162 L A H O U I L L E B L A N C H E
L'Électrification partielle du Réseau de la C o m p a g n i e des Chemins de Fer d'Orléans.
Par M. H. P A R O D I , Ingénieur en chef des Services électriques de la Compagnie des Chemins de Fer d'Orléans.
L e p r o b l è m e d e l'éleclrification des c h e m i n s d e fer revêt en France, a u m o i n s p o u r certains réseaux, u n caractère particulier, car il comporte, n o n seulement la substitution d e la traction électrique à la traction à v a p e u r sur u n certain n o m b r e de lignes, m a i s encore la création d'un vaste réseau d e distribution d'énergie.
L a mise en valeur d e nos richesses hydrauliques a été entre- prise, en France, b e a u c o u p trop tard et avec trop de timidité p o u r q u e les c o m p a g n i e s d e c h e m i n s de fer puissent songer, en général, à se faire alimenter par des réseaux électriques existants ; ces réseaux, q u a n d ils existent, ont u n e capacité trop faible pour répondre a u x besoins de la traction'. Aussi, bien q u e l'expérience acquise dans presque tous les p a y s d u m o n d e d é m o n t r e les a v a n - tages d e la production de l'énergie d a n s des réseaux n o n spécia- lisés, est-on a m e n é fatalement à envisager c o m m e première étape d e réalisation d u travail d'électrification. l ' a m é n a g e m e n t d'usines hydrauliques qui seront affectées a u début d e leur exploitation à l'alimentation presque exclusive des services d e traction.
M a i s ce n'est là qu'une maladie d e jeunesse d e la traction électrique, q u e l'on a observée d a n s tous les p a y s d u m o n d e , et, dès la mise en service des premières lignes d e traction, o n se rend c o m p t e qu'il n'est avantageux, ni a u point d e v u e d e la sécurité ni à celui de l'économie, d e réaliser des installations isolées et spécialisées, et o n arrive à u n e conception plus indus- trielle d u problème ; les réseaux d e fraction sont a m e n é s alors à relier leurs usines à celles des réseaux généraux d e distribution voisins.
C'est précisément parce qu'en F r a n c e o n a considéré q u e cette évolution était inéluctable q u e l'on a tout fait pour favoriser la fusion des réseaux d e traction et des réseaux industriels, en conseillant l'emploi d'une f o r m e unique d e courant (triphasé 5 0 périodes-seconde) p o u r la production et le transport de l'énergie et en prescrivant, pour son utilisation, d a n s les services de traction des c h e m i n s d e fer d'intérêt général, u n système d e traction unifié (courant continu haute tension).
D a n s u n certain n o m b r e d e p a y s d'Europe o ù la traction électrique a déjà reçu d'importants développements, c o m m e l'Italie, la Suisse, la Suède, l'Allemagne, l'énergie est produite sous u n e f o r m e spéciale, d a n s des usines spécialisées (usines à courant m o n o p h a s é o u triphasé à faible fréquence).
D u fait d e cette spécialisation, o n est forcé d e créer d e u x réseaux d e transport d e force distincts : l'un affecté a u service de traction, l'autre a u x distributions industrielles. Ces d e u x réseaux n e p e u v e n t être conjugués électriquement q u e par des dispositifs compliqués et coûteux.
E n France, en Belgique, en Angleterre, en Hollande, a u J a p o n ,
a u Chili, etc., o n a d o n n é la préférence a u courant continu haute tension, p o u r des raisons diverses d o n t l'une des plus impor- tantes est précisément la possibilité d e l'alimentation normale par les réseaux généraux d e distribution industrielle.
Cette unification de la f o r m e d u courant est aussi nécessaire a u d é v e l o p p e m e n t d e l'industrie électrique q u e celle d u gabarit des voies p o u r les c h e m i n s d e fer, et il est probable que, peu à peu, o n reconnaîtra qu'il est désirable d'étendre cette unifica- tion à l'ensemble des réseaux européens.
L a réalisation d'un réseau u n i q u e d e transport d e force pro- cure des avantages considérables, n o n seulement d u fait de la simplification des lignes, m a i s encore d u fait d e l'accroissement d e la sécurité et de l'économie d e l'exploitation.
L'alimentation p a r des sources multiples est u n garant de la continuité d e la fourniture. Cette continuité est indispensable p o u r toutes les électrifications étendues, qu'il s'agisse d'éclairage o u d e force motrice ; elle est particulièrement importante poul- ies c h e m i n s d e fer, n o t a m m e n t a u point d e v u e militaire. E n cas d e guerre, u n avion e n n e m i pourra détruire u n e centrale, cou- per u n e ligne d e transport d e force, m a i s , d a n s les réseaux maillés c o m m e ceux q u e l'on se propose d e réaliser maintenant, la mar- che n e pourra pas être interrompue d'une façon durable.
L a conjugaison des usines thermiques et hydrauliques permet . d'assurer l'utilisation presque intégrale d e l'énergie disponible d a n s ces dernières. L a régularisation saisonnière et interannuelle, qu'il est en général impossible d e réaliser pratiquement avec des réservoirs-accumulateurs d e prix acceptable, peut être obtenue à u n prix raisonnable avec des centrales thermiques d e m o y e n n e importance. L a m a r c h e en parallèle des usines thermiques avec des- usines hydrauliques possédant des réservoirs assurant une régularisation journalière o u mensuelle p e r m e t d e faire fonc- tionner les m a c h i n e s thermiques à charge presque rigoureu- s e m e n t constante, et, par suite, d a n s des conditions très écono- m i q u e s .
L e s usines hydro-électriques placées d a n s des bassins diffé- rents et d o n t les étiages se produisent à des é p o q u e s différentes d e l'année, peuvent, p a r leur conjugaison électrique, réaliser u n e c o m p e n s a t i o n mutuelle d e leurs disponibilités et leur puis- sance globale m i n i m a est supérieure à la s o m m e des puissances m i n i m a d e c h a c u n e d'elles.
D a n s de.s industries différentes, les périodes d e charge sont r a r e m e n t coïncidantes et, p o u r u n e m ê m e industrie, celle de Téclairage p a r e x e m p l e , il peut se produire u n e compensation partielle d u fait des décalages d'horaire. O n conçoit, en poussant les choses à l'extrême limite, q u ' u n réseau u n i q u e alimentant l'éclairage d e toutes les villes d u m o n d e situées sensiblement
CONGRÈS DE L'AMENAGEMENT HYDRAULIQUE
du Sud-Ouest
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sur un m ê m e parallèle puisse m a r c h e r à charge presque constante du fait des décalages progressifs des heures d e jour et d e nuit.
E n résumé, la multiplicité des sources et la diversité des char- ges sont les facteurs principaux d e la sécurité et d e l'économie d'une distribution d'énergie, et les avantages obtenus seront d'autant plus considérables q u e le réseau sera plus étendu.
On arrive d o n c à la conception d'un réseau national d e distri- bution.
L a constitution d'un réseau national d e distribution est u n e opération d e réalisation difficile et laborieuse, e n raison des intérêts multiples et souvent opposés qu'il faudra concilier.
A ce point d e v u e , l'Etat pourra intervenir d'une façon efficace pour coordonner les efforts, suggérer u n p r o g r a m m e d'ensemble, subventionner les grands travaux.
E n ce qui les concerne, les C o m p a g n i e s d e c h e m i n s d e fer doivent étudier leur projet d'électrification.de m a n i è r e à ce q u e toutes les installations particulières qu'elles pourront réaliser progressivement puissent former ensuite u n ensemble cohérent, susceptible d'être alimenté sans modification par ce réseau natio- nal de. distribution.
L a C o m p a g n i e d'Orléans, qui a électrifié il y a plus d e vingt ans u n e partie des lignes d e sa banlieue parisienne, s'est préoc- cupée depuis l o n g t e m p s d'utiliser les ressources hydrauliques du Massif Central p o u r assurer l'exploitation électrique des lignes de profil difficile d e la région d e M o n t l u ç o n .
U n e étude s o m m a i r e d e cette électrification locale, faite en 1910, n'a pas été poussée à fond e n raison des craintes qu'inspi- rait alors l'emploi d e l'électricité. L a construction d e réservoirs- accumulateurs et l'interconnexion entre centrales hydrauliques et thermiques placées sur le p a s des m i n e s apparaissaient alors c o m m e des rêves d'électricien.'
Il faut bien reconnaître d'ailleurs q u e les prix d e combustible pratiqués à l'époque n e rendaient pas très attrayante l'opéra- tion financière q u e constitue l'électrification.
L'étude des chutes d u Massif Central, reprise vers 1916, a été poussée activement avec le concours d u ministère, et u n premier projet d'électrification partielle d u réseau a été m i s sur pied en 1918. C'est ce projet qui est r é s u m é d a n s la plupart des d o c u m e n t s officiels actuellement publiés. Il c o m p o r t e l'équipement élec- trique d e la presque totalité des lignes voisines des chutes de la H a u t e - D o r d o g n e . M a i s il n'y avait a u c u n e raison d e limiter ainsi le rayon d e la z o n e d e distribution d'énergie, et il était naturel d e songer à relier les centrales hydrauliques projetées à la région parisienne o ù o n est en train d e constituer u n réseau thermique excessivement important.
La conj ugaison des centrales thermiques d e Paris et des usines hydrauliques placées d a n s le centre d e la F r a n c e permettra d'uti- liser intégralement l'énergie hydraulique disponible à c h a q u e instant, sans qu'on soit obligé d e créer des réservoirs-accumu- lateurs d e capacité suffisante p o u r assurer la régularisation sai- sonnière o u interannuelle.
A u point d e v u e d e la traction p r o p r e m e n t dite, il n'y avait Pas n o n plus d e raison p o u r limiter la zone d'électrification a u x lignes d e m o n t a g n e o ù des circonstances spéciales militent en faveur de l'emploi d e la traction électrique : il y avait a u con- traire intérêt à l'étendre à des lignes d e profil facile m a i s à grand trafic, et, par suite, à forte c o n s o m m a t i o n d e charbon.
E n dehors des cas tout à fait spéciaux et d'ailleurs p e u n o m -
b r e u x o ù la substitution d e l'électricité à la v a p e u r est décidée en v u e d e permettre d'obtenir u n accroissement d e trafic o u des facilités d e service, il est naturel d e se laisser guider d a n s le choix des lignes à électrifier par le souci d e réaliser l'écono- m i e d e c h a r b o n la plus grande possible p o u r u n e m ê m e longueur de ligne équipée électriquement. Cette é c o n o m i e sera particuliè- r e m e n t importante sur les lignes à g r a n d trafic.
L e graphique ci-contre indique approximativement, p o u r les différentes lignes d u réseau d'Orléans, la valeur m o y e n n e d e la densité linéaire d e c o n s o m m a t i o n d e combustible. C h a q u e ligne est représentée par u n rectangle a y a n t c o m m e longueur la lon- g u e u r d e la ligne et c o m m e largeur la c o n s o m m a t i o n d e charbon par kilomètre d e ligne ; la surface d u rectangle est ainsi propor- tionnelle à la c o n s o m m a t i o n totale d e combustible sur la ligne considérée.
L ' e x a m e n d e ce graphique m o n t r e q u e ce n e sont p a s les lignes accidentées qui absorbent le plus d'énergie. U n e section c o m m e celle d e Paris à Orléans dépense plus d e 1.200 tonnes d e charbon par kilomètre, alors q u e d'autres c o m m e celle d e Saint- Sulpice-Laurière à G a n n a t n e c o n s o m m e n t guère q u e 2 5 0 tonnes.
L a carte (fig. 2) d o n n e le tracé des lignes q u e la C o m p a g n i e d'Orléans c o m p t e électrifier successivement et d o n t le total s'élève à environ 2.500 kilomètres.de lignes.
L e p r o g r a m m e actuel c o m p o r t e l'équipement d e la section Paris-Vierzon (200 k m ) , avec p r o l o n g e m e n t ultérieur jusqu'à L i m o g e s et Brive, l'équipement d e ces lignes constituant la première étape d e l'électrification d e la grande artère d e Paris à Brive, M o n t a u b a n et Toulouse.
P r e s q u e e n m ê m e t e m p s seront équipées les sections d e Saint- Sulpice à G a n n a t et d e Brive à C l e r m o n t p o u r faciliter les rela- tions entre B o r d e a u x et L y o n .
L a section d e Paris à Vierzon sera alimentée par l'usine h y d r a u - lique d ' E g u z o n qui v a être construite sur la Creuse, et par les usines thermiques d e la région parisienne.
L e s sections d e Vierzon à Brive, d e Saint-Sulpice à G a n n a t et de Brive à C l e r m o n t seront alimentées par les groupes d'usines d u Massif Central. D e u x d e ces usines, celles de. Coindre et d e la Cellette sont déjà e n construction.
Bien entendu, tous ces groupes d e centrales hydrauliques et thermiques seront plus o u m o i n s r a p i d e m e n t interconnectés entre e u x par, des lignes à h a u t e tension à 150.000 volts environ, afin d e permettre à l'énergie hydraulique d u centre d e la F r a n c e d'affluer d u S u d vers le N o r d , d a n s u n e région plus industrielle et plus peuplée et d'arriver jusqu'à Paris.
L a banlieue d e Paris, d u quai d'Orsay à Brétigny et à E t a m p e s o u D o u r d a n , sera desservie p a r des r a m e s automotrices réver- sibles, c o m p r e n a n t d e u x o u trois motrices d e 1.000 H P p a r train.
L e s trains d e marchandises ainsi q u e les trains d e voyageurs o m n i b u s o u express seront r e m o r q u é s p a r des locomotives élec- triques analogues à celles déjà en service sur la ligne d e Paris à Juvisy, m a i s notablement plus puissantes.
L e s trains rapides seront r e œ o r q u é s par des locomotives élec- triques à g r a n d e vitesse d o n t le type définitif sera déterminé après essais d e m a c h i n e s d e différents m o d è l e s d o n t la construction v a être entreprise à bref délai'.
L'exécution d e cette première tranche d'électrification d e m a n - dera quatre o u cinq a n s si les délais impartis a u x différents constructeurs sont bien respectés. L a réalisation d u p r o g r a m m e général d e m a n d e r a u n e vingtaine d'années.
L'économie d e combustible correspondant à l'électrification d e
164 L A H O U I L L E B L A N C H E ces 2.500 kilomètres évalués'sur la base d u trafic d e l'année 1913 triphasé à la fréquence d e 5 0 périodes d a n s les usines indiquées atteindrait à cette é p o q u e environ 1 million d e tonnes d e char- p r é c é d e m m e n t sera transformée e n courant continu à 1.500 volts b o n si l'énergie utilisée était u n i q u e m e n t d'origine hydraulique, d a n s u n e série d e sous-stations, réparties tout le long des lignes
r DU CHEMIN DE FER D'ORLEANS P.4RLS
CARTE DES LIGNES A ELECTRIflER
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L'économie d e charbon réalisée d a n s la région sera d'ailleurs bien plus considérable si l'ôlectrification des chemins d e fer entraîne, c o m m e il est permis d e l'espérer, l'application géné- ralisée d e l'électricité a u x besoins divers d e l'industrie et d e l'agriculture d a n s toutes les régions traversées par les lignes d e distribution.
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L'énergie électrique produite sous f o r m e d e courant alternatif
C e courant à 1.500 volts sera distribué par des lignes de con- tact constituées suivant les cas par u n troisième rail o u u n e ligne aérienne à suspension caténaire (voies principales) o u une ligne aérienne à suspension simple (voies de "garage, d e triage, etc.).
L e choix d u système d e traction et d e la tension d e distribu- tion a fait l'objet d'une étude approfondie.
L e choix d u courant continu c o m m e courant unifié de trac- tion n e résulte pas u n i q u e m e n t d e considérations à priori ni des seuls avantages qu'il procure p o u r l'organisation d'un réseau national d e distribution ; il résulte aussi d e la constatation des résultats pratiques obtenus, n o t a m m e n t a u x Etats-Unis et en
Angleterre, sur des lignes utilisant cette f o r m e d e conrant en service normal. Plus d e 150.000 kilomètres d e lignes d e c h e m i n de fer o u d e t r a m w a y s sont équipées avec le s y s t è m e à courant continu et, rien q u e d a n s l'Amérique d u N o r d , il existe plus d e 100.000 kilomètres d e lignes métropolitaines o u interurbaines à 600 volts, 4.500 kilomètres d e lignes à, 1.200-1.500 volts, 1.800 kilomètres d e lignes à 2.400-3.000 volts. L e d é v e l o p p e m e n t des lignes m o n o p h a s é e s n e dépasse guère, a u x Etats-Unis, 2.500 kilomètres. L'électrification à courant continu la plus caracté- ristique et la plus importante d u m o n d e est certainement celle du Chicago M i l w a u k e e Saint-Paul R a i l w a y , qui porte sur plus de 1.000 kilomètres d e lignes à 3.000 volts. Cette installation c o m - porte l'emploi d'une cinquantaine d e locomotives d e 3.500 H P remorquant journellement u n e dizaine d e trains, d'un poids m o y e n d e 1.900 tonnes, sur. des lignes présentant des pentes de 20 millimètres par mètre.
E n E u r o p e o ù le poids des trains est b e a u c o u p m o i n d r e et où leur n o m b r e est plus grand, il était possible de. se contenter d'une tension inférieure à celle utilisée sur le Chicago M i l w a u k e e Saint-Paul. Il y a lieu d e noter à ce sujet q u e , plus l'intensité du trafic est "grande, m o i n s il est nécessaire d e recourir à u n e tension élevée ; les t r a m w a y s et les métropolitains à circulation très intense pourront se contenter, l o n g t e m p s encore, d e la tension de 600 volts et p o u r u n e ligne c o m m e celle d e Paris-Orléans, où le n o m b r e d e trains journaliers est d e l'ordre d e 200, la tension de 1.300 volts paraît devoir être largement suffisante.
Cette tension est assez faible p o u r qu'il soit possible d'utiliser pour l'alimentation des tracteurs, aussi bien u n troisième rail qu'un conducteur aérien ; e n utilisant simultanément les d e u x modes d'alimentation, o n peut réaliser u n s y s t è m e d e lignes d e contact présentant le m a x i m u m d e sécurité, n o t a m m e n t pour le service des lignes parcourues par des trains à g r a n d e vitesse.
Les Anglais et les Belges, p o u r des raisons identiques a u x nôtres, ont adopté, e n 1 9 2 0 , le m ê m e système d e traction unifié et la m ê m e tension d e 1.500 volts p o u r leurs électrifications.
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L a traction électrique n e p e r m e t p a s seulement d e réaliser une économie, notable d e combustible, elle procure aussi d'au- tres avantages très importants qu'il importe d'autant p m s de mettre en évidence qu'ils constituent, p o u r certains p a y s c o m m e l'Angleterre, presque c o m p l è t e m e n t d é p o u r v u s d e chutes d'eau, les raisons décisives d e la substitution d e l'électricité à la vapeur sur les lignes à fort trafic.
E n ce qui concerne l'exploitation p r o p r e m e n t dite, les a v a n - tages d e la traction, électrique sont pleinement reconnus pour le service d e banlieue. G r â c e à l'emploi des r a m e s automotrices réversibles et réformables, à g r a n d e accélération et à grande vitesse, o n a a u g m e n t é d a n s u n e proportion considérable l'uti- lisation :
D e s gares, par accroissement d u r e n d e m e n t des quais d e départ et d'arrivée.
D e s lignes, par a u g m e n t a t i o n des accélérations d e d é m a r r a g e et de freinage des trains, réduction d e la longueur des sections de bloc, etc.
Enfin, d u matériel, en proportionnant le poids des trains a u trafic à assurer par la déformabilité des r a m e s et en mettant à la disposition des services d'exploitation des m a c h i n e s utili- sables p e n d a n t plus d e 2 0 heures sur 2 4 .
L'augmentation d e vitesse soutenue q u e procure le réglage d u c h a m p des m o t e u r s de traction m o d e r n e s v a permettre, p a r l'emploi systématique d e la m é t h o d e d'exploitation par zones, d'étendre à la g r a n d e banlieue les améliorations déjà réalisées pour la petite.
Cet emploi rationnel des r a m e s automotrices a permis a u L o n - d o n et N o r t h - W e s t e r n d e doubler son trafic e n quatre ans ; le n o m b r e m o y e n m e n s u e l d e voyageurs transportés, qui n'était q u e d e 2 millions en 1914 (vapeur) s'est élevé progressivement à 4 millions e n 1919 (électricité).
E n ce qui concerne le service ordinaire des voyageurs, les avantages d e la traction électrique n'apparaîtront d'une façon indiscutable q u e q u a n d o n aura électrifié des lignes d e longueur appropriée.
S u r u n e ligne c o m m e celle de Paris à Toulouse o u à B o r d e a u x , il faut actuellement trois locomotives à v a p e u r p o u r assurer le ser- vice d'un train ; avec la traction électrique, les trains pourront être r e m o r q u é s d e b o u t e n b o u t par u n e seule m a c h i n e . Sur le Chicago M i l w a u k e e Saint-Paul, les tracteurs électriques assurent la r e m o r q u e des trains sur des sections d e longueur double d e celle pratiquée avec les m a c h i n e s à vapeur, et, d e ce fait, toutes les installations d e dépôts, garages, ateliers, afférentes à u n e coupure sur d e u x , ont p u être entièrement supprimées.
E n ce qui concerne la vitesse de m a r c h e , o n pourra l'augmenter d a n s la proportion q u e l'on jugera compatible avec la sécu- rité et l'économie d e l'exploitation, sans qu'on soit arrêté par a u c u n e impossibilité d'ordre technique. L e s A l l e m a n d s ont déjà réalisé, a u cours d'essais d e m e u r é s célèbres, la vitesse d e 2 0 0 kilomètres à l'heure sur la ligne militaire d e Marienfeld à Zossen.-
B i e n entendu, la vitesse coûtant très cher, aussi bien avec l'électricité qu'avec la vapeur, il est peu probable q u e l'on dépasse n o t a b l e m e n t les vitesses pratiquées avant-guerre d e 1 0 0 à 1 2 0 Idiome très.
L a symétrie des locomotives électriques permettra d e suppri- m e r les m o u v e m e n t s nécessités p o u r les tournages et leur m o d e d'alimentation fera disparaître les arrêts et m a n œ u v r e s p o u r prises d'eau, c h a r g e m e n t d e combustible, piquage, etc.
L a g r a n d e adhérence des locomotives permettra d'obtenir m ê m e avec les m a c h i n e s d e vitesse, des démarrages rapides et très progressifs, propres à diminuer les pertes de t e m p s p o u r diffi- cultés d e démarrages et les réactions violentes entre les voitures q u e l'on constate parfois avec les m a c h i n e s à v a p e u r à g r a n d e vitesse c o m m e celle des types Atlantic et Pacific qui n'ont qu'une adhérence relativement faible.
A u point d e v u e d e la sécurité, la traction électrique présen- tera, d a n s l'avenir, d e grands avantages, les appareils d e signa- lisation p o u v a n t être agencés d e manière à provoquer la coupure d u courant d e v a n t c h a q u e m â t fermé, sur u n tronçon d e ligne d e longueur a u m o i n s égale à celle nécessaire p o u r l'arrêt.
L a présence d u chef d e train sur le tracteur m ê m e , a u x côtés d u mécanicien, d u m o i n s p o u r les locomotives-fourgons et les automotrices, permettra d e faire surveiller les signaux par d e u x agents exercés qui n e seront gênés ni par la f u m é e d e la l o c o m o - tive, ni par la réverbération d u foyer.
T o u s ces. avantages déjà appréciables p o u r u n service aussi m i n u t i e u s e m e n t réglé q u e celui des trains d e voyageurs, pren- dront u n e importance encore plus g r a n d e p o u r le service des marchandises et d e m a n œ u v r e s , les m a c h i n e s à v a p e u r travail- lant e n général, d a n s ce cas, d a n s des conditions particulière- m e n t défectueuses, d u fait principalement des arrêts prolongés
166 L A H O U I L L E B L A N C H E durant lesquels la c o n s o m m a t i o n d e c h a r b o n est loin d'être
négligeable.
E n c o m p o s a n t u n train d e marchandises d e d e u x trains ordi- naires placés b o u t à b o u t et e n assurant là c o m m a n d e synchrone des d e u x m a c h i n e s placées, l'une en tête et l'autre a u milieu d u train, o n pourra faire circuler e n ligne, e n u n e seule r a m e , u n tonnage supérieur d e 5 0 à 1 0 0 % à celui acceptable avec la trac- tion à vapeur, tout e n se réservant la possibilité d e séparer la r a m e en ses d e u x moitiés p o u r l'entrée et la m a n œ u v r e dans les gares. L a m a r c h e synchrone des machines, pourra être obtenue en utilisant par e x e m p l e u n e liaison électrique réalisée en super- posant a u courant d e traction u n courant alternatif de fré- quence appropriée.
O n pourra, en e m p l o y a n t le m ê m e système d'interconnexion, et en plaçant les d e u x locomotives l'une en tête et l'autre en queue, réaliser des trains symétriques qui, m u n i s d u s y t è m e de frei- n a g e d e M . Sabouret, permettront d e remorquer, sur des lignes accidentées, des trains d'un tonnage très supérieur à ceux actuels
L e fait d'avoir à leur disposition des tracteurs toujours prêts à fonctionner enlèvera a u x gares tout prétexte à retards p o u r la formation o u la déformation des trains, ainsi q u e p o u r le triage des voitures, et le r e n d e m e n t m o y e n d e toutes les installations s'en trouvera notablement a u g m e n t é .
L'emploi des t a m p o n s m a g n é t i q u e s sur les m a c h i n e s de m a n œ u - vre, permettra aussi, en réduisant notablement le n o m b r e des accrochages d e locomotives et d e w a g o n s isolés, d'économiser u n certain n o m b r e d e vies h u m a i n e s .
E n ce qui concerne l'utilisation d u personnel et d u matériel il n e faut pas oublier q u e les locomotives à v a p e u r exigent u n e préparation longue et pénible avant le départ et après la rentrée a u dépôt. O n peut c o m p t e r d e 1 h. % à 2 heures p o u r la prépa- ration p r o p r e m e n t dite, et d e 3/4 à 1 heure p o u r le nettoyage des feux et la mise en réserve. Si la m a c h i n e est froide, il faut c o m p t e r 2 à 3 heures p o u r la mise en pression.
A v e c la traction à v a p e u r il faut consacrer plusieurs heures a u grattage et a u soufflage des tubes à f u m é e , ainsi qu'au lavage des chaudières tous les 1.000 à 1.200 kilomètres.
L'utilisation journalière m o y e n n e d'une m a c h i n e à v a p e u r en ordre de m a r c h e est d e l'ordre d e 3 heures ; en y c o m p r e n a n t les périodes d e préparation et la mise e n réserve, la durée d e service est d'environ 6 heures. U n e locomotive est d o n c entre les m a i n s des agents qui la conduisent p e n d a n t le 1/4 et en travail utile p e n d a n t environ le 1/8 de la journée. Ces durées d'utilisation sont à p e u près les m ê m e s d a n s tous les p a y s d u m o n d e . M . Aspinall, General M a n a g e r d u Lancashire et Yorkshire Railway, d é c o m p o s e la vie d'une locomotive à v a p e u r anglaise en trois périodes :
U n e d e 1 2 heures d e repos complet ;
U n e de 6 h. 3/4 d e « service d e traction ».
U n e d e 5 h. 1/4 d e nettoyage et entretien, chaudière en pression.
E n pratique, o n arrive, d u fait de cette m a u v a i s e utilisation,
à remplacer d e u x o u trois locomotives à v a p e u r p a r u n e loco- m o t i v e électrique et d e u x équipes c o m p r e n a n t chacune un- mécanicien et u n chauffeur par u n e équipe o u u n e équipe et d e m i e d'électriciens c o m p r e n a n t seulement u n w a t t m a n et un aide.
D a n s les services sédentaires d e dépôt o u d'atelier, on réali- sera également u n e é c o n o m i e d e personnel considérable, les chauffeurs d e dépôt, veilleurs d e feux, charbonniers, tubistes laveurs d e chaudières, m a n œ u v r e s des cendres et des mâchefers, agents d e prise d'eau et d'appareils d e c h a r g e m e n t d e combus- tible, etc., etc., p o u v a n t être entièrement supprimés.
L'absence complète d e patinage, la progressivité de l'effort, la divisibilité d e la puissance motrice (locomotives déeompo- sables en d e u x unités p o u v a n t circuler isolément), la grandeur m ê m e d e la puissance toujours disponible, l'emploi de trains jumelés, constitueront d e précieux avantages p o u r l'exploita- tion p r o p r e m e n t dite, tout e n réduisant les chances d'accidents a u matériel et a u personnel et en retardant la date d'agrandisse- m e n t des gares de marchandises.
L e tracteur électrique, qui est p a r essence u n « outil de trac*
tion » s'adaptant a u x exigences d'un service qu'il assure sans le gêner, permettra d o n c d a n s tous les cas, d e gagner d u temps et, par suite, d e l'argent. N ' a y a n t pas à se préoccuper de menai ger u n outil, qui exige des soins constants et qui est fréquemment indisponible, l'exploitant organisera naturellement son travai- d'une façon plus rationnelle et plus é c o n o m i q u e , et o n peut dire q u e la traction électrique permettra la « taylorisation » de tous les services auxquels elle sera appliquée, c o m m e cela s'est déjà n e t t e m e n t produit p o u r les services d e métropolitain et de ban- lieue. O n verra disparaître cette poussière d e services accessoires qu'impose la traction à v a p e u r et o n rendra aussi indépendants q u e possible les services de m o u v e m e n t et de traction, qui sont actuellement d a n s u n état d e d é p e n d a n c e réciproque qui ne présente q u e des inconvénients.
Il n e sera possible d'apprécier la portée d e ces transports q u e lorsqu'une électrification étendue et complète aura été réali- sée sur u n réseau français. D a n s tous les réseaux américains où elle a déjà été exécutée (Chicago M i l w a u k e e Saint-Paul, Pennsjl- vania Railroad, N e w - Y o r k , N e w - H a v e n a n d Hartford, Norfolk et W e s t e r n , etc.), les exploitants sont d'accord pour recon- naître q u e l'électrification est encore plus précieuse pour les ser- vices accessoires q u e p o u r les services d e route.
C'est pour cet ensemble d e raisons q u e la C o m p a g n i e d'Orléans prévoit l'électrification totale et complète d e toutes les lignes et d e tous les services des sections qu'elle se propose d'équiper électriquement.
O n doit s'attacher à réduire a u m i n i m u m la durée de l'exploita- tion m i x t e électrique et à v a p e u r qui présente d e grandes diffi- cultés pratiques, car c'est seulement d a n s le cas d'une exploi- tation u n i q u e m e n t électrique q u e l'on p e u t bénéficier des avan- tages n o m b r e u x ' e t divers qui ont été escomptés dans les études d'électrification.