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cieux ! L’explorationSOUTERRAINE

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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D

Dé éc co ou uvve errtte e d du u n ne eu uttrriin no o

Au début du XXesiècle, la radioactivité à peine découverte était soi- gneusement étudiée au sein des laboratoires. Les désintégrations de type βétaient déjà identifiées comme responsables de la trans- mutation d’un noyau atomique en un autre élément voisin dans la classification de Mendeleïev. Lors d’un processus β, le noyau radio- actif émet un électron (ou rayon β) et change sa charge électrique d’une unité, en transformant un proton en neutron ou vice versa.

Un exemple familier est celui du tritium 3H, l’isotope le plus lourd

de l’hydrogène (1 proton et 2 neutrons), qui se désintègre en hélium 3He (2 protons et 1 neutron) et émet un électron. Les expé- rimentateurs de l’époque entreprirent de mesurer précisément l’é- nergie de l’électron émis, afin de mieux comprendre la structure des noyaux atomiques. D’après les lois de conservation de l’énergie et de l’impulsion1, ils savaient prédire le partage d’énergie qui devait s’opérer uniquemententre l’électron et le noyau de recul. L’électron devait en principe toujours emporter la même quantité d’énergie.

À la grande stupéfaction de tous, James Chadwick montra en 1914

LE POINT DU SPÉCIALISTE

L’exploration SOUTERRAINE

des cieux !

par TThhiieerrrryy LLaasssseerrrree

CEA/Saclay

C

Ciin nq qu ua an nttee a an nss a ap prrèèss lla a d déécco ou uvveerrttee d du u n neeu uttrriin no o a au up prrèèss d du u rrééa acc-- tteeu urr n nu uccllééa aiirree d dee S Sa avva an nn na ah h R Riivveerr a au uxx É Étta attss--U Un niiss,, ttrreen nttee a an nss a

ap prrèèss lla a p prreem miièèrree o ob bsseerrvva attiio on n d deess n neeu uttrriin no oss sso olla aiirreess,, eett vviin ng gtt a

an nss a ap prrèèss lla a ssu up peerrn no ovva a 1 19 98 87 7A A,, lleess n neeu uttrriin no oss a ap pp pa arra aiisssseen ntt a

au ujjo ou urrd d’’h hu uii cco om mm mee d dee rrééeellss m meessssa ag geerrss d dee ll’’a assttrro op ph hyyssiiq qu uee eett d dee

lla a cco ossm mo ollo og giiee m mo od deerrn nee.

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que tel n’est pas le cas : les électrons ont un spectre continu en énergie, entre zéro et l’énergie attendue dans le cas d’une réac- tion à deux corps ! Cela pouvait signifier qu’une partie de l’éner- gie s’évanouissait dans les processus β…

En 1930 le physicien Wolfgang Pauli se risqua à sauver la loi sacro- sainte de la conservation de l’énergie en proposant, selon ses propres termes, « un remède désespéré ». Il invoqua l’existence d’une nouvelle particule partageant l’énergie du processus βavec l’électron et le noyau. Afin de s’ajuster aux données expérimen- tales, cette nouvelle particule devait être électriquement neutre, de spin demi entier, et de masse inférieure à celle de l’électron.

Cette particule, fut nommée plus tard neutrino (lire encadré ci- dessous), littéralement “petit neutre”, par Fermi. Une fois créé, le neutrino s’échappait de la zone de détection à une vitesse très proche de celle de la lumière, et laissait croire, si on l’ignorait dans le bilan de la réaction, que la loi de conservation de l’énergie était violée. Peu de temps après, le génial Fermi formula une théorie mathématique des désintégrations β qui rendait parfaitement compte de tous les résultats expérimentaux. Il introduisit la notion de force faible(en comparaison à la force électromagnétique) qui transforme un proton en un neutron, en créant simultanément un électron et un anti-neutrino. Aussitôt, Hans Bethe et Rudolf Peierls suggérèrent une réaction permise par la théorie de Fermi pour détecter indirectement l’insaisissable : la capture d’un neutrino (ou anti-neutrino) par un noyau et l’émission simultanée d’un électron (ou anti-électron). Malheureusement la petitesse de la force faible semblait réduire leurs espoirs à néant …

Dans les années 1950, les physiciens de Los Alamos Fred Reines et Clyde Cowan, qui travaillaient alors sur les essais nucléaires amé- ricains, songèrent utiliser le flux considérable de neutrinos électro- niques émis dans le cœur d’un réacteur nucléaire afin de détecter les neutrinos. La réaction la plus prometteuse était la désintégra- tion βinverse, anti-νe+ p →e++ n, ou pest le noyau d’hydrogè- ne (proton), e+l’anti-électron (ou positron), et nle neutron. Ils usè- rent de la technique des liquides scintillants, découverts quelques années auparavant. De tels liquides aromatiques servent à la fois de cible puisqu’ils contiennent énormément de protons et de milieu de détection car ils permettent de “matérialiser” les traces

que laissent le positron et le neutron2. En effet, un bref flash de lumière visible (quelques nanosecondes) est émis chaque fois qu’une particule chargée ou un rayon gamma traverse le milieu.

Cette lumière, dont l’intensité est proportionnelle à l’énergie des particules incidentes, est ensuite collectée par des capteurs ultra- sensibles aux photons visibles, appelés tubes photomultiplicateurs (TPM). Les flashs lumineux sont alors convertis en signaux élec- triques et enregistrés pour l’analyse. Les réacteurs nucléaires fonc- tionnent sur le principe de la fission d’un mélange judicieux de noyaux dits fissiles, principalement l’uranium 235 et le plutonium 239. Baignés par un flux de neutrons dans le cœur d’un réacteur, ces noyaux se scindent en deux morceaux (ils fissionnent) tout en libérant de l’énergie, et quelques neutrons qui entretiennent la réaction. L’inconvénient de la fission est que presque tous les frag- ments émis et les autres produits de réaction sont radioactifs, et se désintègrent jusqu’à atteindre une configuration stable3 Or, chaque désintégration radioactive βengendre un neutrino élec- tronique (ou un anti-neutrino). En 1956, après plusieurs années d’efforts, Reines et Cowan installèrent un détecteur de 4 200 litres de liquide scintillant, et d’eau contenant une faible quantité de cadmium pour favoriser la détection des neutrons près du réac- teur nucléaire de Savannah River, en Caroline du sud. Après quelques mois de prise de données ils identifièrent les interactions des anti-neutrinos électroniques. Le signal était 5 fois plus faible quand le réacteur était à l’arrêt pour maintenance. Après tous les tests de rigueur, la découverte fut annoncée par télégramme à Pauli en juin 1956. Reines obtint le prix Nobel de physique en 1995 (Cowan étant malheureusement décédé en 1974). Notons qu’au cours de cette expérience, Reines et Cowan mesurèrent aussi la probabilité d’interaction des neutrinos, grandeur couram- ment appelée section efficace, en conformité avec la prédiction de la théorie de Fermi.

Les neutrinos dans le modèle standard

Au sein du MSPP, on regroupe les leptons selon les couples (e, νe), (µ, νµ), et (τ, ντ), qui définissent le secteur des leptons. Les inter- actions entre particules sont maintenant bien comprises, et dans le MSPP deux fermions interagissent en échangeant un boson4. L’interaction faible se modélise par les échanges d’un trio de

C

CA AR RT TE E D D’’IID DE EN NT TIIT É D DU U N NE EU UT TR RIIN NO O

Tout comme l’électron, le neutrino est une particule élémentaire, dési- gné par la lettre grecque νν. Dans la nomenclature des physiciens des particules, il appartient à la catégorie des leptons qui comprend aussi l’électron, le muon, et le tau, cousins de l’électron, respectivement 200 fois et 3500 fois plus massifs. Les leptons sont organisés en trois familles : électronique, muonique, et tauique. Il existe trois types de neutrinos (où trois saveurs). À chaque lepton correspond un anti-lep- ton, de même masse, mais de charge électrique opposée. Les leptons possèdent un spin ½, ils appartiennent donc à la catégorie plus géné- rale des fermions, du nom d’Enrico Fermi. Selon le modèle standard de la physique des particules (MSPP), la masse des neutrinos est nulle.

Toutefois, nous verrons qu’une série d’expériences a démontré qu’elle est différente de zéro, quoique très petite par rapport à celles des autres leptons. A l’échelle du noyau atomique, les neutrinos interagis- sent uniquement par l’intermédiaire de l’interaction faible car ils sont insensibles aux interactions forte et électromagnétique. En conséquen- ce, la probabilité d’interaction d’un neutrino avec la matière est extrê- mement faible : un neutrino issu d’une désintégration radioactive peut traverser une épaisseur de plomb d’une année de lumière avant d’in- teragir !

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maintenant comment certaines de ces sources sont exploitées pour percer les mystères de ces surprenants neutrinos, en nous concentrant exclusivement sur les sources extra-terrestres.

L’épopée des neutrinos solaires

Le Soleil, plus massif et plus brillant que la majorité des étoiles, est au milieu de son cycle de vie. Il puise son énergie de la réaction de fusion de deux protons conduisant à la conversion de l’hydrogène en hélium en son cour, en émettant deux νe: 4p + 2e4He + 2νe+ 27 MeV. Il est ainsi le siège d’un cycle compliqué de réactions, dont certaines pro-

duisent des νe(fig.1). Les principaux sont les neutrinos dits primordiaux de faible énergie, encore dénommés neutrinos “pp” (νe(pp), E<0,42 MeV), les neutrinos mono-énergé- tiques du béryllium (νe(Be), E=0,8 MeV), et les neutrinos les plus énergétiques du bore (νe(B), E<14 MeV). Depuis les travaux pion- niers de John Bahcall, on sait prédire la distri- bosons W+, W, Z0. Contrairement au photon

de masse nulle, ces trois bosons sont entre 80 et 100 fois plus lourds que le proton ! C’est ce qui explique la très faible portée de l’inter- action faible. Prenons maintenant l’exemple concret de la désintégration bêta. La réaction n →p + e+ anti-νeest en fait la transfor- mation d’un quark de type “down” (d)du neutron en un quark de type “up” (u)et un boson W, qui se désintègre à son tour en une paire (e, anti–νe). Le neutron composé de trois quarks (u,d,d) devient le trio de quarks (u,u,d), qui n’est autre qu’un proton.

Les interactions qui font intervenir les W sont appelées “courant chargés”, car ils transfor- ment le neutrino en son lepton associé (ou inversement) en modifiant la charge élec- trique d’une unité. Les interactions impli- quant le boson Z0sont désignées “courants neutres” car elles laissent inchangés les deux fermions qui interagissent. Ces dernières sont plus subtiles et elles ont seulement été décou- vertes en 1973, au CERN, en utilisant un fais- ceau de neutrinos muoniques et une chambre à bulles en guise de détecteur. Enfin, en 1989, l’étude de la durée de vie du Z0au collisionneur électron-positron du CERN (le LEP) a montré qu’il n’y a que trois saveurs de neutrinos légers se couplant avec la matière.

L

Le ess sso ou urrc ce ess d de e n ne eu uttrriin no oss

Les sources de neutrinos sont diverses et variées. On distingue les sources naturelles et artificielles. Pour étudier les neutrinos il important d’identifier la saveur des neutrinos qui naissent de ces fontaines de particules, et de comprendre les mécanismes de produc- tion. Par contre, connaissant les neutrinos, on peut aussi prendre le problème à l’envers et étudier les sources émettrices, comme dans le cas de l’astronomie neutrinos. Les explosions de bombes à fission et les réacteurs nucléaires émettent des anti-νe. Les accélérateurs de particules actuels permettent aussi de produi- re des νµou anti-νµ. Le corps humain contient 20 milligrammes de l’isotope 40 du potas- sium (émetteur β) : chaque jour, 400 millions de neutrinos s’échappent de nos os à une vitesse proche de celle de la lumière ! L’atmosphère est le siège de réactions produi- sant νµet νeet leurs antiparticules. Le Soleil émet uniquement des νe. Certaines explo- sions d’étoiles (supernovae de type II) produi- sent une quantité astronomique de neutrinos des trois saveurs et de leurs antiparticules. Les noyaux actifs de galaxie où siègent de gigan- tesques trous noirs en font probablement de même. Enfin, un rayonnement fossile de neu- trinos et d’anti-neutrinos des trois saveurs baigne l’univers depuis les premières secondes qui suivirent le Big-Bang. Voyons

bution en énergie de ces neutrinos et leur flux attendu sur Terre : 66 milliards de neutrinos par centimètre carré et par seconde ! Compte tenu de la furtivité des neutrinos, les détecteurs de neutrinos solaires ont certaines caractéristiques communes : il doivent com- porter un réservoir de détection très volumi- neux, être enfouis le plus profondément sous terre afin de se protéger des rayons cos- miques qui perturbent la mesure, et être com- posés de matériaux, dits “ultra purs”, soi- gneusement sélectionnés pour contenir des teneurs très faibles en éléments radioactifs tels que l’uranium, le thorium, le potassium, qui sont aussi sources de bruit de fond.

En 1968 Ray Davis obtint le feu vert pour réa- liser la première expérience de recherche des neutrinos du Soleil. À l’époque l’objectif était de démontrer que le Soleil fonctionne “au nucléaire” plutôt que de parfaire nos connais- sances sur les neutrinos. Avec ses collabora- teurs il installa un détecteur de 615 tonnes de perchlorétylène5dans la mine de Homestake (Dakota du Sud). Davis utilisa le principe de 1 – Distribution en énergie (abscisse) et en flux (ordonnée) des neutrinos en provenance du Soleil. Deux type de spectres sont représentés : les spectres continus (les neutrinos « pp », et du Bore « B » par exemple) qui correspon- dent à des processus à réactions où l’énergie disponible est partagée entre trois corps, et les spectres mono-énergétiques (les neutrinos du béryllium « Be

» par exemple), où l’énergie disponible est seulement partagées entre le noyau émetteur et le neutrino. En haut on a représenté la gamme d’énergie sondée par les expériences GALLEX/GNO, Chlorine (R. Davis) et Super- Kamiokande et SNO. © John Bachall.

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détection “radiochimique” ; il exploita la réaction νe + 37Cl → 37Ar + e–, essentielle- ment sensible aux νe(B). Le détecteur était exposé aux neutrinos solaires par cycle de deux mois, puis un processus physico-chi- mique permettait d’extraire et d’isoler les quelques atomes d’argon produits. Enfin, les atomes d’argon 37 – qui sont radioactifs6

étaient comptabilisés : 1 tous les deux jours ! Cette expérience qui a fonctionné entre 1968 et 2000 a, dès la première année, mis en évi- dence un déficit des neutrinos solaires. Davis observait seulement entre 30 % et 50 % du flux prédit par les modèles. C’est ce que l’on a appelé pendant plus de trente ans le pro- blème des neutrinos solaires. Ray Davis a reçu le prix Nobel de physique en 2002 pour cette expérience pionnière du domaine.

Une vingtaine d’années plus tard, deux autres expériences radiochimiques, SAGE (Russie) et Gallex/GNO (Italie) se lancèrent cette fois en quête des neutrinos produits lors de la réac- tion de fusion primordiale (νe(pp)). Les physi- ciens exploitèrent la réaction νe + 71Ga →

71Ge + e, qui peut être induite par les νe(pp)7. Gallex/GNO utilisa une solution de 30 tonnes de Gallium sous forme de GaCl3. À l’issue d’une période d’exposition, les atomes de 71Ge étaient extraits et comptés (par le biais de leurs désintégrations radioactives). Le déficit fut confirmé de façon indéniable car ces expériences furent étalonnées à l’aide d’une source artificielle de neutrinos placée au cour de la solution. Environ quarante pourcent des neutrinos νe(pp) manquaient à

νe+ e→ νe+ e. Cette diffusion est qualifiée

« d’élastique » car on retrouve les mêmes particules avant et après l’interaction. Si l’é- lectron est éjecté à une vitesse supérieure à la vitesse de la lumière dans l’eau (220 000 km/s), une lueur bleutée est émise le long de la course de l’électron. C’est l’effet Tcherenkov. Cette lumière intercepte la surfa- ce du détecteur cylindrique tapissée de TPM selon des anneaux. Ce sont ces anneaux qui sont recherchés dans l’analyse des données.

Cette technique permet de détecter les neu- trinos “en temps réel”, même si l’on est inca- pable de discerner une véritable interaction de neutrino d’un bruit de fond pour un évé- nement donné. Depuis 1996, ce détecteur a été remplacé par l’expérience Super- Kamiokande (SK) fonctionnant exactement sur le même principe, mais possédant un volume cible de 50 000 tonnes d’eau ultra- pure, observé par plus de 11 000 TPM. Avec plus de 20 000 νecollectés pour 1500 jours d’observation, SK a certifié de façon éclatan- te la carence de νesolaires (mais seuls les ?e du bore étaient détectés...). De plus, la direc- tion de l’électron émis ayant une forte corré- lation avec celle du neutrino incident, SK démontra que les νe proviennent bien du Soleil ! Une image du Soleil en neutrino avec un temps de pose de 1 500 jours a même été publiée (fig.3).

En 1999, l’expérience “temps réel” SNO, située à 2 kilomètres sous terre, dans une mine de nickel du Canada, est entrée en action. SNO ressemble dans son concept à SK. Cependant, une astuce d’une importance capitale a été mise en œuvre : l’eau ordinaire (11H2O) est remplacée par de l’eau lourde (21D2O, ou 21D2 est le deutérium composé d’un proton p et d’un neutron n). Le détec- teur contient 1000 tonnes de D2O contenues dans une immense sphère d’acrylique de 12 mètres de diamètre. Cette sphère est elle même englobée dans un réservoir de 30 mètres de haut. La technique de détection Tcherenkov est utilisée. La lumière émise à l’is- sue des interactions de neutrinos est collectée par 9 500 TPM. L’expérience est sensible à trois réactions distinctes : la réaction de diffu- sion élastique comme dans le cas de SK, sen- sible essentiellement aux νe; la réaction “cou- rant chargé” νe+ D →e+ p + p, sensible uniquement aux νe; et la réaction “courant neutre” νx + D → νx + p + n, sensible de manière identique aux trois saveurs de neutri- nos. Dans les deux premiers cas, c’est l’élec- tron de l’état final qui est observé, alors que dans le troisième cas c’est le neutron. En juin 2001, SNO a confirmé le déficit de νe. Mais bien plus important, SNO a détecté de façon incontestable la présence des deux autres 2 – Les trois réactions de détection des

neutrinos solaires dans l’expérience SNO : la diffusion élastique (en haut à gauche), la dissociation du deutérium (deutéron) par courant chargé (en bas à gauche), et la dissociation du deuté- rium par courant neutre (à droite).

© SNO Collaboration.

3 – Première image du Soleil observé par l’intermédiaire des neutrinos (le temps de pose est de 1500 jours envi- ron, mais la résolution est évidemment bien inférieure à ce que l’on obtient en optique à cause de la difficulté d’obte- nir précisément la direction du neutrino incident). © Institute for Cosmic Ray Research, Tokyo.

l’appel. Cependant les soixante pourcent res- tant étaient bel et bien détectés et ces expé- riences apportèrent donc la preuve irréfutable que notre Soleil puise son énergie de la fusion de deux protons.

Au milieu des années 1980, l’expérience Kamiokande débuta dans la mine de Kamioka (Alpes japonaises). Ce détecteur permit la détection des neutrinos solaires les plus énergétiques (νe(B)) en exploitant la réac- tion de diffusion élastique des neutrinos sur les électrons orbitant dans molécules d’eau :

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saveurs de neutrinos, νµet ντ, dans le flux que nous recevons du Soleil. L’interprétation de ce résultat est sans équivoque : au cours de leur voyage vers la Terre, une partie des νese transforme en νµet ντ. C’est ce que l’on appelle la conversion de saveur. Le mécanisme le plus en vogue pour expliquer cet effet est l’oscillation des neutri- nos. Nous y reviendrons bientôt.

Désintégration du proton et neutrinos atmosphériques

En 1979, l’avènement des théories d’unification des interactions électromagnétique, faible, et forte, appelées théories de grande unification, marqua un tournant pour la physique expérimentale des neutrinos. Certains modèles prédisaient un temps de vie du pro- ton de 1029ans : 6 désintégrations auraient pu être théoriquement détectés dans 1 tonnes d’eau en 1 an ! Le détecteur Kamiokande fût construit au Japon en 1983 pour rechercher la désintégration du proton dans les modes principaux : p →e+0et p → µ++ K0. Kamiokande était constitué de 3 000 tonnes d’eau pure, contenues dans une cuve cylindrique de 16 m de haut et 15,6 m de diamètre.

Pour la première fois, 1 000 très gros TPM de 50 cm tapissaient 20 % de la surface des parois. Dans une hypothétique désintégra- tion du proton, les deux particules émises dos-à-dos sont facilement identifiables par la formation de deux anneaux Tcherenkov sur deux parois du détecteur en vis-à-vis. Les 12 physiciens de Kamiokande n’observèrent pas le résultat escompté par les théories de grande unification et publièrent leur résultat en 1984. M. Koshiba remarqua alors les bonnes performances du détecteur pour mesurer les élec- trons, essentiellement grâce à la grande surface de collection de la lumière. Il proposa donc la détection des neutrinos solaires par dif- fusion élastique des neutrinos sur les électrons pour tester le résultat

de l’expérience Homestake. Après quelques améliorations, le détec- teur Kamiokande-II commença sa prise de données en 1985, mais il n’atteignit ses pleines performances qu’à la fin de l’année 1986…

Parallèlement, un groupe de vingt physiciens des universités d’Irvine, de Michigan et de Brookhaven proposèrent la construction du détecteur IMB constitué de 10 000 tonnes d’eau pure observée par 2 048 TPM de 18 cm de diamètre, en 1979 dans la mine de sel de Morton (Ohio). Après de nombreux problèmes d’étanchéité lors du remplissage, le détecteur fût enfin opérationnel en juillet 1982.

Après 80 jours d’observation, 69 signaux remarquables furent isolés, dont 3 concordaient solidement avec la désintégration d’un pro- ton... Mais les physiciens comprirent très vite qu’il s’agissait en fait d’évènements neutrinos produits dans l’atmosphère terrestre. Ce résultat de non observation du phénomène recherché fût publié en 1983. La collaboration s’engagea alors dans l’amélioration du détec- teur, en s’attaquant à son point faible, la collection de lumière, pro- portionnelle à la surface de l’ensemble des tubes photomultiplica- teurs8. En septembre 1986 les 2 048 TPM furent remplacés par des tubes d’une surface sept fois plus grande, abaissant le seuil de détec- tion à 40 MeV, un facteur 25 sous le seuil d’observation du canal p

→e+0. Finalement la désintégration du proton ne fût jamais été décelée mais, au cours des investigations, un bruit de fond parasite a été remarqué et s’est révélé être extrêmement intéressant : le signal des neutrinos atmosphériques. Notons ici que sans les amé- liorations des détecteurs, aucun signal de supernova n’aurait été

détecté en 1987…

La Terre est perpétuellement bombardée par des rayons cosmiques qui ne sont autres que des protons ou des noyaux légers pour l’es- sentiel. Ces noyaux interagissent dans les hautes couches de l’at- mosphère en produisant des pions (π) et des kaons9 (K), qui se désintègrent en muons et en neutrinos. On nomme ces derniers

“neutrinos atmosphériques”. Le calcul de leur flux théorique est compliqué et nécessite des simulations informatiques sophistiquées.

Pour la polarité positive (π+, K+), la séquence de réactions s’écrit : p + Noyau → π+(K+) ;

π+→ µ++ νµ; µ+→e++ νe+ anti-νµ.

Un simple comptage des neutrinos dans l’état final montre que deux fois plus de neutrinos muoniques que de neutrinos électroniques sont produits. La grandeur pertinente à mesurer est le rapport entre les nombres de neutrinos µet e (R=νµe). Ce rapport est attendu à 2 neutrinos νµpour 1 neutrinos νe.

Dès les années 1990, les expériences Kamiokande et IMB obser- vaient un rapport R inférieur à 2, mais la quantité de neutrinos détectés était insuffisante pour convaincre la communauté scien- tifique car d’autres expériences contredisaient ce résultat. Le coup de grâce fut donné en 1998 à la conférence de Takayama au Japon. L’expérience Super-Kamiokande (SK) confirma le déficit avec une statistique suffisante pour persuader les plus sceptiques.

En fait, les neutrinos atmosphériques sont produits dans l’atmos- phère au-dessus du détecteur, à une distance d’environ 10

kilomètres, mais si l’on prend le cas extrême, ils sont aussi produits dans l’atmosphère aux antipodes, à une distance de 12 750 kilomètres. Rappelons que la Terre est “quasi” transparen- te aux neutrinos aux énergies considérées. Or, SK a observé un rapport Rd=2 pour les neutrinos “descendants” (provenant du dessus du détecteur), mais un rapport Rm~ 1 pour les neutrinos

“montants” (provenant des antipodes). Ces observations s’expli- quent par la conversion de saveur des neutrinos, et plus précisé- ment par le mécanisme d’oscillation des neutrinos. Les neutrinos muoniques descendants n’ont pas le temps de se transformer dans une autre saveur avant d’atteindre le détecteur, on a donc Rd=2, alors que les neutrinos muoniques ascendants, qui parcou- rent jusqu’à mille fois plus de chemin, se convertissent vraisem- blablement en neutrinos tauiques. Ces derniers ne sont pas détectés dans SK, et l’on obtient donc Rm<2. Nous allons voir maintenant que la découverte de la conversion de saveur pour les neutrinos atmosphériques et les neutrinos solaires est d’une importance capitale car elle implique que les neutrinos ont une masse non nulle.

Conversion de saveur et oscillations de neutrinos

La conversion de saveur est la métamorphose d’un neutrino d’une famille donnée en un neutrino d’une autre famille au cours de sa propagation, que l’on note par exemple νe → νµ. Le mécanisme

«« cchhaaqquuee jjoouurr,, 440000 m miilllliioonnss ddee nneeuuttrriinnooss ss’’éécchhaappppeenntt ddee

nnooss ooss àà uunnee vviitteessssee pprroocchhee ddee cceellllee ddee llaa lluum miièèrree !! »»

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d’oscillation est la théorie la plus probante pour interpréter les résultats expérimentaux.

L’oscillation est un phénomène d’interférence qui émerge naturellement de la mécanique quantique si l’on suppose que les états quan- tiques reconnus par l’interaction faible (νe, νµ, ντ) sont différents des états quantiques « de propagation » (ν1, ν2, ν3). Ces derniers sont aussi les états « de masse » des neutrinos 1, 2, et 3 qui ont respectivement des masses m1, m2, et m3. Aussi étrange que cela puisse paraître, les masses m(νe), m(νµ), m(ντ) sont indéfinies.

Imaginons qu’un neutrino soit produit dans l’état de saveur muonique νµ. Cet état est en fait la superposition cohérente des ondes de matière ν1et ν2: νµ= a ν1+ b ν2(en considé- rant uniquement les deux premières familles pour simplifier, ou a et b sont des constantes telles que a2+b2=1). Lors de la propagation, l’amplitude des états ν1et ν2évolue périodi- quement selon leurs énergies ; cette évolu- tion est régie par l’équation de Schrödinger.

Si les masses m1et m2sont différentes, les ondes 1 et 2 interfèrent au cours de la propa- gation, avec une différence de phase propor- tionnelle à (m22-m12)/Eν, si bien que la proba- bilité d’observer un neutrino muonique oscil- le en fonction de la distance à la source de production (et donc du temps). Un calcul montre que la probabilité qu’un νµse trans- forme en νes’écrit alors P(νµ→ νe) = 4a2b2 sin2(1,27(m22-m12) L / 2Eν), où le produit 4a2b2 caractérise l’amplitude de l’oscillation (à déterminer expérimentalement), L est la distance parcourue (en mètres) ; Eνest l’éner- gie du neutrino (en MeV) ; et m1et m2les masses (en eV). Comme dans tout phénomè- ne ondulatoire périodique, on y associe une longueur d’oscillation Losc= 2,5 E ν / (m22- m12). Cette longueur est d’autant plus gran- de que la différence entre les masses est faible. Après avoir parcouru exactement une longueur d’oscillation le neutrino retrouve sa saveur de production νµ. Le phénomène recommence alors à l’identique sur une deuxième période, et ainsi de suite. Ce résul- tat se généralise sans problème à plus de deux familles. Fait essentiel, la probabilité d’oscillation dépend de la différence des carrés des masses des deux neutrinos. Si les masses sont nulles, il ne peut y avoir oscilla- tion. A contrario, la mise en évidence expéri- mentale des oscillations par les expériences de neutrinos solaires et atmosphériques implique des neutrinos massifs ! Mais souve- nons nous que le MSPP a été construit avec des neutrinos de masse nulle … Il va donc falloir le faire évoluer. C’est un des résultats les plus importants de ces dernières années en physique des particules.

S

SN N1 19 98 87 7A A

Le 23 février 1987, un nouvel éclat lumineux vint ponctuer le ciel de l’hémisphère sud.

L’étoile Sanduleak-69 202, située dans le Grand Nuage de Magellan à 170 020 années de lumières, venait de s’effondrer sur elle même, un phénomène appelé supernova de type II (libellé 1987A). Il s’agissait de la pre- mière supernova visible à l’œil nu depuis l’ex- plosion d’une étoile de notre galaxie observée par Kepler en 1604* ! Depuis vingt ans, SN1987A est suivies attentivement par les télescopes du monde entiers sur une large gamme du spectre électromagnétique (optique, IR, X, gamma, …), mais les pre-

mières secondes de cette explosion furent aussi enregistrées, donnant naissance à l’as- tronomie extrasolaire des neutrinos.

La théorie de l’évolution des étoiles prédit qu’un astre de masse comprise entre 8 et 20 masses solaires brûle successivement ses noyaux lourds pendant environ cent millions d’années pour devenir une étoile supergéan- te rouge. Au centre de celle-ci, un cœur constitué de noyau de fer se maintient grâce à la pression de dégénérescence des élec- trons10. Mais quand la masse de ce cœur dépasse 1,4 masse solaire (critère de Chandrasekhar) la force de gravitation prend le dessus, et l’étoile s’effondre. La densité devient tellement élevée qu’électrons et pro- tons se combinent en neutrons et neutrinos électroniques. Cette phase de neutronisation s’achève après quelques millisecondes, dès lors que les neutrinos, piégés par la très haute

densité, atteignent leur pression de dégéné- rescence. Mais le déficit d’électrons qui s’en suit ne fait qu’accélérer l’effondrement, qui s’effectue alors en chute libre avec un temps caractéristique de 50 ms. Lorsque la densité du cour se rapproche de celle des noyaux ato- miques, les forces nucléaires fortes répulsives des quarks et des gluons bloquent l’effondre- ment. La matière en chute libre rebondit, et une puissante onde de choc tente de se frayer un chemin au travers des couches internes encore en effondrement. Pendant très long- temps les simulations de supernovae avor- taient avant qu’il y ait eu explosion de l’étoi- le, c’est-à-dire sans que l’onde de choc ne

puisse atteindre l’extérieur. La physique du rebond du choc est en effet très compliquée, mais l’on sait maintenant que l’inversion de l’effondrement des couches internes vers l’extérieur pour atteindre des vitesses de l’ordre de 10 000 km/s à la sortie est sup- portée par l’énergie véhiculée par les neutri- nos. Sans eux, l’étoile n’exploserait pas ! Quelques heures après l’effondrement central l’onde de choc atteint la surface de la super- géante rouge produisant un flash de lumière ultraviolette. Une énergie lumineuse considé- rable de 1049erg est alors libérée en dehors de l’étoile, constituant l’éclat visible de la supernova. Néanmoins, cette énergie ne représente qu’une infime fraction de l’énergie de 1053erg libérée par l’effondrement (cette énergie peut être comparée à l’émission continue du Soleil de 4 1033erg/s). En fait la plupart cette l’énergie est convertie en éner- gie thermique de la protoétoile à neutron

* NDLR– Un article spécialement dédié à SN1987A par Patrice Bonchet sera publié dans le numéro de septembre )

SN1987A © P. Challis, R. Kirshner (CfA), and B. Sugerman (STScI) / NASA

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formée au cour, qui se refroidit en une dizai- ne de secondes par émission de neutrinos et d’antineutrinos, toutes saveurs confondues.

Ces neutrinos sont essentiellement produits par conversion de paires électron-positron en paires neutrino-neutrino dans le cour de la protoétoile à neutron, pour diffuser vers la surface et s’échapper à des énergies plus faibles : 3-4 MeV pour les neutrinos électro- niques, et 7-8 MeV pour les neutrinos muo- niques et tauiques. La SN1987A fournit une preuve quantitative irréfutable de ce scénario d’explosion, causé par l’ef- fondrement d’une étoile de ~20 masses solaires. La séquence temporel- le d’émission des neutrinos d’une supernova de type 2 est illustrée dans la figure 4.

Au milieu des années 80, les expé- riences Kamiokande et IMB réalisèrent leur potentiel de détection des neutri- nos issus de supernovae, justifiant amplement les améliorations des détecteurs pour abaisser le seuil de détection à une dizaine de MeV. Il y a 170 020 ans l’effondrement de l’étoile Sanduleak-69 202 induit l’émission de 1058neutrinos. Le 23 février 1987 10 000 milliards de neutrinos atteigni- rent chaque mètre carré de la surface de la Terre. À 07:35:35 ± 60 s (UT) 11 évènements neutrinos furent enregistré dans une fenêtre de 13 secondes dans le détecteur Kamiokande. Leurs distri- butions en temps et en énergie est donnée figure 5. Au même moment, 07:35:35 ± 50 ms, 30 000 trillions de neutrinos traversèrent le détecteur IMB, et seulement 8 d’entre eux se dévoilè-

rent dans une fenêtre temporelle de 6 secondes. Avec un taux de bruit de fond d’un évènement tous les cinq jours, la fréquence d’observation d’une telle bouffée est d’un tous les 2 1034ans... Notons que cinq événe- ments furent aussi détectés dans les 200 tonnes de liquides scintillants du détec- teur russe de Baksan, situé dans le Caucase.

En marge de ces trois détections simultanées, un groupe de cinq évènements fût détectés

dans le détecteur italiano-russe LSD (Liquid Scintillator Detector). Situé sous le Mont- Blanc, ce détecteur contenait 90 tonnes de liquide scintillant supporté par une structure de 200 tonnes d’acier. L’interprétation de ces évènements causés par l’interaction de neu- trinos dans l’acier est encore ouverte, car ils arrivèrent 4 heures 43 minutes avant les signaux d’IMB et de Kamiokande-II, sans contrepartie dans d’autres détecteurs…

Aucune explication satisfaisante n’a encore été avancée pour expliquer définitivement ce double-bang. Dès 1987, la vingtaine d’évène- ments neutrinos détectés permit de mesurer l’énergie libérée lors de l’effondrement de l’é- toile, ~3 1053erg, en très bon accord avec les prévisions de modèles d’effondrement d’é- toiles massives avec formation d’une étoile à neutrons.

En marge des acquis sur la théorie de la mort des étoiles, la SN1987A a aussi permis de tes- ter le modèle standard de la physique des particules ainsi que ces extensions dans des conditions inaccessibles en laboratoire.

L’observation d’une poignée de neutrinos, qui voyagent à une vitesse proche de celle de la lumière, dans une fenêtre d’une dizaine de secondes est déjà une information importan- te. En effet, leur vitesse dépend de leur masse et de leur énergie : la dispersion de leur temps d’arrivée permis ainsi de contraindre leur masse a un niveau intéressant pour l’époque, mν< 15 eV. D’autres propriétés des neu- trinos, comme leur temps de vie, et leur couplage avec la matière, on aussi été dérivées. Au premier chef, on a tout de même vérifié que les neutrinos subissent, comme attendu, les effets de la gravita- tion einsteinienne !

Dans notre galaxie, on estime le taux de supernovae à 1 à 3 par siècle, une opportunité unique dans une vie ! Alors, à quand la prochaine explosion galac- tique ? On ne peut évidemment pas répondre à cette question, mais il est possible d’estimer nos chances en jouant correctement de la statistique poisso- nienne. En supposant un taux de 2 par siècle, la probabilité d’une explosion galactique est de 20 % dans les dix pro- chaines années, et de 40 % dans les trente prochaines années (fig. 6). Une motivation suffisante pour bien s’y pré- parer ! Aujourd’hui, un ensemble de détecteurs est prêt à recevoir la moisson de la prochaine explosion : des milliers d’évènements sont attendus dans Super- Kamiokande, SNO, Borexino (Italie), KamLAND (Japon), ICECUBE (Antarctique). Pour la première fois, on pourrait mesurer avec une bonne préci- 5 – Signal neutrino détecté en ligne par les

détecteurs Kamiokande-II, IMB et Baksan, où les premiers neutrinos ont été détectés respec- tivement à 7:35:35, 7:35:41 and 7:36:12, malheureusement sans synchronisation précise des horloges.© G. Raffelt

4 – Spectre en énergie des neutrinos et antineutrinos des trois saveurs émis à l’issu d’une supernova de type II, en fonction du temps. On distingue l’effon- drement, puis le pic de neutronisation dans les premières dizaines de micro- secondes, la phase d’accrétion, et le refroidissement. © F. Von Feilitzsch

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sion l’énergie, le temps d’arrivée, et la distri- bution de saveur des neutrinos, et même séparer la bouffée de neutrinos électroniques émis lors de la neutronisation des neutrinos de toutes saveurs émis lors du refroidissement de l’étoile à neutrons. La phase de neutroni- sation, mieux comprise, pourrait alors être assimilée à une chandelle standard afin mesu- rer précisément certaines propriétés des neu- trinos : la masse de chaque «saveur», le temps de vie, leur mélange, leur charge élec- trique et magnétique...

Les neutrinos de SN1987A ont été découverts a-posteriori, après la détection de l’éclat visible de l’explosion, bien qu’ayant atteint la Terre quelques heures avant les photons visibles. Une nouvelle observation, en coïnci- dence entre plusieurs détecteurs, d’une bouffée de neutrinos permettrait la prochaine fois d’alerter les astronomes du monde entier de l’arrivée imminentes des premiers photons d’une supernova ! De plus, l’analyse de la dif- fusion élastique des neutrinos sur les élec- trons dans Super-Kamiokande et dans SNO permettrait la reconstruction de la direction de la supernova, avec une précision de quelques degrés, afin de pointer par anticipa- tion les télescopes traditionnels. Les tout pre- miers instants de l’explosion sont en effet essentiels pour davantage comprendre les détails des mécanismes à l’œuvre dans la mort des étoiles massives.

En résumé, SN1987A marque la naissance de l’astronomie neutrino. Cet évènement permit à Masatoshi Koshiba, le porte parole de l’expérience Kamiokande, de partager le prix Nobel de physique en 2002 avec R. Davis pour la découverte des neutrinos célestes.

V

Ve errss ll’’a assttrro on no om miie e n

ne eu uttrriin no oss

À l’heure actuelle, l’essentiel de nos connais- sances de l’Univers provient d’observations véhiculées par les ondes électromagnétiques.

En effet, les photons sont largement produits dans les phénomènes cosmiques, ils sont faciles à détecter, et leur neutralité garantit une bonne transmission de l’information (pas de déflexion par les champs magnétiques).

Cependant, ces particules médiatrices des forces électromagnétiques interagissent à foi- son avec la matière. Les photons ne peuvent donc s’échapper des régions les plus denses où siègent des phénomènes astrophysiques violents que l’on souhaiterait mieux com- prendre : systèmes binaires contenant un trou noir, supernovae, noyaux actifs de galaxies (AGN), etc. Théoriquement ces sources sont susceptibles de produire des neutrinos extrê- mement énergétiques (de l’ordre du TeV = 1 000 GeV). Le neutrino semble donc

être le candidat idéal pour de telles observa- tions : il est neutre, stable, et interagit très fai- blement avec la matière. Maintenant que nous connaissons son aptitude à osciller d’une saveur à une autre et les règles du jeu, il peut être utilisé à son tour comme sonde du Cosmos : c’est l’astronomie neutrino. Le seul obstacle restant est technologique car il faut construire des télescopes à neutrinos.

Contrairement aux expériences de neutrinos exposées auparavant, les flux que l’on cherche à détecter sont très faibles en raison de l’éloignement des sources. Cet effet est partiellement compensé par la haute énergie des neutrinos recherchés (la section efficace augmente avec l’énergie), mais le volume requis pour le détecteur est tout de même gigantesque. Malgré cela vous allez voir que les physiciens ne reculent devant rien. Le globe terrestre peut en effet être utilisé comme cible, et l’eau ou la glace comme milieu de détection des neutrinos muoniques.

Dans ce cas, un νµprovenant du Cosmos tra-

verse la Terre de part en part, et peut interagir juste avant de ressortir de l’autre côté pour créer un muon. La lumière Tcherenkov de ce muon (un muon montant, pour un observa- teur debout à coté du détecteur) est détec- table si l’on instrumente une surface d’un kilomètre carré au fond des océans ou sous une couche de glace des régions polaires, toujours à quelques kilomètres de profondeur pour se protéger des muons cosmiques para- sites.

L’expérience ANTARES (figure 7) est en cours de déploiement au fond de la mer Méditerranée, à 40 kilomètres de Toulon et 2 500 mètres de profondeur. Le détecteur sera constitué de 1 000 TPM répartis sur un réseau de lignes de détection de 350 mètres de haut ancrées au fond de la mer, et espacées de 70 mètres. Le détecteur AMAN- DA a fonctionné sur le même principe en antarctique, la glace remplaçant l’eau. Dans un futur proche, l’expérience ICECUBE en cours d’installation sera le télescope à neutri- nos le plus performant, avec un volume sen- sible d’un kilomètre cube. La découverte très attendue des premiers signaux ouvrira assuré- ment une nouvelle fenêtre d’observation de l’univers.

L

La a c co ossm mo ollo og giie e p

pa arr lle ess n ne eu uttrriin no oss

Le modèle du Big-bang, qui décrit l’évolution de l’Univers dans son ensemble, prédit l’exis- tence du rayonnement fossile de photons à 3 Kelvin (–270 degrés Celsius), détecté en

1965. D’une manière analogue le modèle pré- voit l’existence d’un rayonnement fossile de neutrinos à 1,9 Kelvin. Cela correspond à une énergie des neutrinos de l’ordre du milli élec- tron volt (meV) qui rend leur détection irréali- sable avec les moyens technologiques actuels.

Théoriquement, chaque centimètre cube d’Univers contient 100 neutrinos et antineutri- nos de chaque saveur11. Leur nombre est si important qu’on a longtemps pensé qu’ils pouvaient contribuer significativement à la matière noire de l’Univers, encore vivement 6 – Estimation de la probabilité d’explosion d’une supernovae galactiques dans les 10 (gauche), 20 (milieu), et 30 prochaines années (droite), d’après la simple application de la statistique poissonienne en supposant des taux d’ex- plosions de 1/siècle (jaune), 2/siècle (bleu), 3/siècle (violet), et 5/siècle (rouge). © S. Ando, Caltech

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recherchée. Nous savons maintenant qu’il n’en est rien. Un ensemble d’expériences de phy- sique des particules et de cosmologie ont per- mis de mettre une limite supérieure à la masse du neutrino le plus lourd, à environ 1 eV. En conséquence la contribution des neutrinos au bilan massique de l’univers ne peut excéder quelques pourcents, ce qui est tout de même équivalent à la masse de toutes les étoiles !

C

Co on nc cllu ussiio on n

Vingt ans après SN1987A, les physiciens des neutrinos sont bien préparés pour l’observation d’un prochain effondrement d’étoile. La récol- te scientifique en serait immense ! Les neutri- nos sont d’ores et déjà installés comme grands messagers : ils devraient bientôt nous rensei- gner, in situ, sur le cour de nombreuses sources astrophysiques, autrement inaccessibles, avec l’avènement des grands télescopes à neutrinos.

En préparation des prochains évènements astrophysiques théoriciens et expérimentalistes ont donc bien plus à faire qu’à attendre !

1 – À des vitesses très inférieures à la vitesse de la lumière, l’impulsion n’est autre que la quantité de mouvement (masse ? vitesse).

2 –Le neutron commence par ralentir par chocs successifs sur les noyaux légers du milieu (phase de thermalisation), puis il est capturé par un noyau (hydrogène, cadmium); cette réaction est instantané- ment suivie de l’émission d’une bouffée de rayons gammas.

3 –Ces fragments dont la durée de vie excède quelques années constituent les déchets nucléaires qui nécessitent un traitement particulier.

4 –Du nom du physicien Bose, un boson est une particule de spin entier. Par exemple, le photon de masse nulle et de spin 1 véhicule les interactions électromagnétiques.

5 –C2Cl4, un détergent utilisé pour nettoyer les vêtements.

6 –ls se désexcitent par capture d’un électron du cortège électronique avec émission de rayons X ou d’électrons. La période de demi-vie radioactive est de 35 jours

7 –Cette réaction n’est possible que si l’énergie des neutrinos incidents est supérieure à 0,233 MeV.

Le spectre des νe (pp) s’étend de 0 à 0,42 MeV. Une partie d’entre eux peut donc induire cette réac- tion.

8 –Une plus grande surface de collection permet de récupérer plus de photons, et ainsi de détecter des signaux de plus basse énergie.

9 –Un kaon est une particule composée d’un quark et d’un anti-quark. Il appartient à la catégorie des mésons, tout comme le pion, dont la masse est environ quatre fois plus faible.

10 – À partir d'une certaine pression (ou d'une certaine densité), la matière est destructurée et se com- porte comme un gaz. Elle subit alors une force qui s'oppose à sa contraction et empêche sa densité d'augmenter, c'est la pression de dégénérescence

11 –Ceci est à comparer avec la densité de matière connue : 1 proton par mètre cube !

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