G ERGONNE
Récréations mathématiques. Recherches sur un tour de caries
Annales de Mathématiques pures et appliquées, tome 4 (1813-1814), p. 276-283
<http://www.numdam.org/item?id=AMPA_1813-1814__4__276_1>
© Annales de Mathématiques pures et appliquées, 1813-1814, tous droits réservés.
L’accès aux archives de la revue « Annales de Mathématiques pures et appliquées » implique l’accord avec les conditions générales d’utilisation (http://www.numdam.org/conditions). Toute utilisation commerciale ou impression systématique est constitutive d’une infraction pénale.
Toute copie ou impression de ce fichier doit contenir la présente mention de copyright.
Article numérisé dans le cadre du programme Numérisation de documents anciens mathématiques
http://www.numdam.org/
276
Exemple
II. On demande lejour
de la semainequi répond
au I2d’avril 7453 ,
dans le calendrier Julien ?On a ici
s=74 , a=53 ,
03B1=2 , 03B2=I ,03B3=4 ;
03B4=I2-I=II , 03B5=I , g=I ; ; ainsi le I2d’avril 7453
sera un dimanche.RÉCRÉATIONS MATHÉMATIQUES
Recherches
sur un tourde caries ;
Par M. G E R G O N N E.
ON
trouve, dans les Récréationsphysiques
etmathématiques
deGUYOT
(
dernièreédition ,
tomeIII ,
page267 ) ,
un tour cie cartesassez
curieux,
fondéuniquement
sur la théorie des combinaisons.Ce tour a pour
objet
de faire trouver une cartepensée , parmi vingt-sept,
à un rangdésigné.
Pour cela onprend vingt-sept
cartes,toutes
différentes les unes des autres , que l’on étale aux yeux d’une personnea qui
l’on dit d’en penser une et d’en conserver le souvenir dans samémoire ;
on rnéie ensuite les cartes , et on les fait mèler à une ouplusieurs
personnesde
lacompagnie.
On forme alors trois
paquets
de neuf carteschacun ;
enposant
d’abord ,
degauche
adroite ,
lapremière
carte dechaque paquet,
la couleur endessous , puis
la seconde par dessus lapremière ,
tou-jours
degauche à droite , puis
latroisième,
et ainsi desuite, jusqu’à
ce
qu’on
aitépuisé
lesvingt-sept
cartes , dont la dernière devra con-séquemment
se trouver au-dessus du troisièmepaquet ,
à droite.Il
faut ,
durant cetteopération,
que celuiqui
fait le tour soitplacé vis-à-vis
de lapersonne qui
a tiré la cartequ’il s! agit
dedeviner.
II asoin,
ayant de poserchaque
carte sur lepaquet
dontelle doit faire
partie ,
de la lui montrer, de manièrequ’il
nepuisse
la voir lui-même. Il fera bien de ne
point regarder
cette personne , afinqu’on
ne croie pas que ,lorsque
la cartequ’il
lui montre estcelle même
qu’elle
atirée,
il s’enaperçoit
aujeu
de saphysionomie.
Il convient aussi
qu’il
ne seplace
pas en face d’une fenêtre ou d’unelumière,
afin de ne pas donner à penser que latransparence
des cartespeut
lui être dequelque
secours.Cela
fait ,
ilprie
cette personne de luiindiquer quel
est lepaquet qui
renferme la cartepensée ;
il pose ensuite lespaquets
les unssur les autres , sans les
inèler ayant
soin de remarquer le rangqu’il assigne
à celuiqu’on
lui adésigne :
ce rang étantcompté
du dessus
au-dessous,
la couleur étanttoujours
endessous ,
commenous le supposons. Ces cartes étant ainsi
rassemblées ,
celuiqui
lestient recommence à faire des
paquets ,
exactement comme la pre- mièrefois ,
et avec les mêmesattentions,
en faisant encore la mêmequestion, lorsque
lespaquets
sont terminés. Il rassemble de nouveau cespaquets , ayant
encore l’attention de remarquer et de retenir le rangqu’il assigne
à celuiqui
contient la cartepensée.
Il recommence enfin une troisième fois les mêmes
opérations
etla même
question,
et relève de nouveau lespaquets
avec la mêmeprécaution ,
et dès-lors le rang de la cartepensée
dans lejeu
setrouve absolument déterminé.
Si donc on a sous les yeux un tableau
qui présente
la corres-pondance
entre lesvingt-sept
manières dont on a pu relever lespaquets
trois foisconsécutivement,
et le rang quechaque système
de relèvement
assigne
à la cartepensée ,
ricn ne seraplus
facileque de trouver cette carte.
L’ouvrage
citéprescrit
de faire construire une lunettemystérieuse,
telle
qu’en
yregardant
onn’y aperçoive
que cetablcau , qui s’y
trouvera caché Intérieurement. A
chaque opération ,
on feindra deregarder
lespaquets
avec cettelunette ,
comme pour tâcher de discerner la cartepensée ;
et on enprendra
occasion decontempler
278
le
tableau,
etd’y
lire cequ’on
a àfaire ,
pour que cette carte se trouve à la fin dans lejeu
à laplace qu’on
lui auraassignée
àl’avance.
Mais,
outrequ’il
n’est pas très-commode decacher ,
dans l’in- térieur d’unelunette,
un tableau assezétendu;
outre lagêne
d’avoirtoujours
cette lunette avecsoi,
on conçoit que, soitqu’on
la livreaux
spectateurs ,
soitqu’on
la leurdérobe ,
ce ne pourra être sans ôterbeaucoup
aujeu
de ccqu’il peut
avoir de merveilleux à leurs yeux.Je me propose ,
à
lafois ,
ici degénéraliser
cettepetite récréation,
et
d’indiquer
un moyensimple
de se passer del’usage
de la lu-n.ette, de manière
qu’on puisse
l’exécuterpartout
où l’on rencontrerades cartes.
Soit ,
engénéral ,
unjeu composé
de mm cartes , toutes diffé-rentes les unes des autres , et
parmi lesquelles
une personne enait choisi une secrètement.
Soient faits m fois
consécutivement ,
avec cejeu y
mpaquets
de mm-I carteschacun
avec toutes les attentionsindiquées
ci-dessus.Soient ni , n2 , n3 ,... nm les rangs
assignés
successivementau
paquet indiqué
comme contenant la carte choisie.On va voir que les nombres nI , n2 , n3 ,....nm sont suffisans pour
déterminer , après
les 7nopérations ,
le rang xqu’occupe
dansle
jeu
la cartepensée.
En
effet,
1.0 à lapremière opération
la cartepensée
nepeut
occuper dans sonpaquet
que le rang i au moins et auplus
le rangmm-I.
lllais , puisqu’on n’assigne
à cepaquet
que le rang nI , on met donc au-dessus de lui(nI-I)
autrespaquets
de mm-I carteschacun ;
ils’ensuit
qu’après
les cartesrelevées ,
la car!cpensée
se trouvera occuper dans lejeu
au moins le rang(nI-Imm-I+I=nImm-I-(mm-I)
et au
plus
le rang(nI-I)mm-I+mm-I=nImm-I.
2.° En reformant de nouveau les
paquets,
onposera
d’abord aumoins
(nI-I)mm-I, distribuees
en mpaquets
de(nI-I)mm-2
carteschacun ,
dont aucune ne sera la carte pensée,laquelle conséquemment
en aura au moins
(nI-I)mm-2
sous cllc dans sonpaquet ;
tandisqu’on
n’en pourra pas posernImm-I ,
etconsequemment nImm-2
danschrquc paquet,
sans fa ire passer lacarte pensée qui
, en conséquence ,en aura au
plus nImm-2-I
au-dessous d’clle dans sonpaquet;
puis
donc quechaque paquet
est en tout de mm-I cartes ; il s’un-suit que cette carte occupera au
moins,
dans son paquet, le rangmm-I-(nImm-2-I)=-nImm-2+mm-I+I
et auplus
le rangmm-I-(nI-I)mm-2=-nImm-2+mm-I+mm-2.
Mais , puisqu’on assigne
à cepaquet
lc rang n2 , on met donc au-dessus de lui(n2-I)
autrespaquets
de mm-I carteschacun;
d’où il suit
qu’après
la secondeopération ,
la cartepensée
occupera dans lejeu
au moins le rang(n22-I)mm-I-nImm-2+mm-I+I
=n2mm-I-nImm- 2+I ,
et auplus
le rang(n2-I)mm-I-nImm-I +mm-I+mm-2=n2mm-I-nImm-2+mm-2.
3.° Il suit de là
qu’en
reformant lespaquets ,
on posera au moins danschacun n2mm--nImm-3
cartes , sans avoiremployé
la cartepensée ,
maisqu’on
ne pourra en poser danschacun n2mm-2 -nImm-3+mm-3
sans avoiremploy
cette carte ; elle auradonc,
dans son
paquet,
au moinsn2mm-2-nImm-3 ,
et auplus n2mm-2 -nImm-3+mm-3-I
cartes au-dessousd’elle ;
elle y occupera doncau moins lc rang
mm-I-n2mm-2+nImm-3-mm-3+I ,
et auplus
le rang
mm-I-n2mm-2+nImm-3.
Mais, puisqu’on assigne
à cepaquet le
rang n, , onplace
doncan-dessus de lui
(n -i)
autrespaquets
de mm-I carteschacun ;
d’où ii suit
qu’après
la troisièmeopération,
la cartepensée
occu-pera dans ie
jeu an
moins le rang(n3-I)mm-I+mm-I-n2mm-2 +nIm-3-mm-3+I=nImm-I-n2mm-2+nImm-3-(mm-3-I) ,
et au
p’us
!e rang(n3-I)mm-I+mm-I-n2mm-2+nImm-3
=
lit - I-n2
mm-2+nImm-3.En
poursulyant
le mêmeraisonnement,
etappliquant,
si l’on ne280
ne veut
point
se contenter del’induction ,
un tour dedémonstration
très-familier auxanalistes,
on trouveraqu’en général après
un nom-bre
d’opérations désigné
par2k ,
le rang de la cartepensée
dansle
jeu
sera au moinset au
plus
et
qu’après
un nombred’opérations désigné
par2k+I ,
le rang de la cartepensée ,
dans lejeu,
sera aumoins,
et au
plus
Or,
i.° si ni estpair
et=2k ,
les deuxpremières
limites seconfondront en un seul
nombre,
et l’on auraet 2.° si m est
impair
et= 2k+I ,
les deux dernières limites seconfondront aussi en un seul
nombre,
et l’on auraainsi ,
dans l’un et dans l’autre cas , les nombres nI , n2 , n3 ,....nm étantdonnés,
on pourra en conclure x.Ainsi ,
parexemple ,
sim=4 , c’est-à-dire,
si le nombre totaldes cartes est
256 ,
etqu’on
ait successivementassigné
aupaquet
qui
contient la cartepensée,
lesrangs 3
,4 , I , 2 ,
on auraSi au contraire
m=3 , c’est-à-dire ,
si le nombre total des cartes est 27 , etsi ,
en outre, les rangassignes
aupaquet
contenantla carte
pensée,
sontI , 3, 2 ,
on auraLe
Le
problème inverse , c’est-à-dire ,
ceiui où l’on demanderaitquels
rangs
nI , n2 , n 3,...nm il faut assigner,
àchaque opération
au
paquet qui
contient la cartepensée,
pourqu’à
la fin cette carte se trouve à un rang x ,assigné
dans lejeu ,
n’estguère plus
difficileà
résoudre ;
en voici la solution.Divisez x-i ou x par m , suivant qnc m sera
pair
ou im-pair ,
en faisant la division endehors ,
dans lepremier
cas , eten
dedans ,
dans lesecond ,
etprenant
lequotient
de manière que le reste ne soit ni nulni >m ,
abstraction faite de sonsigne.
Cereste sera la valeur de nI.
Divisez le
quotient
par m en faisant la divisionen
dedans dans lepremier
cas , et en dehors dans lesecond,
etprenant
encore lequotient
de manière que le reste ne soit ni nul ni >m , abstraction faite de sonsigne.
Continuez à diviser ainsi successivement les
quotiens
par m, en faisant alternativement les divisions en dedans et endehors,
etprenant
les
quotiens
tels que les restes alternativementpositifs
etnégatifs
ne soient
jamais
nulsni >m ; opérez
ainsijusqu’à
ce que vousayez obtenu un dernier
quotient qui
n’excède pas m ; alors la suite des restespris positivement
et le dernierquotient
seront les va-leurs de nI , n2 , n J ,...nm.
Si ,
parexemple, m=4
etx=I26 ;
en divisant en dehors 125par 4 ,
on aura pourquotient
32 et pour restenégatif 3=n1 ;
divisant en dedans 32 par
4 ,
on aura pourquotient 7
et pourreste
positif 4=n2 ;
divisant endehors 7
par4 ,
on aura pourquotient 2
et pour restenégatif
I=n3 ; divisant enfin 2 en dedanspar 4,
on aura pourquotient
o et pour restepositif 2=n 4;
ensorte
qu’on
aura , commeci-dessus,
nI=3 , n2=4 ,
n3=I , n4=2.Si,
aucontraire,
on am - 3 et x= i o en
divisant en dedans I0par
3 ,
on aura pourquotient
3 et pour restepositif
I=nI ; di-visant en dehors 3 par
3,
on aura pourquotient 2
et pour resteTom. IY. 38
282
nég f
3=n2 ; divisant enfin en dedans 2par 3 ,
on aura pourquotient o
et pour restepositif 2=n3 ;
en sortequ’on
aura, commeci-dessus,
1,,a
plus petite
valeur que l’onpuisse
donner à m est 2 , etalors le
jeu
scjoue
avec Quatre cartes seulement. Si l’on faitm=4 ,
lejeu
devra avoir 236 cartes ; on ne pourra donc. lejouer
avecun
jeu
de cartesordinaire ,
et il faudra avoir des cartes où soientpeintes
desfigures
d’hommes oud’animaux ,
des Meurs ou.des fruits.On ne rencontre pas cette difficulté en
prenant m=3 ;
cequi porte
le nombre des cartes à 27
seulement
y et on a deplus
cet avan-tage qu’alors
les calculspeuvent
être exécutés de tête avec facilitéet
promptitude ;
car on trouveIl convient
pourtant
de remarquerqu’à
mesure que mdevant
plus grand ,
le tour doitparaitre
deplus
enplus merveilleux ;
attendu que le nomhre des cartes
parmi lesquelles
il en faut devinerune, croit dans un
rapport incomparablement plus grand
que le nombre desopérations
etinterrogations
nécessaires pour ladécouvrir..Si ,
par
exemple ,
onemployait
dix billons de cartes ,lesquelles
tien-draient à
peine
dans un espacecubique
de 23 mètres en toutsens , il suffirait de dix
questions
seulement pourdécouvrir
la cartepensée.
C’est à peuprès
de la même manière que dixquestions
suffisent pour discerner un nombre
parmi
tous ceuxqui
sont moindresque dix billions.
Lorsqu’on
veutexécuter
ce tourplusieurs
fois desuite ,
il con-vient d’en masquer l’artifice en
variant
son dénouement deplusieurs
manières. Ainsi ,
parexemple
onpeut ,
unepremière fois ,
chercherla carte
pensée
dans lejeu
, les -mainsderrière
’et la poserensuite
sur la
table.
Onpeut ,
une secondefols,
annoncer àl’avance,
etavant même que la carte soit
pensée ,
le rangquelle
occupera dansle
jeu ;
ou bien onpeut
demander à l’un desspectateurs
de dé-signer
lui-même le rangqu’il
veutqu’elle
y occupe, et ainsi dureste.
Rien
n’empêche ,
ausurplus,
que, pour mieux fasciner les veux desspectateurs ,
on ne fasse le semblant de s’aider d’unelunette;
mais elle doit étre construite de manière
qu’on
nepuisse
rien voirà travers , ou
qu’on n’y
voie que des caractères oufigures
ma-giques,
ou , mieux encore , desobjets
ou devises propres àpunir
l’indiscrétion des
curieux, à qui ,
ausurplus ,
il conviendra de sedéfendre d’abord
beaucoup
de la livrer.Ce
petit
tourpeut
très-bien être exécuté par un hommeprive
de la vue , ou
qui
s’est fait bander les yeux , et il n’en devient ainsi queplus
merveilleux.On
peut
aussi nepoint
toucher les cartes ; faire former succes-sivement les
paquets
par un ouplusieurs
desspectateurs ,
enayant
seulementchaque
fois l’attention de remarquer le rangqu’on
as-signe
aupaquet
que l’on dit contenir la cartepensée.
On
pourrait
enfin faire penser à la fois des cartes aplusieurs
personnes,
en tenant note et despaquets qui les
contiendraient etdu rang
qu’on
auraitassigné chaque
fois à chacun d’eux.(*)
(*) Dans le tome VII des Mémoires
présentés à
l’académic des sciences , ontrouve un mémoire de M.
Monge
sur un tour de cartesqui
aquelque analogie
avec celui-ci.