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La médiation pour les professionnels des établissements hospitaliers et médicosociaux publics : un service émergent face à de grands défis

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Academic year: 2022

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La médiation pour les professionnels des établissements hospitaliers

et médicosociaux publics : un service émergent face à de grands défis

Édouard Couty

Médiateur national

Résumé.L’hôpital et les établissements médicosociaux connaissent des conflits interpersonnels qui peuvent durer des années, s’exprimer parfois avec violence, sous forme de maltraitance, de harcèlement ou de relations exécrables entre deux ou plusieurs professionnels donnant lieu à des contentieux ordinaux, pénaux ou administratifs quand l’institution est impliquée.

Ces conflits sont toujours douloureux pour ceux qui les vivent et ils ont des conséquences sur le fonctionnement du service, du pôle ou de l’établissement dans lesquels ils se déroulent. Ils pèsent sur la qualité de la prise en charge des patients.

La souffrance au travail qu’ils génèrent et leur caractère délétère pour toute une équipe dégradent la qualité de vie au travail et nuisent à la bonne qualité des soins.

Analyser les causes de ces conflits et tenter de les prévenir est aujourd’hui un enjeu majeur. La mise en place d’un service de médiation pour les personnels des établissements est, avec la conciliation locale à structurer, un outil de traitement de ces conflits. Un réseau de médiateurs régionaux, animé par un médiateur national va être mis en place en 2019. L’objectif est de traiter précocement et de régler des conflits pour aider à mieux les connaître pour mieux les prévenir. Il n’y a pas de bons soins sans une bonne qualité de vie au travail, pas de bonne qualité de vie au travail sans reconnaissance de la bonne qualité des soins et reconnaissance des efforts de la recherche collective de l’efficience et enfin pas de recherche d’efficience possible sans bonne qualité des soins et bonne qualité de vie au travail.

Mots clés :burn out, épuisement professionnel, établissement de santé, conflit, médiation d’entreprise, travail

Abstract.Mediation for professionals in public medical and medico-social establishments: an emerging service facing major challenges.Hospitals and medico-social establishments can face interpersonal conflicts that can last for years and are often characterized by violence—in the form of abuse—, bullying, or dire relations between two or more professionals, giving rise to ordinary, penal, or administrative disputes, where the institution itself is involved.

These conflicts are always painful for those who experience them, and they have consequences on the functioning of the service, as well as on the division or establishment in which they are taking place. They pose a threat to the qua- lity of the care that patients receive. The unpleasant working conditions that they generate and their detrimental nature for an entire team have a negative impact on the quality of working life and the quality of care. Analyzing the causes of these conflicts and trying to avoid them is a major issue these days. The setting-up of a mediation service for the staff of these establishments—with local reconciliation to be structured—is a tool for dealing with these conflicts. A network of regional mediators, organized by a national mediator, will be set up in 2019. The aim is to deal with conflicts early and to resolve them so as to facilitate a better understan- ding of them and have a better chance of preventing them. There is no such thing as good care without a good quality of working life; no good quality of working life without recognition of a good quality of care and of the effort made in the collec- tive pursuit of efficiency; and, finally, no possibility of pursuing efficiency without a good quality of care and a good quality of working life.

Key words:burnout, health establishment, conflict, workplace mediation, work

Resumen. La mediación para los profesionales de los establecimientos hospitalarios y médico-sociales públicos : un servicio emergente ante grandes retos.El hospital y los establecimientos médico-sociales conocen conflic- tos interpersonales que pueden durar a ˜nos, expresarse a veces con violencia, bajo formas de maltrato, de hostigamiento o de relaciones aborrecibles entre dos o varios profesionales que dan lugar a contenciosos ordinales, penales o administra- tivos cuando está implicada la institución.

doi:10.1684/ipe.2019.1955

Correspondance :É. Couty

<couty.e@orange.fr>

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Estos conflictos siempre son dolorosos para aquellos que los viven y tienen conse- cuencias en el funcionamiento del servicio, del polo o del establecimiento en los que se desarrollan. Impactan en la cualidad de la atención a los pacientes. El sufrimiento en el trabajo que generan y su carácter deletéreo para todo un equipo degradan la cualidad de vida en el trabajo y perjudican la buena calidad de los cuidados. Anali- zar las causas de estos conflictos y tratar de prevenirlos es hoy un reto mayúsculo.

La puesta en pie de un servicio de mediación para los diferentes personales del los establecimientos es, con la conciliación local a estructurar, una herramienta de tratamiento de estos conflictos. Una red de mediadores regionales, animada por un mediador nacional va a ponerse en marcha en el 2019. El objetivo es tratar precozmente y solucionar conflictos para ayudar a conocerlos mejor para mejor prevenirlos. No hay buenos cuidados sin una buena cualidad de vida en el trabajo, no hay buena calidad de vida en el trabajo sin reconocimiento de la buena cualidad de los cuidados y reconocimiento de los esfuerzos de la búsqueda colectiva de efi- ciencia y por fin no hay búsqueda de eficiencia posible sin buena cualidad de los cuidados y buena cualidad de vida en el trabajo.

Palabras claves: agotamiento profesional, establecimiento de salud, conflicto, mediación de empresa, trabajo

Les conflits interpersonnels ne sont pas une nou- veauté pour les équipes hospitalières, ils sont souvent douloureux pour ceux qui les vivent, ils ont des consé- quences sur le climat général et le fonctionnement du service, du pôle ou même de l’établissement dans lequel ils se déroulent. Ils ont également des conséquences sur la qualité de la prise en charge des patients et plus glo- balement la qualité des soins. La souffrance au travail que ces conflits peuvent générer et leur caractère délé- tère pour toute une équipe dégradent la qualité de vie au travail et nuisent à la bonne qualité du service.

On sait que la dégradation de la qualité des soins, l’augmentation de l’absentéisme de courte durée, les conflits récurrents sont de bons marqueurs d’une médiocre qualité de vie au travail et de difficultés sou- vent dues au mode de management.

On évoque toujours le manque de moyens comme seul remède à la mauvaise qualité de vie au travail, ce n’est pourtant pas le principal facteur d’un malaise souvent avéré dans les équipes du fait de la piètre qua- lité des relations humaines. Le management hospitalier, aujourd’hui très fortement imprégné des concepts et outils du « new public management» doit désormais intégrer au même titre que les dimensions stratégiques, économiques et financières, la qualité des relations entre les professionnels au sein d’une même entité : service, pôle, établissement, groupement d’établissements. Tous les responsables, à tous les niveaux, doivent porter sur ces questions une attention particulière.

La pression économique et financière, les nouvelles attentes des patients et de leurs représentants en matière de transparence et d’information, la rigueur méthodolo- gique et la charge de travail administratif des nouvelles procédures de qualité, la mise en place des réformes suc- cessives, les exigences en matière de volume d’activité et de résultats sont autant de facteurs de stress pour des professionnels parfois désorientés. Ces mêmes profes- sionnels éprouvent des difficultés à retrouver le sens de leur action, le service au patient et les valeurs du service public hospitalier : la continuité, la qualité de l’accueil,

l’humanité dans les relations avec les patients, la solida- rité.

Remettre le malade au centre de l’action de tous les hospitaliers, quelles que soient leurs fonctions et responsabilités, est un objectif largement partagé, pour autant la réalité est parfois différente et l’objectif commun n’est pas toujours atteint. Est-ce parce qu’on oublie que la bonne prise en charge du malade n’est pas seulement le fait de l’expertise, de la connaissance des professionnels disposant de plateaux techniques sophistiqués ? Est-ce parce qu’on considère parfois dans les établissements hospitaliers ou médicosociaux que quantité égale qualité ?

Le management de l’équipe, la bonne qualité des rela- tions, le respect de l’autre, collègue ou collaborateur et la reconnaissance de son apport à l’équipe sont des fac- teurs de qualité, de sécurité et de bons résultats pour les soins et la prise en charge. Qualité des soins, qualité de l’accueil et qualité de vie au travail sont très intimement liées.

Ces dernières années, de nombreux événements indésirables et des événements dramatiques survenus à des professionnels en grande souffrance ont frappé l’opinion. Il ne s’agit pas ici d’analyser chaque cas, les facteurs explicatifs sont en général multiples mais tous ces drames humains ont des points communs : un conflit interpersonnel non traité ou mal traité, un important défi- cit de reconnaissance, la qualité dégradée des relations au sein de l’équipe ou au sein du pôle depuis longtemps ou même un conflit entre un ou des services et la gou- vernance du fait d’incompréhensions ou de mauvaise qualité d’écoute.

Ces événements, dont certains furent dramatiques, ont provoqué une prise de conscience de ces dérives au plus haut niveau et ont conduit les ministres de la Santé et des Affaires sociales à mettre publiquement l’accent sur les questions de prévention des risques psychoso- ciaux et plus largement de qualité de vie au travail. C’est dans ce contexte que Marisol Touraine a mis en place fin 2016 une stratégie pour la qualité de vie au travail

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avec trois mesures concrètes : création d’un observatoire de la qualité de vie au travail, création d’une mission spécifique sur ce thème au sein de la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) et création de la fonction de médiateur national chargé de mettre en place le futur service de médiation pour les personnels des établisse- ments hospitaliers et médicosociaux publics.

Dès son arrivée aux responsabilités de ministre de la Santé et des Affaires sociales, Agnès Buzyn a confirmé ces mesures, l’observatoire de la qualité de vie au travail vient d’être mis en place par la ministre elle-même, il est présidé par le professeur Philippe Collombat. De même, madame Buzyn a demandé au médiateur national, par une lettre de mission spécifique, de préfigurer le ser- vice de médiation pour l’ensemble des professionnels intervenant dans les hôpitaux et établissements médi- cosociaux publics. Cette mesure concerne les praticiens hospitaliers mono-appartenant ou bi-appartenant titu- laires ou contractuels, les agents de la fonction publique hospitalière, les contractuels, les étudiants pour leur temps hospitalier, soit une population d’environ un mil- lion trois cent mille personnes.

Le futur dispositif de médiation,

un service au service des professionnels

Conciliation et médiation,

concepts différents et complémentaires

Les consultations et concertations conduites dans la perspective de créer par décret en Conseil d’État un ser- vice de médiation pour les hospitaliers ont montré la nécessité d’inciter fortement les établissements à déve- lopper en interne des dispositifs de conciliation tels que sous-commission de la CME ou conciliateur médical pour les conflits entre médecins, voire personnes res- sources pour les autres catégories.

–Ceniveau interne de conciliationdoit permettre écoute bienveillante, conseil et accompagnement des personnes concernées en vue d’un règlement du ou des conflits impliquant ces personnes. L’échelon local de conciliation devrait permettre de régler de nombreux conflits pour autant que la démarche soit entreprise assez précocement et assure une écoute bienveillante et des conseils avisés. Le niveau local de conciliation, auquel peut être assimilée la commission régionale paritaire créée par la loi de 2016 pour les praticiens hospitaliers et mise en place dans les ARS, ne fait pas de la médiation, il tente de trouver avec les parties concernées une solution au conflit et aux dysfonc- tionnements qu’il génère par l’écoute, le conseil et l’accompagnement.

Ce niveau local de conciliation (ou le niveau régional de la commission régionale paritaire [CRP] au sein des ARS) s’il ne réalise pas la médiation, est indispensable car il permet, outre le règlement des conflits, la responsa-

bilisation des professionnels au sein des établissements et la reconnaissance de leur capacité à résoudre une part importante de leurs difficultés. Cette capacité de résilience est réelle, elle doit être effectivement recon- nue. Pour les cas où cette démarche n’aboutit pas, la médiation donne une visibilité en permettant l’accès à un processus un peu différent : celui de la médiation.

–Lamédiationproprement dite est assurée par un (ou deux) médiateur formé à cet exercice. Elle suppose l’accord préalable des parties concernées et doit leur garantir le respect absolu des principes généraux sui- vants :

•l’indépendance : le ou les médiateurs n’ont aucun lien hiérarchique ou autres avec les parties en cause ou leur établissement ;

•laneutralité : le médiateur n’est pas le conseil de l’une ou l’autre partie, il n’intervient pas dans la recherche de solution, il est le tiers indépendant qui facilite la reprise des liens professionnels rompus et qui cherche à créer les conditions de la recherche de résolution de leur conflit par les parties elles-mêmes ;

•la stricte confidentialité : en intervenant en tant que tiers indépendant et neutre, le médiateur crée un espace de confidentialité au sein duquel cha- cun peut s’exprimer sans crainte, d’abord en tête à tête avec le médiateur puis en réunion plénière. Cet espace de totale confidentialité garantie par le média- teur est essentiel pour établir la confiance préalable indispensable à la recherche commune d’une solution au conflit ;

•l’impartialité et l’équité : le médiateur agit comme un tiers extérieur neutre, il n’a pas à privilé- gier tel ou tel et veille à toujours être dans une posture impartiale vis-à-vis de chacune des parties, il s’assure d’une équité totale dans la présentation de chacune des parties (temps de parole, argumentaires etc.).

–Lemédiateur n’est pasun procureur, il n’est pas là non plus pour aider l’un ou l’autre à«régler ses comp- tes», il n’est pas un juge qui va trancher ou arbitrer en faveur de l’une ou l’autre des parties.

–Lemédiateur estune tierce personne extérieure à l’établissement, indépendante et neutre qui garantit la confidentialité des informations portées à sa connais- sance et qui va favoriser le rétablissement de liens rompus et la recherche par les parties d’une résolution de leurs difficultés ou de leur conflit.

On perc¸oit la différence entre le conciliateur qui va aider les parties, les conseiller et les accompagner, voire intervenir personnellement pour régler leur problème et le médiateur qui reste dans la neutralité et cherche à créer les conditions d’une résolution du conflit par les parties elles-mêmes.

Dans la réalité, les situations sont parfois telles que le médiateur interviendra plutôt dans une mission de conciliation, dans ce cas il devra en informer les parties concernées et préciser le champ de son action et le type de processus dans lequel chacun accepte de s’engager.

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L’organisation et le fonctionnement du futur service de médiation

L’organisation repose sur des médiateurs régionaux ou interrégionaux et sur un médiateur national.

Chaque médiateur, régional, interrégional ou national préside une commission de 10 personnes qui peuvent être déléguées par le médiateur ou faire avec lui des médiations (ou éventuellement, et dans les conditions rappelées ci-dessus, des conciliations). Ces commis- sions seront composées de personnalités représentant les différentes familles de métiers : médecins, soignants non-médecins, administratifs, techniques et un médecin du travail ou psychologue du travail.

Le médiateur national est nommé par le ministre chargé de la Santé, les médiateurs régionaux ou interré- gionaux sont nommés par le ministre chargé de la Santé sur proposition du médiateur national, de même que les membres de la commission nationale.

Les membres des commissions régionales ou interré- gionales sont nommés par le directeur général de l’ARS sur proposition du médiateur régional ou interrégional.

Pour ces nominations les autorités (ministre et direc- teur régional de l’ARS [DGARS]) ont compétence liée, s’ils peuvent refuser la proposition du médiateur natio- nal ou régional ils ne peuvent pas nommer quelqu’un qui ne serait pas proposé par ce médiateur.

Ces dispositions garantissent l’indépendance des médiateurs et des membres des commissions à l’égard des autorités, des institutions et des syndicats profes- sionnels.

Le médiateur régional ou interrégional est saisi par les parties concernées, par l’établissement, par le DGARS ou par le Centre national de gestion (des praticiens hos- pitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière) (CNG). S’il accepte la mission, il s’assure de l’accord des parties et engage la médiation.

Un délai de trois mois à partir de l’acceptation des parties est prévu pour réaliser la médiation.

Le médiateur national peut s’autosaisir, il peut éga- lement être saisi par les ministres chargées de la Santé et des Affaires sociales, par le CNG, et par le médiateur régional lorsque sa médiation n’a pas abouti.

Le recours au médiateur suppose l’accord des parties, celles-ci peuvent choisir, avec l’accord ou selon le sou- hait des responsables de l’établissement, de recourir à des médiateurs certifiés privés.

Il faut rappeler que le médiateur n’a aucune obliga- tion de résultat, si sa médiation n’aboutit pas et que le conflit entre les personnes concernées n’a pas été résolu l’issue logique est le contentieux et l’intervention du juge.

Les différends faisant l’objet d’une saisine du défen- seur des droits, ou d’une procédure disciplinaire déjà engagée, les différends relatifs à des décisions prises après avis d’un comité médical ou d’une commission de réforme sont exclus du champ de la médiation.

Il n’y a pas de liens hiérarchiques ou fonctionnels entre les médiateurs et les DGARS ou les directions du ministère.

Le médiateur national est chargé de coordonner l’action des médiateurs régionaux, il anime le réseau que ces médiateurs et leur commission constituent. Il est en outre chargé de rendre chaque année au ministre un rapport qui outre un bilan d’activité contiendra des recommandations ou préconisations pour améliorer en général la qualité des relations au travail et des conseils aux établissements pour prévenir les conflits, permettre le cas échéant un diagnostic précoce et en assurer une bonne gestion locale.

Les médiateurs sont titulaires du certificat de média- teur hospitalier obtenu après une formation spécifique à la fonction de médiation délivrée, sous l’égide de l’EHESP, par un institut universitaire spécialisé habilité à certifier les médiateurs. Les membres des commis- sions placées auprès du médiateur au niveau national ou régional ou interrégional sont, pour certains, égale- ment certifiés. Des séminaires de formation sont mis en place dès l’installation des commissions pour tous leurs membres.

Le soutien logistique (locaux secrétariat, frais de déplacement et vacations) est assuré par la DGOS pour le médiateur national et par les ARS pour le niveau régio- nal ou interrégional sur des crédits du budget de l’État délégués à cet effet aux ARS support.

Toutes ces dispositions feront l’objet d’un décret en Conseil d’État, d’un règlement intérieur et d’une charte de la médiation à l’hôpital et dans les établissements médicosociaux. Cette charte rappellera notamment, pour les médiateurs et pour tous ceux appelés à faire de la conciliation, les valeurs fondamentales partagées par tous les professionnels concernés et la dimension éthique de leur propre exercice.

Quel médiateur ?

La médiation n’est possible que lorsque la confiance est établie entre le médiateur et chacune des par- ties concernées. L’accord des parties concernées pour entrer dans ce processus est évidemment une condi- tion essentielle. Mais au-delà, les principes de neutralité, c’est-à-dire la distance quant au conflit et à son issue, d’indépendance, c’est-à-dire la distance à l’autorité ins- titutionnelle, d’impartialité c’est-à-dire de distance aux parties en cause et la garantie d’une totale confidentia- lité sont facteurs de confiance. Leur respect crée cette confiance nécessaire. Il faut y ajouter, de la part du ou des médiateurs, un sens aigu de la qualité de la relation humaine et la capacité, face à des postures d’adversité, classiques à l’hôpital, d’avoir une posture d’altérité, d’écoute attentive et bienveillante, pour amener progres- sivement les parties en conflit à une posture de respect et d’écoute mutuelle et finalement à trouver elles-mêmes et ensemble les voies de la résolution du conflit qui les

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oppose. Certaines situations anciennes, très complexes, peuvent demander l’intervention de deux médiateurs, la co-médiation peut être dans ces cas-là un gage de réussite.

Le médiateur formé à l’exercice de la médiation, pro- fondément attaché à la qualité relationnelle, doit par ailleurs bien connaître l’organisation et le fonctionne- ment des établissements, l’histoire et la sociologie des professions concernées.

Le réseau des médiateurs régionaux ou interrégio- naux sera donc composé de professionnels aguerris, reconnus par leurs pairs, volontaires pour s’engager dans cette démarche au service des autres profession- nels et ayant pleinement conscience des défis à relever pour installer ce nouveau service dans un système dont la culture et les pratiques sont plutôt celles de l’affrontement et du rapport de force que celles de la recherche de résolution des conflits par la conciliation ou la médiation.

Les lec¸ons tirées du traitement de cas concrets pour mieux relever les défis à venir

L’expérience des cas concrets

Outre la mission de préfigurer le futur service de médiation, le médiateur national s’est vu confier celle de régler des dossiers individuels, tous concernant des conflits entre médecins ou entre médecins et adminis- tration, transmis par la ministre elle-même ou par ses services. Le traitement de ces dossiers ne permet pas de dresser à ce stade une typologie, pour autant que cela soit possible tant les cas individuels traités sont dif- férents, les enseignements généraux que l’on peut en retirer doivent être considérés avec prudence faute de recul temporel.

Cependant, sur 85 cas individuels traités au 15 sep- tembre 2018 quelques éléments apparaissent claire- ment : en 18 mois dont 13 mois d’exercice solitaire et 5 mois avec un praticien hospitalier médiateur certifié, sur 85 dossiers enregistrés, 28 ont été réglés, 30 sont actifs, les 27 autres ont fait l’objet d’un arrêt de la média- tion du fait de l’une des parties ou du fait du médiateur ou ont fait l’objet d’un constat d’échec.

Les dossiers traités sont pour la plupart des conflits entre médecins. Il s’agit de cas complexes ou très complexes, de conflits anciens, que l’on espérait voir se régler d’eux-mêmes avec le temps et qui, en réalité n’ont cessé de s’aggraver, parfois silencieusement, générant un climat délétère préjudiciable à la qualité des rela- tions humaines et à la qualité du service. Les constats de ces dysfonctionnements ont en général provoqué l’intervention de la gouvernance des établissements.

Ces interventions, si elles ont souvent permis d’atténuer les conséquences du conflit, l’ont tout aussi souvent

aggravé entre les personnes directement concernées ou encore déplacé et transformé en un conflit contre la direction ou l’ensemble de la gouvernance.

La prévention des conflits potentiels au sein des équipes est donc très importante, elle suppose la mise en œuvre d’un management de proximité pour lequel la qualité relationnelle est essentielle et l’existence effec- tive d’un management général attentif aux moindres signaux. Cette prévention doit être accompagnée d’une bonne capacité à diagnostiquer précocement les conflits émergents et à les traiter avec diligence et efficacité.

Les premiers cas traités par le médiateur montrent que la prévention est inexistante et que les responsables aux différents niveaux de l’institution ne disposent pas des moyens de réaliser des diagnostics précoces et de traiter efficacement les conflits.

Lorsque ceux-ci sont enkystés dans le service, le pôle ou l’établissement depuis trop longtemps, la médiation devient totalement impossible, la conciliation peut par- fois réussir avec beaucoup de temps et d’énergie pour proposer des solutions et accompagner les parties en cause, le plus souvent cette conciliation n’aboutit que par la mobilité acceptée par l’une des parties.

Dans de nombreux cas, le médiateur national est appelé à la rescousse pour organiser la mobilité d’une personne devenue indésirable à la suite d’un conflit non réglé ou mal réglé ou encore à la suite de maltraitances au travail.

Dans ces cas-là, ce n’est évidemment pas d’une médiation dont il s’agit mais d’une intervention exté- rieure pour tenter d’apaiser une situation douloureuse et proposer des solutions.

Enfin dans quelques cas, le recours à la médiation pour un conflit entre personnes est parfaitement indiqué et justifie une vraie médiation.

La confusion entre médiation, conciliation, aide exté- rieure pour résoudre des difficultés personnelles ou institutionnelles graves est courante. Un gigantesque effort de pédagogie est donc nécessaire pour expliquer et permettre de distinguer les différentes fonctions, pour connaître le rôle de chacun et faire appel à la bonne per- sonne dans la bonne posture, au bon moment. Cet effort de pédagogie est également indispensable pour lever les craintes injustifiées d’ingérence ou d’intervention dans les champs de compétences des différents responsables.

Il faut redire que les établissements peuvent librement faire appel à des médiateurs privés.

Il faut dire ce qu’est le médiateur ou le conciliateur et surtout dire ce qu’il n’est pas : immense défi à relever.

Réussir l’implantation de la médiation : un grand défi

L’installation de la médiation dans le monde profes- sionnel hospitalier ou médicosocial constitue un grand défi qui recouvre plusieurs facettes.

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Le premier défi consistera à installer dans le pay- sage hospitalier et médicosocial actuel la conciliation interne et la médiation régionale et nationale. Il s’agit de faire accepter la recherche conjointe d’une résolution de conflit dans le respect de la personnalité et de l’identité de chacun, dans un monde où la pratique est plus sou- vent celle de la construction d’un rapport de force et de l’affrontement en cas de conflit avéré. Cette acceptation suppose plus profondément une évolution des modes de management au niveau de la gouvernance générale et de la gouvernance de proximité, une réelle sensibilisa- tion et bonne formation des responsables de services ou de pôles (médecins, cadres soignants et administratifs) à la qualité de la relation humaine.

Le second défi sera celui de la crédibilité. Une fois bien expliqués les rôles et fonctions respectives du concilia- teur et du médiateur, ces derniers devront être crédibles et fiables. La déontologie du médiateur, le respect des principes de la médiation et la clarté de son intervention seront à cet égard déterminants.

Le service de la médiation devra également mon- trer son efficacité pragmatique, même s’il n’a pas d’obligation de résultat ainsi que la valeur ajoutée qu’il apporte dans la résolution des conflits et au final dans l’amélioration de la qualité de vie au travail.

L’exercice de la conciliation interne et, a fortiori, celui de la médiation par un tiers extérieur neutre et indépen- dant peut avoir une réelle vertu pédagogique.

Enfin, le bon fonctionnement et la bonne coordination du réseau des médiateurs devront permettre d’assurer la cohérence des pratiques, l’analyse pertinente des cas d’espèce traités et la bonne articulation de la médiation avec les conciliateurs locaux, internes aux établisse- ments ou situés au niveau régional (CRP).

Le service public gratuit de la médiation pour les personnels des établissements hospitaliers et médico- sociaux se mettra en place progressivement au cours

du premier trimestre 2019. C’est un service nécessaire et important pour la résolution des conflits interper- sonnels aux conséquences toujours délétères pour le bon fonctionnement des services, la qualité de vie au travail, la qualité et la sécurité des soins. Il devrait appor- ter beaucoup aux professionnels et aux établissements et contribuer à montrer que l’efficience légitimement recherchée pour un service financé par la solidarité natio- nale, la qualité et la sécurité des soins et la qualité de vie au travail sont si intimement liés que l’un n’est pas réalisable sans l’autre. Pas de recherche d’efficience pos- sible sans bonne qualité des soins et bonne qualité de vie au travail. Pas de bons soins sans efficience et bonne qualité de vie au travail. Pas de bonne qualité de vie au travail sans reconnaissance de la bonne qualité des soins et reconnaissance de la recherche collective de l’efficience. Ce service, une fois installé, reconnu et uti- lisé par les professionnels et les établissements pourra, par les enseignements tirés de l’expérience, contribuer, avec d’autres, à l’évolution du cadre législatif et régle- mentaire, aux changements et adaptations nécessaires des pratiques de tutelle et de contrôle des établisse- ments et aux évolutions de leur mode de management général ou de proximité.

Construire un service public de médiation hospita- lière professionnalisé, crédible et fiable, porteur des valeurs de l’hôpital public et d’une éthique profession- nelle exigeante et constante, au service de tous les professionnels et de tous les établissements hospitaliers et médicosociaux, telle est l’ambition de tous ceux qui vivront cette expérience novatrice.

Édouard Couty, médiateur national Le 24/09/2018 Liens d’intérêt l’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêt en rapport avec cet article.

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