Grenoble, 24 mai 2017
Pr. Denis VERNANT
D U DIALOGUE & DE SON ANALYSE
APPLICATION À UNE DISCUSSION PHILOSOPHIQUE AVEC DES ÉLÈVES DE COLLÈGE
Philosophie, Pratiques & Langages
Université de Grenoble-Alpes
0.1 P ARADIGME ACTIONNEL
Peirce :
« Toute la fonction de la pensée est de créer des habitudes d’action », Collected Papers. Conception antique :
USAGE MAGIQUE DU LANGAGE NOM CHOSE
Conception contemporaine :
PARADIGME ACTIONNEL PENSEE
DISCOURS ACTION [ conception traditionnelle représentationnelle ]
0.2 A PPROCHE STRATIFIÉE
LE DIALOGUE EST UN PROCESSUS COMPLEXE QUI IMPOSE UNE ANALYSE
STRATIFIÉE EN NIVEAUX ARTICULÉS :
1°) PRAGMATIQUE ;
2°) DIALOGIQUE ;
3°) PRAXÉOLOGIQUE.
1 L E NIVEAU PRAGMATIQUE
L’APPROCHE ACTIONNELLE DU LANGAGE ORDINAIRE CONDUIT À
FAIRE DE LA RÉFÉRENCE
L’ACTE D’UN LOCUTEUR ENGAGÉ DANS UN CONTEXTE SITUATIONNEL
LA RÉFÉRENCE AUX CHOSES ET AUX FAITS DU MONDE REQUIERT UNE
CONSTRUCTION DISCURSIVE
Ernst Cassirer :
« le réel n’est pas seulement décrit à distance en symboles poétiques, il est de bout en bout symbole ».
1.1 L’ ACTE DE D ISCOURS
A USTIN
1.2 L ES ACTES VÉRIDICTIONNELS
CONSIDERATION ENGAGEMENT
[A] [¬ A] ASSERTION DENEGATION
(Affirmation) (Négation)
A ¬A A ¬A
Cf. D.Vernant : – « Pour une logique dialogique de la dénégation », 2003 ; – « The Limits of a Logical Treatment of Assertion », 2005 ;
– « Pour une analyse pragmatique de l’acte de citer : les métadiscursifs », 2005.
1.2.1 HEXAGONE ALTERNATIF
Estimation = A w D
Assertion
Dénégation
¬ Dénégation
¬ Assertion
Considération
Cf. Augustin Sesmat, Logique II, 1951.
2 L E NIVEAU DIALOGIQUE
La théorie des actes de discours reste monologique,
s’impose une reprise dialogique :
Les actes de référenciation aux
personnes, aux choses et aux faits se co-construisent dans un processus
dialogique d’interaction langagière.
2.1 D U D IALOGUE
LE DIALOGUE EST UN PROCESSUS OUVERT ET CRÉATIF,
HÉTÉROLOGIQUE EN CE QUE L’INTERACTION LANGAGIÈRE DÉPEND D’UNE FINALITÉ TRANSACTIONNELLE,
À LA FOIS INTERSUBJECTIVE ET INTRAMONDAINE.
Cf. D. Vernant, Du discours à l’action, 1997.
2.1.1 I NTERACTION LANGAGIÈRE
Toute interaction langagière (verbale, gestuelle, posturale, etc.) est un processus ouvert et créatif au cours duquel locuteur et allocutaire négocient le sens et la référence et construisent ensemble une image du monde commune.
Dès lors, tout acte de discours devient un interacte qui acquiert une fonction
dialogique :
e.g. l’assertion peut avoir fonction de réponse,
réplique, mise en cause, etc.
2.1.1 H ÉTÉRONOMIE DE L ’ INTERACTION
TRANSACTION TRANSACTION INTRAMONDAINE INTERSUBJECTIVE
STRATÉGIE INTERACTIONNELLE
3 L E NIVEAU PRAXÉOLOGIQUE
Les fonctions signifiante et référentielle du discours dépendent
de son ancrage dans l’action.
D’où le rôle crucial des transactions
constituant le rapport des personnes entre elles et leurs relations au monde qu’elles
partagent.
La praxéologie ou théorie générale des actions a été inventée par le français Alfred Espinas en 1897.
3.1 Wittgenstein II :
Jeu de langage & forme de vie
« Le mot “Jeu de langage” doit faire ressortir ici que le parler du langage fait partie d’une activité ou d’une forme de vie ».
Investigations philosophiques, § 23.
« Le sens de la proposition dépend du reste de nos actions ».
De la Certitude, § 229.
« L’enfant n’apprend pas qu’il y a des livres, qu’il y a des sièges, etc., mais il apprend à aller chercher des livres,
à s’asseoir sur un siège, etc. ».
De la Certitude, § 476.
« Le terme, c’est notre action qui se trouve à la base du jeu de langage ».
De la certitude, § 204.
3.2 L A FINALITÉ TRANSACTIONNELLE
Toute interaction a une finalité transactionnelle qui vise : – une transaction intersubjective au cours de laquelle les interlocuteurs se reconnaissent mutuellement (dimension psychologique (profil), sociologique (faces) et institutionnelle (places)),
Ex. Médecin/Patient
– une transaction intramondaine au cours de laquelle les agents partagent la même situation, identifient ensemble un problème et lui apportent solution en construisant un monde commun.
Ex. poser un diagnostic et élaborer une thérapie.
3.3 L E DIALOGUE COMME ACTION CONJOINTE
L’action conjointe est le degré le plus élevé de coopération puisqu’elle coordonne des actions particulières différentes en une activité située et imprévisible.
C’est le cas de nombre de jeux et de tous les jeux de langage.
– Je ux finis, ex. : partie d’échec, de football, course de voiliers.
– Jeux ouverts, ex. : compétition économique.
Dans le domaine communicationnel, le paradigme de l’action conjointe est le dialogue (soit collaboratif ou antagoniste)
L’échange épistolaire est une action conjointe
différée.
3.4 L’ ANCRAGE ACTIONNEL
Interaction langagière et transactions intersubjective et intramondaine ont un ancrage actionnel : Im anfang war die Tat.
3.5 DÉTERMINANTS PRAXÉOLOGIQUES
– Situation partagée – co-Agents
– Buts – Objets
STRATÉGIES INTERACTIONNELLES
DONNÉES TRANSACTIONNELLES :
4.1 T YPOLOGIE DES DIALOGUES
Comme activité conjointe, le dialogue peut être polarisé positivement comme collaboration ou négativement comme confrontation. D’où la typologie suivante où l’on distingue d’abord le mode de transaction (à
gauche intersubjectif, à droite intramondain), puis pour chacun la polarité (à gauche négatif, à droite positif)
4.1.1 GRILLE D’ANALYSE DU DIALOGUE
NIVEAU
TRANSACTIONNEL :
+ INTRAMONDAIN : Monde partagé : Buts :
– communs : – particuliers :
NIVEAU INTERACTIONNEL : + Intersubjectif :
Statuts : Rôles :
Type de dialogue : Thème :
Stratégie :
DEGRÉ DE RÉUSSITE :
– interactionnelle ;
– transactionnelle.
4.1.1.1 Exemple du Ménon
MONDE PARTAGÉ : Dialogue philosophique
BUT COMMUN : Quête de la vérité
STATUT : Ménon : + jeune aristocrate
Socrate : – vieux démocrate
RÔLE : Ménon : – disciple
Socrate : + maître TYPE DE DIALOGUE : Recherche d’une définition
THÈME : Qu’est-ce que la vertu ?
STRATÉGIE : Apparemment coopérative
en fait directive
inversion des rôles, affirmation du statut
DEGRÉ DE RÉUSSITE : Échec
Unique vertu/essaim de vertus.
4.1.1.2 Exemple d’évaluation
DEGRÉ DE RÉUSSITE :
– interactionnelle : 10/10
– transactionnelle : 0/10.
(… Et j’écris consolé : « Au commencement était l’action ») Faust, Goethe.
De la Certitude, Wittgenstein, § 402.
Jean-Jacques Grandville