BIOFUTUR 322 • JUIN 2011 45 L’isolement des cellules souches neurales (CSN)
dans les années 1990 (1)a ouvert la voie à la production, in vitro et à volonté, de grandes quantités de neurones pour corriger des lésions neuronales dans plusieurs situations patholo- giques telles que la maladie de Parkinson ou les lésions traumatiques de la moelle épinière. Il existe cependant de nombreux types de neurones dans l’organisme (probablement plusieurs centaines) qui diffèrent par leurs neurotransmetteurs (dopa- mine, glutamate, GABA…), leur morphologie et leur rôle. Dans plusieurs pathologies neuro- dégénératives, un type précis de neurones est affecté, par exemple les motoneurones dans la sclérose latérale amyotrophique (maladie de Charcot ou de Lou Gehrig). Or les CSN se différencient in vitro majoritairement en neurones de type GABAergique (2). Il est donc nécessaire de comprendre comment rediriger la différen- ciation des cellules souches vers d’autres types de neurones d’intérêt.
Cette tache s’avère particulièrement difficile car plusieurs équipes ont observé que les CSN déri- vées de différentes régions du système nerveux ne sont pas équivalentes et qu’elles produisent des neurones différents, dans leur morpholo- gie et leur neurotransmetteurs, selon leur région d’origine (3-5). Elles continuent notamment à exprimer en culture des gènes de développement, par exemple Otx2 pour le cerveau et Hoxb4 pour la moelle épinière. Ces gènes spécifient de manière forte leur identité régionale (cerveau versus moelle épinière par exemple). Cette carac- téristique des CSN rend difficile leur utilisation directe en thérapie cellulaire pour repeupler une population de neurones d’une région précise du système nerveux.
Afin d’obtenir le type de neurones souhaité, il est nécessaire de traiter les cellules souches avec des cocktails complexes de molécules, appelées morphogènes, qui interviennent au cours du développement embryonnaire pour former la
diversité de neurones. Ainsi, pour donner des motoneurones in vitro, les cellules souches doivent être traitées avec de l’acide rétinoïque et la protéine SHH (Sonic hedgehog) (6,7). Pour fabriquer des neurones dopaminergiques en vue d’un traitement de la maladie de Parkinson, la tache s’avère plus complexe. Plusieurs grandes équipes essaient actuellement d’identifier l’en- semble des morphogènes présidant à la forma- tion de ces neurones dans l’embryon afin de les utiliser in vitro (8). On voit ici comment l’étude du développement embryonnaire nourrit de manière indirecte la recherche appliquée sur les maladies neurodégénératives par thérapie cellulaire. G
Jean-Philippe Hugnot
Université Montpellier 2, Institut des neurosciences de Montpellier, Inserm U1051
Équipe Plasticité cérébrale, cellules souches et tumeurs gliales jean-philippe.hugnot@univ-montp2.fr
(1)Reynolds BA, Weiss S (1992) Science 255, 1707-10
(2)Jain M et al. (2003) Exp Neurol 182, 113-23 (3)Armando S et al. (2007) Neuroreport 18, 1539-42 (4)Merkle FT et al. (2007) Science 317, 381-4 (5)Hack MA et al. (2005) Nat Neurosci 8, 865-72 (6)Li XJ et al. (2008) Stem Cells 26, 886-93 (7)Corti S et al. (2007) Brain 130, 1289-305 (8)Sacchetti P et al. (2009) Cell Stem Cell 5, 409-19
Zoom
Rediriger la différenciation
des cellules souches neurales
Des neurosphères dérivées de trois régions du système nerveux expriment des gènes de développement distincts (Otx2, Foxg1, Dlx1, Hoxb4, Hoxb9) et donnent naissance à des neurones (en rouge) de morphologies différentes.
© L. SIMONNEAU/INSERM/IRDEF MONTPELLIER © BSIP/PHOTOTAKE/SCOTT
Cerveau dorsal Otx2, Foxg1
Cerveau ventral
Otx2, Foxg1, Dlx1 Moelle épinière
Hoxb4, Hoxb9 45-zoom2_322.qxp 20/05/11 10:53 Page 45