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Le cancer hors les murs ? L'éclairage de la démocratie sanitaire

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Academic year: 2022

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Correspondances en Onco-Urologie - Vol. VII - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2016 166

© La Lettre du Cancérologue 2016;25(8):420-3.

É d i t o r i a l

Le cancer hors les murs ?

L’éclairage de la démocratie sanitaire

La modernité peut se caractériser, entre autres critères, par la rapidité des changements auxquels nous sommes exposés. Dans une vision darwinienne, ce n’est plus le grand qui tue le petit, mais le rapide qui élimine le lent. Ainsi, la prospective devient à la fois indispensable (pour éviter de mourir) et illusoire (car le temps d’apprendre à vivre, il est déjà trop tard).

Prédire le futur de l’organisation des soins est un exercice périlleux, et l’objet de cette contribution n’est donc pas de décrire le futur, ni même d’en imaginer plusieurs trajectoires probables, mais de postuler un avenir possible aux contours flous.

La relation médecin-malade a évolué de manière majeure sous l’influence du mode de financement, de la montée en puissance de la médecine basée sur les preuves et de nouvelles règles éthiques et déonto- logiques. Mais ces évolutions ont été progressives et facilitées par l’effet génération (une évolution qui prend le temps d’une génération peut être considérée comme quasiment insensible par les acteurs).

La médecine ne peut être en dehors des modifications globales de la société, que ces modifications soient économiques, culturelles et/ou technologiques. Ainsi, les causes des évolutions possibles de l’organisation des soins en cancérologie peuvent être retrouvées dans :

l’abandon du modèle hiérarchique monodirection- nel (Top-Down), qui aboutit à (ou provient de) la volonté des patients d’être informés, acteurs et décideurs ;

la complexité croissante des situations ainsi que la multiplicité des options de prise en charge, aboutissant au recours à des expertises fragmentées, et donc plus rares et non locales ;

les contraintes économiques ;

l’exigence sociale de réponse immédiate ;

la disparition de l’arbitrage de cas individuels (“casuistique”) au profit de décisions algorithmiques basées sur des “preuves” ;

la possibilité du recours aux outils modernes de communication/information.

Que sortira-t-il de cette alchimie sans alchimiste ? Pour faire face à ces (r)évolutions, les outils modernes de régulation peuvent également être listés :

1. La transparence.

2. La pluralité.

3. La délibération argumentée.

4. Le recours possible (procédure d’appel).

Ainsi, les points 1, 2 et 3 sont la légitimation de la mise en place de la “Démocratie sanitaire” officiellement reconnue et imposée depuis la loi du 4 mars 2002 mais très peu implémentée sur le terrain, comme en témoigne le rapport de Claire Compagnon (1) remis à la ministre de la Santé.

L’institut Paoli-Calmettes, Centre régional de lutte contre le cancer, a souhaité organiser la réalisation d’exercices de “Démocratie sanitaire” en prenant comme objet de débats des questions ne pouvant être résolues par la production scientifique classique (Le traitement A est-il supérieur au traitement B ?). Après un premier exercice sur le coût de l’innovation en cancérologie, le deuxième thème retenu a été celui du “Cancer hors les murs”. L’objet est bien d’aborder le futur de l’orga- nisation des soins non pas seulement à travers un rapport d’experts mais également à partir d’un débat entre les acteurs concernés.

Ce texte ne prétend pas être un résumé de ces débats, encore moins une synthèse (impossible et inutile). Il ne peut pas cependant ne pas avoir trouvé une partie de sa source dans les débats (www.lesdebatspublics- delipc.com/le-debat/).

Le cancer hors les murs, est-ce possible ?

Pour répondre à cette question, on peut poser une question symétrique : “Qu’est-ce qui rend nécessaire une structure physique centralisant les soins d’un patient atteint d’un cancer ?” En fait, le critère majeur consiste en l’existence d’un plateau technique très coûteux ou de ressources rares (ou éphémères) : bloc opératoire, salle Pr François Eisinger

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Correspondances en Onco-Urologie - Vol. VII - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2016 167

Éditorial

de réanimation, appareil de radiothérapie, PET scan.

Il apparaît que l’expertise intellectuelle n’est plus un critère rendant la présence physique des patients au contact de cette ressource nécessaire, contrai- rement à l’expertise pratique des gestes (chirurgicaux).

On assiste donc au retour du “praticien”, et ce, comme conséquence de la montée en puissance des outils d’information.

Le cancer hors les murs, est-ce souhaitable ?

Poser cette question est faire l’a priori qu’il existerait un critère simple rendant souhaitable ou non une inter- vention, ce qui n’est pas le cas. On peut en revanche proposer 2 grilles d’analyse :

Souhaitable pour qui ?

C’est pour satisfaire cette grille que l’organisation de débats doit anticiper la pluralité des acteurs et de leurs points de vue. Dans le cadre de l’institut Paoli-Calmettes, nous avons organisé ces débats en réunissant des

“collèges” accompagnés d’un comité de pilotage.

Les 5 collèges désignés sont les suivants (par ordre alphabétique) : administratifs ; associations de patients et patients ; chercheurs ; soignants et syndicats.

Dans chaque collège, la parité hommes/ femmes et des subdivisions ont été, dans la mesure du possible, respectées.

Souhaitable pourquoi ?

Dans un monde plus économique que moral, pour comprendre les acteurs, il est plus éclairant de demander : “Quels sont vos intérêts” que “Quelles sont vos valeurs ?”

C’est pour satisfaire à cette question du “Pourquoi ?”

que les séances de préparation avaient pour but de préparer les intervenants en explicitant certaines règles de fonctionnement, en particulier concernant la prise de parole où, après une miniprésentation (collèges et fonction/métier ; conflits d’intérêts), le contenu de l’inter- vention devait être argumenté (ce qui est dit compte plus que celui qui le dit). De même, le respect de tous les intervenants, permettant de favoriser la diversité nécessaire, était souligné. Les réunions préparatoires ont été également le lieu pour encourager tous les acteurs à prendre la parole (quel que soit leur statut).

Sans entrer dans les détails des arguments échangés, on peut considérer qu’un des rares consensus obtenus lors de cette réunion a porté sur le caractère inévitable d’une reconfiguration de l’adéquation “soins/structure de soins”.

Les exemples d’une diminution du temps passé par les patients dans la structure, de la modification de la nature des soins prodigués sur place versus déportés et de la proxi-surveillance versus la télésurveillance ont démontré de manière indiscutable la non-stabilité de l’organisation actuelle. Il apparaît donc indispensable de réfléchir à un recentrage de l’activité intra-muros vers des actions non transférables (à ce jour).

Dans cette revue à vocation médicale, il est sans doute utile de rapporter les interrogations du groupe

“soignants” regroupant médecins et non-médecins.

Pour les médecins, la vision d’une réduction du champ de leur expertise s’est fait jour, et ce, en raison d’un transfert vers des soignants non médecins, des experts médicaux consultables à distance, voire des algorithmes. La question posée a donc été celle de leur place dans ces nouveaux dispositifs hybrides. Le cœur intransférable de notre métier de demain est anticipé à ce jour comme le praticien réalisant des gestes thérapeutiques (cimentoplastie, par exemple), et étant l’interface avec les patients (ce qui, de plus, répond à une crainte exprimée par ces derniers lors des débats). Il s’agit d’une interface coordonnant les autres expertises (soignants non médecins et hyper spécialistes) et avec le patient pour débattre avec lui des options et ainsi aboutir à des décisions partagées, et pour expliquer et répondre aux interrogations.

Parmi les conséquences que l’on peut anticiper de ce glissement/transfert d’activité, on peut citer de manière non exhaustive :

une modification quantitative des ressources médi- cales (démographie médicale) ;

des modifications qualitatives des compétences médicales attendues ;

des modifications des modes de financement des soins ;

des modifications des règles juridiques de respon- sabilité.

Toutes ces conséquences devant faire l’objet de réflexions et de débats.

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Correspondances en Onco-Urologie - Vol. VII - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2016 168

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É d i t o r i a l

Pour bien en comprendre la dimension indispensable, on peut souligner que ce mouvement est déjà en cours aux États-Unis. À titre d’exemple, la gestion des urgences neurologiques (telestroke) est assurée non par un hôpital mais par une compagnie se définissant comme une entreprise de télémédecine (avec des centres experts délivrant des avis et des hôpitaux partenaires [abonnés]

soumettant des cas). Autre exemple, en 2016, La Kaiser aura plus d’échanges virtuels (emails, téléphone, vidéos) que de consultations physiques.

Néanmoins, ce qui se passe aux États-Unis ne peut servir de modèle, en raison d’un mode de financement radicalement différent, d’un niveau d’assurance des personnes très disparate (sans aucune mesure

avec les différences existant en France), et de la taille du pays. S’inspirer du Canada est sans doute utile, mais la culture et la taille du pays rendent impossible une simple transposition.

Il faut donc inventer la régulation, sans doute à partir d’expérimentations.

La complexité impose de la réflexion (temps long), mais les choix politiques et les investissements (décision dans un temps court) ont d’autres logiques.

Le débat s’impose, et il doit être multiple et transparent.

Pr François Eisinger Département d’anticipation et de suivi du cancer,

institut Paoli-Calmettes, Marseille ; université Aix-Marseille, Inserm, SESSTIM, Marseille.

F. Eisinger déclare avoir des liens d’intérêts avec Roche SA et Genome Québec (consultant).

R é f é r e n c e 1. Compagnon C. Pour l’AN II de la démocratie sanitaire, 14 février 2014.

Quelques liens utiles

www.lesdebatspublicsdelipc.

com/les-traitements- ambulatoires-du-cancer/

www.lesdebatspublicsdelipc.

com/1594-2/

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