9M
tybo
j
motion A
faite
A L’ASSEMBLÉE NATIONALE,
Le 17 Mai 1791
?
PAR M. DE MONTESQUIOU,
député de paris.
Sur
lesmoyens de remédier à
la raretédu numéraire
.Imprimée
par ordre
de l'Assemblée nationale.A PARIS,
de l’imprime rie nationale,
I
79
1-.(
MOTION
r*A
IT E
A L’ASSEMBLÉE NATIONALE,
Le
17Mai 1791
$PAR M. DE MONTESQUIOU,
DÉPUTÉ DE PARIS,
Sur
le$moyens de remédier à
la raretédu numéraire
.Messieurs,
J’appuie la
motion
deM. Camus pour
l’accélération des travauxdu
comitéd’impofitipn,dont
leretardpro^
longérendroitillufoirestousles calculs
que nous vous avons
préfentés;& met,
dès-à-prêtent,les fonds de la caille de l’extraordinaire à la place de toits les revenus del’état, J’infifleégalement pour que PAiïem-
blée fafle faire les préparatifs nécelTaîres, 8c
nomé^
ment
la fabricationdu
papier, afinqu’aumoment où
.vous croirez devoir
ordonner une
nouvelle énaiffion(
4
)d’affignats
, 8c
que vous
croirez le pouvoir fanscon-
trevenir aux principes de fagegeQue vous
avez prispour
bafe, rienne
retarde l’effet de vos difpofitions.Mais, en
même temps
qtievous vous occupez
de l’avenir, je ne
peux me
difpenfer d’éveillertoute votre foilicitude furun mal
très-réel, très-preiïant,8c qui,
tous les jours, s’aggrave d’une manière effrayante:
c’efffa rareté
du
numéraire.Dans
lecours de la der-, nière femainele prix de l’argent s’efl élevé de quatrepour
cent.Une
progreflîonfi rapiderépand
de jufies alarmes,
&
cesalarmesfeules fuffiroientpour
accroître lemal
,eninfpirant desprécautions 8cprovoquant un
refferrement
nouveau
des efpèces.Ace mal,
quiinflue d’une manièrefâcheufe furtouteslesopérationscom
-merciales, s’en joint
un
autredont
l’influence efl en- core plus meurtrièrepour
la fortune entière del’état.Le
tréforpublicne
peutfe paiïer de numéraire.Pour
n’en pas haufler la valeur par fa concurrence, il efl forcé de le faire venir despays étrangers
,
&
il luire-vient à
un
prix exceflif.A
peine l’a-t-il acheté, qu’il faut s’occuperdesmoyens
de le payer; 8c les verfe-mens
confidérablesque
cette négociation obligede
faire hors
du royaume
, font baillerchaque
femaine le prixdu change
à notre défavantage.Les
chofes font arrivées aupointque,
fansleremède
leplusprompt,
la fortune publique efl véritablement en danger.
Les maux que
jevous
expofe, Meiïieurs,follicitent toute votre attention. Ils tiennent àun
grandnombre
de çaufesque
je n’entreprendrai pas de difcuter. ïl n’eflpas queflion de diiïerter
, mais d’agir; il faut réunir tous les
moyens.
Il faut triompher de tous les obfla- cies,8cvous
lepouvez. Déjà vous
avez décrétépour
c;ent millions d’afiignats de cinq îiv. , 8c
une
forte émiiïion demonnoie
de cuivre.Ces
difpofitions font très-fages,mais ellesfontinfuffifantes.Ilfautun temps
trop( y )
trop confidérable
pour
imprimer 8c figner vingt mil- lions de billets;& un remede
long dans cemoment-
ci n’eft pas
un remède
approprié aux circonftances.D’ailleurscentmillions, qui néceffitent
une
fabricationimmenfe,
nefontrienpour
la circulationdu royaume.
Je prévois qu’on
me répondra que
lamême vo-
lonté qui a créé centmillions de petits affignatspeuten
créerledouble,8c letriple;maisjerépète : i°. qu’il faut toujoursbeaucoup
detemps,
8cque nous
n’enavons
pas; 2°.que
livous
embraiTez dansvotreopé-
ration les befoins de tout leroyaume
, ilvous vous
chargez d’établir 8c de diriger à-la-fois 8c par-tout cetteimmenfe manutention
d’échanges de gros affi- gnats contre les petits, 8c des petits affignats contre
la
monnoie
,vous
faitesune
entreprife au-deffus des forceshumaines
8c de toute furveiiiance.Enfin je foutiens
que nous ne
faifons rien, finous ne
trouvons pas la folution entière d’unproblème
fur lequel
on
n’a pas affez fixé votre attention.Ceux
qui font forcés d’échanger leurs affignats contre des ccus, reçoivent
, à cet
échange
,une
fourniemoindre que
lavaleur de l’affignat.Aucun commerce, aucune
manufacture n’efi: en état de fupporterune
perte de tousles jours;il fautdonc
abfolument trouvermoyen
defairecefferceséchanges défavantageux.IIfautpren- dre des mefures telles
,
que
dans tout leroyaume
,
un
afiignatquelconque
puilfe être converti,fans perte nidetemps
ni de valeur, en frayions d’affignats,
&' que
par-toutlesfractions d’affignats puiffent êtreéchan- gées au paircontreune monnoie quelconque
demé-
tal qui defcende
aux
plus petits befoins. Il fautplus,ilfaut
que
l’opération, qui doit produire cet effet fa- lutaire, foit rapide ;vous
n’avez pasun moment
à perdre, lesmoyens
lesplusprompts
fontévidemment ceux que vous devez
préférer.Motion de M. Montesquieu
.A
3<*
)Vous
avezadopté &
décrété'une
fabricationcon-
fidérable de petits,affignats. J’avois p'ropofé dé pré- férerà ceparticeluides ëtabliiTemensparticuliers
dont
la ville de
Lyon nous
offre le modèle-,&
jevous en
ai détaillé les motifs."Aujourd’hui je viens folliciter Fafliance de ces
deux
mefures. J’efpèrevous
prouver qu’ellesne
font pas incompatibles;&
fi jevous
dé-montre que
leur réunionnous
fauve d’un des plus grands dangersque nous ayons
à courir,vous
n’hé- fiterez pas à l’aceepter.-A
quelquefomme que vous
portiez les petits affi-gnats
dont vous
avez ordonné^ la fabrication, ellene
remplira qu’imparfaitemènt d’ici à long-temps
le premier objet, celui de remplacer les écrisdans tout leroyaume. Songez
à quelpointilfaudroitmultiplier la quotité desnouveaux
billets, à quelnombre
ilfau- droiten
porter les dépôts,pour que
, dans toute laFrance, on
pût fe procurer à volonté&
fans fraisl’échange des affignats contre des fractions dé cinq
liv.
Ce
n’eft qu’aumoment où vous
ferez parvenus à rendre univerfelle cette facilitéd’échangesque vous
aurezôtéaux affignatsaduels tousleursinconvéniens,& que
la rareté dès efpèces.pourravous
être in diffé-rente.Cetteconfidérationeftd’unegrande importance:
les fractions d’afîîgnats-
vont
être l’intermédiaire indif- penfable entre les ancieiis affignats&
lamonnoie
de cuivré. Ils ferontdonc
'âïffi néceffaires'que
les écris l’ont été jufqu’ici ; il fautdonc
qu’il foit pofiible de -s’en procurer par-toutîorfqu’on en aura befoin: fans celaon
feroit réduit à les acheter, 6c cette nécefîitévous
feroitretomber
dans l’inconvénient auquelvous
voulez échapper.Le
feu!moyen
sûr,prompt &
facilepour
atteindrele double botque vous vous
propofez,c’eft d’afîbcier à la grande émiffion dé petite
mon-
noie la multiplication des étabîifTemens particuliers
( 7 )
femblables à
ceux
que le patriotifme a déjà créé»dans plufieurs endroits.On
feroit plus frappé qu’on ne l’efldu
partique
l’on peut tirer de ces établiffemens de confiance, fl
l’on généralifoit
moins
fes idees.On
parle toujoursde la circulation
du royaume
,comme
fi elle n’exif-toit que
du
centre à la circonférence. 11 en exifleen
effet
une
grande, qui franchit tous les intervalles :celle-là s’opère par lettres-de-
change ou
par trans- ports d’efpèces; elle varie autantque
les relationsdu commerce
; mais il fautfe faireune
toute autre idée de la circulation intérieure Sc vivifiante qui doitnous occuper
dans cemoment-ci
, parceque
par-tout elle eiflanguiffante Sc embarraffée.Elleeflcompofée
dun nombre
infini de petites circulations plusou moins
étendues, qui ontchacune un
centre particulier.Ce
centre efl
une
villeoù
font établis différens atteliers,
qui efl approvisionnée de denrées par les
campagnes
environnantes, Sc qui, à fon tour, approvifionne cescampagnes
des objets decommerce dont
elles ont befoin. Lesmêmes
écus fournirent fans ceffe^àla recette
&
à la dépenfe des différens atteliersau même
lieu.Les mêmes
écus enlevés par les gens dela
campagne, pour
prix des denrées qu’ilsvendent
à laville,yfont rapportés pareux pour
lesachatsqù
ils viennenty
faire.Des
fractions d’affignats, revêtues de fignaturesconnues
dans Farrondiffementdont
je parle,y
remplaceront, fans lamoindre
difficulté,
les écus, lorfqu’à
chaque
inhant elles pourronty
être échangées, fans
aucune
perte,ou
contre des affignats,
ou
contre des fols.Les
petits affignats-monnoie
de l’état,& monnaie
forcée,y
feraientmoins
aifés à vérifier, Sc y infpircroient peut-êtremoins
de fécurité.Le
petit affignai-monnoie de l’état ne peut être( S
)
suffi facilement approprié à toutes les localités
, par
cela feul
qu
ayant la qualité demonnoie,
8c l’ayant par-tout, il peut fe trouver dépayfé par certaines circonftances, peut-êtremême
accaparé par des fpé- culateurs avides quivoudraient abuferdu
befoinqu’ils auraient fait naître. Les bradions d’affignats, au
con-
traire
, ne for tirant jamais de leur
canton;
ellesne pourront
s’y multiplierque
fuivant le befoin, 8c jamais elles n’ymanqueront
à l’échange librede
lamême
valeur en affignals dépofés.L’affignatde cinqlivres,
monnoie
de l’état,deffiné àpaifer dans lesmains cfhommes
fimples 8c klexpéri-m
entés, peuttenter des contrefacteurs, 8c la contre-
façon
peut fe cacherlong-temps
au milieu deFim- menfe
circulation de toutleroyaume.
Les
fractions d’affignats,
monnoie
libre apparte- nanteuniquement
à telcanton
, déconcerteraient toutesles entreprifes de ce genre; caron
ne pourrait lesplacer utilementque
làoù
le vraimodèle
ferait familier à tout lemonde
, là
où
la vérification des fignatures pourroit fe faire à toute heure.Confidérera-t-on les intérêts de
l’homme
qui fe tranfporte d’un lieu à lin autre? Maître de reprendreau dépôt
publicfes affignatsaumoment
de fon départ, sûr de trouver d’autres fraCHons dans le lieuoù
il va,
quel inconvénient pourroit-il réfulter
pour
lui d’une fujétion quine
lui cauferoit qu’unemédiocre gêne
,
&
quilui affureroittouslesavantages d’une circulationillimitée?
Pour
opérer cette utile création, il ne faut point de décrets;un
feulmot
approbatifdeFMemblé-ë
na- tionale fuffit, 8c d’après cemot,
leconcours
certain de tous les corps adminiffratifs, Findnftrie
, la nécef- fité, la liberté feront jouir, dans
un
efpace detemps
infiniment court , Funiverfalitédu royaume
de ce(
9
)grand
bienfait. Alors, difpenfés de tout achat denu-
méraire,
vous
épargnerezune
dépenfeénorme pour
le tréfor public,
&
par conséquentpour
la Nation.Je n’exagère rien en la portant à vingt millions, elle les furpaïferoit bientôt.
Vous
mettrez fin àun
agio- tagehonteux
, qu’aujourd’huivous
ferez forcésde
protéger,pour
qu’il ne devienne pas plus obfcur 8c plus funefte.Vous ne
ferez pluscondamnés
à cesmarchés
ruineux avec les étrangers;marchés
qui,comme
jevous
l’ai fait fentir, élèvent fans ceffe leprix
du change, &
qui par làfont défaflreuxpour
laNation.
Le moyen que
jevous
propofe n’eft,comme vous
le
voyez
, qu’une addition à votre décret
du 6
mai.Vos
cent millions de petits aflignats n’en feront pasmoins
d’une extrême utilité.Dépofés
à la caillede
l’extraordinaire, ils
commenceront
par remplacer les écus quimanquent
à la circulation de Paris.La
caiffe de l’extraordinaire fera leur bureau d’échange 8c contre de plus gros aiïignas , 8c contre de la
monnoie
de cuivre. Il s’en échapperapeu
dansles provinces , 8c gardôns-
nous
denous en
plaindre; carvous
ferez difpenfés d’y entretenir desbureaux
d’échange, d’y rifquerl’infidélitédes dépoli- taires 8c devous confumer en
frais inutiles.La
îbldedestroupes payées enafïignats, fera par-toutconver-
tie en
monnoie
d’ufage au lieu de leur féjour.Vous
n’aurez befoin de rien ajouter ai|x
moyens
de votre adminiflration aèîuelle; 8c fi je ne m’abufe pas dansmon
propre fyftême,vous
ne pourriez paraucune
autreméthode
arriver ni auffi-tôt ni aufîi bien à la folutioncomplète du
problème.On
m’objeéfera peut-êtreque
l’Alïembléë nationale n’a pas befoin de s’occuper des établiflemensque
je,propofe;qu’elleles afondéstous, en fondantla liberté.
1
(l°)
Je penfe
en
effet, qu'une maifon de
commercé
accréditée peut toujoursfairecirculer des billets fouff critsparelle
,Sc qu’il eft libreà
ceux
quilescroyentbons
delesrecevoirenpayement. Mais
ici fintérêt publicvous commande
de grandes précautions.Le
befoin de frayions d’affignats eft extrême; l’extrême besoinpeut
entraînerbeaucoup
de citoyens àune
confiance téméraire,Sclaloi quiveillepour
tous,doitlesgaran-
tirdes furprifes.
De
tels établiffemens néceffaires par- tout,ne doiventêtredangereux
nulle part.Ilsdoiventdonc
êtreimmédiatement &
foigneufement furveillés par les corps adminiftratifs.Le gage
de la furetépu-
blique rie peut être confié qu’àun
dépôt inviolable.L
acquifitiondelamonnaie
de cuivrepour
l’échange continuel de ce papier doit êtreune
condition effen- tielle dechaque
établiffement.Enfin l’Affemblée ayant décrété desaftignatsde5
liv., ileftnéceffaireque
l’on fâchequ’ellen’enapprouve
pasmoins
lesétabliffemensque
formeraient,ou
des citoyens réunis,ou même
des municipalités, à telle&
telle condition;&
c’eft cette approbationque
jefollicite.Mais,
comme vous
levoyez,
toute l’opération re- pofe fur l’émiftîon fimultanee d’uneimmenfe
quantité demonnoie
de cuivre. Sa néceffité eftreconnue
depuis long-temps
: depuis long-temps
votrecomité
desmonnoies
eft chargé d’en préparer le travail;maispermettez-moide vous
le dire, meilleurs, lepouvoir
exécutifne
réfide pas Sc ne doit pas réfider dansvos
comités. Lorfqu’ily
repofe ,vous voyez
qu’il y dort.Depuis
plus de fix mois, tous
ceux
qui, danscette affemblée, ont parlé de finances Sc d’aftignats
, ont
demandé une
profufîon de fols.L’Affembléeles veut,
&
il n’en a pas encoreété fabri-qué un
feuî.Que
ne diroit-on pas d’un miniftre qui ayant reçuune
fembiable nfiffion, y auxoit apports( II )
une
pareillelenteur?Jene reclameicique
des principe qui font les vôtres,& dont on
ne s’écartera jamaisimpunément.
Votre comité desmonnoies
doit,comme
tous les autres comités, préparerles loix gé- nérales,& vous
lesfoumettre.Là
finitleur miniflère.Là commence Fanion du
pouvoir exécutif. Je de-mande donc
expreffémentque
FAffemblée décrètelafomme
qu’ellejugeranéceffairedemonnoie
decuivre,&
qu’elle prie le roi dedonner
les ordres les plusprompts pour
la fabrication.Je
me réfume
,& vu
l’urgence des befoins qui de- viennent tous les joursplus alarmans, je propofe le décret fuivant.L’Assemblée Nationale
décrète ce qui fuit;Article premier.
Le
roi fera priédedonner
les ordreslesplusprompts pour
faire fabriquer delamonnoie
de cuivreenfols,
jufqu’à la concurrence d’une
fomme
de quarante millions , 8c d’yemployer
toutes lesmonnoies du royaume. Les
anciennes empreintes ferontem-
ployéesjufqu’à ceque
lesnouveaux
coinsfoient ter-minés
8cque
FAIfemblée nationaleen
aitordonné
l’ufage*
I I.
Le
miniflre chargé d’exécuter les ordresdu
roi fera tenu de rendrecompte
àFAIfemblée, tous lesquinze jours, desprogrès delafabrication,
ÏI
I.L’AfTembîée nationale
approuve
tous les établif-Jemens
particuliers qui, fous la furveillance des corps(
12
)adminiftratifs , fe chargeroient de mettre
en
émiffion des fractions d’affignats de £ liv.&
delesdonner en échange
contre des affignats nationaux,à la charge pareux
de fournir descautionnemens
fuffifanspour
la sûretédeleur
geihon
,&
àlaconditionexpreffe d’a- cheteraux monnoies
la quantité de fols néceflairepour
entretenir l’échange àbureau
ouvert defdites fradionsd’affignats contre des fols, le toutconformé- ment
àune
indrudionqui feraadrelfée àtouslescorps adminiüratifs.i y.
Il fera
nommé
au fcrutin quatre commiffairespour
rédiger cette inftrudion dans le plus court delai
, Sc