L’ACCROISSEMENT EN ÉPAISSEUR DU TISSU GRAS DORSAL
CHEZ LE VERRAT EN CROISSANCE
L. OLLIVIER
J. SALIOU, I. CANOPE, D. BRAULT M. RENAULT
Station centrale de
Génétique
animale,Centre national de Recherches
zootechniques, Jouv-en-Josas (Seinz-et-Oise)
SOMMAIRE
1Jn échantillon de 29verrats de race
Large
White,placé
dans les conditions d’une alimentation individuelle semi ad libitum, a été soumis à des mesurespériodiques d’épaisseur
du gras dorsalentre les
poids
de 40 et 100kg,
à l’aide d’unappareil émetteur-récepteur
d’ultrasons. La relation entrel’épaisseur
du gras dorsal et lepoids
vif s’écartesignificativement
de la linéarité maisl’hypo-
thèse d’une relation linéaire entre
l’épaisseur
du gras et lelogarithme
dupoids
vif estcompatible
avec les données. Il est
possible,
connaissant l’accroissementd’épaisseur
du gras observé sur un verrat entre 40 et 80 kg, deprédire l’épaisseur du’il
atteindra à 100 kg. La même relation peutégalement s’appliquer
pour ramener à unpoids
donné desépaisseurs
de gras mesurées despoids
variables.
INTRODUCTION
La
proportion
de tissu gras dans la carcasse du porc passe de 5p. 100à environ 40 p. 100entre la naissance et lepoids
de 100kg, d’après
Mc MEEKAN(rg 4 o).
Cetteévolution se traduit par un accroissement
important
del’épaisseur
du tissu grassous-cutané, qu’il
estpossible
de suivre sur l’animal vivantgrâce
à l’une des méthodes de mesure mises aupoint depuis i 95 2 :
laréglette métallique
de HAZEL et KW rr!( 1952
),
le leanmeter d’Ar!DR!ws et Wxn!,!y( 1954 ),
laradiographie
de DuMOrrTet FÉVRIER
( 1957 ), l’appareil émetteur-récepteur
d’ultrasons de DUMONT( 1957 ),
Ces
quatre
moyens ont été utilisés pour étudier l’accroissement du gras dorsal surle porc vivant
respectivement
par HETZERet coll.(ig56),
NOFFSINGERet coll.(z959)!
FÉVRIER
( 195 8),
URBANet HAZ!r,(ig6o)
ainsi que RITTLER et coll.(iq6 4 ).
L’utili-sation des ultrasons
présente l’avantage
d’entraîner pour l’animal uneperturbation
minime et de
permettre
ainsi de nombreuses mesures sur le même individu. C’est latechnique qui
a été retenue pour cette étude dont le but est de suivre l’évolution del’épaisseur
du tissu gras dorsal chez le verrat en croissance..MATÉRIEL
ANIMAL -MÉTHODES
DEM!SU!2E. ,
.. ,Trente verrats en pi-ovenance d’un
élevage
inscrit auReid-Book Èarke
White(’)
constituaient notre matérielexpérimental.
Ces trente verrats, issus de dixpères
différents, ont été placés encases individuelles à la station de mise à
l’épreuve
des verrats sur leur descendance, au C. N. R. Z..Les animaux
pesaient
de 27 à 38 kg à leur arrivée à la station et de 97 à 105kg en fin de contrôle.Un verrat
cependant
dut être éliminé à 89kg et, par suite, exclu de cette étude. Sur les 29verrats restants, 24 ont été abattus et5 gardés
pour lareproduction.
’L’alimentation,
identique
à celle distribuée aux animaux du contrôle de descendance (’), étaitdistribuée selon
l’appétit
de l’animal, à raisonde,trois
repas parjour (alimentation
semi adlibitum).
Tous les
14 jours,
lesanimaux
étaientpesés individuellement
àjeun
et sondés aux ultrasons.L’appareil
utilisé, demarque .S’M!/M, fabriqué
enGrande-Bretagne,
est calibrépar
les soins duconstructeur et
gradué
directement en demi-centimètres. Les lectures étaient estimées au milli- mètreprès.
Surchaque
animal, sixemplacements
étaientrepérés
avant lepremier
contrôle, per- mettant d’effectuer :- 2 mesures à l’arrière de
l’épaule,
au niveau du a passage dessangles
u ;- 2 mesures au niveau de la dernière côte ; J
- 2 mesures au niveau du rein, à un
emplacement
déterminé par une verticaleéquidistante
du grasset et de l’arrière des fesses.
Ces mesures étaient faites de part et d’autre de la
ligne
médiane, à environ 2 cm de cetteligne
au début des contrôles. Ces
emplacements correspondent approximativement,
sur un porc de 100kg,
à ceux
proposés
par IInzEL et KLINE( 1952 ).
La
découpe
des carcasses était ladécoupe parisienne
normaliséequi est utilisée
dans lesépreuves
de descendance. ...
’
_ _
Les variables retenues pour cette étude sont les suivantes : ï° Sur l’animal vivant
( 29 verrats) :
- le
poids
vif ;- l ,
age .
. ’’!
1 ’- là moyenne des six mesures
d’épaisseur
de gras.’ .
Cette dernière variable a été ramenée, pour
chaque
individu, auxpoids
de 40, so, 60,7 0,
80,go et 100
kg
parinterpolation
linéaire(et,
éventuellement,extrapolation
à 100kg).
La moyenne des sixépaisseurs
de gras ainsi que lepoids
vif ont aussi été ramenés individuellement à des âges fixes, r3, 127, 141e 155 et 16gjours,
selon le mêmeprocédé.
2
° Sur la carcasse
( 24
verratsabattus) :
- le pourcentage de morceaux nobles
(jambon
etlonge)
dans la demi-carcassedécoupée ;
- le pourcentage de morceaux gras
(bardière
et panne) dans la demi-carcassedécoupée ;
- la moyenne de 2
épaisseurs
de lard, mesurées l’une au niveau le la dernière vertèbre dor- sale, l’autre au niveau de la dernière vertèbre sacrée.! . ,
RÉSULTATS
Les résultats moyens des mesures sur le vivant sont rassemblés dans les tableaux i et 2. l,es résultats moyens des mesures de carcasse, sur a4 verrats
abattus,
sont les suivants :1
. Valeur des mesures
efectuées
sur l’animal vivant aupoids d’abattage.
L’exactitude
des mesures ultrasonores n’a pas été vérifiée directement. Seules ont été estimées les corrélations entre les résultats de ladécoupe
d’unepart
et lesmesures
d’épaisseur
du tissu gras effectuées soit sur levivant,
soit sur la carcassed’autre part (tabl. 3 ).
Ilapparaît
que les mesures effectuées sur le vivant sont.,en corrélationplus
étroite avec lesrésultats
de ladécoupe
que les mesures sur la car- casse elle-même.2 Relation entre
poids, âge et épaisseur
du gras dorsal.L’ajustement
par lespolynômes orthogonaux
a donné les résultats du tableau q..Il est donc
possible
d’admettre une variation linéaire del’épaisseur
du gras en fonction del’âge (entre
113 eti6g jours)
mais cettehypothèse
est à écarter en cequi
concerne d’une
part
la relation entre lepoids
etl’âge,
d’autrepart
la relation entrel’épaisseur
du gras et lepoids.
Leremplacement
dupoids
par sonlogarithme,
quesuggère
le caractèreexponentiel
de lacroissance, permet d’ajuster 3 régressions
linéaires entre ces variables
(graph.
1, 2 et3 ).
La somme des carrés résiduelle de larégression
del’épaisseur
du gras sur lelogarithme
dupoids
est de o,i¢ au lieu de 0,12 pour unajustement
par une courbe du seconddegré.
Un
désignant
par Xl’âge (en jours),
Y lelogarithme
décimal dupoids (en kg)
et Z
l’épaisseur
du gras(en mm),
leséquations
des droites derégression
sont : 13
. Variations individuelles dans la relation entre le
poids
etl’épaisseur
du gras....
La
relation( 3 ) décrit 1,’évolution globale de l’épaisseur du gras en fonction
du
poids
dans l’échantillon étudié. Le problème
est de savoir si une relation du même
type
est applicable
aux individus,
ce qui
rendrait possible
de prédire l’épaisseur
de gras d’un verrat à 100
kg
àpartir
de mesures faites au cours de sa croissance.Le tableau 5 montre que, dès 40
kg
pour lepourcentage
de morceaux gras et dès 5okg
pour lepourcentage
de morceauxnobles,
des corrélationssignificatives
existent entre
l’épaisseur
du gras et les résultats de ladécoupe
des carcasses à 100kg.
Par
ailleurs,
nous pouvons tenircompte
non seulement del’épaisseur
du gras à unpoids
donné mais aussi de l’évolution de cetteépaisseur
en fonction dupoids.
Ainsi,
enprolongeant,
parexemple,
la droitepassant
par lespoints
d’abscisselog 40
et
log 8 0 ,
nous obtenons les résultats suivants :1
DISCUSSION
Validité des mesuyes
d’épaisseur
de gras sur le vivant et sur la carcasseLes auteurs
qui
ont effectué des mesures auxemplacements proposés
par HAZEL et Kr,rrr!( 1952 )
ont toussignalé
la difficulté des mesures au niveau del’épaule.
Eneffet,
à cetemplacement, qui correspond approximativement
à la 5evertèbre dorsale.se trouve le muscle
trapèze qui, d’après
BLIN et coll.( 19 6 3 ),
s’étendjusqu’au
86et ioe espace
intercostal,
et s’enlèvegénéralement
avec le lard dans ladécoupe parisienne.
L’écho que renvoie ce muscle estparfois
difficile à détecter et’. a lecturecorrespond
alors soit à la face inférieure de cemuscle,
soit aux facessupérieures
desdeux muscles situés immédiatement
au-dessous,
lelong
dorsal et lelong épineux.
L’examen
des carcasses de cetteexpérience
et d’autres carcasses soumises auxmêmes mesures a montré que c’était
généralement
le cas, ce que confirmeégalement
l’examen des courbes individuelles d’accroissement
qui présentent
une allureplus irrégulière
àl’épaule qu’au
dos et au rein. Les résultats du tableau 4 montrent que,malgré
le manque de sîireté des mesures àl’épaule,
la moyenne des six mesuresfournit un excellent moyen de
prédire
la valeur de la carcasse avantl’abattage.
Les valeurs nettement
plus
faibles des corrélations avec lesépaisseurs
mesurées surla carcasse sont sans doute
attribuables,
pour unelarge part,
au fait que l’échantillon est de taille limitée et deplus tronqué,
les verrats les moins grasayant
été retenus pour lareproduction.
Relation entre le
poids
etl’épaisseur
du grasLa linéarité de cette relation a été admise par HETZER et coll.
( 195 6)
entre lespoids
de 70et 100kg,
par DE PAPE et WHATIEY(ig 5 6)
entre lesâges
de56
et 140jours
par NOFFSINGER et coll.
( 1959 )
entre lespoids
de 45 et 90kg.
La même
hypothèse
aégalement
étéadoptée
par STANDAL( 19 6 2 )
pourcorriger
en fonction du
poids
desépaisseurs
de gras mesurées sur des porcsâgés
de 110 à2 6
0
jours.
Mais les donnéesqui
ont servi à ce dernier auteur ont été recueillies dans de nombreuxélevages
et ne sont pas directementcomparables
à des résultats obtenusen milieu uniforme.
Trois causes différentes
peuvent expliquer
le désaccord de nos résultats avec ceux des auteursqui
viennent d’être cités. Citons d’abord les conditionsd’élevage
et d’alimentation : il est
possible qu’en
alimentation ad libitum l’accroissement del’épaisseur
dugras
soitplus important
et tende à devenir constant en fonction dupoids.
Le sexe aégalement
une influencecertaine,
car on sait que ladéposition
dugras est
plus
intense chez les mâles castrés et les étudesprécédemment
citées(à l’exception
de celle deST.!!rDa!,)
neportent
que sur des mâles castrés et des femelles.Enfin,
une dernière cause de désaccordprovient
des différences dans les intervalles depoids
considérés.Prédiction de la valeur
finale
de la carcasseri
partir
de mesureseffectuées
au cours del’engraissement
H E
,rzFR et coll.
( 195 0)
ont été lespremiers
àsignaler
l’intérêt de mesures sur le vivant àpartir
de 80kg
pourprédire
la valeur de la carcasse à 100kg.
Ces auteursconcluent même à la
supériorité
des mesures sur le vivant parrapport
aux mesuresd’épaisseur
de gras effectuées sur la carcasse. De même URBAN et HAZEL( 19 6 0 )
estiment que des mesures effectuées environ 5 semaines avant
l’abattage permet-
traient deprédire
avec une bonneprécision
la valeur de la carcasse.Par contre, DE PAPE et WxAT!,!!
( 195 6)
considèrent comme inefficaces desmesures
prises
avant lepoids
de gokg.
C’est à une conclusionanalogue
que par- viennent RITTI,ERet coll.( 19 6 4 )
pourlesquels
la connaissance del’épaisseur
du grasdorsal à un stade donné de croissance ne
permet
pas d’enprédire
l’accroissement ultérieur.D’après
l’échantillon limité étudiéici,
il semblepourtant qu’une prédiction
soitpossible
assezprécocement
s’il est tenucompte
non seulement del’épaisseur
à unpoids
donné mais aussi de l’accroissementd’épaisseur
observé sur unepériode
déter-minée. Ainsi la sélection des verrats sur leur
adiposité pourrait s’envisager
dès 80kg,
par
exemple ;
à cepoids,
la castration des individus éliminés restepossible
sans en-traîner de
dépréciation
de la carcasse sil’abattage
intervient à 100kg.
Il faudraitcependant
connaître les héritabilités et corrélationsgénétiques
relatives aux mesuresd’épaisseur
de gras à différentspoids
pour évaluer avecprécision
lesgains génétiques qu’il
seraitpossible
d’obtenir selon le stade de la croissanceauquel
s’effectue le choix desreproducteurs.
S’il
s’agit
de ramener àpoids
constant desépaisseurs
de gras mesurées sur des animaux depoids
variable une relation dutype
del’équation ( 3 ) peut
êtreutilisée,
ce
qui
revient à attribuer à tous les individus le même tauxd’accroissement,
maisil est
préférable,
comme cette étude lesuggère,
de faire au moins deux mesuressur le même individu au cours de sa croissance de manière à estimer les taux d’ac- croissement individuels.
Ke f
rc pour
publication
l’Ilseptembre
1965.SUMMARY
INCREASE IN THICKNESS OF BACK FAT IN TIŒ GROWING B(IAR
A
sample
of 29Large-lVhite
boars wasindividually
fed toappetite
3timesdaily
at the progcnytesting
station atJouy-en-Josas.
From 40to 100kg liveweight
thickness of back fat was measuredultrasonically
every 14days.
The relation between thickness of back fat andliveweight
differedsignificantly
fromlinearity
but results support thehypothesis
that there is a linear relation between thickness of back fat and thelogarithm
ofliveweight.
On this basis it ispossible
topredict
thicknessnf back fat, and hence carcase value at 100
kg
from measurements taken at 40and 80kg.
The corre-lation coefficient of thickness of back fat measured at roo kg with values
predicted
from measure-ments at 40and 80
kg
was r = 0.86. The samerelationship
could also he used toadjust
to constantweight measurements taken at different
liveweights.
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
.Bi SURE IV
S 1’. N., WHALEY R. :B1., 1954. (Cité par XOFFSIiSGER et Coll., 1959).
HUN P. C., LABIE C., CUQ P., JOST l’., 1963- Bases anatomiques de la diagnose de provenancc régio-
nale des côtelettes de porc. Xec. Med. hétér., 139, 733-751.
DE I’nrE J. G., WHATLEY J. A., rggfi. Live hog probes at various sites, weights and ages as indicators of carcass merit. J. animal Sci., 15, /029-1036.
DumovT B. Réunion de la F. E. Z. L., ig57. Nouvelles méthodes pour l’estimation de la sur l’drrersve de descendance des l’ores.
qualité
Copenhague.des carcasses sur les porcs vivantsDUMONT B. L., FÉVRIER R., 1957. Méthode de mesure radiographiquc de l’épaisseur des tissus adipeux
sous-cutanés chez le porc. :lnn. Zootecla., 6, 2g-.lo.
FÉVRIER R., 1958. (Données non publiées).
HAZEL L. N., KLINE E. A., 1952. :llechanical measurement uf fatness and careass value on live hogs.
J. animal Sci., 11, 313-318 IIET
ZER H. 0., ZELLER J. H., HAVxtxs O. G., )o5h. C’arcsas yields as related to live hog probes at
carious weights and locations. J. animal Sci., 15, 257-270. 4tc11
4
xxxnrl C. P., 1940. Growth and development in the pig, with slecial reference to carcass quality
characters. J. agric. Sci., 30, 276-3.I3. N
OFFSINGER T. L., AiSDREWS F. N., AlSDERS01B V. L., tg5g. The rate of fat déposition in four lines of swine. J. animal Sci., 18, J 27-133.
RtT
’
rt,Ftt A., SCHI E P., ScHELDER E., FEwS01B D., 1064. I. Lur Frage der Genauigkeit von Echolot- Messungen am lebenden Schwein in verschiedenen Gewichtabschnitten. Ziich/ungskunde, 36, i sg-168.
S
TANDAL X., 1962. A scoring-system for pig sclection based on performance testing for backfat thickness and rate of gain. Igric. College Nor71.’ay. Institifie of Animal Genetics and Breeding. Report n° 158.
U RBA
N W. E., HAZEL I,. N., 1960. Ultrasonic measurement of fatness in swine during the growing-fatte- ning period. J. animal S’ci., 19. i??A-1 229.