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Le motif de la tour dans Partonopeu de Blois, un roman français du XIIe siècle

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Kraków 2011, Wydawnictwo Uniwersytetu Jagiellońskiego ISBN 978-83-233-3247-3, ISSN 2080-5802

KAROLINA LEŚNIEWSKA* Instytut Filologii Romańskiej UJ

Le motif de la tour dans Partonopeu de Blois, un roman français du XIIe siècle

Le XIIe siècle est une période de grand épanouissement culturel en France – épanouissement qui lui a valu le nom d’« âge d’or du Moyen Age occiden- tal ». Les romans qui ont été créés à cette époque nourriront pendant des siècles l’imaginaire européen et fourniront des idées pour les réécritures romanesques jusqu’à la fin du XVe siècle. Citer parmi les plus grands créateurs uniquement les auteurs de romans antiques, le clerc champenois Chrétien de Troyes ou Gau- tier d’Arras c’est oublier le génie d’un auteur anonyme à qui nous devons une des sommes romanesques les plus complètes – Partonopeu de Blois. Cette œuvre, composée vers 1185, comporte bien des éléments caractéristiques du roman de chevalerie. Nous y retrouvons l’intrigue amoureuse et les exploits chevaleresqu- es, les séparations et les retrouvailles, présentés avec une telle originalité qu’il est difficile d’expliquer pourquoi les chercheurs lui ont consacré si peu de place1.

E-mail : lesniewskakarolina@wp.pl. L’auteure tient à remercier chaleureusement Ma- dame la Professeure Katarzyna Dybeł pour ses précieux conseils et ses critiques avisées qui ont été guidé l’écriture de cet article.

1 Partonopeu de Blois raconte l’histoire d’un jeune garçon qui se perd dans la forêt et déc- ouvre par hasard un bateau enchanté qui le transporte à Chef d’Oire, cité byzantine, fa- cilement identifiable avec la Constantinople de l’époque. Une fois arrivé, il pénètre dans la ville déserte et finit par trouver un lit où il est rejoint par la fée Mélior, qui s’avère être héritière de l’empire byzantin. Les deux adolescents deviennent amants et la fée promet d’épouser un jour Partonopeu à condition qu’il respecte un interdit – il ne pourra jamais tenter de la regarder. Alors, tout l’empire lui appartiendra.

Partonopeu mène une vie tranquille à Chef d’Oire, interrompue par deux séjours en Fran- ce qui lui servent entre autres à parfaire l’éducation chevaleresque nécessaire à un futur empereur. Après le deuxième séjour, Partonopeu, dupe des intrigues de sa mère, viole l’interdit et doit être chassé de l’empire. Désespéré, il s’expose aux pires dangers cher- chant le suicide et serait mort si Urraque, la sœur de Mélior, ne l’avait aidé. Grâce aux soins d’Urraque Partonopeu recouvre la santé et Mélior, qui aurait juré de ne jamais pardonner au chevalier, le croyant mort, avoue son amour pour lui. Comme Mélior a be- soin d’un mari qui l’aiderait à gouverner l’empire, ses conseillers décident d’organiser un tournoi qui permettra de choisir le meilleur chevalier. Partonopeu se trouve parmi les prétendants et fait ses preuves lors du tournoi. Il se montre le plus vaillant et le conseil

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A part un travail d’André Moret (1976) dédié entièrement à Partonopeu de Blois2, le roman ne fait l’objet d’interprétation qu’au niveau de certains chapitres dans quelques ouvrages consacrés à un sujet beaucoup plus large. Parmi ces der- niers il faudrait citer surtout l’étude sur les fées au Moyen Age de Laurence Harf- -Lancner (1984), celle sur le réalisme dans le roman médiéval (Fourrier 1960) ou encore celle de Catherine Gaullier-Bougassas (2003) sur la représentation de l’Orient dans le roman médiéval. Pourtant, bien des questions n’ont pas encore été élucidées. Nous voudrions dans cette brève étude combler l’une de ces lacunes.

Nous nous proposons d’analyser l’image de la tour et d’en montrer les diffé- rentes fonctions tout en caressant l’espoir que la polyvalence d’un seul symbole révèlera le potentiel de l’œuvre entière. Il est question de commenter la présence de toutes les occurrences de cette image de la tour dans le roman et de montrer d’éventuels parallèles entre l’apparition de cet élément architectural et le déve- loppement de l’intrigue, l’évolution des personnages ou les relations entre eux.

La défense – fonction la plus évidentede la tour (Aziza 1978: 175) – devrait être citée en premier lieu, vu sa popularité dans l’imaginaire médiéval. Une des premières fois que nous trouvons le mot tor (au vers 817) il renvoie à la tour dans sa fonction défensive : « Desor le porte ot une tor/ Qui .cc. toises ot [e]ntor/

Et .vij. vins toises a de haut ; / Cele ne crient engien n’assaut » (Partonopeu de Blois 2005: vv. 817–820). Néanmoins, l’auteur réussit à doter ce symbole d’une grande originalité. En effet, le terme apparaît au moment où Partonopeu arrive à Chef d’Oire, la ville qui, comme nous l’avons signalé, renvoie à Constantino- ple, extrêmement bien protégée au Moyen Age. Le lecteur pourrait s’attendre à ce que la tour interdise l’accès à la ville. Au contraire, le chevalier n’a au- cun mal à y pénétrer, car la première tour, plus large que haute, ne lui interdit pas l’entrée. Sa blancheur, couleur solennelle évoquant la pureté, est au XIIe siècle encore hautement symbolique3. La clarté de la tour pourrait renvoyer à la chasteté du chevalier, qui peut entrer dans l’empire de Mélior grâce à son innocence.

L’absence de fonction défensive de la tour au moment de l’arrivée de Parto- nopeu à Chef d’Oire et de son premier contact avec la ville souligne le caractère exceptionnel du personnage. La tour d’accès reflète l’image de la ville et de sa souveraine confiante et accueillante, qui laisse entrer Partonopeu de son plein

des rois byzantin lui accorde la main de Mélior. C’est là que l’histoire se termine bien que l’auteur tente de relancer l’intrigue en présentant le péril sarrasin dû au mécontentement d’un sultan qui aspirait également à se marier avec Mélior.

2 Cette étude se concentre sur l’analyse formelle des manuscrits et laisse peu de place à l’interprétation de la matière même.

3 A partir de la deuxième moitié du XIIe siècle la présence des couleurs dans les textes littéraires sera plus étroitement liée à la descriptions objective de la réalité (Pastoureau 2004 : 155), mais au moment de la composition de Partonopeu de Blois, l’évocation du blanc dans la description est hautement symbolique, d’autant plus que l’auteur mentionne la propreté des rues qui rejoint l’idée de la pureté.

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gré. La même image revient peu de temps après alors que le héros décide de pénétrer dans le château. Pour la deuxième fois de suite, la tour ne remplit pas son rôle traditionnellement défensif pour renforcer l’idée de la bienveillance ma- nifestée à l’égard de Partonopeu. Les déplacements du chevalier dans la ville et la liberté avec laquelle il va montrent bien qu’il est attendu et bienvenu. De la même manière que les tours ne tentent pas de résister à Partonopeu, Mélior ne saura pas lui refuser ses charmes.

Le changement qui s’opère pour Partonopeu après sa première nuit passée à Chef d’Oire est crucial, mais difficilement mesurable pour le destinataire du texte. Le héros se voit offrir un immense empire qu’il croit pouvoir gouverner un jour puisqu’il pense encore pouvoir tenir la promesse faite à Mélior. Il vient également de vivre son initiation amoureuse et sexuelle et, de jeune garçon qu’il était, Partonopeu devient un homme. Toutes ses transformations se déroulent sous le silence de la nuit et dans le plus grand secret ; le contraire aurait irrévo- cablement provoqué le scandale et renversé le cours des événements. Pourtant cette ascension de Partonopeu doit être montrée pour être admirée ; en effet, il ne s’agit pas uniquement du bonheur individuel du héros, mais de représenter le succès de la France qui va à court terme exercer sa domination sur l’empire byzantin. La tour acquiert ici un rôle essentiel : elle figure l’ascension du héros.

Le lendemain de la nuit passée avec Mélior, Partonopeu sort du château, to- ujours invisible, traverse la ville et monte sur la plus haute tour (Partonopeu de Blois 2005: vv. 1605–1621). Le jeune chevalier aurait pu choisir n’importe quelle autre activité (Mélior l’encourage à se divertir et lui laisse un grand choix de passe temps), toutefois, sa première réaction est de vouloir contempler l’empire.

Même si les habitants de Chef d’Oire ne peuvent pas l’apercevoir grâce aux soins de la fée, l’attention du destinataire du texte est quand même attirée sur le futur empereur. S’il était possible de le montrer dans toute sa splendeur au peuple, sans risquer de déshonorer Mélior, la tour remplirait parfaitement ce rôle. Pour- tant, si Partonopeu doit rester invisible aux yeux des habitants de Chef d’Oire, il est symboliquement exposé au destinataire du texte et présenté en vainqueur et conquérant. La tour remplit donc le rôle d’attirer les regards, même si ce sont seulement les regards du public.

Partonopeu contemplant son nouvel empire est aussi le symbole de la force et de la domination. Aucun autre motif architectural ne remplit aussi bien ce rôle que la tour qui traditionnellement renvoie à l’image du seigneur féodal régnant sur ses terres (Kowalski 2001: 243). Il faut dire également que la description du paysage vu de la tour rime parfaitement avec la nouvelle fonction du jeune chevalier. D’ailleurs, cette représentation de l’empire byzantin, tel que le voit Partonopeu, prend surtout en compte les avantages économiques. Il y est que- stion de la fertilité des terres, des diverses cultures qu’elles permettent, des mar- chandises provenant de l’Orient et de l’ouverture sur la mer (Partonopeu de Blois 2005: vv. 1619–1678) si importante pour le commerce. C’est cette richesse et le

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potentiel marchand qui sont au cœur de la vision du Byzance et que Partonopeu croit avoir acquis4.

Il s’agit dans ce cas de la tour du pouvoir qui permet de mesurer l’étendue des terres et qui met au premier plan Partonopeu dominant un nouvel espace. Mais la tour n’est pas ici uniquement image de l’ascension sociale. Symbole phallique par excellence (Kowalski 2001: 243), la tour renvoie aux événements qui ont précédé directement l’ascension de Partonopeu au sommet. En effet, quand le jeune chevalier arrive à Chef d’Oire, il est encore enfant : il n’a que 13 ans. La première rencontre avec Mélior se fait dans son lit, où la nuit il « Les flors del pucelage a prises./ Flors i dona et flors i prist,/ Car ainc mais tel deduit ne fist,/

Nel n’ot sofert ne il n’ot fait/ Onques encor rien d’itel plait » (Partonopeu de Blois 2005 : vv. 1300–1304). Partonopeu perd donc sa virginité. Cette même tour sym- bolise la masculinité du chevalier et son entrée dans le monde des adultes. Si la tour peut ici renvoyer à l’acte sexuel, elle n’est pas pour autant le synonyme de la relation amoureuse avec Mélior. Partonopeu monte au sommet tout seul. Par la suite, nous allons rencontrer d’autres tours, mais jusqu’au terme du récit les amants n’y seront jamais ensemble.

Contrairement à Cligès de Chrétien de Troyes, autre roman byzantin où la tour est le lieu de rencontre et des retrouvailles des amants, ici elle est liée à la séparation. Cela semble prouver que l’union de Partonopeu et de Mélior n’est pas encore scellée et, comme nous allons le voir par la suite, que les deux amants devront passer par bien des épreuves avant de s’unir par le mariage.

Comme le montre Jacek Kowalski dans son ouvrage consacré à l’analyse des éléments architecturaux dans les textes littéraires médiévaux, la tour symbolise celui qui règne sur les terres, elle doit montrer la puissance du seigneur féodal (Kowalski 2001: 242). Toutefois, cette puissance peut faire naître l’orgueil5. Cette ascension, dans le cas du chevalier, s’est déroulée extrêmement vite ; en quelques heures il a acquis plus que quiconque de son lignage. Tout cela pourrait facile- ment justifier un éventuel changement interevenu dans le caractère de Partono-

4 Par ailleurs, nous pouvons remarquer qu’avant de se voir octroyer les terres byzantines, Partonopeu ne remarquait que l’aspect superficiel de l’empire. Les premières descrip- tions se concentrent sur les automates, la richesse des décors et des matériaux ou encore des rues pavées, toutes ces splendeurs qui fascinaient les voyageurs occidentaux dans l’empire chrétien d’Orient. Tant qu’il se trouvait en bas de la tour, Partonopeu ne voyait que le faste alors qu’après son ascension il se concentre sur la richesse de Chef d’Oire.

5 Avant d’entrer en matière l’auteur évoque le personnage d’Anchise, responsable de la chu- te de Troie. Anchise qui convoitait les richesses et les amassait dans une tour qui devait défendre l’accès à Troie finit par trahir en permettant aux Grecs d’entrer. Partonopeu de- scend de Priam (ce qui est expliqué en détail dans l’histoire de la famille de Partonopeu dans les premiers vers du texte, Partonopeu de Blois 2005 : vv. 143–498) il est donc éga- lement lié au personnage d’Anchise. La tour qui accompagne l’évocation de ce dernier per- sonnage pourrait lui servir d’avertissement. Elle rappelle au lecteur que le héros courra au- ssi le risque de démesure que suggère ce symbole. Contrairement à Anchise, Partonopeu saura racheter la faute commise, il ne se laissera jamais non plus dominer par l’orgueil.

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peu, toutefois, dans les mois qui suivent la première rencontre avec Mélior et son admirable promotion, nous ne le voyons pas changer d’attitude. La mise en relief du symbole de la tour peut pourtant renvoyer à l’une de ses fonctions les plus courantes dans la littérature, c’est-à-dire l’image de la tour de Babel. Les diction- naires des symboles et des motifs littéraires citent la référence à Babel parmi les premiers rôles attribués à la tour (Chevalier 1982: 959, Aziza 1978: 175). Son but serait de « rétablir par un artifice l’axe primordial rompu et de s’élever par lui jusqu’au séjour des Dieux » (Chevalier 1982: 959). L’auteur évite donc de blâmer le chevalier, mais, en suggérant le lien avec la tour de Babel il suggère, de façon très subtile, la chute possible du héros.

Le roman présente deux mondes clairement opposés ; l’Occident – vaillant, mais encore pauvre et ignorant les fastes orientaux et l’empire byzantin – qui semble dépendant et privé des vraies valeurs chevaleresques, mais qui étale toute sa splendeur et sa richesse devant le destinataire du texte, avide des descriptions d’un luxe exotique. L’absence de tour dans le paysage urbain de l’Occident sem- ble être ici une des caractéristiques servant à montrer les contrastes qui opposent les deux empires. Après son séjour à Chef d’Oire, Partonopeu rentre en France pour secourir son peuple et parachever son éducation chevaleresque. L’auteur décrit la ville de Gisors du point de vue du chevalier, par opposition à Chef d’Oire. Gisors est une ville sans tours6, d’ailleurs l’auteur ne fera aucune réfé- rence à une tour pendant tout le séjour de Partonopeu en France, alors qu’il en parlera à plusieurs reprises quand l’action se déplacera à Chef d’Oire.

Il n’y a qu’une seule exception à cette règle, mais là encore elle est liée au personnage de la fée Mélior. Quand Partonopeu a rempli son devoir d’aide aux Français, sa mère voulant le garder en France tente une ruse : elle le présente à la jolie nièce du roi en espérant que son fils s’engage à épouser la jeune fille.

Le chevalier, sous l’emprise de l’alcool, se laisse entraîner dans l’intrigue, mais se souvient vite de Mélior et l’image de la tour revient aussitôt : « Od larmies Melior regrete / Qui en son cuer s’amor recete ; / Sospire et plore tenrement,/

Claime sa coupe et se repent. / A Blois en vient, entre el castel. / Sa maisnie le reçut bel,/ Et quant il le voient plorant, / Ariere s’en vont retraiant./ Et il descend, entre en la tor ;/ la cuide prendre lonc sejor » (Partonopeu de Blois 2005: vv.

4063–4072). S’il est encore bien sur le territoire de la France, il pense déjà à By- zance où se trouve son amie, indissociable de l’image de la ville decelle-ci, Chef d’Oire, et de l’image de la tour. C’est à ce moment-là que Partonopeu décide de rejoindre Mélior sans tarder.

6 Le début du roman présente la même vision d’un royaume en construction. En faisant référence à la Gaule, l’auteur insiste sur l’absence de plusieurs éléments architecturaux (Partonopeu de Blois 2005: vv. 345–350). La tour est une des conditions de l’urbanisation et son absence montre qu’une partie du pays est encore sauvage. Cet élément du paysage urbain n’a pas ici de fonction spécifique, mais, comme il est étroitement lié à l’idée de civilisation et de splendeur, son évocation n’est pas gratuite.

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En ce qui concerne l’absence de tour, il faut également évoquer le cas de Sa- lence, l’île offerte par Mélior à sa sœur Urraque. Dans la description de la ville nous ne trouverons aucune tour, le lieu est pourtant pourvu d’un château, d’un jardin et d’un verger. Offerte par l’impératrice à celle qui deviendra par la suite la reine de France, Salence suggère toutefois l’idée d’un certain luxe et de bien-être.

Mais Urraque n’étant pas au centre des événements et de l’intrigue amoureuse, sa ville ne pouvait être trop verticale pour ne pas faire de l’ombre à l’importance de la fée Mélior. Salence servira donc plutôt de fond, réduite dans sa verticali- té, de la même manière qu’Urraque, moins ambitieuse, ne sert qu’à arranger la relation entre Partonopeu et Mélior. Rappelons aussi que pendant l’épisode de Salence, la présence de Partonopeu doit rester secrète, il se cache devant Mélior laissant le temps à Urraque de préparer cette dernière au retour du chevalier et lui permettant sa passer convalescence. Les tours, lieux d’exposition, attireraient les regards sur le héros que l’on croit encore mort.

C’est à la fin du roman que nous rencontrons le plus d’occurrences du mot tor7. En effet, pour choisir le meilleur chevalier et le mari parfait pour Mélior, Ernoul propose d’organiser un tournoi auquel se présentent les champions européens et sarrasins. Le meilleur, choisi par sept rois byzantins et Mélior, pourra épouser celle-ci et deviendra empereur. Partonopeu, encore de façon anonyme, se trouve évidemment parmi les prétendants. C’est maintenant à Mélior de l’observer du haut de la tour. Aucune information dans le texte ne nous permet d’identifier la tour d’où la fée juge les exploits chevaleresques avec celle où Partonopeu est monté pour contempler son nouvel empire, mais nous avons ici l’impression que le rapport entre les deux amants s’est inversé et que Partonopeu est soumis à la volonté de l’impératrice. Peut-on vraiment considérer dans ce cas-là la tour com- me symbole du pouvoir et de la domination ? Nous croyons, malgré l’apparence évidente de ce signe, que le jeu des symboles et des images est bien plus comple- xe. Effectivement, Mélior se trouve en haut, mais elle est aussi le prix du tour- noi. Elle ne joue donc pas un rôle dominateur ; elle semble constituer le trophée.

De plus, elle ne se trouve pas toute seule dans la tour ; son pouvoir de décider du choix de son mari est par là limité. Mélior est accompagnée des rois byzan- tins venant des différentes parties de l’empire et dont le rôle est de désigner le chevalier le plus vaillant du tournoi. Le fait que l’impératrice ne puisse se trouver seule dans la tour renforce l’idée qu’elle n’est pas indépendante. Quand à d’autres occasions, la tour remplit ici la fonction du symbole du pouvoir8 – les rois qui entourent Mélior montrent bien que ce pouvoir doit être partagé, il est seulement représenté par Mélior, mais ne pourrait être exercé par elle seule.

7 Dans ce long passage consacré au tournoi le mot tor apparaît une quinzaine de fois, tou- jours pour souligner l’emplacement de Mélior ou d’un des rois lors du tournoi ou bien pour signaler le lieu central de l’action.

8 Le prestige de la tour et la respectabilité de ceux qui y résident est mise en évidence par le roi Corsolt alors que les juges débattent sur celui qui devrat emporter le prix (Partonopeu de Blois 2005 : vv. 10312 et ss.). La tour donne ici la légitimité au jugement des rois.

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Beaucoup plus qu’un élément du décor, la tour dans le roman de Partonopeu de Blois rythme l’action sans y participer de façon directe. Les personnages du roman ne semblent pas y accorder beaucoup d’importance, par contre, sa pré- sence, elle est essentielle pour le destinataire médiéval. Elle oriente et focalise son attention. Son apparition renforce le jeu des relations entre les personnages et indique quel est leur rôle dans l’intrigue, elle peut en nuancer la réception et enrichir les interprétations. Répondant aux fonctions les plus répandues dans la littérature et l’imaginaire médiévaux, l’évocation de la tour se prête pourtant au jeu de la variante. Indissociable de l’espace byzantin elle n’est cependant pas to- ujours garante de sa force. Au contraire, il semble plutôt que son image se fonde sur la beauté et la richesse et non sur la force et la capacité à se défendre, comme c’était le cas de la ville de Troie (Croizy-Naquet 1994: 328). Cette verticalité, produite par la présence des tours et typique pour les descriptions de Byzance et particulièrement de Constantinople, réveille ainsi l’admiration, sans inspirer le respect dû à la peur ni la crainte.

BI BLIOGR A PH I E

Texte étudié

Partonopeu de Blois, 2005, éd. par Olivier Collet, Paris.

Ouvrages critiques

Aziza Claude, Oliviéri Claude, Sctrick Robert, 1978, Dictionnaire des symboles et des thèmes littéraires, Paris.

Chevalier Jean, Gheerbrant Alain, 1982, Dictionnaire des symboles : mythes, rêves, coutu- mes, gestes, formes, figures, couleurs, nombres, Paris.

Croizy-Naquet Catherine, 1994, Thèbes, Troie et Carthage : poétique de la ville dans le ro- man antique au XIIe siècle, Paris.

Fourrier Anthime, 1960, Le courant réaliste dans le roman courtois en France au Moyen Age, Paris.

Gaullier-Bougassas Catherine, 2003, La tentation de l’Orient dans le roman médiéval : sur l’imaginaire médiéval de l’autre, Paris.

Harf-Lancner Laurence, 1984, Les fées au Moyen âge : Morgane et Mélusine : la naissance des fées, Paris.

Kowalski Jacek, 2001, Rymowane zamki : tematy architektoniczne w literaturze starofrancu- skiej drugiej połowy XII wieku, Warszawa.

Moret André, 1976, Partonopeus de Blois : conte de fée et roman de chevalerie dans la litté- rature européenne du Moyen Âge : étude comparative du poème moyen-haut-allemand et des manuscrits français, avec rapprochement des versions anglaises, espagnoles, néer- landaises, italienne, bas-allemande, islandaise et danoise, Genève.

Pastoureau Michel, 2004, Une histoire symbolique du Moyen Age occidental, Paris.

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Motyw wieży w Partonopeu de Blois, francuskiej powieści z XII wieku

ST R E SZ CZ EN I E

Wieża jest jednym z ulubionych motywów architektonicznych średniowiecznych francu- skich powieściopisarzy. Jej tradycyjne skojarzenia związane z jednej strony z obroną, z dru- giej z wyniosłością i dumą, można też odnaleźć w dwunastowiecznym Partonopeu de Blo- is (Partonopeusie z Blois), jednej z najdoskonalszych powieści francuskiego średniowiecza, z nieznanych przyczyn mało znanej współczesnemu czytelnikowi. Artykuł ma pokazać, że oprócz tych charakterystycznych funkcji przedstawienie wieży w powieści jest o wiele bo- gatsze i często niejednoznaczne. Pojawienie się tego motywu nadaje rytm całej akcji, jest ści- śle związane z rozwojem wydarzeń i charakterystyką bohaterów, przy czym umożliwia ono głębszą analizę postaci, jak i dokładniejszą interpretację tekstu, szczególnie w kwestii relacji między rycerzem Partonopeusem a wróżką Melior oraz w odniesieniu do kontekstu władzy i niezależności w powieści. Różnorodność znaczeń tak niepozornego, mogłoby się wydawać, elementu wskazuje na bogactwo całego utworu.

NOTA AU TOR SK A

Karolina Leśniewska jest absolwentką filologii romańskiej UJ. Zajmuje się przedstawieniami Orientu oraz postrzeganiem Bizancjum we francuskiej literaturze średniowiecznej. Obecnie przygotowuje rozprawę doktorską pod opieką dr hab. Katarzyny Dybeł, prof. UJ, na temat egzotyki w średniowieczu.

Autorka jest również słuchaczką studiów podyplomowych w Centrum Języka i Kultury Pol- skiej w Świecie i interesuje się nauczaniem języka polskiego jako obcego.

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