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Géographies audiovisuelles

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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1 Territoires en Mouvement. Appel à textes.

Géographies audiovisuelles

Nicolas Canova et Thomas Perrin

Les productions audiovisuelles, bien qu’elles aient été saisies par l’ensemble du champ des sciences sociales, restent sous-explorées lorsqu’on les compare à d’autres productions culturelles telles que le cinéma plus particulièrement, les beaux-arts ou la musique par exemple.

Or les approches géographiques et urbaines des productions audiovisuelles donnent lieu à un corpus signifiant pour l’insertion dans les sciences de l’espace de ces éléments constitutifs de cultures populaires contemporaines, comme en témoignent leur place dans le festival de Saint- Dié-des-Vosges, Géocinéma à Bordeaux, un Café géo dédié au sujet1… Ce thème est d’autant plus intéressant qu’il permet des croisements interdisciplinaires : études littéraires, histoire de l’art, sciences politiques, etc2. Nous espérons ainsi, sans les évincer pour autant, compléter les approches en géographie pour en élargir les perspectives.

Pour faire le lien aux travaux qui jalonnent les sciences de l’espace, ce numéro spécial entend se placer en trait d’union entre les productions cinématographiques et les productions audiovisuelles issues des nouvelles industries culturelles. Arguant que, si certaines séries ont rattrapé leur retard d’un point de vue qualitatif et quantitatif en termes de production et de consommation, le cinéma n’est pas en reste et les deux se rejoignent sur un nombre d’aspects : sérialisation des films inspirés de romans, comics et autres sagas littéraires ; les productions de films inspirés de séries ; les séries inspirées de films ; les films documentaires dont les festivals ont fleuri depuis les années 1990 et qui sont parfois signés par de grands réalisateurs ou utilisent des acteurs connus pour la voix off ; les modes de consommation (film à la maison, lectures mobiles, piratage…) ; les modes de production et de diffusion impliquant des plateformes qui s’émancipent des circuits traditionnels…

Il nous semble aussi que l’actualité des productions audiovisuelles permet de les qualifier de faits sociaux totaux, au sens où Marcel Mauss en a inventé le terme. La série plus particulièrement est devenue un élément de consommation culturelle si puissant, à la fois hyper- individualisant, participant d’une géographie de l’espace intime et du quotidien, mais aussi fédérant de nouveaux réseaux d’appartenance, de sociabilité et de coopération à l’échelle globale. Le cinéma conserve également sa position de choix, comme en témoignent ses rebonds après les annonces hasardeuses d’une fin des salles obscures impactées par le DVD, l’Internet, le streaming et les pirates-surfeurs, le home cinéma ou encore la baisse des finances publiques ; et n’en déplaise à son classement médiocre sur l’échelle de la nécessité en temps de pandémie.

Plusieurs angles d’analyse nous paraissent justifiés. La poursuite des monographies portant sur les productions n’ayant pas fait l’objet d’analyses, dont les plus récentes parlent de, ou reflète, l’actualité de nos mondes de référence. Les approches comparatives qui permettent de faire dialoguer ces mêmes productions et mondes. Les sujets permettant de croiser les approches de plusieurs disciplines, et en elles des sous-champs parfois éloignés. Pour ce faire, nous proposons de réunir ces perspectives en trois axes non-exhaustifs et non-exclusifs ; en revenant sur l’étude des géographies audiovisuelles, pour une épistémologie didactique ; en développant la critique des formes et contenus pour analyser leurs impacts sur l’espace et les sociétés ; et en questionnant le rapport de ces productions avec les dynamiques d’aménagement

1 http://cafe-geo.net/les-series-tv-miroirs-obscurs-de-la-geographie-urbaine/

2 STASZAK J.-F., 2014, « Géographie et cinéma : modes d’emploi », Annales de géographie, 695‑696, p. 595‑604.

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2 du territoire. Bien entendu, les propositions de texte croisant ces axes de réflexion sont bienvenues.

Axe 1 : Étudier les géographies audiovisuelles : pour une épistémologie didactique

De nombreuses pistes de traitement ont été ouvertes par la sociologie urbaine et l’architecture3 ainsi que l’urbanisme4. Dans ce lieu de rencontre entre approches spécifiques, la question géographique n’est pas frontiérisée et préexiste même, en toile de fond, à tout traitement possible des objets d’étude ; même si l’on constate une « relative dispersion de ces géographies audiovisuelles »5. Depuis la « géographie du western » proposée déjà par Henriet et Mauduy (1989) la construction des contenus audiovisuels comme objets géographiques a développé une géographie des représentations6, la question des outils et méthodes de la recherche et de la didactique7, impliquant la notion de « film de géographie, de géographe ou plus largement dans la pratique de la géographie »8, l’étude culturelle des frontières dépassant leur cadre géopolitique9, des espaces de l’habiter10… Nous interrogeons alors les courants,

« écoles », démarches… qui appréhendent ces contenus issus de l’industrie culturelle dans leur spatialité. Nous attendons ici des propositions faisant l’inventaire, même partiel, des théories, méthodes ou paradigmes qui orientent de telles recherches ; ou encore, identifiant les productions de l’industrie audiovisuelle elles-mêmes constituées en objets d’étude par les sciences de l’espace : type de productions, cartographie de ces productions, de leurs contenus, nature de leur spatialité. Les espaces de la production audiovisuelle ont, semble-t-il, beaucoup à nous apprendre sur la représentation des quartiers, lieux, villes, paysages… Finalement, le lien entre recherche et enseignement semble particulièrement fécond dans ce domaine. A quelles réflexions cela mène-t-il en didactique des sciences sociales ?

Axe 2 : Analyses critiques des contenus : quels impacts sur l’espace et les sociétés ? S’il semble admis que les productions audiovisuelles puissent constituer des objets culturels à vocation heuristique, avec par exemple des séries télévisées qui peuvent être perçues comme un « miroir de la société »11 ou des « paraphrases de la réalité »12 en tant qu’elles

« mettent en scène les sociétés et leurs émotions »13, elles n’en sont pas moins des produits industriels. Une industrie polluante, participant d’une économie inégalitaire notamment due au star-système et à la reproduction du mythe néolibéral, sexiste, racialisante, fabricant des clichés

3 Roux J-M. et Tixier N., 2011, « Urbanités et conquête de l’Ouest. Deadwood versus La petite maison dans la prairie », Métropolitiques, 14 novembre 2011.

4 Jousse, T. et Paquot, T. (dir.), 2005, La ville au cinéma : encyclopédie, Paris : Éditions Cahiers du Cinéma.

5 Corsi L. et Buire C., 2019, « Introduction Géographies audiovisuelles. Des géographes-réalisateur.rice.s entre création, participation et médiation », Revue française des méthodes visuelles, n°3.

6 PLEVEN B., 2011, « Miami, un décor à l’envers. Géographie comparée de la métropole à travers « Miami Vice » et « Dexter » », Métropolitiques, 2 déc. 2011.

7 BROWAEYS Xavier (1999), « Géographie, image et vidéo. Pour une pratique de l’audiovisuel »,

L’Information Géographique, 63, p. 25-32 - Garcia P-O. et Leroux S., 2015, « Mobiliser la série The Wire en géographes : retour sur une expérience pédagogique », Quaderni, 88 | 2015, 93-102 - GARRETT B., 2011, « Videographic geographies: Using digital video for geographic research », Progress in Human Geography, 35 (4), p. 521-541.

8 Marie Chenet, Luisa Simoes et Quentin Laurent, « Pratique et enseignement de l’audiovisuel en géographie », EchoGéo [En ligne], 18 | 2011, mis en ligne le 05 décembre 2011, consulté le 07 juillet 2021.

9 Mekdjian S., 2014, « Les apports du cinéma à une (géo-)graphie des frontières mobiles et des migrations frontalières », Annales de géographie, n° 695-96, p. 784 à 804.

10 LEVY J., 2014, « De l’espace au cinéma », Annales de géographie, n°695-96, p. 689 711

11 Winckler M., 2005, Les Miroirs de la vie : Histoire des séries américaines, Le Passage.

12 Esquenazi J-P., 2013, « Pouvoir des séries télévisées », Communication [En ligne], Vol. 32/1, mis en ligne le 25 février 2014, consulté le 24 novembre 2021.

13 DENMAT P., 2018, « Quand la fiction fait de la géographie : quelles analyses des espaces urbains par les séries télévisées ? », dans Chemins de traverse en fiction, Paris, La Taupe Médite.

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3 et favorisant parfois un tourisme de masse et des représentations hors-sol. Ces objets souvent archétypaux participent du pastiche qui inscrit toujours plus la consommation culturelle dans une « société du spectacle » que Guy Debord (d)énonçait en 1967, quelques années après son Contre le cinéma (1964). Comment alors, à l’image des Proust, Kafka, Hemingway et autres Artaud qui l’auront fait pour le 7e art en leur temps, dégager les perspectives d’une critique actualisée des productions audiovisuelles et de leurs impacts socio-spatiaux ?

Les contributions à cet axe peuvent porter sur la dimension critique des contenus ou plus largement des productions audiovisuelles dans leur rapport aux espaces et aux sociétés qui les habitent : impacts socio-économiques, environnementaux, logiques d’inscription territoriale des industries culturelles et relation aux mondes sociopolitiques ; contextes de production et de diffusion, etc. Là encore les rapports entre imaginaire et réel, immatériel / matériel, fabrique audiovisuelle et fabrique territoriale… seront des éléments prégnants pour l’analyse.

Axe 3 – De la mise en image à l’aménagement des territoires, et vice-versa.

Pour étendre ces questions de l’ancrage de l’audiovisuel dans des réalités spatiales et territoriales, nous souhaitons inscrire cette dimension critique dans le champ de l’aménagement du territoire. Les territoires de l’industrie audiovisuelle, tels qu’ils se dessinent au travers de l’implantation des industries, des lieux de tournages ou des géographies historiques et sociales qu’ils mobilisent ; permettent de questionner en particulier l’échelle régionale. Nous attendons ici des contributions portant sur la logique d'inscription territoriale des industries culturelles en posant la question de leur localisation (position et situation dans l’espace) ; de leur ancrage régional qui se construit par la relation aux mondes du politique, de l'économique et du socioculturel. Ce sont alors les degrés d’acuité de ces relations que nous aimerions voir analyser dans les stratégies d’implantation et de coopération qui précèdent et résultent de la localisation des industries. Comment se construisent les choix de cette localisation ? Quels acteurs, humains et non-humains, en sont à l’origine ? La notion de distance est-elle importante ici ?

Cet axe abordera ainsi les stratégies géopolitiques, économiques, sociales et culturelles des industries audiovisuelles au regard des mécanismes d’aménagement et de développement du territoire. En effet, les configurations induites par l’implantation des locaux et des infrastructures dédiées, autant que l’architecture même des bâtiments constituent des informations non négligeables sur la nature du lien entre industrie et territoire ; de même que les mobilités, circuits d’approvisionnement, effets de clustérisassions, liens aux autres industries, co-construction identitaire… qu’elles engendrent.

Finalement, l’étude des imaginaires territoriaux dans les industries culturelles pourrait faire le lien entre les perspectives épistémologiques et l’analyse critique des géographies audiovisuelles, ou géographies de l’audiovisuel. Cher.es collègues, à vos claviers !

Modalités et calendrier

Les contributions doivent suivre les consignes éditoriales et de format de la revue Territoires en mouvement, disponibles sur : https://journals.openedition.org/tem/1379

Remise des propositions d'articles pour le 30 avril 2022

Les propositions sont à envoyer à Nicolas Canova – n-canova@lille.archi.fr et Thomas Perrin thomas.perrin@montpellier.archi.fr

Publication prévue pour le deuxième semestre 2023

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