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La question du mécénat est d actualité.

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Quel avenir pour le mécénat culturel ?

Jean-Michel Tobelem

Docteur en sciences de gestion HDR (Habilitation à diriger des recherches), professeur associé à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne, directeur d’Option Culture (www.option-culture.com)

Le mécénat, qui peut être financier, en nature ou de compétence, doit être distingué du parrainage ou du sponsoring. Il est pratiqué par des entreprises et des individus

philanthropes et bénéficie en France d’un cadre fiscal très favorable.

Néanmoins, il est rare que les ressources provenant du mécénat dépassent 5 ou 10 % du budget d’une institution culturelle en France.

L

a question du mécénat est d’actua- lité. Les récents débats budgétaires au Parlement ont, en effet, rappelé que la dépense fiscale qu’il occa- sionne pour l’État est loin d’être négligeable et que ce sont les entreprises les plus importantes qui en profitent le plus, celles qui disposent par ailleurs de moyens de promotion significatifs pour faire connaître leurs actions dans ce domaine (les 24 pre- miers bénéficiaires représentent 44 % de l’avantage fiscal total). Un récent rapport de la Cour des comptes (Le soutien public au mécénat des entreprises, 28 novembre 2018) suggère que la réduction fiscale liée au mécénat a, en effet, occasionné un coût notable pour les finances publiques (environ 900 millions d’euros), sans pour autant que l’efficacité du dispositif ait été « évaluée ». Nous préciserons la place du mécénat culturel, puis nous analyserons son importance pour le secteur de la culture, avant de nous interroger sur les conditions du développement du mécénat dans notre pays.

L’importance du mécénat

Selon l’arrêté du 6 janvier 1989 relatif à la terminologie économique et financière, le mécénat se rapporte au « soutien matériel apporté, sans contrepartie directe de la part du bénéficiaire, à une œuvre ou à une personne pour l’exercice d’activités présentant un caractère d’intérêt général » ; il se distingue en cela du parrainage (ou sponsoring).

Précisons qu’à l’origine, le mécénat peut prendre plusieurs formes : financier, en nature ou de compétences. Au départ, sous l’impulsion notamment de l’Association pour le développement du mécénat industriel et commercial (ADMICAL, créée en 1979), l’objectif était de sensibiliser les entreprises à l’importance du soutien aux causes relevant de l’intérêt général, en particulier dans le domaine de la culture. Les grandes entreprises ont ainsi progressivement accru leurs actions dans ce domaine. D’abord par le soutien aux institutions culturelles

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DOSSIER ⁄ QUEL AVENIR POUR LE MÉCÉNAT CULTUREL ?

Une dépense fiscale est un avantage permettant aux contribuables et aux entreprises, sous certaines conditions, de réduire le montant de l’impôt.

existantes (orchestres, monuments, grandes expositions), puis en organisant elles-mêmes leurs propres opérations (prix, festivals, résidences d’artistes…). Enfin, bénéficiant de la création du statut de fondation d’entreprise, nombre d’entre elles ont progressivement souhaité piloter directement leur appui à l’art et à la culture à travers une structure dédiée.

Aujourd’hui, la part du mécénat culturel dans l’ensemble des dépenses de mécénat des entreprises est minoritaire, soit de l’ordre de 25 % du total (derrière le social et devant l’éducation), qui se monte à plus de trois milliards d’euros selon l’ADMICAL (rapport annuel 2018).

Cela s’explique par le fait que les entreprises cherchent à se rapprocher de leurs axes stratégiques de développement et de leur

cœur de métier, ce qui peut concerner tout à la fois le sport, la recherche, l’éducation ou encore l’environnement. Autre raison, le fait que les préoccupations de la société orientent davantage les entreprises vers le soutien à des causes sociales ou humanitaires, dans lesquelles se retrouvent sans doute plus largement la majorité de leurs salariés. En effet, quelque regret que l’on puisse avoir à ce sujet, la culture peut apparaître comme relativement élitiste aux yeux de certains de nos concitoyens, ceux qui n’ont guère l’habitude de fréquenter les théâtres, les salles de concerts symphoniques ou les musées. Cela n’est guère surprenant, car cela rapproche la situation française de celle des États-Unis d’Amérique où le soutien aux arts est très minoritaire dans l’ensemble des dépenses

La Piscine, musée d’Art et d’Industrie André Diligent (Roubaix). Depuis son ouverture en octobre 2001, son patrimoine s’est notamment enrichi d’achats effectués grâce aux Amis du musée et au Cercle des entreprises mécènes

© DENIS/REA

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de mécénat des entreprises. Il est vrai que l’implication de grandes entreprises telles que Cartier ou Louis Vuitton vient quelque peu masquer cet état de fait, l’ampleur de leurs investissements dans le domaine de la culture et la visibilité de leurs actions contribuant à forger une perception différente de la réalité de l’ensemble des dépenses de mécénat.

Les motivations des entreprises

Comment expliquer dès lors l’investissement des entreprises dans les arts et la culture ? Premier élément de réponse, le mécénat est historiquement lié aux arts, qu’il s’agisse des autorités royales ou religieuses ; et cela concerne, plus près de nous, l’action des grandes familles de philanthropes. Par ailleurs, les institutions culturelles bénéficient généralement d’une réputation flatteuse, qui est bénéfique pour l’image des donateurs, particuliers ou entreprises. Enfin, certaines entreprises développent des activités – par exemple dans le domaine de la création ou du luxe – qui bénéficient d’un lien avec le patrimoine (pour ancrer leurs produits dans une histoire ancienne) ou avec la création contemporaine (pour éviter de donner une image passéiste de leurs produits), voire les deux.

Pour autant, l’activité de mécénat n’est pas sans risque, dès lors que l’on s’aventure sur le terrain de l’image de marque. Deux exemples peuvent être évoqués à cet égard. Premier point, certaines institutions culturelles encourent le reproche d’accepter les contributions de fabricants de cigarettes, d’alcooliers ou d’entreprises liées à l’exploitation des énergies fossiles, car cela apparaît comme un manque à leurs obligations éthiques. Deuxième exemple, la pression financière que subissent certaines institutions culturelles peut les conduire à réduire leurs exigences à l’égard des mécènes, ce qui peut se retourner contre

elles si ces derniers apparaissent par la suite sous un jour peu flatteur.

Mécénat et financement de la culture

Une question se pose : le mécénat représente- t-il une part significative des ressources des institutions culturelles ? Dans un premier temps, le mécénat représente un investissement notable et un engagement durable pour une manifestation ou un équipement culturel, car la collecte de fonds

Publicité pour la loterie nationale britannique.

Chaque année, la National Lottery apporte environ 400 millions d’euros au financement de travaux de restauration de monuments, d’acquisition d’œuvres ou de construction de musées

© JOHN BIRDSALL/REX/

REX/SIPA

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DOSSIER ⁄ QUEL AVENIR POUR LE MÉCÉNAT CULTUREL ?

suppose des moyens humains qui permettent d’agir dans la durée. Par ailleurs, le mécénat occasionne deux types de « coûts » : d’une part une dépense fiscale (66 % du revenu imposable dans le cas des particuliers dans la limite de 20 % du revenu imposable ; 60 % dans le cas des entreprises dans la limite de 5 % du chiffre d’affaires) ; d’autre part des « contreparties », essentiellement dans le cas des entreprises, où ce montant peut atteindre au maximum 25 % du montant du don. Cela peut se traduire par des réceptions, des mises à disposition d’espaces, des visites VIP, des billets gratuits pour le personnel de l’entreprise, des mentions dans les outils de communication, etc. C’est ce qui a attiré l’attention d’un rapport des inspections des finances et des affaires culturelles, qui indique que le montant « net » des revenus issus du mécénat n’est pas toujours aussi élevé qu’on pourrait l’imaginer : « si le mécénat

renforce les liens des établissements avec le tissu économique et peut déboucher sur des collaborations étroites, il constitue une ressource propre d’une nature particulière en cela qu’elle est partiellement financée par la dépense fiscale, qu’elle est susceptible de fragiliser, à travers les contreparties offertes aux mécènes, l’équilibre d’autres activités pouvant générer des ressources propres et enfin, qu’étant généralement fléchée sur des programmes spécifiques, elle est peu mobilisable en soutien au fonctionnement général des établissements (…). D’un point de vue global, pour deux des sept établissements analysés en comptabilité analytique, l’effet de levier attendu de la dépense fiscale est négatif si l’on impute les coûts administratifs associés à sa mise en œuvre (équipes dédiées à la recherche de mécènes) et les contreparties accordées aux mécènes » (Évaluation de la politique de développement des ressources

Sources : admical.org ; DGFIP/Observatoire de la philanthropie.

Forte augmentation des dons et des nombres d’entreprises : 2010 : 945 millions d’euros

de dons déclarés pour 28 000 d’entreprises 2017 : 2 milliards d’euros

pour 82 000 entreprises

Les quatre domaines prioritaires (part du budget mécénat) :

28 %

SOCIAL

25 %

CULTURE ET PATRIMOINE

23 %

ÉDUCATION

11 %

SANTÉ

Le nombre total d’entreprises mécènes est estimé en 2017 à 9 % pour un budget compris entre 3 et 3,6 milliards d’euros

Dons moyens en 2016 : TPE (très petites entreprises) " 1 670 euros PME (petites et moyennes entreprises) " 11 781 euros ETI (entreprises de taille intermédiaires) " 129 077 euros GE (grandes entreprises) " 4 059 627 euros

Le mécénat d’entreprise en France

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propres des organismes culturels de l’État, Inspection générale des finances et Inspection générale des affaires culturelles, mars 2015).

Le rôle du mécénat pour le secteur culturel

Est-ce à dire que le mécénat est réservé aux grandes institutions ? Pas nécessairement, si l’on considère qu’à défaut de disposer d’une notoriété internationale et d’équipes étoffées de spécialistes de la collecte de fonds, les institutions plus modestes peuvent compter quant à elles sur plusieurs éléments : des réseaux de connaissances interpersonnelles facilitées au niveau local, du fait de la proximité des élites culturelles, économiques et politiques ; la capacité à mobiliser un ensemble de petites et moyennes sociétés autour de « clubs d’entreprises », pour les- quelles le coût d’adhésion reste modeste ; et, enfin, l’attachement des chefs d’entreprise concernés à un territoire, pour des raisons de loyauté, mais aussi dans l’intérêt bien compris d’encourager la vitalité de l’environnement dans lequel ils évoluent et de contribuer à renforcer l’attractivité de la ville ou de la région auprès de personnels qualifiés qu’ils souhaitent attirer. Quoi qu’il en soit, il est rare que les revenus issus du mécénat dépassent 5 ou 10 % du budget d’une institution cultu- relle en France.

Sans que cela soit négligeable, cela signifie donc que le mécénat ne représente pas une réponse financière déterminante pour la plupart des institutions culturelles. Autrement dit, il est peu probable que cela permette de compenser une baisse du soutien de la collectivité publique. Par ailleurs, on peut imaginer qu’un retrait de la puissance publique envoie en réalité un signal négatif aux éventuels donateurs, qui apprécient généralement d’accompagner des projets portés par la puissance publique, car cela représente un gage

de qualité et de reconnaissance. À cet égard, il peut apparaître surprenant que des collectivités territoriales créent des postes de chargés de mission pour le mécénat : ces chargés de mission cherchent aussi à attirer des mécènes pour des projets portés par les collectivités publiques, alors même que la logique du mécénat est de répondre aux intérêts discrétionnaires du mécène. Comme le disait à cet égard Jacques Rigaud, l’un des fondateurs de l’ADMICAL : « Le mécénat est et restera marginal. Sa principale qualité, c’est de fournir les quelques dizaines de milliers d’euros qui vont permettre à un artiste de concrétiser son projet. Ou, au contraire, d’aligner la première somme capable de débloquer un financement impossible (…) Le mécénat n’est pas fait pour boucler les fins de mois d’un État nécessiteux (…) Un désengagement de l’État dans le domaine culturel pénaliserait indirectement le mécénat » (« Un désengagement de l’État dans la culture pénaliserait le mécénat », Le Monde, 13 février 2008).

Les incitations au

développement du mécénat

Les organisations professionnelles qui se donnent pour objet la promotion du mécénat insistent sur deux points qui peuvent susciter des interrogations. D’une part, elles insistent sur la générosité et le caractère désintéressé des mécènes, ce qui peut se concevoir dans le cas des individus philanthropes, mais moins dans le cas des entreprises. Ces dernières doivent avant tout répondre à leur objet social et ne sauraient soustraire à ce titre des ressources utiles à la bonne marche de la firme, à moins que cela réponde à leur intérêt bien compris (pour des actions qui – dans le même temps bien sûr – doivent relever de l’intérêt général). Autrement dit, le discours de ces organisations porte peu sur les avantages tangibles de cette technique de

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DOSSIER ⁄ QUEL AVENIR POUR LE MÉCÉNAT CULTUREL ?

communication pour les entreprises : intérêt en termes d’image et de notoriété, cohésion et motivation du personnel, capacité à entrer en contact avec des décideurs publics, intégration dans l’environnement, inscription dans les objectifs de la responsabilité sociale des entreprises (RSE), etc. À ce titre, on peut s’interroger pour savoir si cette stratégie d’euphémisation des avantages dont bénéficient les sociétés à travers leurs actions de mécénat ne réduit pas par là même la capacité à convaincre d’autres firmes de s’engager dans cette voie.

L’autre point qui soulève des interrogations est la forte mobilisation des promoteurs du mécénat autour des avantages fiscaux consentis aux mécènes, qui souffre de plusieurs limitations. Primo, donner à penser que les donateurs sont motivés par un avantage

fiscal significatif affaiblit le message relatif à leur générosité et à leur désintéressement, s’agissant des particuliers, et relativise l’importance managériale de la technique du mécénat, s’agissant des entreprises, comme indiqué précédemment. Secundo, l’insistance mise sur l’avantage fiscal renforce les arguments de ceux qui y voient une niche fiscale et renforce la vigilance de ceux qui s’efforcent de veiller à l’intégrité éthique et déontologique des institutions culturelles.

Tertio, les efforts de lobbying déployés en faveur du maintien (voire du renforcement) des avantages fiscaux ne risqueraient-ils pas de fragiliser le secteur du mécénat si les autorités publiques décidaient de revenir sur un dispositif considéré comme l’un des plus favorables au monde, selon la Cour des comptes, depuis la loi Aillagon de 2003 ?

Stand de la Fondation du patrimoine sur le Salon Cité 58 (Carrefour d’idées pour les territoires et leurs élus) à Nevers

© PIERRE GLEIZES/REA

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Un contexte toujours propice au mécénat

D’une manière générale, l’idée de moins dépendre de la collectivité publique pour le financement des institutions culturelles repose sur plusieurs considérations. La première tient au fait que les tensions que connaissent les budgets des collectivités publiques ne sont guère favorables à un accroissement – voire à une stabilisation – de leurs efforts dans ce domaine. Ce point peut sembler paradoxal dans le même temps où enquêtes et études affirment le rôle des arts et

des industries culturelles et créatives dans le développement des villes, des territoires et des pays, qu’il s’agisse d’encourager la créativité de la population, de nourrir l’innovation dans les entreprises ou encore de participer aux stratégies de « soft power » dans le domaine diplomatique. Car si la culture apporte tant de bénéfices à la société, sur le plan éducatif et social, mais aussi touristique et économique, comment comprendre que le soutien public s’affaiblisse ?

La seconde raison tient à l’autonomisation de nombre de grandes institutions culturelles, qui disposent de plus d’incitations et de

Restauration de l’hôpital Caroline, dans l’archipel du Frioul (Bouches- du-Rhône). Entamé en 2007, le chantier bénéficie pour son financement du mécénat de l’entreprise de matériaux de construction Lafarge

© BENOIT DECOUT/REA

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DOSSIER ⁄ QUEL AVENIR POUR LE MÉCÉNAT CULTUREL ?

davantage de moyens (notamment humains) pour accroître leurs ressources. Mais il faut alors admettre que les institutions plus modestes seront moins bien placées à cet égard pour développer leurs ressources propres, d’une manière générale, ainsi que les fonds issus du mécénat (venant des entreprises, des fondations ou des particuliers). Il existe de fait un écart important entre les grands équipements culturels et les grandes manifestations artistiques (festivals et biennales), capables d’attirer des mécènes compte tenu de leur notoriété et de leur réputation, d’une part ; et, d’autre part, de plus petites institutions qui peuvent compter sur des soutiens fidèles sans doute, mais éprouvent des difficultés à attirer des mécènes nombreux et puissants, qu’il s’agisse de sociétés, de fondations ou encore de philanthropes.

À ce titre, il convient néanmoins de noter que les marges de progression demeurent importantes, y compris pour les petites institutions culturelles, car la pratique du mécénat des individus est peu développée dans notre pays, à l’exception des associations d’amis et des opérations de collecte de fonds au titre du financement participatif (ou crowdfunding). L’émergence de plateformes spécialisées sur internet donne certes un coup de jeune à l’ancienne pratique des sous- criptions. Mais s’agissant du financement pérenne des institutions culturelles, cette pratique se heurte à plusieurs limites : outre le coût de conception des campagnes, qui n’est pas toujours pris en compte à l’heure des bilans financiers, le financement participatif semble plus adapté à des projets précis (un projet particulier, une nouvelle production artistique, une acquisition d’œuvre ou une restauration, par exemple) plutôt qu’à la couverture du budget annuel de fonctionnement. De plus, la présence d’une campagne de financement participatif sur internet ne garantit pas qu’il soit possible de toucher des donateurs

éloignés de l’institution. Dans la réalité, ces derniers proviennent bien souvent d’un cercle relationnel préexistant, qu’il est bien sûr intéressant d’essayer d’élargir ; sauf dans le cas des institutions les plus prestigieuses, comme l’Opéra de Paris, le musée du Louvre ou le château de Versailles, dont l’audience est au moins nationale, voire mondiale.

L’émergence de la philanthropie individuelle

L’avenir semble davantage prometteur du côté des grands donateurs, encore peu sensibilisés aux besoins des institutions culturelles car la pratique du mécénat individuel, qui existait avant la Seconde Guerre mondiale, s’est ensuite étiolée à mesure que les collectivités

Agnes Gund, présidente émérite du Museum of modern art (MoMA) de New York. Cette collectionneuse d’art moderne et contemporain est une célèbre philanthrope américaine

© CHRISTOPHER SMITH/THE NEW YORK TIMES-REDUX- REA

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en faisaient une catégorie reconnue de l’action publique et décidaient d’y consacrer des moyens notables. Mobiliser un club de donateurs, solliciter des dons de personnes fortunées, préparer un éventuel legs, tout cela va probablement faire davantage partie à l’avenir de la panoplie des collecteurs de fonds dans le secteur de la culture. Les conditions apparaissent dès lors favorables : outre les avantages fiscaux mentionnés précédemment, le développement de la philanthropie individuelle s’appuie sur une concentration croissante des patrimoines et sur une reconnaissance nouvelle du rôle de la philanthropie, qui s’explique par plusieurs raisons.

La première tient à une nouvelle vision concernant la définition de l’intérêt général, traditionnellement incarné dans notre pays par la puissance publique. Désormais, nombreux sont ceux qui pensent que l’intérêt général peut aussi résulter de la convergence de multiples efforts déployés par des acteurs de la société civile : associations, organisations non gouvernementales, entreprises, fonda- tions ou encore philanthropes. La deuxième raison tient au fait que l’État voit son rôle remis en cause par les théories néolibérales, qui imprègnent davantage que pendant les Trente Glorieuses les discours publics.

Désormais, il est attendu que la société civile et les acteurs privés prennent en charge une partie des missions traditionnellement assumées par les collectivités publiques, dans le domaine social, sportif, humanitaire, éducatif ou encore culturel. Cela passe aussi bien par l’essor des partenariats public-privé que par l’encouragement au développement du bénévolat, ou encore par la promotion du mécénat et de la philanthropie. La dernière raison tient au fait que de puissants acteurs de la philanthropie du monde anglo-saxon, comme Warren Buffet ou William (dit Bill) Gates, à la tête d’immenses fortunes, plaident

par des actions à l’échelle internationale pour que d’autres pays que les États-Unis d’Amérique adoptent les pratiques du don et de la philanthropie, engageant notamment les individus les plus riches à consacrer la moitié de leur fortune à des actions philanthropiques.

Il y a là un changement radical de perception vis-à-vis du rôle du mécénat et de la phi- lanthropie, qui s’est traduit successivement par un assouplissement des règles de constitution des fondations reconnues d’utilité publique, par la création du statut de fondation d’entreprise, par un accroissement des avantages fiscaux liés au mécénat et par la création du statut de fonds de dotation, un instrument utilisé par exemple par le musée du Louvre pour permettre une capitalisation des dons dans la durée (en n’utilisant en principe que les revenus du capital pour participer au financement de l’institution).

Un plus pour la culture

Le mécénat représente assurément une source potentielle de financement pour les institutions culturelles, même si son apport ne doit pas être surestimé. En tout état de cause, on peut penser que son apport n’est pas uniquement financier. En effet, la relation avec des entreprises implantées dans un

L’intérêt général peut aussi résulter de la convergence de multiples efforts déployés par des acteurs de

la société civile

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DOSSIER ⁄ QUEL AVENIR POUR LE MÉCÉNAT CULTUREL ?

territoire permet de tisser des liens permettant de conduire des actions en direction des salariés de ces sociétés, qui ne fréquentent pas nécessairement régulièrement les théâtres, les maisons d’opéra, les salles de concert ou les musées. De plus, la mise en évidence de partenariats avec le tissu productif local permet de mieux affirmer la place de

l’institution culturelle dans son territoire, un argument pouvant conduire à un soutien accru des collectivités publiques. Enfin, l’aide d’entreprises, de fondations et de particuliers aux institutions culturelles peut conduire à un renforcement de l’attractivité d’une ville ou d’une région, favorisant de la sorte son essor économique.

#

Le fonds de dotation est un organisme de mécénat destiné à réaliser une œuvre ou une mission d’intérêt général ou à aider un autre organisme à but non lucratif à accomplir une œuvre ou une mission d’intérêt général. La dotation initiale pour créer un fonds de dotation est fixée à 15#000 euros au minimum.

Complément+

Le loto du patrimoine

Réclamé depuis longtemps par des associations de sauvegarde du patrimoine, et des représentants du monde culturel plus généralement, l’idée d’un loto du patrimoine a finalement vu le jour sous l’égide de la Française des Jeux (FDJ), en relation avec la Fondation du Patrimoine. Déjà en 2001, Pierre Rosenberg, alors directeur du musée du Louvre, en faisait un levier pour venir au secours des musées et des monuments, sur le modèle de ce qui existe à l’étranger, au Royaume-Uni par exemple. À présent, grâce à une forte médiatisation due notamment à la popularité de l’animateur de télévision Stéphane Bern, l’objectif est d’apporter 15 à 20 millions d’euros pour permettre la protection de divers éléments : patrimoine historique, religieux, ethnographique, industriel, etc. Il s’agit ainsi de profiter de l’engouement des Français en faveur du patrimoine pour solliciter leur générosité à travers un jeu de hasard, avec le support d’une vaste campagne de publicité. Sont concernés non seulement des monuments

prestigieux, mais aussi des sites plus modestes : des ponts, des forts ou encore des maisons d’écrivain pouvant être rénovés

«!dans un délai raisonnable!».

Le tirage spécial du Super Loto «!Mission patrimoine!» a eu lieu le 14 septembre 2018, à la veille des Journées du patrimoine, doté d’un «!jackpot!» de 13 millions d’euros. Quant au jeu à gratter «!Mission patrimoine!», il est doté d’un gain maximal de 1,5 million d’euros.

Les tickets sont proposés pendant plusieurs mois dans les 30!800 points de vente de la FDJ, en ligne et dans quelques lieux phares comme le château de Chambord ou le Mont Saint-Michel. Les joueurs ont une chance sur trois de gagner au minimum 15 euros. Ce qui peut apparaître comme une bonne nouvelle soulève toutefois plusieurs interrogations.

Il existe une crainte que cette nouvelle ressource ne parvienne pas à compenser une progressive diminution des moyens de l’État affectés à la protection du patrimoine. Or, les besoins dans ce domaine sont évalués à plusieurs centaines de millions d’euros. Le loto du patrimoine a sélectionné 269 sites et 18 d’entre eux jugés en péril (soit un par région métropolitaine et cinq pour

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