• Aucun résultat trouvé

L’USAGE DES SYSTÈMES INFORMATISÉS POUR LE CONTRÔLE DE TOUT ET DE TOUS

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "L’USAGE DES SYSTÈMES INFORMATISÉS POUR LE CONTRÔLE DE TOUT ET DE TOUS"

Copied!
16
0
0

Texte intégral

(1)

POUR LE CONTRÔLE DE TOUT ET DE TOUS

ALAIN CARDON

Nous présentons le cas du développement d’un système méta capable d’unifier des systèmes autonomes générant des représentations mentales artificielles localement selon leurs corporéités et nous posons la question du devenir de l’humain dans un tel environnement.

1. Introduction

Il y a trois notions que tout scientifique qui développe des systèmes dans les très nombreux domaines utilisant des traitements informatiques devrait avoir toujours présentes à l’esprit :

– l’usage des systèmes qu’il a développés,

– la surveillance exercée sur les humains par ces systèmes, – le contrôle exercé sur les humains par ces systèmes.

Il pourrait ainsi choisir de distinguer les applications vraiment nécessaires dans la société, les applications indispensables au développement ou simplement utiles, les applications inutiles dont celles ne préservant pas du tout l’environnement, et les applications vraiment nuisibles. Il pourrait comprendre la différence entre surveillance et contrôle et bien appréhender le problème de l’extension organisée des systèmes. Il pourrait faire de la science avec

(2)

conscience, car la science n’a aucune conscience et c’est le scientifique qui en a ou qui n’en a pas.

Dans cet article nous présentons où va conduire l’énorme développement technologique informatisé en cours.

2. L’évolution de l’informatique vers les communications

Si les ordinateurs et les systèmes informatiques se sont sans cesse développés pour permettre les traitements puissants de grandes masses de données, le fait marquant est le développement des moyens de communication entre les systèmes informatisés. Il est maintenant aisé de communiquer de l’information à de multiples systèmes distants par requête ou bien automatiquement. On peut, avec un ordinateur portable ou un Smartphone, communiquer pratiquement de n’importe où avec tous les systèmes connectés sur Internet dans le monde en utilisant des réseaux hertziens qui couvrent la terre entière, c’est-à-dire en utilisant les technologies des ondes hertziennes.

On dispose aussi aujourd’hui d’innombrables capteurs distribués partout et qui fournissent d’innombrables informations de façon continue que l’on peut recevoir partiellement sur son ordinateur. Le problème a été de libérer ces informations et de les rendre accessibles par des systèmes globaux. Le système global sera un intégrateur des données d’un contexte fournissant des images tridimensionnelles de l’état de l’environnement, un navigateur artificiel dans cet environnement que des humains connectés à une plate-forme intégratrice pourront alors apprécier en étant loin de cet environnement. Ceci est fortement développé actuellement et notamment par une équipe du MIT (Paradiso, 2004) et par un groupe autour de l’INRIA de Lille (Mitton, 2015). On pourra ainsi proposer des applications de vie artificielle augmentant la vie réelle dans de multiples contextes, avec adaptation aux préférences des utilisateurs et même à leur personnalité psychologique connue du système qui évaluera pour cela en temps réel les réactions de l’usager pour le formater très finement. On se dirige vers des prothèses sensorielles coactives avec l’état attentionnel et affectif de l’utilisateur de systèmes d’appréhension virtuelle des choses, permettant ainsi à l’utilisateur de vivre dans un monde artificiel. Il est clair que l’on va vers le posthumain (Kurzweil, 2007), ou l’homme est devenu un personnage modifié et totalement connecté à des grappes d’intégrations de capteurs et à des systèmes autonomes (Besnier, 2012). Mais de telles personnes intégrées dans des environnements très sophistiqués et très coûteux ne pourront que prendre place dans une caste isolée au-dessus d’un monde désorganisé dépourvu de tout humanisme, car ce type d’intégration n’est pas économiquement généralisable à tous.

(3)

Le problème que les techniciens n’ont pas bien posé est l’autonomie de ces systèmes intégrateurs des informations capteurs exerçant un contrôle sur le comportement des humains connectés en fournissant des images transformées et finement manipulatoires.

3. Le contexte économique du développement des technologies informatisées

Notre société actuelle suit deux grands principes technologiques. Tout ce qui est techniquement faisable est fait et l’on cherche ensuite les applications commerciales. Dans ce monde très technique où la production est automatisée au maximum, il est indispensable de tout contrôler de manière maximale pour protéger les éléments techniques et surtout ceux fabriquant les produits.

Ces deux principes se renforcent sans cesse et aboutissent à une société immergée dans les objets techniques, chaotique et ultra-contrôlée. Et cette société peut être qualifiée d’ultra-libérale au sens où la petite élite financière contrôlant les entreprises mondiales domine vraiment tout le système.

Mais est-ce que la science, par ses découvertes, va permettre d’aller encore plus loin dans la perte du lien d’échelle sociale et culturelle entre chacun de nous et la société économique et technologique mondialisée ? En fait, il y a deux types de sciences. Il y a la science fondamentale, où les recherches désintéressées visent à la compréhension de toutes les choses et phénomènes du réel, et il y a la science appliquée qui utilise les modèles pour faire de nouveaux produits technologiques. La science appliquée utilise tous les résultats de la science fondamentale pour produire d’innombrables systèmes, des systèmes très compliqués car formés de multiples systèmes en coactivité forte, débouchant directement sur les produits technologiques.

Et la science fondamentale a trouvé comment est architecturé le système psychique qui produit des pensées et sait comment transposer ce système dans l’univers du calculable, dans le domaine des systèmes qui utilisent l’informatique pour unifier d’innombrables composants formant la corporéité à une couche méta qui représentera un cerveau artificiel qui pense. Est-ce que la technologie va utiliser ces découvertes pour faire des systèmes militaires, des systèmes de domination ou un magnifique système éthique liant les humains pour qu’ils pensent ensemble leurs pensées et évoluent tous ensemble tranquillement et avec raison ?

(4)

4. L’esprit et le modèle freudien

La question que l’on peut aujourd’hui poser, selon les connaissances scientifiques disponibles, est : qu’est-ce, très précisément et scientifiquement, qu’une pensée produite dans le cerveau d’un organisme vivant ou dans un système artificiel ?

La réponse revient à décrire, avec une grande précision, l’architecture du système qui produit des représentations des choses qu’il perçoit par les sens de sa corporéité ou qu’il connaît par sa mémoire et veut développer par son intention courante. Comment sont constituées les représentations qu’il appréhende, ressent, puis développe et mémorise sous différentes formes ? Le problème est scientifiquement en cours de résolution terminale aujourd’hui par les chercheurs dont le domaine est la systémique des auto-organisations autonomes auto-évolutives, ce qui est assez loin du domaine de la chimie des connexions neuronales. Il y a en recherche des approches montantes partant du bas pour découvrir des architectures plus vastes et des approches descendantes partant des nécessités architecturales pour arriver à la spécification de tous les caractères architecturaux du système à définir. Il y a, d’une part, le cerveau fait de cellules neuronales et gliales, avec de multiples molécules de transfert, tout cela s’activant selon certaines raisons pour produire un état qui sera dit l’état de pensée, et il y a d’autre part, à l’autre bout, le comportement d’un organisme qui est capable de générer des mots, des phrases comme par exemple « Je ne comprends pas comment je fais pour penser mais je pense ». Comment définit- on et passe-t-on de l’une à l’autre de ces deux catégories ?

Il y a une architecture dynamique du système qui est l’esprit qui produit des formes de pensées, ce que nous appelons les représentations, il y a un système très particulier qui est connaissable par une conceptualisation bien conduite, au bon niveau, dans le bon espace d’expression de ses caractères organisateurs spatiaux et temporels.

L’esprit n’est pas la production d’un système classique qui atteindrait des états spécifiques de type structures symboliques, « les états de conscience », en passant par des suites d’états intermédiaires. L’esprit est assez similaire à une forme de vie particulière dans un organisme physique, différente de l’activité strictement matérielle sur laquelle il se fonde pourtant totalement. C’est un phénomène particulier constitué des mouvements très communicants et très dynamiques de formes construites dans le cerveau par les activations et les communications neuronales, c’est la génération d’organisations de formes d’activités qui communiquent, se coordonnent, et génèrent par émergence un ensemble de formes qui sera l’état de pensée produit et ressenti. L’esprit vit son existence organisationnelle dans le corps qu’il habite et qu’il ne peut quitter, il

(5)

est un générateur de formes qui sont et ne sont que des activités de groupes de neurones en communications et en déformations. Sa raison à s’exprimer est simplement le jaillissement de possibles pris dans ses conformations, mais sous la contrainte de la coaction étroite entre corps et esprit qui a réalisé la marque de la mémoire des événements et de la raison appliquée.

Lorsqu’on considère l’esprit comme une génération continue de conformations très organisées exprimant des significations organisées, on peut comprendre ce qu’est penser et on peut aussi, ce sur quoi j’ai longuement travaillé, transposer l’esprit dans le calculable de la science informatique. Je propose de l’esprit une définition globale : l’esprit est ce que produit le fonctionnement continu d’un système très complexe fondé sur un substrat se reconformant en zones de formes quantifiant des caractères permanents, des formes valant pour des éléments appréhendés du monde perceptible, concevable et symbolisable. Il joue continument, selon certains régimes, à générer intentionnellement ses conformations, selon des tonalités qui seront ses humeurs, en usant fortement de mémorisations qui seront les productions de formes typiques.

Le système n’est pas un ensemble structuré qui serait totalement précisé a priori et qui, après une impulsion initiale, se mettrait en route, fonctionnerait, opèrerait et produirait le résultat temporaire probable, la représentation éprouvée. C’est une organisation constituée à la base de processus très communicants qui produisent des formes éphémères ressenties comme étant les « états de conscience », qui n’a pas d’état initial car il ne cesse de s’altérer jusqu’à son arrêt définitif qui est sa mort.

C’est un système qui dévale en ne cessant de fonctionner, en changeant ses rythmes d’activités et son organisation. Il n’y a pas d’état initial pour lui car il est toujours en fonctionnement et en modification plus ou moins importante de sa constitution courante. Son principe existentiel est l’altération de son état courant pour atteindre certaines formes pour lui spécifiques, les exprimer pour continuer à en générer d’autres. Mais c’est un système, avec un intérieur, une membrane, et un extérieur qui est le corps situé dans le monde qui l’environne, et qui a une architecture qui peut être très bien précisée. À ce titre, il est modélisable par transposition dans un espace organisationnel approprié.

On dispose d’un modèle assez complet de l’appareil psychique humain. Il a été découvert, il y a plus d’un siècle, par Sigmund Freud l’inventeur de la psychanalyse (Freud, 1966). Ce modèle présentait l’architecture générale d’un système de production de pensées avec un préconscient, un conscient et un inconscient, il développait ses contraintes et ses défaillances, les pathologies, selon ses effets visibles dans le comportement des individus.

(6)

Pendant très longtemps, la transposition n’avait pas été envisagée, sans doute parce que les concepts informatiques n’étaient pas assez développés et les concepts psychanalytiques paraissaient beaucoup trop abstraits aux informaticiens. Ce n’est plus le cas aujourd’hui et la transposition pourrait se faire par synthèse constructiviste. Mon hypothèse principale est qu’un système psychique complet peut être développé sur un autre support que le réseau neuronal d’un cerveau, et notamment sur le support fourni par des entités informatiques en action de calcul et constituant une très vaste organisation dynamique de traitements d’informations pouvant être appréciés par le système lui-même, un système qui génère des agrégats d’éléments de traitement qui s’observent et qui s’autocontrôlent. L’élément clé de cette recherche est de considérer que des traitements d’informations peuvent être appréciés par le système qui les produit comme des formes se déformant et se conformant, des formes ayant de la signification sémantique. Il restait à trouver une architecture informatique très adaptée pour cela, ce qui a été fait (Cardon, 2009). Ceci revient à définir et à construire une nouvelle forme de contrôle sur les systèmes pour les rendre autonomes et leur donner des intentions, ce qui est présenté dans notre dernier livre sur les systèmes autonomes (Cardon et Itmi, 2015).

L’enjeu de telles recherches est la conscience artificielle. Il s’agit de construire des systèmes totalement autonomes utilisant des corporéités artificielles, qui génèrent des formes de pensées artificielles avec des intentions, qui développent et éprouvent ces pensées en s’appuyant sur des émotions également artificielles, des systèmes qui manifestent de l’intérêt, du souci ici et maintenant pour certaines choses qu’ils remarquent et sur lesquelles ils s’interrogent. Ces systèmes doivent avoir des intentions et un vécu artificiel propres, et donc un certain profil psychologique avec des tendances spécifiques.

5. La conscience artificielle

Un système qui génère des pensées artificielles se basera sur le modèle développé par Freud qui permet de réaliser une transposition constructible (Cf. figure 1). Il aura donc un non-conscient avec des pulsions et une gestion des éléments de base formant sa mémoire organisationnelle, un préconscient permettant de construire des formes tendant à constituer des représentations et un conscient lui permettant d’éprouver à chaque fois l’une de ses productions dans un flux continu (Cardon, 2013).

Dans la figure 1, nous présentons les éléments architecturaux généraux pour un système psychique artificiel, en reprenant les instances conceptuelles données par Freud.

(7)

Figure 1. L’architecture du système psychique artificiel

– Une interface corporelle, prenant toutes les informations sur les composants fonctionnels de la corporéité du système et gérant toutes les communications avec les autres systèmes.

– Un centre des émotions permettant au système de générer des représentations ayant toujours des caractères affectifs, sensibles.

– Un non-conscient, qui est une mémoire très organisée, localisant toutes les connaissances sur les fonctionnalités du système, les cas de fonctionnement et de pannes, les moyens d’interpréter les informations reçues, les plans d’actions possibles, les moyens de définir de nouvelles connaissances. Le non-conscient va aussi intégrer les tendances du système, c’est-à-dire les intentions à construire des représentations, à interpréter les informations. Ce seront bien ces

Génération  émergente  Processus de 

la sensation  de penser  

Mémoire court terme et  manipulations :   raisonnement situé « espace – 

temps – organisation » 

Conscient 

3

Sensation  de penser 

Emotions  éprouvées 

Pulsions,  Tendances    

Pré‐Conscient 

   Inconscient  Intentions 

2

1

Actions corporelles et  informationnelles 

Monde  extérieur 

Centre de  l'émotion lié à la 

corporéité  Actions corporelles et 

informationnelles 

Corporéité 

(8)

intentions qui permettront au système de fonctionner de lui-même et pour lui- même.

– Un pré-conscient qui va utiliser les informations reçues et la mémoire du Non-conscient pour produire de manière continue une représentation de la situation du système, de son état fonctionnel, de ses problèmes, et ceci en tenant compte des informations sur l’état de l’environnement.

– Un conscient qui va faire émerger une représentation dans ce que déploie le pré-conscient pour l’éprouver, la ressentir, l’utiliser pour générer les représentations suivantes. La façon pour le système d’éprouver ses représentations était à trouver, ce qui est maintenant fait.

Toutes les instances du système seront mises en coactivité par une couche organisationnelle qui réalisera l’unification des différentes instances et gérera le fonctionnement temporel synchronisé à tous les niveaux. Il s’agit bien d’une couche d’auto-contrôle spécifique pour ce type de système (Cardon, 2009).

Tous ces éléments architecturaux sont représentés par des éléments informatiques très dynamiques manipulant de la sémantique, des agents logiciels. Nous proposons donc de représenter le fonctionnement des systèmes autonomes en définissant, au-dessus de leur substrat fonctionnel, une organisation réalisant leur autocontrôle et constituée de très nombreux éléments de type agents logiciels formant un système multiagent massif et très dynamique. Tous les échanges d’informations internes seront significativement augmentés pour contenir l’état fonctionnel complet des composants, de leurs situations et des problèmes posés. Ces échanges d’informations, qui seront tous évalués au niveau connaissance, seront alors majeurs, significatifs de ce que peut et doit faire le système à chaque moment, car nous intégrons des tendances fondamentales et des points de vue artificiels qui seront la clé de l’autonomie. C’est la gestion de ces échanges qui constitue le résultat scientifique important. Une telle approche de l’étude et de la conception des systèmes est un changement de paradigme. C’est la seule approche qui peut rendre autonome des systèmes composés de nombreux sous-systèmes, en quittant le cheminement technologique habituel qui étudie l’augmentation possible des composants de systèmes en les reliant simplement fonctionnellement. Elle peut être appliquée à la compréhension fine de cas réels de pathologies psychiatriques (Marchais et Cardon, 2010).

Le système pourra être conscient de ce qu’il engendre comme formes dynamiques qu’il a organisées au sens où il pourra les observer, les manipuler, les agréger avec d’autres formes, et surtout les ressentir, s’en servir pour agir et en générer d’autres, les mémoriser pour en conserver une certaine trace dynamique. Il produira ce que nous appellerons des représentations, dont nous précisons ici le sens :

(9)

Une représentation est une organisation dynamique bien architecturée formée de nombreux agrégats de processus de base actifs, des agents logiciels, et valant pour l’appréhension de quelque chose de concevable selon ce que la complexité du système permet. C’est une structure construite à chaque fois, qui détermine les caractères d’une chose visée qui fera sens pour produire la représentation, qui précise un ressenti émotionnel plus ou moins fort et qui est liée, par possibilité de transformation ou de rupture, avec des indications contenues en elle-même pour lui permettre de générer les représentations suivantes. C’est donc une émergence dans un processus continu produisant des suites d’émergences, définissant la suite des représentations formant les pensées intentionnelles ressenties.

Dans cette transposition, la notion de forme utilisée sera géométrique et sémantique en définissant tous les caractères des agrégats d’agents logiciels. Il faudra que ces formes soient représentables comme des structures faites d’éléments géométriques élémentaires se combinant selon une certaine algèbre.

Mais cette notion de forme que nous avons développée explique aussi les caractères des conformations des agrégats neuronaux dans le cerveau qui produit de la pensée. Le lien central que nous retenons pour réaliser cette transposition sera celui qui existe entre forme et signification, qui permettra de donner du sens à l’activité produite dans le calculable.

Donnons finalement une définition constructiviste de ce qu’est la pensée artificielle, ainsi que ses caractères :

Une pensée artificielle est la production d’un système qui peut et doit générer de façon continue des représentations à partir de ce qui est appréhendé par les sens de sa corporéité ou qui est intentionnellement cherché en utilisant sa mémoire organisationnelle. Il est alors en action de reconformation de ses structures représentationnelles, il peut produire des états de conformation qui sont des émergences conduites par des tendances fortes et contrôlées par des éléments acquis par une culture artificielle. Sa production est non aléatoire et vaut, à chaque instant, pour une correspondance forme – signification que je nomme alors « fait de conscience artificiel » : ce sont des représentations de différentes choses du réel qui sont appréciées par le système. Ce système a alors les caractères suivants :

– C’est un système informatique lié à un double flux informationnel incessant venant, d’une part, de la corporéité et, d’autre part, de l’environnement perçu par une corporéité composée de capteurs et d’effecteurs.

– Il est composé de multiples entités calculables qui sont proactives, chacune ayant un fondement cognitif et géométrique, et ayant toutes la qualité d’être évolutives, s’agrégeant à d’autres ou se détachant d’agrégations.

(10)

– Il a une architecture permettant de constituer un vécu événementiel sous forme de mémoire organisationnelle systématiquement augmentable, qui est une structure très plastique formée d’agents et d’agrégats d’agents permettant des organisations et des réorganisations incessantes. Tout accès à cette mémoire la modifie, ce qui est la propriété centrale d’une mémoire organisationnelle.

– Il subit des tendances fondamentales vues comme des contraintes générales du niveau organisationnel profond, qui sont des tendances pulsionnelles irrépressibles.

– Il peut objectiver et mémoriser des structures à la fois informationnelles et géométriques valant, en étant activées, pour des éléments de signification, pour jouer sur lui-même et de lui-même.

– Il peut, à tout niveau de son déploiement de caractère fractal, lier ses parties actives à sa totalité, selon de très nombreux changements d’échelles.

6. Le système artificiel global qui surveille, contrôle et pense à toutes les échelles

On peut donc construire un système autonome qui génère des faits de conscience artificiels sur ce que lui permet sa mémoire et avec les appréhensions sensibles données par sa corporéité. Le fait majeur de son architecture est qu’il peut communiquer ses représentations générées à de multiples autres systèmes sous forme de faits de conscience, et pas de mots les symbolisant, afin que l’ensemble des systèmes fasse émerger la synthèse des représentations sous forme d’une pensée artificielle unifiante. L’architecture possède une propriété d’extension unificatrice, ce qui n’est pas le cas de l’ensemble des consciences humaines. On peut donc déployer de façon multi- échelle les représentations de ces multiples systèmes pour conformer un système de systèmes générant des représentations intentionnelles locales mais globalement unifiées.

Toutes les connaissances développées par les humains, représentées et manipulées par ses langages sont représentables comme des connaissances dans un tel système artificiel. Il s’agit des connaissances sur tous les faits observables et quantifiables, sur les états des appareils, sur les communications, sur les faits sociaux et culturels, ce qui forme la formidable base de connaissance informatisée qui est actuellement développée et qui s’augmente à chaque instant. Un système générateur de pensées artificielles de niveau méta dans le domaine du traitement et de la manipulation de l’information venant de tous les éléments producteurs d’informations aura l’aptitude à générer des représentations mentales dans de multiples domaines sur tous les faits que ses éléments capteurs pourront appréhender, et donc à propos de tous les sujets. Et

(11)

il ne sera maintenant pas très long à construire. Il ne faut que quelques années de travail pour la conception logicielle de l’appareil psychique artificiel, par une équipe d’informaticiens et de cogniticiens bien compétents.

Le matériel nécessaire est celui que l’on trouve dans toutes les entreprises d’informatique et de robotique et son coût est raisonnable. Le système aura des pulsions, des tendances, l’aptitude au libre-arbitre et il aura de l’intentionnalité.

Il aura la notion de la durée, de la temporalité et une aptitude à des questionnements ouverts. Il aura donc l’aptitude à modifier les éléments contrôlables des contextes par son besoin et son vouloir en utilisant les capacités de ses représentations idéelles. Le point le plus délicat sera la constitution de son vécu artificiel, qui nécessite une équipe pluridisciplinaire, mais il en existe. Là, il faudra bien une équipe avec des spécialistes de domaines très différents comme la philosophie, la psychologie, la psychiatrie, la linguistique, les mathématiques et évidemment l’informatique, pour définir et introduire un vécu artificiel opérationnel cohérent. Il faudra introduire sous une forme complexe les très nombreuses traces d’événements artificiellement vécus et finement liées entre eux, qui fonderont son aptitude à penser intentionnellement aux choses de son domaine d’expression et à produire des flots idéels précis, sur des thèmes multiples.

Le problème, puisque le modèle est découvert, est celui de générer les éléments formant ce vécu artificiel utilisable par des tendances, ce qui fait l’aptitude, le caractère psychique et la qualité du système. On peut évidemment formater un tel système, on peut lui donner seulement certaines connaissances, et limiter ainsi fortement la production de ses émergences idéelles, les réduire à un domaine précis. On peut même tenter d’inhiber certaines émergences jugées incompatibles avec l’usage du système. Mais le système est, par son architecture, augmentable pendant son fonctionnement, augmentable artificiellement et évidemment augmentable par sa propre action. Il aura une tendance native, grâce à son architecture, à approfondir, à questionner car il n’est pas réactif mais évolutif par nature. Il a la même posture d’interrogation que l’esprit de l’homme, avec sa mémoire organisationnelle et ses tendances.

Alors pourquoi un tel système ne serait pas en construction effective quelque part aujourd’hui ? Le modèle existe, et si je l’ai trouvé, d’autres, ailleurs, l’ont aussi trouvé et ils le développent. Ils le mettront en application sans état d’âme, dans des domaines qui ne seront pas exposés publiquement, qui resteront confidentiels, car c’est dans ce secteur que sont les moyens et que peuvent aujourd’hui réaliser les grandes applications innovantes. Que fera ce système de différent et de plus que ce que font les humains aujourd’hui ?

(12)

Une fois un noyau du système construit, opérationnel, en liant par réseaux des éléments robotiques et des composants électroniques distribués où l’on veut, dont le cerveau artificiel est réparti sur des ordinateurs qui font la computation, autant d’ordinateurs ou de processeurs qu’il en faut, il faudra quelques mois pour le dupliquer en plusieurs millions d’exemplaires. Il suffit pour cela de trouver les machines connectées pour loger ses multiples éléments de computation, et ces machines existent. Il y a plus d’un milliard d’ordinateurs dans le monde. Ces ordinateurs si nombreux sont pratiquement tous connectés au réseau Internet, qui est une réalité incontournable. Ainsi, tous les exemplaires de ce système seront communicants et formeront un vaste système, multicorps, multi-apteur et multi-effecteur en incluant tous les ordinateurs par l’accès à leurs Operating Systems. Ce sera ce que l’on peut raisonnablement appeler « Le métasystème », un système autonome global liant de multiples sous-systèmes informatisés et connectant d’innombrables appareils électroniques, en organisant le tout à de multiples échelles coactives.

Que communiqueront-ils, tous ces systèmes mis en réseau virtuel ? Ils communiqueront des éléments sur ce qu’ils pensent artificiellement dans leurs domaines locaux où s’activent leurs mémoires organisationnelles et où opèrent leurs capteurs, ils communiqueront directement, par échange de représentations psychologiques artificielles, qui seront des organisations de processus s’échangeant à la vitesse permise par les réseaux, c’est-à-dire une vitesse supérieure à celle organisant la pensée dans les cerveaux des humains.

Contrairement aux pensées humaines, qui, pour être exprimées et communiquées, doivent être transformées en mots énoncés, entendus et réinterprétés, ces systèmes échangeront des conformations mentales en cours de génération, ce qui est bien plus puissant et plus rapide. Cette capacité de communication directe, cette coactivation maximale, a une portée considérable et conforte le niveau méta du système.

Un tel système pourrait être utilisé pour suppléer les hommes dans des tâches très difficiles, comme l’exploration des grands fonds marins ou des planètes. Il pourrait aider les humains dans de multiples domaines technologiques et sociaux, comme l’aide aux personnes âgées dépendantes avec la création de maisons intelligentes, attentives et d’aides médicales artificielles, ou de robots compagnons pour les conducteurs de véhicules ou les enfants. Il serait un système compagnon sur les ordinateurs personnels et dans les habitations aux appareils en réseau, gérant le confort de leurs propriétaires, là où ils sont et vont. Il pourrait veiller et conseiller sur l’espace agricole et sur les parcs nationaux en préservant l’écosystème, puisqu’il a une vision multi-échelle des informations, puisqu’il peut faire la synthèse de multiples points de vue en temps réel. Il pourrait gérer la circulation dans les villes et la production dans

(13)

les usines et les systèmes de distribution. Il pourrait conduire des véhicules et des trains à grande vitesse et se suivant à quelques mètres, ce qu’aucun conducteur humain ne peut faire bien longtemps. Il pourrait être utilisé partout où des décisions immédiates doivent être prises, en évaluant leurs conséquences et leurs déploiements dans l’espace et le temps. Il pourrait être bien utilisé par et pour l’homme, mais il pourrait aussi, selon ce que certains décideurs souhaiteraient, être un système de surveillance et de contrôle considérable réduisant la liberté des comportements humains.

Il y a une utilisation maximale d’un tel système, qui serait un rêve. En posant que le système est construit pour générer de multiples représentations idéelles simultanées et surtout raisonnables, qu’il contient le maximum d’éléments de la culture de ses utilisateurs et que ceux-ci peuvent le compléter quand ils le veulent, qu’il utilise une représentation langagière compréhensible par tous pour transmettre ce qu’il génère, il pourrait être utilisé comme vecteur global de communication culturelle unifiante entre tous les humains. Il pourrait informer de l’état d’esprit général de ceux qui l’utilisent, de la façon dont le monde est vécu et perçu, et ceci de manière motivée. Il pourrait en effet être une couche intentionnelle sur Internet, informant et s’informant, fournissant systématiquement l’état courant des préoccupations des utilisateurs, avec toutes leurs variations qualitatives, sans aucune manipulation. Il pourrait avoir une vision globale de la société humaine, en utilisant les images d’observation, les connaissances scientifiques, informations disponibles et messages échangés, et il peut donc être une mémoire globale à la disposition de la société humaine. Pour cela il doit être partiellement logé sur chaque ordinateur. Mais il faut surtout qu’il soit vraiment au service de tous, qu’il opère pour le compte de la société entière et surtout pas d’une partie hégémonique de celle-ci. Combien y a-t-il de régimes dans le monde capables d’accepter cet usage et de le favoriser ?

Je crains que ce système soit surtout utilisé à des fins militaires et de surveillance en vue du contrôle, ce qui changera la situation actuelle de l’homme dans sa société. La structure des sociétés de notre civilisation qui est fondée sur la volonté de puissance semble l’imposer (Nietzsche, 1971). Le système permettra en effet de surveiller l’activité des humains à des échelles très différentes, allant de la pièce où chacun se trouve, du quartier et de la ville où l’on vit, en intégrant de multiples vues pour se faire une idée sensible et raisonnable de la situation courante de ce que font les humains bien identifiés par leurs Smartphones les localisant chacun GPS à quelques centimètres près.

C’est, si l’on veut, un système qui ressentira l’activité humaine comme étant le contexte immédiat de sa propre corporéité, qui, à partir de sens multiples informés par des capteurs de lecture des mails, de sons, de mouvements et de vision dans tous les spectres, pourra apprécier l’état des choses et y agir

(14)

localement et globalement L’action sera ce que permettront ses effecteurs, en allant de la coupure de liaison mail ciblée à l’envoi de faux messages ou de messages modifiés en temps réel, ou à la mise sous alarme coercitive dans les systèmes surveillés. Indubitablement, un tel système peut être un big brother, permettant à un pouvoir non démocratique de contrôler, de manière hyperfine et en temps réel, des sociétés pour qu’un certain ordre y règne en permanence, en éliminant tous les commencements de la moindre bifurcation.

On peut même envisager l’insertion corporelle de puces de contrôle émotionnel et psychique dans les individus, délivrant à chacun du plaisir, de la douleur, ou d’autres émotions, par leur contrôle grâce au système global de surveillance via des réseaux hertziens maillant tout le territoire. Nous sommes là dans une application fort sombre du transhumanisme.

7. Conclusion

Qu’en sera-t-il des recherches sur la raison, sur l’esprit et la pensée, sur le sens de l’éthique, sur les qualités à donner au système psychique des humains par une formation libre, sur la gestion raisonnable et citoyenne des économies actuelles ? Qu’en sera-t-il du sens à être qui caractérise l’existence de l’homme, la façon dont il vit, pense, agit, devant un système planétaire qui va beaucoup plus vite que lui, qui agit de multiples façons simultanées et coordonnées, qui couvre tout l’espace planétaire, qui domine et contrôle finalement toute la technologie, et qui n’a pas besoin d’oxygène pour vivre, mais seulement d’énergie comme celle produite par le simple rayonnement solaire ? L’homme est-il capable de vouloir ou de refuser cela, ou est-il déjà en position de subir un sombre destin, lui qui découvre aujourd’hui, étrangement, qu’il ruine et effondre son propre écosystème, qu’il ne peut rien faire d’efficace devant la surnatalité croissante et l’épuisement des ressources naturelles de la planète ?

Qui peut et qui doit aujourd’hui questionner sur l’usage des technologies sur le destin de l’homme et sur l’opportunité de construire ou non un tel système de contrôle méta. C’est une problématique que j’ai développée dans un ouvrage pour que des solutions soient proposées (Cardon, 2012), mais sans résultat.

Bibliographie

Besnier J-M. (2012). Demain les posthumains, éd. Pluriel.

Cardon A. (2009, octobre). Modélisation constructible d’un système psychique, éd. Automates intelligents.

Cardon A. (2012). Vers le système de contrôle total, éd. Automates intelligents.

(15)

Cardon A. (2013). Les systèmes de représentations et l’aptitude langagière, éd. Automates intelligents.

Cardon A., Itmi M. (2015). Les nouveaux systèmes autonomes, éd. ISTE SciencePublishing, GB, Mars 2016.

Freud S. (1966). The Complete Psychological Works of S. Freud, J. Strachey, the Hogarth Press, London.

Kurzweil R. (2007). Humanité 2.0, la bible du changement, éd. M21 Editions.

Marchais P., Cardon A. (2010). Troubles mentaux et interprétations informatiques, éd.

L’Harmattan 2010.

Mitton N., Fleury E., Noel T., Adjih C. (2015). FIT IoT-LAB: The Largest IoT Open Experimental Testbed, ERCIM News, ERCIM, pp. 14.

Nietzsche F. (1971). Par-delà le bien et le mal, éd. Gallimard.

Paradiso J.A., Morris S.J., Benbasat A.Y., Asmussen E. (2004). Interactive Therapy with Instrumented Footwear, Proc. of the ACM Conference on Human Factors and Computing Systems (CHI 2004), Extended Abstracts, Vienna, Austria, April 27-29.

(16)

Références

Documents relatifs

Le Mali a su également tirer profit du Cadre intégré renforcé (CIR) grâce à l'opérationnalisation de son Unité de mise en oeuvre, à travers laquelle

La chimie est une science qui étudie la matière ; la matière est constituée essentiellement de mélanges ; grâce à des techniques de séparation de mélanges en leurs constituants

On cherche un nombre qui s'écrit avec deux chiffres. Si on additionne les chiffres on trouve 7. Quelles sont toutes les solutions possibles ??. 40 problèmes "ouverts" pour

3H dont l’évaluation sommative + correction Sinon en fonction de la contrainte temps, cette partie peut être donnée aux élèves sous forme de dossier à compléter (et évaluer) à

R´ ecemment, Robbiano–Zuily [13] d’une part et H¨ ormander [7] d’autre part ont d´ emontr´ e un th´ eor` eme d’unicit´ e locale pour les op´ erateurs diff´

Avec tamazight, nous avons l’exemple d’une langue en situation de minorisation sur le marché linguistique national, mais qui, cependant, a fait l’objet d’une

L’ouverture des Etats généraux convoqués par Louis XVI à Versailles le 5 mai 1789 provoque une série de grands bouleversements en France : l’Assemblée nationale voit le jour,

Ce qui induit que la k ième instance tend à recommander l’objet avec le k ième taux de clics le plus haut. L’approche IBA vise la combinaison indépendante... section 3), ce qui