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Un nid d'aigle royal à Zinal en 1960

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Academic year: 2022

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UN NID D'AIGLE ROYAL A ZINAL EN 1960

Ignace Mariétan

Le 20 juin 1960, j'arrive à Zinal ; je découvre un nid d'aigle dans les rochers, au-dessus du Belvédère, en face du village. Il y avait eu un nid déjà, à cette même place, il y a une dizaine d'années. Je distingue deux jeunes, encore tout blancs. Le nid volumineux a une couleur verte, ce sont des branches vertes que l'oiseau a choisies dans le but, semble-t-il de maintenir une certaine humidité pendant l'incubation ; il en apporte encore après l'éclosion, on pense que c'est pour que les jeunes ne soient pas en contact direct avec les restes des victimes qui se décomposent.

Le nid est placé sur une petite esplanade, orientée vers le sud-est, sous un surplomb, non loin du sommet d'une paroi de rocher, vers 2000 m. d'altitude. Le rocher a environ 200 m. de hauteur. Tout ce versant de la rive gauche du val de Zinal est rocheux, à pente très forte, plus ou moins couvert de forêt comprenant des mélèzes, des épicéas, des aroles, par ci par là des colonies serrées de sorbiers des oiseleurs.

Pendant les semaines suivantes je vois les adultes venant apporter de la nourriture aux jeunes. Ceux-ci changent peu à peu de couleur:

des taches brunes se multiplient et s'étendent. Le 12 juillet ils avaient encore la tête à peu près blanche, le reste du corps était très sombre, noir même. Les jeunes se tiennent au bord du nid, sauf si le soleil est trop chaud, ils sont alors incommodés par les mouches, attirées par les restes de nourriture en décomposition. L'ombre vient sur le fond du nid vers 10 h. 30, alors les jeunes s'y retirent et se calment. Dès le 26 juin l'un se tient souvent à gauche, hors du nid, sur une petite esplanade du rocher. Plus tard l'autre y vient aussi. De temps en temps, les jeunes agitent leurs ailes dans le but de fortifier les muscles moteurs des ailes.

On vient leur rendre visite, un jour je vois cinq jeunes gens à 6 m.

du nid, les oiseaux ne m'ont pas paru effrayés.

22 juillet ; à 8 h. 30, un adulte vient, se pose au nid, repart après une minute, s'envole à flanc de coteau vers l'aval de la vallée ; après

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L'ainé des aiglons à l'aire quelques jours avant son envol le 29 juillet

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environ 1500 m., il revient, passe d e v a n t le n i d , après e n v i r o n 1 k m . il repasse d e v a n t l e n i d e t c o n t i n u e vers l'aval où j e l e p e r d s de vue.

23 j u i l l e t : l ' u n des j e u n e s saute en l'air en b a t t a n t des ailes, i l décole m ê m e , et se pose vers l ' a u t r e e x t r é m i t é d u n i d .

24 j u i l l e t : vers 11 h . u n a d u l t e vient au n i d et r e p a r t aussitôt, vers l'aval. Dans la soirée, les j e u n e s agitent l e u r s ailes et font des b o n d s de côté.

25 j u i l l e t : vers 9 h . 30, j ' o b s e r v e u n a d u l t e en chasse, le t e m p s est est b e a u ; il p l a n e au-dessus de la p e n t e d u p â t u r a g e d e Singline, à p e u près à la h a u t e u r du n i d . Il semble vouloir se diriger d e ce côté, m a i s n o n , il fait des courbes, t o u t en a v a n ç a n t dans la d i r e c t i o n d u n i d , il s'élève en face de la forêt, inspecte l o n g u e m e n t u n r o c h e r p o r t a n t de j e u n e s mélèzes et aroles espacés, c o n t i n u e à s'élever j u s q u ' a u p â t u r a g e de Singline, p u i s s'avance vers Sorebois où j e l e p e r d s de vue. Sa chasse n e l u i a r i e n p r o c u r é , pas u n e fois il n'est descendu au sol.

29 j u i l l e t : j e n e vois p l u s q u ' u n aiglon, l ' a u t r e , l ' a î n é sans d o u t e , a d û q u i t t e r l e n i d . L ' a u t r e conserve son c o m p o r t e m e n t h a b i t u e l , m u l t i p l i e le m o u v e m e n t de ses ailes, s'élance p a r dessus le n i d .

3 a o û t : j e m ' a b s e n t e , à m o n r e t o u r u n o b s e r v a t e u r m e d i t q u ' i l l'a encore vu dans l a m a t i n é e , m a i s n o n dans l'après-midi. I l a donc d û s'envoler vers le m i l i e u de cette j o u r n é e l u m i n e u s e . M a l g r é les longues h e u r e s q u e j ' a i passées à les observer j ' a i m a n q u é l a vision de ces p r e m i e r s vols. J ' a u r a i voulu voir où ils allaient se poser en p r e m i e r l i e u , sur des arbres ou sur des r o c h e r s ? Les p a r e n t s venaient-ils p o u r les i n i t i e r à cette vie nouvelle, p o u r l e u r a p p o r t e r de l a n o u r r i t u r e ? Ce décalage de 5 j o u r s e n t r e les d e u x envols p e u t s'expliquer p a r l e fait q u e l ' i n c u b a t i o n de l ' u n des œufs a c o m m e n c é q u e l q u e s j o u r s avant l a p o n t e d u d e u x i è m e .

8 a o û t : j e vois trois aigles volant vers le p l a t e a u de Singline 2200 m., m a i s j e n e p u i s pas distinguer s'il s'agit des j e u n e s et de la m è r e ce q u i est p r o b a b l e . P e n d a n t 4 ans les j e u n e s g a r d e n t u n e t e i n t e s o m b r e avec des taches b l a n c h e s au-dessous et au-dessus des ailes.

M. R e n é - P i e r r e B i l l e m ' a a i m a b l e m e n t c o m m u n i q u é ses observa- tions et des p h o t o g r a p h i e s ce d o n t j e l u i e x p r i m e m a reconnaissance.

I l est v e n u à 6 m . d u n i d u n e dizaine de fois, r e s t a n t p l u s i e u r s h e u r e s p r è s des aiglons dès q u e l ' a d u l t e les avait ravitaillés, ceci afin de les h a b i t u e r à la présence h u m a i n e et d'avoir p o u r son film des scènes t o u t à fait n a t u r e l l e s . I l a réussi à o b t e n i r de n o m b r e u s e s p h o t o s , des scènes d'aiglons d é p e ç a n t des m a r m o t t e s sans l u i p r ê t e r b e a u c o u p d ' a t t e n t i o n .

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Ce n'est qu'à son avant-dernière visite, quelques jours avant l'envol du plus âgé, qu'il a pu filmer les scènes de dépeçage par une bonne lumière, dans des conditions idéales, et surtout sans être dérangé par des visiteurs humains. Lors de sa première visite, sur l'aire gisait un lièvre variable, la tête coupée, et un lagopède couché sur le dos. Les aiglons restèrent absolument immobiles, et figés, le plus jeune tournant le dos et cachant sa tête. Au cours de ses différentes visites M. Bille n'a vu comme victimes que des marmottes et une crécerelle, jamais de jeunes chamois, ni des agneaux, il y avait pourtant un grand troupeau de moutons vers le som- met de la vallée. L'adulte n'est arrivé qu'une fois alors qu'il était un peu en retrait du nid et se reposait à l'ombre. Naturellement il a eu une violente réaction dès qu'il l'a vu, et M. Bille aussi a réagi fortement.

J'ai été frappé par le grand intérêt des hôtes de la station, des touristes et aussi des gens de la vallée. On admirait leur taille jusqu'à 2 m. d'envergure pour la femelle et 1 m. 80 pour le mâle, la majesté de leur vol, l'heureux choix de l'emplacement du nid, leurs soins pour les aiglons. Ce fut la grande attraction de la saison. Intérêt évident aussi pour les hommes de science, car il y a tant de détails inconnus encore dans la vie de cet oiseau, dans son adaptation à la montagne; tant d'erreurs aussi et de légendes à détruire, car on a répandu beaucoup d'idées fausses à son sujet.

C'est avec beaucoup de raison qu'on les protège complètement en Suisse. Ils jouent un rôle utile dans la sélection naturelle des animaux en s'emparant plus facilement des individus chétifs ou malades. Et puis même s'ils causent quelques dommages, peu graves en réalité, il faut savoir les accepter pour payer la vision de beauté qu'ils nous donnent.

Voici la finale du chapitre sur l'aigle royal dans le beau livre de Charles Vaucher « La vie sauvage en montagne » : « Il faut que chez nous les chasseurs comprennent ceci afin de ne pas répéter les erreurs des autres.

Protéger l'aigle, c'est servir la cause de la chasse et non pas lui nuire.

C'est agir, comme le disait Alfred Richard: « Pour la santé et la prospé- rité du gibier de nos Alpes ».

La disparition de l'aigle dans notre pays serait une perte irréparable pour la science et pour la beauté de nos paysages de montagne. J'ajou- terai encore que les chasseurs doivent admettre que l'aigle ne leur appartient pas à eux seuls. Il appartient à la communauté. Son intérêt scientifique et esthétique a une portée générale bien supérieure à celle de la chasse.

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