Sarine 5.

DANS LE RAYONNEMENT DE COMPOSTELLE

L'Abbaye de Saint-Maurice ne resta pas étrangère à ce vaste mouvement d'hospitalité. A la porte méridionale de la cité, sur la route conduisant à Martigny, elle possédait — et possède encore — l'Hospice Saint-Jacques ; plus tard, elle reçut la charge de l'hôpital Notre-Dame à Villeneuve (1375) 6 et de l'hôpital Saint-Jacques à Plan-Conthey (1412) 7.

Avec le monastère-hospice existant à Bourg-Saint-Pierre à l'épo- que carolingienne, et qui fut peut-être déjà une filiale de l'Abbaye d'Agaune 8, l'Hospice Saint-Jacques à Saint-Maurice est probablement le plus ancien de la vallée du Rhône en amont du Léman. On sait par l'évêque de Lyon saint Eucher, dans la première moitié du Ve siècle, qu'un diversorium avait été aménagé près de la basilique d'Agaune, c'est-à-dire une hôtellerie-infirmerie pour abriter pèlerins et malades 9. Louis Blondel pense avoir retrouvé les fondations de

4 Lucien Quaglia : La Maison du Grand-Saint-Bernard des origines aux temps actuels, Aoste, 1955, p. 26.

5 Maxime Reymond : Les grands courants monastiques en pays romand au moyen âge, dans les Echos de Saint-Maurice, 1929, pp. 217-218.

6 Eugène Mottaz : Dictionnaire historique du Canton de Vaud, t. II, Lau- sanne, 1921, p. 788 ; Tamini et Délèze, o. c, p. 386.

7 Tamini et Délèze, o. c, pp. 396-397.

8 Quaglia, o. c, pp. XXI-XXIII.

9 Jean-Marie Theurillat : L'Abbaye de Saint-Maurice d'Agaune, dans Val- lesia, t. IX, Sion, 1954, p. 98.

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ce bâtiment au pied des rochers, dans l'enceinte de l'Abbaye 10. Or, le 19 mars 985, à Agaune même, le roi Conrad de Bourgogne cède à un certain Erembert et à son fils Azo un mas de terre à Haute- Nendaz sous réserve d'un cens annuel de 12 deniers en faveur de l'hôpital de Saint-Maurice (hospitale), auquel ce bien devra faire retour après la mort des deux bénéficiaires 11. L'acte ne dit pas s'il s'agit de l'Hospice Saint-Jacques ou d'une hôtellerie dans l'enceinte abbatiale, mais on pense généralement que c'est l'Hospice Saint- Jacques qui était visé ici et que celui-ci, d'ailleurs, n'était que la conti- nuation sur un autre emplacement de l'hôtellerie primitivement éta- blie à côté de la basilique.

Une bulle d'Alexandre III, en 1178, mentionne expressément l'Hospice Saint-Jacques parmi les dépendances de l'Abbaye. L'année précédente, le même pape a confirmé pareillement les dépendances de la Prévôté du Grand-Saint-Bernard, parmi lesquelles figure l'hospice de Noville, dédié lui aussi à saint Jacques. L'hospice de Plan-Conthey fondé en 1412, celui de Viège, institué aux environs de 1300, l'hospice du Simplon cité dès 1235, tous trois ont de même saint Jacques pour Patron, et il faudrait encore énumérer plusieurs églises et chapelles du diocèse de Sion placées sous le même patronage.

Eugène Gruber estime que le rayonnement atteint par le culte jaco- bite dans la région s'explique par le fait que le Valais, avec ses cols alpins, était l'une des principales voies de passage entre l'Europe du Nord-Ouest et le bassin méditerranéen, et que saint Jacques était devenu, par l'importance du pèlerinage de Compostelle où ses reliques furent vénérées depuis le IXe siècle, le protecteur principal des voyageurs et pèlerins 12.

D'après Emile Mâle, le savant historien de l'art religieux en France, dont l'étude sur les sources de l'iconographie médiévale fait autorité, c'est en 951 que l'on rencontre le premier pèlerin français connu se rendant à Compostelle, soit environ un siècle après les premières mentions de la présence des reliques de l'apôtre en ce lieu.

Au cours du XIe siècle, nombreux sont les pèlerins qui accourent de France, même de Bourgogne, où Cluny paraît soutenir l'élan et organiser le mouvement. Il est possible à l'historien de déterminer les routes suivies par les pèlerins et qui furent aussi les voies de dif- fusion du culte de saint Jacques. Bien des monuments ont disparu ;

« çà et là, pourtant, note Emile Mâle, apparaît un beau reste du passé », des hôpitaux ou hospices par exemple 13. Or, Tamini et

10 Louis Blondel : Les anciennes basiliques d'Agaune, dans Vallesia, t. III, Sion, 1948, pp. 19-20 et fig. 2, lettre B.

11 Jean Gremaud : Documents relatifs à l'histoire du Vallais, t. I, Lausanne, 1875, pp. 47-48.

12 Eugen Gruber : Die Stiftungsheiligen der Diözese Sitten im Mittelalter, Fribourg, 1932, pp. 104-107.

13 Emile Mâle : L'art religieux du XIIe siècle en France, étude sur les origines de l'iconographie du moyen âge, Paris, 1922, pp. 291-293.

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Délèze assurent que « des pèlerins de chez nous », selon le témoignage des archives, participèrent aussi à ces lointains pèlerinages de Rome, de la Palestine et de Compostelle 14.

L'histoire de l'Hospice Saint-Jacques à Saint-Maurice n'a pas été faite jusqu'à présent 15. Notons simplement que son administration appartient à l'Abbaye de Saint-Maurice qui en nomme le recteur. Si le rôle de l'institution a diminué depuis le moyen âge, aujourd'hui encore pauvres et passants y trouvent pitance et abri pour la nuit, ce que l'on appelle « la passade ». L'Hospice possédait divers biens, non seulement à Saint-Maurice, mais dans la région de Massongex- Daviaz et surtout à Dorénaz 16.

BOURDONS ET COQUILLES

Le feu qui détruisit la plus grande partie de la ville de Saint- Maurice le 23 février 1693, attisé par un vent violent qui soufflait du Sud au Nord, épargna heureusement l'Hospice situé au Sud de la ville 17. On doit à cette circonstance la conservation d'une toile repré- sentant le Calvaire ; au pied de la croix, un chanoine revêtu du camail rouge est agenouillé, avec, près de lui, un écu ovale dans une cartou- che muni des initiales C L. Tamini et Délèze citent deux chanoines Claude Laurat (Lauratti Laurati), oncle et neveu, qui auraient été recteurs de l'Hospice, l'un avant 1618, l'autre en 1650 18. A vrai dire, le premier seul est dûment attesté 19 : propablement originaire de Fleyrier en Faucigny 20, il fut curé de Salvan (1596), puis recteur

14 Tamini et Délèze, o. c, p. 390.

15 Les Annales valaisannes, 1re série, 1922, p. 26, avaient annoncé une étude sur cet Hospice, mais celle-ci n'a jamais paru.

16 Tamini et Délèze, o. c, pp. 389-390.

17 Jules-Bernard Bertrand : L'incendie de Saint-Maurice du 23 février 1693, dans les Annales valaisannes, 20 série, 1933, p. 127.

18 Tamini et Délèze, o. c, pp. 175 et 465.

19 Le second, dont l'unique mention est l'indication de son rectorat à Saint- Jacques en 1650 donnée par Tamini et Délèze, ne se trouve pas dans le Réper- toire des chanoines de Saint-Maurice établi par l'Abbé Louis-Nicolas Charléty en 1728, ni dans les copies de ce répertoire revisées par les chanoines François- Marie Boccard (1808-1865) et Pierre Bourban (1854-1920) (manuscrits aux archi- ves abbatiales de Saint-Maurice).

20 Une famille de ce nom existe à Fleyrier, qui ne donne pas moins de six ecclésiastiques entre 1554 et 1655 (Charles-M. Rebord et Alexandre Gavard : Dictionnaire du Clergé séculier et régulier du Diocèse de Genève-Annecy dès 1535 à nos jours, t. II, Annecy, 1921, pp. 473-474). Toutefois, notre personnage ne figure pas dans cet ouvrage, ni dans son Supplément par François Pochat- Baron, Annecy, 1936.

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de Saint-Jacques (1603-1618), charge à laquelle il ajouta, dès 1606, celle de curé de Sainte-Marie Sous-le-Bourg ; Claude Laurat mourut le 20 février 1618 21.

C'est lui sans doute qui est représenté sur la peinture du Calvaire. Quant au blason qui l'accompagne, il se rapporte non pas au chanoine-recteur, mais à l'Hospice lui-même : c'est, en effet, un écu d'azur à deux bourdons de pèlerin probablement d'or, croisés en sautoir, accompagnés d'une étoile à six rais en chef et d'une étoile coupée en pointe, l'une et l'autre d'un or plus clair ou d'argent 22. (Fig. 1.)

En raison du pèlerinage de Compos- telle, saint Jacques a pour attributs soit un bourdon de pèlerin, soit une coquille 23.

Le blason de l'Hospice agaunois porte donc deux bourdons croisés ; on sait qu'un

« meuble » héraldique garde la même signification, qu'il se présente une ou plusieurs fois. Les bourdons sont ici accompagnés d'une étoile entière en chef et d'une demi-étoile en pointe. Cette dernière figure paraît insolite et l'on peut se demander si le peintre a peut-être représenté là de façon maladroite une coquille qu'il ne comprenait pas...

C'est à Compostelle que saint Jacques fut représenté pour la première fois tenant un bâton à la main ; ainsi se montre-t-il sur le trumeau d'un portail de la célèbre basilique, sculpté en 1183. Le bourdon de pèlerin entra tellement dans l'iconographie jacobite qu'un Fig. 1. Cartouche peint aux

armes de l'Hospice St-Jacques sous le rectorat de Claude Laurat, début du XVIIe siècle

21 Tamini et Délèze, o. c, pp. 175, 187, 189, 465 ; Pierre Bioley : L'église de Notre-Dame Sous-le-Bourg à Saint-Maurice, dans les Annales valaisannes, 1re série, 1917, p. 133 ; Chronique de Gaspard Bérody († 1646), éditée par Pierre Bourban, Fribourg, 1894, p. 36 ; Répertoire des chanoines par Charléty, Boccard et Bourban (cf. supra, note 19). L'église de Notre-Dame Sous-le-Bourg était, avant la Réforme, l'église paroissiale des Laveysans qui franchissaient le Rhône, pour s'y rendre, sur un pont disparu ; après la Réforme, elle ne fut plus qu'une chapelle de la ville de Saint-Maurice. Sur ce sanctuaire et ses diverses construc- tions au cours des âges, cf. encore Louis Blondel : La chapelle Notre-Dame Sous- le Bourg à Saint-Maurice, dans Vallesia, t. VIII, Sion, 1953, pp. 5-18.

22 II n'est pas très facile de préciser la couleur exacte de ces « meubles » héraldiques, car le peintre a représenté les bourdons bronzés ou bruns (au naturel ?) et les étoiles jaune pâle... Nous tenons à remercier M. le chanoine Léo Müller qui a bien voulu prendre à notre intention la photographie de ces armoiries que nous reproduisons ici.

23 Xavier Barbier de Montault : Traité d'iconographie chrétienne, t. II, Paris, 1890, p. 274 ; Emile Gevaert : L'Héraldique, son esprit, son langage et ses applications, Bruxelles et Paris, 1923, p. 74 ; Gruber, o. c, p. 104 ; Donald Lindsay Galbreath : Manuel du Blason, Lausanne, 1942, p. 130.

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vitrail ( a u j o u r d ' h u i d é t r u i t ) de C h a r t r e s r e p r é s e n t a i t l ' a p ô t r e r e c e v a n t le b o u r d o n des m a i n s m ê m e s du Christ. C'est le b â t o n du p è l e r i n , tel q u ' e n faisaient b é n i r jadis, au m o n a s t è r e de la G r a n d e - S a u v e , en G u y e n n e , les p è l e r i n s de c e t t e région p a r t a n t p o u r C o m p o s t e l l e . Ainsi le b o u r d o n était-il d e v e n u l'un des a t t r i b u t s du saint 24.

Mais l ' e m b l è m e p r i n c i p a l fut la coquille. E c o u t o n s Emile Mâle :

« Q u a n d les p è l e r i n s avaient p r i é au t o m b e a u de l ' a p ô t r e , s'ils s o r t a i e n t de la basilique p a r la p o r t e du N o r d , q u ' o n a p p e l a i t la P o r t e de F r a n c e , ils se t r o u v a i e n t dans u n vaste p a r v i s . Là, p r è s d'une magnifique fon- t a i n e qui passait p o u r la plus belle du m o n d e c h r é t i e n , des m a r c h a n d s é t a l a i e n t des c o u r r o i e s , des p a n e t i è r e s , de p e t i t s barils de vin, des p l a n t e s médicinales. Mais ce que les v o y a g e u r s a c h e t a i e n t de préfé- r e n c e , c ' é t a i e n t les belles coquilles, r é g u l i è r e s comme des œ u v r e s d ' a r t , q u ' o n recueillait sur les plages de la Calice. Elles furent, dès le X I Ie siècle, la m a r q u e distinctive du p è l e r i n de Saint-Jacques. Au r e t o u r , il les a t t a c h a i t f i è r e m e n t à sa p a n e t i è r e , et cet e m b l è m e sacré le r e n d a i t inviolable. Qui eût osé p o r t e r la m a i n sur le p è l e r i n de Saint-Jacques ? 25 » O u t r e l e u r p a n e t i è r e , les p è l e r i n s de Compostelle a r b o r a i e n t e n c o r e des coquilles sur l e u r c h a p e a u et sur leur é p a u l e : la coquille devint ainsi le p r i n c i p a l symbole du p è l e r i n a g e de Compos- telle, puis de saint J a c q u e s lui-même, enfin de t o u t p è l e r i n a g e 26.

« Dans les p r e m i è r e s années du X I I Ie siècle, dit e n c o r e Emile Mâle 27, le p a n e t i è r e t i m b r é e de la coquille était d e v e n u e comme le blason du p è l e r i n de S a i n t - J a c q u e s . C'est alors que saint J a c q u e s lui-même en fut r e v ê t u , et, chose bien digne de r e m a r q u e , c'est sur u n e des r o u t e s de Compostelle que nous le r e n c o n t r o n s p o u r la p r e - m i è r e fois avec cet a t t r i b u t . » U n e s c u l p t u r e du d é b u t du X I I Ie siècle, q u i d é c o r a i t autrefois l'un des p o r t a i l s de l ' a n c i e n n e église de Mimi- zan, dans les L a n d e s , r e p r é s e n t e saint J a c q u e s le M a j e u r avec la p a n e t i è r e o r n é e de la coquille. « N'est-il p a s i n t é r e s s a n t , fait r e m a r - q u e r à ce p r o p o s Emile Mâle, de r e n c o n t r e r sur la r o u t e des p è l e r i n s ce saint J a c q u e s p a r e i l a u x p è l e r i n s eux-mêmes ? A p a r t i r de ce m o m e n t , la coquille ne d i s p a r a î t r a p l u s de la p a n e t i è r e ou de la t u n i q u e de l ' a p ô t r e : elle d e v i e n d r a son a t t r i b u t o r d i n a i r e . » C'est

24 Mâle, o. c , pp. 295-296.

25 Ibid., pp. 294-295.

28 Si l'utilité du bourdon est claire comme appui du voyageur, celle de la coquille est moins évidente : elle devait cependant servir de récipient pour boire

— d'abord à la belle fontaine de Compostelle — et pouvait tenir lieu d'écuelle ou de gamelle. H.-R. Philippeau note, en effet, que « la coquille qui peut servir pour boire, fit partie du bagage de pèlerin » avec le bâton ou bourdon et la gourde, bien que celle-ci apparaisse plus tardivement et plus rarement. La coquille, d'abord en usage à Compostelle, se communiqua ensuite aux pèlerinages de Rome et de Jérusalem, de sorte qu'elle devint le signe même des pèlerins.

C'est ainsi que ceux qui avaient accompli ces grands pèlerinages l'introduisirent dans leurs blasons. Philippeau : art. Coquille, dans Catholicisme hier, aujour- d'hui, demain, t. III, Paris, 1952, col. 174.

27 Mâle, o. c , pp. 294-295.

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ainsi qu'un vitrail justement admiré de la cathédrale de Chartres, vitrail du XIII

e

siècle précisément, revêt saint Jacques d'une grande étoffe bleue toute constellée d'innombrables coquilles jaunes.

L'HOSPICE AGAUNOIS DE SAINT-JACQUES

Quant à l'Hospice Saint-Jacques, à l'entrée méridionale de la petite ville de Saint-Maurice d'Agaune, nous en trouvons la plus ancienne image dans le célèbre ouvrage du Bâlois Mathieu Merian :

Topographia Helvetiae, Rhaetiae et Valesiae, paru en 1642. (Fig. 2.)

Fig. 2 . La plus ancienne vue de l'Hospice Saint-Jacques dans le plan de la ville de Saint-Maurice par Mathieu Merian

1642

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Cet auteur donne la première vue connue de « S. Maûrise in Wallis » ; on y voit sur la gauche « l'Hospital » (lettre D), en dehors des rem- parts, non loin de « La Suste » aux marchandises (lettres K), sur la route conduisant à Martigny et, au delà, au Grand-Saint-Bernard ou au Simplon. Cette vue de 1642 nous montre le domaine de l'Hôpital, bien arborisé, descendant jusqu'au Rhône (non encore endigué), et clos partiellement, le long de la route, par une palissade : le principal bâtiment, perpendiculaire au fleuve, est surmonté d'une flèche ; un édifice secondaire est indiqué dans un angle du domaine. Quoique l'incendie de 1693 ne l'ait pas touché, l'Hôpital ou Hospice fut reconstruit en 1695, sous le rectorat du chanoine François-Bernard Pittet, de Fribourg ; en 1726, le chanoine Jean-Nicolas Riche, de Liddes, recteur de l'Hospice, édifia la chapelle actuelle, ainsi que l'indique une inscription gravée sur le cintre de son portail. Monsei- gneur Jean-Joseph Claret fit encore divers travaux en 1737, année où il passa du rectorat de Saint-Jacques à la dignité abbatiale de Saint-Maurice

28

.

Les archives de l'Abbaye conservent 29 un cartulaire de l'Hospice Saint-Jacques. Le premier acte qu'il rapporte est la bulle d'Alexan- dre III de 1178, où se trouve la première mention certaine de cet Hospice, parmi les dépendances de l'Abbaye mauricienne ; tous les actes copiés dans le cartulaire, jusqu'à une sentence du grand-bailli de la République valaisanne Etienne Kalbermatter, du 16 juillet 1663, sont écrits d'une même main. Mais la pièce suivante, datée du 8 janvier 1664, est transcrite par un autre copiste ; divers actes suivent encore, écrits par plusieurs mains, jusqu'à une déclaration de la Nonciature de Lucerne du 26 août 1695. Ce cartulaire débute par une belle composition héraldique en pleine page, qui, étant en tête du volume, doit avoir été placée là par le premier compilateur du recueil ; elle peut donc dater, semble-t-il, de 1663 ou peu auparavant.

Inscrit dans un cartouche de 178 mm. sur 140 mm., l'écu, ovale, est coupé : dans sa partie supérieure figure la croix tréflée des armes abbatiales ; la partie inférieure, propre à l'Hospice, porte comme précédemment les deux bourdons passés en sautoir, accompagnés maintenant, non plus d'étoiles plus ou moins fantaisistes, mais de quatre coquilles nettement dessinées. (Fig. 3.) L'auteur de cette planche n'a pas indiqué de couleurs, mais il est possible de suppléer à son silence en se rappelant les couleurs des armoiries abbatiales et celles du tableau de Claude Laurat, soit donc : coupé, de gueules à la

croix tréflée d'argent, et d'azur à deux bourdons d'or passés en sautoir et cantonnés de quatre coquilles d'or (ou d'argent ?).

28 Tamini et Délèze, o. c, pp. 174 et 390.

29 Tiroir 83.

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Fig. 3. Les armes complètes de l'Hospice Saint-Jacques dans un cartulaire d'environ 1 6 6 3

(Archives de l'Abbaye de Saint-Maurice)

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D O R E N A Z , S E I G N E U R I E D E L ' H O S P I C E J A C O B I T E

Dès 1302, les c h a n o i n e s - r e c t e u r s de l'Hospice Saint-Jacques j o u i - r e n t de d r o i t s s e i g n e u r i a u x sur D o r é n a z , en v e r t u d'un legs d ' H u g u e s W i c h a r d ( W i c h a r d i , W y c h a r d i ) , c h a n o i n e de T r o y e s en C h a m p a g n e ,

d o n t la famille, bourgeoise de Saint-Maurice, d é t e n a i t a u p a r a v a n t c e t t e p e t i t e seigneurie. De- venus seigneurs de D o r é n a z , les r e c t e u r s de Saint-Jacques faisaient a d m i n i s t r e r ce t e r r i t o i r e p a r un c h â t e l a i n agissant en leur n o m 30. O u t r e les droits afférents à l'Hospice j a c o b i t e , l'Ab- baye de Saint-Maurice p o s s é d a i t e n c o r e d ' a u t r e s droits sur le t e r r i t o i r e c o m m u n a l actuel de D o r é n a z , n o t a m m e n t au Rosel, h a m e a u d i s p a r u a u j o u r d ' h u i , qui c o n s t i t u a i t u n fief du c h a n o i - ne-sacriste.

Fig. 4. Armoiries de la Commune de Dorénaz

adoptées en 1934

Collonges, D o r é n a z et Alesses f o r m a i e n t en 1798 trois p e t i t e s C o m m u n e s distinctes sur la rive d r o i t e du R h ô n e . E n 1802, il n'y a plus q u ' u n e C o m m u n e a y a n t englobé les trois t e r r i t o i r e s . Mais en 1816, Collonges et D o r é n a z se s é p a r e n t à n o u v e a u , t a n d i s qu'Alesses, p e t i t village sur la m o n t a g n e , r e s t e d é f i n i t i v e m e n t u n i à D o r é n a z 31.

Le 30 j u i n 1934, le Conseil de la C o m m u n e de D o r é n a z a a d o p t é officiellement des a r m o i r i e s c o m m u n a l e s qui se b l a s o n n e n t ainsi : écartelé en sautoir : au I d'argent à la croix tréflée de gueules, aux II et III de gueules au marteau d'argent, au IV d'argent à la coquille de gueules 32. (Fig. 4.) C o m m e il a p p a r a î t t o u t de suite, la croix et la coquille p r o v i e n n e n t des a r m e s q u ' o n vient de r e n c o n t r e r sur le car- t u l a i r e de l ' H o s p i c e Saint-Jacques : il é t a i t n o r m a l , en effet, que la C o m m u n e actuelle conserve ainsi le s o u v e n i r des liens séculaires q u i l'unissaient à l ' A b b a y e m a u r i c i e n n e et à l ' H o s p i c e jacobite 33. Si les b o u r d o n s ont d i s p a r u , leur disposition m ê m e survit en q u e l q u e

30 Barthélemy Rameau : Le Vallais historique, châteaux et seigneuries, Sion, 1885, p. 19 ; Tamini, dans le Dictionnaire historique et biographique de la Suisse, t. II, Neuchâtel, 1924, p. 698.

31 Armorial valaisan, Zurich et Sion, 1946, pp. 65 et 80.

32 Léon Dupont Lachenal : Glanes sur Dorénaz et Collonges, dans les Annales valaisannes, 2e série, 1936, pp. 117-122, et Les Armoiries communales du District de Saint-Maurice, ibid., 1938, p. 464 ; Armorial valaisan, p. 80 et pl. 35 ; Armorial de la Suisse publié par la Société du Cagé Hag, Feldmeilen- Zurich, 18e fascicule, n° 1535.

33 La Commune genevoise de Vandœuvres a adopté de même une coquille d'or dans ses armes (c'en est même l'unique « meuble » héraldique) afin de rappeler saint Jacques, patron de l'ancienne paroisse du lieu avant la Réforme.

Cf. Auguste de Montfalcon et Fréd, de Siebenthal : Armorial des Communes genevoises, Genève, 1925, p. 16 et pl. 12. Dans le Canton de Fribourg, la Com- mune de Noréaz (district de la Sarine) a brisé les armes des sires de Prez-vers-

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manière dans l ' é c a r t e l u r e en sautoir du blason c o m m u n a l . Q u a n t au m a r t e a u qui figure a u x q u a r t i e r s I I et I I I , il r a p p e l l e que le t e r r i t o i r e d'Alesses, a u j o u r d ' h u i inclus dans la C o m m u n e de D o r é n a z , faisait p a r t i e a v a n t 1431 de la c h â t e l l e n i e de M a r t i g n y , d o n t le duc de Savoie A m é d é e V I I I le sépara alors p o u r le r a t t a c h e r à la c h â t e l l e n i e de Saint-Maurice ; M a r t i g n y eut, en effet, p o u r e m b l è m e p r i m i t i f u n m a r t e a u , qui figure seul sur u n sceau de 1269, puis p o r t é p a r u n lion a p r è s le milieu du XVe siècle 34, mais alors la c h â t e l l e n i e de M a r t i g n y avait déjà p e r d u Alesses.

Fig. 5. Les armoiries actuelles de la Commune de Dorénaz.

En-tête du papier officiel de la Commune

Les d o c u m e n t s que nous avons e x a m i n é s nous p e r m e t t e n t donc de suivre u n e i n t é r e s s a n t e é v o l u t i o n h é r a l d i q u e :

a) d ' a b o r d u n écu d ' a z u r chargé de d e u x b o u r d o n s et d'étoiles, q u i constitue le blason p r i m i t i f de l'Hospice Saint-Jacques extra muros de la ville de Saint-Maurice ;

b) les étoiles sont r e m p l a c é e s , avec raison, p a r des coquilles, et l'écu est c o u p é afin de m e t t r e dans la p a r t i e s u p é r i e u r e , c o m m e a r m e s de p a t r o n a g e , la croix tréflée d ' a r g e n t sur c h a m p de gueules des a r m e s de l'Abbaye de Saint-Maurice, à laquelle a p p a r t i e n t l'Hospice jacobite ;

c) la C o m m u n e de D o r é n a z , d o n t le t e r r i t o i r e f o r m a i t jadis les fiefs soit du chanoine-sacriste de l'Abbaye, soit du c h a n o i n e - r e c t e u r de l'Hospice Saint-Jacques, a conservé la croix m a u r i c i e n n e et la coquille j a c o b i t e , en leur associant le m a r t e a u q u i doit symboliser le t e r r i t o i r e d'Alesses i n c o r p o r é à la C o m m u n e actuelle. Q u a n t aux cou- leurs, ce sont celles de l'Abbaye : gueules et a r g e n t 35.

L ' é t u d e de ces v a r i a t i o n s successives d'un blason est i n t é r e s s a n t e à p l u s d ' u n t i t r e ; elle m o n t r e , e n t r e a u t r e s , les r a p p o r t s é t r o i t s de l'iconographie et de l ' h é r a l d i q u e , c o m m e aussi la c o m p é n é t r a t i o n de l ' h é r a l d i q u e religieuse et de l ' h é r a l d i q u e civile.

Léon DUPONT LACHENAL Noréaz (Prez et Noréaz ne forment qu'une seule paroisse) de trois coquilles d'argent en honneur de saint Jacques, patron de la chapelle érigée à Noréaz en 1635. Cf. Hubert de Vevey : Armorial des Communes et des Districts du Canton de Fribourg, Zurich et Fribourg, 1943, p. 25.

34 Armorial valaisan, pp. 90 et 162-163.

35 Par la suite, la Commune a interverti les couleurs, probablement dans l'intention de rétablir la croix tréflée dans son émail original en évitant ainsi de la confondre avec la « Croix-Rouge », et aussi parce que la coquille d'argent paraissait plus naturelle qu'une coquille de gueules. Ceci d'après l'en-tête du papier officiel de la Commune en usage actuellement. (Fig. 5.)

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