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Réflexion sur la formation des professeurs des écoles.

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Joël Briand Maître de Conférences Directeur d’Etude à l’IUFM d’Aquitaine.

« E BON SENS, PRES DE CHEZ NOUS » SUFFIT-IL ?

otre collègue Jean Pierre Le Goff a récemment écrit un article dans cette revue. Il effleure un certain nombre de questions concernant l’absence d’uniformité des formations, la place, la nature, les conditions d’élaboration du sujet de concours de professeur des Ecoles.

Je ne partage pas, sur plusieurs points son analyse. Je voudrais montrer en quoi les apparents arguments de bon sens, la dénonciation « tous azimuts », peuvent produire les effets contraires à ceux attendus. Je souhaite que cette réponse soit perçue comme un moyen de faire avancer la réflexion des formateurs de professeurs des écoles en IUFM plutôt que comme une polémique vaine, même si pour cela, il faut poser quelques banderilles...

LE RECRUTEMENT ACADEMIQUE :

Notre collègue pointe le fait que pour recruter les « maîtres de l’école de la nation ». les sujets de concours sont académiques. Il ajoute : « Est-ce à dire que notre République aurait éclaté en provinces unies ? ».

Passé cet effet de manche, il serait bon de se rappeler que les Ecoles normales, dont on ne peut nier l’origine républicaine, avaient leur concours de recrutement départemental. Avant les années 70, elles délivraient un diplôme : le baccalauréat.

Après le bac, en « quatrième année », le

« normalien » effectuait sa formation professionnelle. La qualité du recrutement et de l’encadrement faisait que tous les normaliens, à de très rares exceptions près,

avaient leur bac1. Alors revenons aux IUFM. Ceux-ci n’ont pas tout à fait les mêmes plans de formation2 en vue de la préparation au concours et les sujets de concours sont académiques. Est-ce pour cela qu’il faut s’indigner ? Pensez-vous qu’il faille légiférer là dessus ? Je ne suis pas sûr qu’à terme, la qualité de la formation passe par un concours national.

Je suis, comme vous, attaché à l’idée de l’enseignant employé de l’état, et de récents rapports nous incitent à une grande vigilance là dessus. Mais en exigeant dès maintenant un concours national, vous savez ce que vous abandonnez, vous ne savez pas ce que vous trouverez. Exiger rapidement une harmonisation parfaite des contenus et un concours national aurait pour conséquence de tuer dans l’œuf un ensemble de réflexions qui s’élaborent actuellement (y compris au ministère) et qui vont dans le sens d’une explicitation de ce que doivent être les mathématiques disponibles pour le futur professeur des Ecoles.

Je préfère les débats actuels, qui se prolongent au travers des comparaisons de sujets, même si les différences d’approches semble vraiment vous gêner. J’ai un peu d’expérience en formation et je puis affirmer que la réflexion actuelle des étudiants qui préparent le concours est d’excellente qualité.

Et puis, bien que la comparaison ne soit pas très bonne, pensez vous que la licence de mathématiques (nécessaire pour

1 Ce qui permettait à un normalien non admis instituteur de quitter l’institution école normale avec un diplôme en poche. J’y reviens dans la suite de l’article.

2 Notons quand même que le Ministère donne sont aval sur chacun des plans de formation

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présenter le CAPES) soit la même à l’université de Bordeaux et à celle de Marseille (je n’ai rien contre l’université de Marseille). Cette comparaison n’est pas très bonne en effet parce la licence ou la maîtrise ne sont pas des concours de recrutement de la fonction publique. Ce qui nous amène à poser un autre problème :

LES IUFM : SERGENTS RECRUTEURS D’ENSEIGNANTS :

L’existence des IUFM, leur raison d’être est la « formation des maîtres ». Leur vocation est donc de préparer des jeunes gens, et des jeunes filles à un concours de la fonction publique. A la différence d’UFR, ils ne délivrent pas de diplôme universitaire. (Ils ne délivrent même pas d’attestation de présence à une année de formation). C’est, de mon point de vue une faiblesse. Concernant les candidats au professorat des Ecoles, la certification vu du côté de l’IUFM et l’accès à la profession d’enseignant (ou avoisinante) ne sont donc pas actuellement dissociées.

Je pense que c’est de cette analyse objective qu’il conviendrait de partir pour dépasser la polémique facile de l’inégalité des formations. Plusieurs hypothèses de travail sont possibles : que l’IUFM se dote de diplômes propres ou prépare à des diplômes déjà existants, que les liens avec la pré-professionnalisation soient revus, permettraient de maintenir des approches quelquefois différentes, comme cela se passe à l’université. Un concours de la fonction publique qui ne pourrait être passé qu’à la condition d’avoir le diplôme de l’IUFM viendrait se situer comme l’actuel CAPES. De mon point de vue, un IUFM devrait avoir, à terme, pour vocation de permettre l’obtention de licences des métiers de la formation ou les didactiques des disciplines auraient leur place.

Beaucoup d’institutions sont actuellement réticentes, à commencer par les secteurs disciplinaires des universités. Mais il faudra bien qu’un jour tous les

mathématiciens décident de considérer que la formation des professeurs des écoles à l’enseignement des mathématiques les concerne.

QUELLES MATHEMATIQUES POUR

LE FUTUR PROFESSEUR DES

ECOLES ?

Dans la partie 2 « vers des programmes de service minimal », vous souriez du conseil donné par un syndicat (j’ignore lequel) :

« avoir une leçon d’avance » et vous fustigez en même temps les formateurs qui continuent à enseigner des mathématiques au-delà de la scolarité obligatoire : je suis tout à fait d’accord avec vous sur ces deux réactions. Il faut donc approfondir le débat :

Les mathématiques nécessaires au futur professeur des écoles ne sauraient se réduire aux mathématiques de l’école primaire. Je suis étonné que vous paraissiez convaincu du contraire : moins il y a de distance entre le savoir dont dispose l’enseignant et le savoir qu’il doit enseigner, plus l’enseignement sera, par la force des choses, contraint à une attitude dogmatique. Vous qui prônez les valeurs de la république, donnez vous (nous) de bons arguments, sinon vous ferez le lit de ceux qui ne partagent ces valeurs que mollement : ne serait-il pas plus profitable de s’interroger (comme le font heureusement nombre de nos collègues) sur « quelles mathématiques pour le futur enseignant de mathématiques ?». Pour répondre à cette question, il ne suffit pas d’aller explorer les ouvrages de mathématiques : la réflexion est autre : D’une part, il faut savoir manier des outils mathématiques qui nous sont mis en évidence chaque jour (presse écrite, parlée, télévisée) : par exemple, être capable de comprendre si un sondage est significatif, ce que représente un graphique qui tantôt rendra compte d’un phénomène en prenant une évolution de prix, tantôt en prenant le taux d’évolution de ces prix. Pour cela, il

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faut des savoirs quelquefois assez savants, un rapport personnel au savoir mathématique non conflictuel, une curiosité personnelle, une vigilance. En tant que parent, j’attends que le « maître à penser », comme vous l’écrivez, de mes enfants ait du « répondant » par rapport à tout cet environnement.

D’autre part, pour comprendre les phénomènes d’enseignement, des mathématiques non enseignées telles quelles à l’école et au collège sont indispensables.

Pour vous en convaincre, il faut prendre des exemples précis : tant pis si c’est un peu long :

Un professeur en CM1 fait travailler les élèves sur le « jeu des explorateurs ». Il s’agit, par un jeu de questions réponses, de découvrir, par encadrement de plus en plus

« serrés » un nombre décimal choisi à l’avance.

Nous avions, avec un collègue professeur des Ecoles, voulu faire une vidéo de cette séquence en vue de formation continue. La séquence enregistrée montre des élèves posant une suite de questions du style : « le nombre décimal est-il pair ?», « la partie entière est-elle comprise entre 2 et 3 ?» ,

« la partie décimale est-elle comprise entre 0,4 et 0,10 ? ». Au bout d’un moment, le professeur arrête en disant « ça ne va pas ».

La séquence est interrompue. Une autre séquence est construite et filmée.

Lorsque je passe cette bande vidéo aux étudiants, je demande pourquoi le professeur décide d’arrêter la première séquence, et régulièrement, j’ai des réponses qui font appel à la pédagogie générale : « les élèves ne s’écoutent pas entre eux », etc.

Or ici, le professeur a décidé d’arrêter parce qu’il s’est rendu compte que les élèves concevaient le décimal comme un couple d’entiers, que cette conception pouvaient permettre de réussir au jeu du moment, mais qu’elle allait à terme à l’encontre de la construction du concept de décimal.

ETRE PROFESSIONNEL :

Quels savoirs a-t-il fallu à ce professeur pour prendre cette (sage) décision ? Cherchez ce savoir dans les programmes de l’école primaire et même plus tard en mathématiques, cherchez ce savoir en psychologie, vous aurez du mal...

Ce professeur sait ce que signifie un décimal en tant qu’objet mathématique, il sait que des élèves peuvent avoir plusieurs conceptions du décimal, il connaît les principales conceptions, il sait ce qu’est un obstacle (au sens cognitif du terme), il mesure les risques encourus à court et moyen terme relativement à la construction des décimaux (voir évaluation nationales et l’ordre dans D).

J’imagine déjà votre réponse : « c’est le mouton à cinq pattes ». Eh non, il dispose de savoirs propres à son métier, qui en font un professionnel à part entière. Et c’est ce professionnel que nous souhaitons voir exercer dans les écoles. Les contenus de formation sont donc des enjeux importants pour que des professeurs soient des professionnels.

L’ORGANISATION DES SUJETS DE CONCOURS : PROFESSEURS JUGES ET/OU PARTIES :

Vous avez la bonté de nous rappeler une

« évidence » : « le programme et les sujets d’un tel concours, pour chacune des disciplines, doivent être élaborés par des fonctionnaires du service public, eux- mêmes compétents dans la discipline concernée, et seuls en mesure de définir... » Vous vous gardez bien de définir la discipline concernée (ce qui rejoins ce que je développais plus haut) : or les textes officiels relatifs au concours parlent de mathématiques et de didactique des mathématiques. Alors continuez-vous à identifiez la discipline aux mathématiques du primaire, du secondaire, du supérieur ? Nous avons vu en quoi cette attitude datait.

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Nous en voyons les effets : tel recteur qui, sous prétexte d’ouverture, fait appel à des personnels du second degré pour construire un sujet de concours3. Le risque est grand de rabattre la réflexion sur l’enseignement des mathématiques à une juxtaposition de savoirs (exercices du secondaire) et de dissertations où s’étalerait le « bon sens » pédagogique.

Bon nombre de nos collègues formateurs en IUFM ont participé à des recherches INRP ou ont acquis des DEA, des thèses en didactique des mathématiques. J’ose espérer que c’est à eux que vous pensez lorsque vous parlez de personnels

« compétents dans la discipline concernée ».

Enfin, puisque vous pensez que les professeurs des IUFM qui proposent des sujets de concours « seraient à la fois les conseilleurs et les payeurs», ce qui n’engage que vous, je vous propose d’autres voies à défendre : en s’inspirant des écoles d’ingénieurs, ou des écoles de commerces, il est possible de constituer des groupements d’académies pour un même sujet, où de faire « croiser » des sujets d’une académie à l’autre. Vous y pensez pour les corrections, pourquoi n’y pensez vous pas pour les conceptions ? Cette démarche aurait deux buts : contribuer à accélérer l’harmonisation des enseignements en première d’IUFM sans perte de spécificité des contenus didactiques et « laver » les professeurs de la tentation d’un sujet « maison ».

L’IDENTITE DE LA

PROFESSIONNALISATION :

Continuons notre promenade dans l’article : page 50 : « ...s’il s’avérait que les reçus au concours se recrutassent en plus grand nombre hors les murs » [hors de l’IUFM NDLR]... « La tentation pourrait être forte alors de renforcer certains

3 Voir analyse d’un sujet de concours actes du colloque de Montpellier 1996.

aspects de la formation qui seraient censés faire la spécificité des IUFM en matière de

« professionnalisation » »...

Cette dernière phrase me laisse un peu perplexe : si l’on décide de venir travailler en IUFM, c’est parce que l’on estime avoir

« à dire » sur les mathématiques nécessaires au futur enseignant. Considérer cet objectif professionnel comme une

« tentation » (où est le pêché...) c’est vouloir (par ignorance ou par inconscience ?) ne pas aborder la question de la spécificité des savoirs mathématiques nécessaires à la professionnalisation du métier de professeur. Une fois de plus, votre discours signe la non prise en compte de savoirs spécifiques au futur professeur de mathématiques.

Le concours de recrutement permet, pour la première fois dans la formation des enseignants, d’avoir un débat sur les contenus de formation en matière de didactique des mathématiques, de prendre des décisions et de rendre des comptes. Il n’y a aucune crainte à voir beaucoup de candidats (extérieurs à l’IUFM) s’y intéresser. Aux IUFM de faire leur preuve en matière de formation, et ceci en se fondant non pas sur du bon sens, mais en s’engageant clairement dans l’enseignement de savoirs nécessaires au métier d’enseignant. Vous dénoncez un protectionisme possible et la façon de s’y engager parce que vous-même ne voyez pas de solution et c’est bien cela qui m’inquiète le plus.

Heureusement, les 180 collègues qui se sont réunis au dernier colloque des

« formateurs de professeurs en mathématiques» de Montpellier organisé par la COPIRELEM et la qualité des conférences ont montré la vitalité de la réflexion des formateurs sur ces savoirs nécessaires pour le futur enseignant. Cette uniformisation là me convient mieux du point de vue scientifique.

NOTRE TRAVAIL :

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Le meilleur service que nous ayons à rendre, en tant que formateurs, à de futurs enseignants en l’école primaire est de leur permettre d’identifier rapidement et clairement ces savoirs. Ces savoirs peuvent être enseignés dès la préparation à un concours. Pour cela, il nous faut contribuer à organiser la transposition (acceptez vous le terme ?) de ce corpus de savoirs, en l’occurrence, la didactique des mathématiques. Il y a des risques, comme dans toute transposition, à commencer par en faire un savoir affiché et pédant au travers de glossaire pour faire « initié ».

Ceci est le lot de tout savoir qui se

« frotte » à son enseignement et aux évaluations qu’elles soient sous forme de devoirs, de soutenance, etc.

Alors, profitons de cette reconnaissance institutionnelle pour ne pas faire n’importe quoi : ni ignorance, ni pédantisme. Un petit effort : vous vous dites nouveau en IUFM : alors prenez la mesure de la tâche.

C’est la spécificité de notre travail qui est actuellement en jeu.

Pour conclure sur ce point, je citerai un extrait d’un texte récent de la COPIRELEM4 :

« Les savoirs des programmes du cycle 3 sont des savoirs mathématiques ayant subi une transposition pour les adapter à l’âge des élèves et à la finalité de l’école. Pour pouvoir les enseigner, on ne peut se contenter de connaître uniquement cette adaptation. Il est nécessaire de connaître ces savoirs sous une forme plus

« savante » : connaître leur genèse, leur statut, leurs fonctions dans un ensemble plus vaste de savoirs mathématiques. Il faut également repenser ces savoirs dans le but de les enseigner. »

RETOUR AU CONCOURS : SA PLACE DANS LE CURSUS :

4 Texte à paraître « A propos de l’épreuve de mathématiques du concours de recrutement des PE. »

Vous dites : « A moyen terme, peut-être faudrait-il repenser la question du moment opportun pour placer le concours de recrutement : s’il se tenait à l’entrée de l’IUFM, les deux années de formation seraient alors des années d’approfondissement des connaissances en vue de leur enseignement dans l’élémentaire, et non à des fins d’admission à un concours ; elles seraient deux années de formation professionnelle cohérente...»

Là encore, cette opinion a l’apparence du bon sens. Mais faire passer le concours sans année de préparation c’est déléguer la préparation de ce concours à qui ? Qui défendra ce corpus de savoirs nécessaire à la professionnalisation ? et à terme qu’imaginer d’un concours dont les préparations se réduiraient à des contenus mathématiques standard. Acceptons au contraire la contrainte du concours et sa préparation à l’IUFM comme moyen de continuer à clarifier les contenus d’enseignement en première année. C’est un vrai défi à relever. On dispose maintenant de suffisamment de résultats de recherche, de documents, d’ouvrages traitant de la didactique des mathématiques pour que les échanges soient constructifs.

Mais il faut s’investir, retrousser les manches et ne pas se limiter au constat d’huissier.

Par ailleurs, vous critiquez la diversité en première année, et vous postulez une homogénéité en seconde année. Que signifie une « formation professionnelle cohérente » ? Qui décide de la cohérence ? Vous ? Tous les formateurs en accord implicite ? s’il suffisait de le dire, cela se saurait. Là encore, je préfère le débat scientifique.

LES SUJETS ET LEURS

CORRECTIONS :

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