Renc. Rech. Ruminants, 2006, 13 135 INTRODUCTION
La solubilité dans l’eau des sources de phosphore (P) pourrait avoir un impact sur son utilisation métabolique sans toutefois en affecter son utilisation digestive chez la chèvre en lactation (Meschy et al., 2000). Par ailleurs, cette même solubilité est susceptible de modifier l’activité fermentaire dans le rumen (Ramirez-Pérez et Meschy, 2005). L’objectif de cet essai a été de préciser l’effet de la solubilité de P sur son utilisation digestive et métabolique au cours de la lactation chez la chèvre.
1. MATERIEL ET METHODES
Deux lots de 5 chèvres ont été utilisés. Pendant la période experimentale (240 j) les animaux ont reçu, deux fois par jour (8h et 15h) les rations expérimentales (1,04 UFL, 100 g de PDIN, 89 g de PDIE, 7,8 g de Ca et 3,3 g de P). Les traitements ne différaient que par la nature du phosphate qui assurait 72 % de l’apport total de P : phosphate bicalcique insoluble (lot PI) ou monocalcique soluble (lot PS). L’eau de boisson était disponible à volonté.
Tableau 1: composition des rations experimentales
Ingredient g/kg MS PS PI
Pulpes des betteraves ensilées 350,0 350,0
Foin des graminées 150,0 150,0
Foin de luzerne 200,0 200,0
Amidon de maïs 167,0 170,0
Caseine HCl 110,0 110,0
Carbonate de calcium 3,0 0
Phosphate monocalcique 10,3 -
Phosphate bicalcique - 10,0
Prémélange vitaminique et minéral 10,0 10,0 Des mesures de digestibilité ont été réalisées selon les protocoles habituels en début (DL, semaines 10 et 11) en milieu (ML, semaines 20 et 21) et en fin de lactation (FL, semaines 42 et 43). La matière sèche ingérée (MSI) et la production laitière ont été enregistrées quotidiennement. Le dosage de P dans les différents prélèvements ont été réalisés selon la méthode au molybdovanadate.
Le traitement statistique a été réalisé selon le module GLM de MINITAB (version 12.2). Le traitement (T), le stade de lactation (S), et l’interaction T*S ont été inclus dans le modèle.
2. RESULTATS ET DISCUSSION
Les données de l’utilisation digestive et métabolique de P sont présentées au tableau 2.
L’interaction T*S n’étant jamais significative (P>0,05) pour les paramètres étudiés n’y figure pas. Ceci indique que, quel
que soit le stade de lactation, la solubilité de l’apport alimentaire de P ne modifie ni l’utilisation digestive de P ni sa rétention, ce qui est contradictoire avec les observations antérieures (Meschy et al., 2000). La comparaison, tous stades de lactation confondus, montre une différence pour la MSI qui se retrouve pour P ingéré et pour P fécal mais n’affecte pas les paramètres synthétiques (coefficient d’absorption apparente (CAA) et rétention), les valeurs de CAA sont conformes à celles rapportées par la littérature.
L’effet du stade de lactation confirme ce qui a été observé chez d’autres espèces de ruminants tant en ce qui concerne l’évolution de la MSI (et celle de la production laitière), de l’efficacité de l’utilisation digestive (CAA) ou de la rétention de P. L’ingestion de P et son excrétion fécale étant fortement liées à la MSI, les différences observées entre stades de lactation ne sont pas étonnantes. De même, nous retrouvons une évolution classique de la concentration en P du lait. En revanche, l’évolution des CAA semble montrer une spécificité du métabolisme de P chez la chèvre puisque les valeurs les plus élevées s’observent dès le début de la lactation, ce qui n’est pas le cas chez la brebis par exemple.
L’évolution de la rétention de P au cours de la lactation est conforme aux observations faites pour d’autres catégories de ruminants, le bilan négatif en début de lactation reflète probablement la contribution osseuse à l’excrétion de P dans le lait (des mesures des marqueurs biologiques des bilans osseux sont en cours) L’excrétion urinaire de P a légèrement varié au cours de la lactation mais reste dans des valeurs considérées comme normales chez le ruminant recevant un apport alimentaire de P conforme aux recommandations.
CONCLUSION
Dans le cadre de notre étude, la solubilité de P des phosphates utilisés n’a pas modifié l’utilisation digestive et métabolique de P au cours de la lactation de la chèvre. Nous avons pu commencer à quantifier les effets du stade de lactation sur l’efficacité digestive et la rétention de P ce qui est susceptible d’introduire des adaptations dans la stratégie de complémentation minérale. Des études complémentaires sont cependant nécessaires pour évaluer, notamment, l’importance de la probable contribution osseuse en début de lactation.
Meschy F., Beguin JM., Dagorne RP. 2000.Renc. Rech. Rum.
7 : 209
Ramírez PAH., Meschy F. 2005.Renc. Rech. Rum. 12 : 239
Utilisation de différentes sources de phosphore pendant la lactation chez la chèvre laitière Utilisation of different phosphorus sources during dairy goat lactation
A.H. RAMIREZ , F. MESCHY
UMR INRA INA-PG Physiologie de la Nutrition et Alimentation 16, rue Claude Bernard - 75231 Paris cedex 05
Tableau 2: effet de la solubilité du phosphore sur son utilisation digestive globale
Paramètre PS PI SEM DL ML FL SEM T S
Production laitière (ml/j) 2942 3312 123,4 3455a 3671a 2138b 89,9 NS P<0,001
MSI (g/j) 2188a 2415b 59,5 2024,5a 2578,1b 2289ab 53,6 P = 0,03 P<0,001
P ingeré (g/j) 9,1a 10,1b 0,3 7,7a 11,3b 9,8c 0,2 P = 0,03 P<0,001
P fécal (g/j) 6,3a 7,0b 0,2 4,9a 7,8b 7,2b 0,1 P = 0,05 P<0,001
P lait (g/j) 3,0a 3,5b 0,1 4,0a 3,4b 2,2c 0,1 P = 0,04 P<0,001
P lait (g/l) 1,03 1,05 0,2 1,1a 0,9b 1,0a 0,1 NS P<0,001
P urinaire (g/j) 0,02 0,02 0,003 0,03a 0,02ab 0,01b 0,001 NS P=0,005
P absorbé (g/j) 2,8 3,1 0,2 2,8ab 3,4a 2,5b 0,2 NS P=0,05
CAA 30,8 30,6 1,4 35,0a 30,4ab 26,2b 1,3 NS P=0,03
Bilan P -0,3 -0,4 0,2 -1,4a 0,1b 0,3b 0,1 NS P<0,001
a,b,c Les valeurs affectées d’une lettre différente sur une même ligne sont significativement différents (P<0,05) NS= non significatif