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Scènes de combats mythiques sur les reliefs de l'"Agora Gate" à Aphrodisias de Cariue

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Academic year: 2021

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textes e t sociétés

Scènes de combats mythiques

sur

les

reliefs

de

»

à

Aphrod

isias

Pascale Linant de Bellefonds (UMR 7038, LIMC)

Les fouilles c o n d u ite s à A phrodisias d e C a rie depuis 1961 sous l'é g id e d e l'Université d e N ew York o n t ré vé lé u n e q u a n tité im pressionna nte d 'o e u vre s sculptées, p a rm i lesquelles un e série d e p a n n e a u x ornés d e scènes m y th o lo g iq u e s mis a u jo u r e n tre 1975 e t 1988 d a n s le s e c te u r d e l‘« A g o ra G a te ». F a ç a d e m o n u m e n ta le co n stru ite d a n s le c o u ra n t d u IIe siècle d e n o tre ère p o u r fe rm e r à son e xtrém ité o rie n ta le l'a g o ra sud d'A phrodisias ou « p o rtiq u e d e Tibère », l'« A g o ra G a te » fu t tra n sfo rm é e en fo n ta in e vers le milieu d u Ve siècle, c e qui nécessita la c o n s tru c tio n d 'u n v a s te bassin de stin é à recueillir les e a u x à l'a v a n t d e l'é d ific e 1. C 'est à l'intérieur e t à p ro xim ité d e c e bassin q u e fu re n t d é c o u v e rts les p a n n e a u x sculptés présentés ic i2. De to u te é v id e n c e ces reliefs n 'é ta ie n t pas là dans leur situation d 'o rig in e mais a v a ie n t é té e m p ru n té s à q u e lq u e m o n u m e n t alors e n d o m m a g é o u ruiné p o u r servir d e m a té ria u d e co n s tru c tio n ; un p a ra llè le c é lè b re existe à Ephèse où, a u Ve siècle é g a le m e n t, plusieurs reliefs d u « m o n u m e n t des Parthes » fu re n t re m p lo yé s dans la c o n s tru c tio n d 'u n bassin lors d e la tra n s fo rm a tio n d e la B ib lio th è q u e d e Celsus en n y m p h é e .

L'ensemble d é couve rt au bassin d e l'« Agora G a te » com prend une vingtaine d e panneaux complets ou fragmentaires, sculptés dans le marbre blanc local à veines gris-bleu. Les panneaux com plets présentent des dimensions à peu près identiques (2 m x 1,20 m) e t une m êm e structure a rchitectoniq ue (moulures d e socle e t moulures d e couronnem ent, à profils variés, e n c a d ra n t le c h a m p rectangulaire du relief figuré). Ces reliefs ne constituaient pas une frise continue, mais d evaien t s'insérer entre des pilastres ou colonnes. Les sujets figurés se répartissent en trois thèmes principaux, qui tous se rapportent à des com bats mythiques traditionnels : gigantom achie, centaurom a chie e t am azonom achie.

Les panneaux de la gigantom achie

À c e thèm e se ra ttachent cinq reliefs com plets ainsi que plusieurs fragm ents provenan t d'au moins deux autres panneaux. On rapprochera d e c e tte série trois reliefs ornés de gigantom achies qui avaient été découverts - égalem en t remployés dans le d é co r d'une fontaine d e construction tardive - lors des premières fouilles menées à Aphrodisias en 1904 par l'ingénieur français Paul G audin 3 : apparentés aux reliefs d e l'« Agora G ate », ta n t par leurs dimensions qu e pa r leur structure architectoniq ue e t par la thém a tiq u e de leur décor, ils proviennent sans aucun doute du m êm e ensemble. On parvient ainsi, pour c e tte série gigantom achique, à un total plausible d'une dizaine de panneaux.

1 C. Ratté. « New research on the urban de ve lo pm e n t o f Aphrodisias in late antiquity », in : D. Parrish (éd.). Urbanism in Western Asia Minor, Portsmouth, 2001, p. 135-136 e t 143-144.

2 Pour une présentation préliminaire d e ces reliefs, d o n t la publication est en préparation, voir aussi : P. Linant d e Bellefonds. « The m ythological reliefs from the Agora G ate », in : C. Roueché e t R.R.R. Smith (éd.), Aphrodisias Papers 3 (Journal o f Roman Archaeology, Suppl. 20), 1996, p. 174-186.

3 Musée a rchéologique d'Istanbul inv. 1613, 1613a, 1613b : G. M endel, Musées im périaux ottomans. C a ta lo g ue des Sculptures grecques,

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Un principe com m un a présidé à leur com position : c h a c u n m e t en scène une divinité - souvent assistée d'un anim al ou d'un personnage acolyte - surgissant d e la gauche, e t deux Géants c o m b a tta n t dans la partie droite. Un seul relief, j'y reviendrai, déroge à c e tte règle en inversant le sens du co m b a t. L'identification des divinités, pour la plupart d'entre elles, est facilitée par leur conform ité à des types classiques e t par la présence d'attributs traditionnels : on reconnaît ainsi aisément Athéna, casquée e t armée, Héphaïstos, vêtu d e la tunique courte e t muni des outils du forgeron, les Dioscures a cco m p a g n é s d e leurs chevaux, Séléné, auréolée d'un grand croissant d e lune e t m ontée sur un char attelé d e taureaux (Fig. 1), Hadès, a c c o m p a g n é d e C erbère ; sur l'un des fragm ents enfin, les restes d'un carquois e t d'une tunique courte p erm ettent d'identifier Artémis, tandis que, sur un autre, un char attelé d e griffons p e u t être attribué à Apollon. D'autres divinités sont plus difficiles à interpréter : la mystérieuse déesse qui a c c o m p a g n e Séléné est p robable m ent Nyx, envelo p p é e dans son épais voile nocturne ; sur l'un des panneaux Gaudin, la divinité voilée d'allure m atronale qui se d éfend contre les assauts d'un jeune G é a n t est sans d o u te Héra, à laquelle, selon Apollodore (bibl. 1 (36), 6, 2), le G é a n t Porphyrion a va it te n té d e faire violence, e t la jeune déesse auréolée d'un voile léger qui plane à ses côtés pourrait être Iris.

Fig. 1. Relief d'Aphrodisias (inv. 77-145) : gig a nto m a chie de Séléné (ph o to P. Linant d e Bellefonds)

Il est prob a b le que d'autres divinités encore, d o n t le hasard des découvertes ne nous a pour l'instant préservé aucune trace, participaient au c o m b a t : c a r si la g ig a n to m a ch ie d'Aphrodisias m et en scène certaines divinités, co m m e Hadès, qui ne sont jamais attestées dans c e t épisode, d'autres, auxquelles la tradition attribue un rôle majeur, en sont curieusement absentes. Ainsi peut-on difficilem ent co n ce vo ir qu e ni Zeus, principal adversaire des Géants, ni Aphrodite, divinité majeure d'Aphrodisias, ni m êm e Arès, Hermès ou Poséidon n'aient é té représentés.

Dans le c a m p adverse, on dénom bre une vingtaine d e Géants. Si certains o n t un visage juvénile et d'autres, barbus, des traits plus âgés, tous sans exception sont anguipèdes - allusion prob a b le à leur origine chthonienne. Contrastant av e c l'aspect monstrueux des serpents, qui prennent une part a ctive au co m b a t, les visages des Géants ont des traits profondém ent humains : leurs sourcils froncés, leur regard souvent dirigé vers le haut, leur b ouche entrouverte les a p p a re n te n t à certaines figures pathétiques du baroque hellénistique.

Étant donné les circonstances de leur découverte, il nous est impossible d e reconstituer l'ordonnance de ces panneaux. Tout au plus peut-on ém ettre une ou deux hypothèses en se fo n d a n t sur le schém a traditionnel d'autres grands ensembles gigantom achiques. Ainsi est-il p ro b a b le qu e la panneau d'A théna se situait vers le centre d e la série ; on p e u t égalem en t supposer q u e le relief d e Séléné en o c c u p a it l'extrémité droite : l'intervention de la déesse lunaire m arque en effet, a ve c le retour d e la lumière, la fin du co m b a t, d o n t on sait qu'il se déroula dans une to ta le obscurité, Zeus ayant interdit à la l'Aurore, à la Lune e t au Soleil d e briller. C ette situation du panneau à l'extrémité de la série expliquerait que, contrairem ent à toutes les autres divinités qui surgissent de la gauche, Séléné a cco u re d e la droite. En se fo n d a n t sur le schéma mis en oeuvre sur d'autres

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monuments, on peut d'ailleurs supposer qu'à l'extrémité opposée se situait un Hélios surgissant de la gauche, e t que les dieux luminaires m arquaient ainsi, aux deux ailes d e la gigantom achie, les limites de la bataille cosmique.

Thème privilégié dans l'art m onum ental depuis l'époque archaïque e t devenu un symbole universel du triom phe de l'ordre établi, la gig a n to m a ch ie connut un succès particulier dans les cités grecques d'Asie Mineure, succès sans d o u te favorisé par l'im pa ct que ne p u t m anquer d'exercer sur les générations postérieures la frise du G rand Autel d e Pergame. Il est exceptionnel en e ffe t que l'on ne retrouve pas, dans les gigantom achies d 'é p o q u e impériale, quelque rém iniscence du cycle pergam énien. Si la giganto m a chie d'Aphrodisias n 'é c h a p p e pas à c e tte règle e t s'il semble évident qu'il faille chercher à Pergame l'origine de certains motifs - com m e celui, récurrent, du G é a n t vu d e dos qui reproduit indubitablem ent le Porphyrion du G rand Autel - on note aussi une différence fond a m e n ta le qui, au-delà bien sûr du degré d'élaboration artistique des deux oeuvres, co n ce rn e la co n ce p tio n m êm e du c o m b a t : une des grandes innovations des artistes pergam éniens a va it consisté à jeter dieux e t Géants dans une mêlée savam m ent ordonnée ; contraints par le support architectural de m orceler le c o m b a t en plusieurs tableaux, les sculpteurs d'Aphrodisias reviennent à une com position plus classique où la gig a n to m a ch ie se réduit à une succession d'affrontem ents individuels. L'originalité se manifeste toutefois dans l'introduction d e personnages rarement, voire jamais attestés dans c e t épisode, d o n t on peut penser qu'ils p erm ettaien t d'ancrer d a v a n ta g e le mythe dans le contexte local.

Les panneaux de la centaurom achie

À c e thèm e se ra tta ch e n t trois reliefs com plets e t un quatrièm e do n t la partie supérieure a disparu. Contrairem ent à ceux d e la gigantom achie, ces panneaux sem blent avoir été conçus individuellement, sans véritable souci d'unité. À l'exception d'un relief qui ne figure pas un c o m b a t mais une scène à première vue paisible où quatre Centaures sont occupés à boire e t à jouer d e la musique, ch a q u e relief présente une a lternance d e co m battants humains e t de Centaures répartis en groupes d e deux, trois ou quatre protagonistes. Le nom bre d e personnages sur ch a cu n des panneaux est d o n c variable - d e quatre à huit - et l'effet produit va d'une com position très aérée, où les com battants, bien individualisés, se juxtaposent en laissant largem ent apparaître le fond du relief, à un ta b le a u surchargé où les corps s'entremêlent, se superposent e t s'échelonnent sur plusieurs plans.

Anatom iquem ent, les monstres chevalins sont très proches d e l'un des Centaures hellénistiques en ronde bosse découverts à Pergame dans les fouilles de l'Asclépieion4. Leurs têtes présentent des types très divers : certaines ont des traits satyriques marqués, caractérisés par d e grandes oreilles pointues, des sourcils froncés, une chevelure épaisse e t broussailleuse, e t produisent une impression d'anim alité inquiétante. D'autres, malgré leurs oreilles animales, o n t une physionomie très humaine, non dépourvue d'un certain pathos qui te n d à faire oublier la nature primitive e t sauvage des Centaures. D'autres enfin, caractérisées par le rictus qui déform e leur bouche ouverte, d é g a g e n t un m élange d e souffrance anim ale et de cruauté im pitoyable. Certains panneaux font alterner Centaures aux traits juvéniles e t Centaures barbus, d 'â g e mûr, opposition qui n'est pas sans évoquer, dans un autre contexte, le couple d e Centaures en ronde bosse connu par plusieurs copies d'é p o q u e romaine d o n t la plus célèbre est celle en m arbre noir d e la villa d'Hadrien à Tivoli, qui porte précisém ent la signature d e deux sculpteurs aphrodisiens, Aristeas e t Papias.

Les scènes de c o m b a t offrent un bon éventail d e groupem ents e t d'attitudes, é vo q u a n t tour à tour la poursuite, la m enace, la lutte au corps à corps, la mêlée. Bien que sur l'un des panneaux le sculpteur n'ait pas hésité à montrer le ca d a v re d'un Lapithe, l'avantage est le plus souvent du c ô té des adversaires des Centaures. La plupart sont des guerriers anonymes ; mais des armes d'un type particulier, en association a vec d'autres indices, fo n t sortir d e c e t a nonym at trois des co m battants : ainsi peut-on identifier Apollon g râ ce à son carquois e t sa couronne d e laurier ; sur un autre relief, Héraclès est reconnaissable à sa massue et à sa léontè, tandis qu'à l'autre extrémité du m êm e panneau, la massue pe rm e t vraisem blablem ent d'identifier Thésée. Un quatrièm e c o m b a tta n t se distingue des autres, non plus par son arm em ent, mais par sa situation dram atique : tom bé à terre entre deux Centaures qui le m e n a ce n t symétriquement, c e personnage renouvelle le m otif traditionnel d e Kaineus.

Un des reliefs a la particularité de ne pas montrer les Centaures au c o m b a t (Fig. 2) : étendus dans un paysage rocheux, quatre monstres chevalins se livrent à des occupatio ns plutôt pacifiques, les uns buvant, les autres jo u a n t d e la musique, toutes activités qui é voque nt une atm osphère festive. Mais leurs sourcils froncés, les draperies qui s'envolent traduisent une angoisse e t une agitation que l'on ne d o it probable m ent pas

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attribuer aux seuls effets d e la boisson. La clé de l'interprétation est fournie pa r l'un des Centaures musiciens : se retournant violemment, le regard dirigé au loin, il souffle dans une tro m p e tte ; d e to u te évid e n ce il vient de prendre conscience d'un d a n g e r que ses com pagnons ne perçoivent pas encore e t d o n t il veut les prévenir - la tro m p e tte est, rappelons-le, l'instrument d e la musique guerrière. Ce relief ne p e u t d o n c s'interpréter qu'à la lumière des scènes d e c o m b a t voisines auxquelles, en retour, il donne un sens plus précis en les situant dans le co n te xte d e la centaurom a chie thessalienne : invités aux noces d e leur am i Pirithoos, les Centaures é taient en train d e festoyer lorsque, é ch a u ffé par le vin, l'un d'eux ravit la fiancée, d é c le n c h a n t une m êlée générale entre Centaures e t Lapithes. Le relief illustre probable m ent l'instant où, prenant conscience du danger, les Centaures vo n t passer à l'a tta q u e ; il s'agit d'une scène exceptionnelle dans l'art figuré : c e m om ent d e très forte tension n'a guère é té illustré ailleurs que sur un faux-marbre peint du premier style pom péien, aujourd'hui disparu mais d o n t le souvenir nous est conservé par une aquarelle du XIXe siècle5.

Fig. 2. Relief d'Aphrodisias (inv. 77-73) : Centaures festoyant (ph o to Aphrodisias Excavations)

La participation d'A pollon à la centaurom a chie est elle aussi un thèm e extrêm em ent rare. Ignorée des sources littéraires, exceptionnelle et très hypothétique dans l'iconographie - Apollon serait le personnage central de la centaurom a chie qui ornait le fronton Ouest du tem ple d e Zeus à O lym pie - elle répond sans d o u te ici à une volonté des Aphrodisiens d e marquer le c o m b a t du poids d e la présence d e divine : d e tous les Olympiens, Apollon, dieu secourable par excellence et, selon certaines généalogies, a n cê tre des Lapithes, é ta it le plus indiqué pour tenir c e rôle.

Alors qu'à l'époque hellénistique la centaurom a chie éta it restée un thèm e populaire dans la sculpture m onum entale, particulièrem ent en Asie Mineure, elle sem blait à l'époque impériale connaître une certaine éclipse. Les reliefs d'Aphrodisias contribuent à m odifier c e tte impression. Toutefois, par la diversité des schémas mis en œuvre, en raison aussi d e l'introduction d'épisodes nouveaux ou rarem ent figurés, ils o c c u p e n t une p la c e to u t à fa it originale.

Les panneaux de l'amazonomachie

C e thèm e est illustré par trois reliefs com plets et par deux fragm ents provenant, d'après les profils des moulures conservées, de deux panneaux distincts. C om m e pour la centaurom a chie, on est frappé par le m anque d'unité qui caractérise c e t ensemble. Visiblement, les reliefs qui le com posent o n t é té conçus com m e a u ta n t d e scènes indépendantes et autonomes : leur com position varie en e ffe t notablem ent, ta n t par le

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nom bre que par la mise en p la c e des personnages. Sauf sur un relief, qui ne m et en scène que quatre c o m b a tta n ts ég a le m e n t répartis entre les deux camps, les Amazones sont toujours plus nombreuses que leurs adversaires, c e qui perm et d'éviter la répétition m onotone de duels simplement juxtaposés.

Malgré c e tte a va n ta g e numéraire, e t bien qu'elles soient toujours figurées co m m e des cavalières alors que leurs adversaires c o m b a tte n t à pied, les Amazones apparaissent com m e les grandes vaincues de ce t affrontem en t : lorsqu'elles ne sont pas déjà désarçonnées, blessées, voire mortes, elles sont sur le point d'être rejointes par leurs poursuivants. Invariablem ent vêtues de la tunique courte agra fé e sur une épaule et dévoilant le sein opposé, elles sont armées d e la traditionnelle p e lt a e t d'une hach e à d o uble tranchant. Seule exception, une Am azone blessée a le torse entièrem ent nu e t porte le pantalon m oulant des peuples orientaux : il pourrait s'agir d'un m otif em prunté à quelque figure de ca p tive barbare co m m e on en rencontre sur les sarcophages romains d 'é p o q u e impériale.

Sur deux des panneaux, c'est la violence des attitudes e t d o n c leur valeur décorative, qui semblent avoir com pté, plus que l'individualité des participants : les com battants grecs se dissimulent derrière l'anonym at de leur armure, m êm e si certains duels sont incontestablem ent dérivés de groupes sculptés célèbres où l'on a parfois voulu reconnaître Achille e t Penthésilée.

Sur un troisième relief, l'un des adversaires des Amazones est clairem ent identifié co m m e Héraclès par la lé o n tè qui lui tient lieu de casque, ainsi que par la massue, l'arc e t le carquois. La présence d'Héraclès, adversaire traditionnel des Amazones, a peut-être ici une résonnance particulière si l'on se réfère à la légende carienne rapportée par Plutarque (quaest. G raec. 45), selon laquelle la hach e d'Hippolytè, qui lui avait été enlevée par Héraclès, é ta it gard é e dans le sanctuaire d e Zeus à Labraunda. À l'extrémité du m êm e relief c o m b a t un autre Grec, casqué mais nu, d o n c p robable m ent un héros : on pourrait songer à Thésée, que certaines traditions associent à Héraclès dans sa c a m p a g n e asiatique ; mais il est possible aussi que dans ce panneau caractérisé par une symétrie très rigoureuse la présence d e c e « p e n d a n t » d'Héraclès ait été sim plem ent d ic té e par les impératifs d e la composition.

Plus inattendus sont les adversaires des Amazones figurés sur un quatrièm e panne au : on reconnaît aisém ent Dionysos e t Pan, l'un à sa couronne d e lierre e t à sa panthère, l'autre à l'épaisse toison d e chèvre qui lui couvre les membres inférieurs. Or, les rares monuments qui figurent les Amazones a ve c Dionysos les montrent plutôt aux côtés du dieu, e t non pas opposées à lui. Quelques sources littéraires ce pend ant, toutes étroitem ent liées aux légendes d e fondatio n du sanctuaire d'Artémis à Ephèse, rapporten t que, poursuivies par Dionysos, les Amazones ava ie n t trouvé refuge dans c e sanctuaire e t avaient été épargnées par le dieu. À l'époque im périale encore, c e t épisode m ythique é ta it pour les Ephésiens le meilleur ga ra n t de l'ancienneté du privilège d'asylie d o n t jouissait leur sanctuaire. Or, le sanctuaire d'A phrodite à Aphrodisias éta it devenu lui aussi, mais depuis 39 av. J.-C. seulement, asylon avec, précisent les textes officiels, « les mêmes droits et le m êm e c a ra c tè re sacré » que l'Artémision d'Éphèse. Il n'est d o n c pas impossible que les Aphrodisiens, forts de c e tte analogie, aient repris à leur c o m p te c e tte légende éphésienne devenue em blém atique du droit d'asile6.

L'impression d'ensem ble est d o n c celle d'une œ uvre éclectique, où les réminiscences d'œuvres classiques voisinent a ve c les « citations » d e groupes hellénistiques e t les motifs couram m ent utilisés dans les ateliers d e sarcophages d 'é p o q u e impériale, tandis que certaines scènes semblent totalem ent» inédites ». Découverts hors d e leur co ntexte d'origine, ces reliefs suscitent bien évidem m ent d e nombreuses questions. Nous ignorons to u t jusqu'à présent du m onum ent pour lequel ils avaient été sculptés e t il est probable, com m e je l'ai déjà souligné, que nous n'avons encore qu'une connaissance très partielle d e l'ensemble de c e décor. La question d e la da ta tio n est particulièrem ent difficile e t to u te proposition ne pe u t guère être fondée que sur des critères techniques, stylistiques e t iconographiques, souvent affaiblis par le mauvais é ta t d e conservation des reliefs. Ces critères nous orientent, m e semble-t-il, vers la fin de l'époque antonine. Le choix des thèmes figurés - trois com bats mythiques à valeur hautem en t symbolique d o n t l'association é ta it courante depuis l'époque classique - laisse d'ailleurs supposer que le m onum ent auquel ils é taient destinés - probable m ent un m onum ent cultuel, si l'on en ju g e d'après la p la c e a c c o rd é e à l'élém ent divin - n'était pas sans rapport a ve c les cam p a g n e s militaires aux frontières d e l'empire. À c e t égard, on rappellera que lors d e sa ca m p a g n e parthique des années 162-166 Lucius Vérus a v a it établi son quartier général à Éphèse, donc non loin d'Aphrodisias. Les reliefs du bassin d e l'« A gora G a te », en redonnant une a ctualité à ces com bats mythiques a p p a re m m e n t conventionnels, pourraient bien refléter les préoccupations d'une génération qui, après une longue période de paix, eut à faire fa c e aux premières alertes d'invasions barbares.

6 Pour l'interprétation d e c e panneau, voir m aintenant : P. Linant d e Bellefonds, « Sanctuaire e t asylie : à propos d'un relief figuré d 'ép o q u e antonine à Aphrodisias d e Carie ». in : Rites e t cultes dans le m o n d e antique. Cahiers d e la Villa « Kérylos » n° 12, 2002, p. 61-75.

Figure

Fig.  1.  Relief d'Aphrodisias (inv.  77-145) : gig a nto m a chie  de Séléné (ph o to  P
Fig.  2.  Relief d'Aphrodisias (inv.  77-73) : Centaures festoyant (ph o to  Aphrodisias Excavations)

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