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« Une sociologie de la décision alimentaire. L’observance diététique chez des mangeurs hypercholestérolémiques ».. Thèse de doctorat de sociologie, Université de Toulouse II, juin 2011. Sous la direction de Jean-Pierre Poulain.

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Texte intégral

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à la Santé

 

84 | 2011 84

« Une sociologie de la décision alimentaire.

L’observance diététique chez des mangeurs hypercholestérolémiques ».

Thèse de doctorat de sociologie, Université de Toulouse II, juin 2011.

Sous la direction de Jean-Pierre Poulain.

Tristan Fournier

Édition électronique

URL : http://journals.openedition.org/amades/1270 DOI : 10.4000/amades.1270

ISSN : 2102-5975 Éditeur

Association Amades Édition imprimée

Date de publication : 10 novembre 2011 ISSN : 1257-0222

Référence électronique

Tristan Fournier, « « Une sociologie de la décision alimentaire. L’observance diététique chez des mangeurs hypercholestérolémiques ». », Bulletin Amades [En ligne], 84 | 2011, mis en ligne le 17 octobre 2012, consulté le 08 septembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/amades/1270 ; DOI : https://doi.org/10.4000/amades.1270

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« Une sociologie de la décision

alimentaire. L’observance diététique chez des mangeurs

hypercholestérolémiques   ».

Thèse de doctorat de sociologie, Université de Toulouse II, juin 2011.

Sous la direction de Jean-Pierre Poulain.

Tristan Fournier

 

L’hypercholestérolémie : un problème majeur de santé publique

1 L’hypercholestérolémie est un problème de santé publique de premier ordre : elle concernerait au moins 20% de la population française1 et serait responsable, selon l’OMS, de 4.4 millions de décès prématurés chaque année dans le monde. La littérature médicale met l’accent sur le fait qu’elle constitue un facteur de risque cardio-vasculaire majeur et insiste en même temps sur l’existence d’un véritable levier d’action à son égard : la diététique2. La réduction de la consommation de certains aliments à forte teneur en graisses animales (viandes et charcuteries, laitages non-écrémés etc.) permettrait d’abaisser le taux de LDL-cholestérol (le « mauvais cholestérol ») et par là- même la survenue d’accidents ou de maladies cardio-vasculaires. Les individus diagnostiqués avec un taux élevé de cholestérol sanguin sont invités à modifier leur alimentation selon les recommandations de l’AFSSAPS – l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé. Cependant et même si les modalités de prévention et de traitement de l’hypercholestérolémie apparaissent comme relativement bien stabilisées d’un point de vue scientifique, cette stratégie médicale se heurte aux limites de l’observance de la prescription diététique. 

 

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Problématique et méthodologie

2 Cette thèse prend appui sur une recherche commanditée par la Nouvelle Société Française d’Athérosclérose (NSFA) et émane en premier lieu d’une demande de la part de médecins spécialistes du métabolisme humain et des pathologies cardio-vasculaires.

Désireux de mieux comprendre le comportement notamment alimentaire de leurs patients   hypercholestérolémiques,   ils   souhaitaient  faire   appel   à   un  socio- anthropologue de l’alimentation pour tenter d'expliquer ce qu'ils ressentaient comme des freins à la mise en œuvre au quotidien de leurs conseils nutritionnels.

3 Deux postures de recherche ont été adoptées. La première questionne le cadrage opéré par les médecins et permet de documenter le processus de construction sociale de la dimension pathologique de l’hypercholestérolémie. La seconde assume le cadrage médical et traite des modalités de réception des messages de prévention nutritionnelle.

Cette entrée épistémologique particulière inscrit mon travail dans un double héritage.

D’abord la distinction que Robert Straus3 a suggérée dans le champ de la sociologie médicale, entre une sociologie in plutôt appliquée et une sociologie of relativement critique. Ensuite, l’articulation que Didier Fassin4 a proposée d’opérer entre les approches constructiviste et réaliste. Selon ce dernier, « le constructivisme seul tend à déréaliser les problèmes de santé qu’il présente comme de pures créations sociales. Et le réalisme isolé tend à réifier les problèmes de santé en négligeant le rôle que jouent les agents pour leur donner une place dans l’espace public ».

4 La thèse tente donc d’apporter, en la sociologisant, des éléments de réponse à une question   émanant   du   monde   médical :   pourquoi   des   individus   atteints d’hypercholestérolémie et donc surexposés à des risques cardio-vasculaires ne mettent-ils pas en application les conseils diététiques formulés par leur médecin ? 

5 Trois phases d’enquête ont été menées : 1) des entretiens d’experts, dans le but d’identifier les controverses qui ont transformé l’hypercholestérolémie en un problème de santé publique majeur ; 2) des entretiens individuels et collectifs auprès de

« mangeurs à risques », afin de saisir les principaux freins au suivi des règles hygiéno- diététiques prescrites et les formes de régulation sociale de cette « pathologie » ; et 3) une enquête quantitative, avec passation de questionnaires auprès de 800 individus, ayant pour but la description socio-démographique de la population d’étude et la validation statistique des résultats qualitatifs.

 

Quelques résultats

6 Les résultats gagnent à être présentés en deux parties, selon les deux postures de recherches mobilisées : l’une qui questionne le cadrage médical, l’autre qui l’assume et tente de répondre à la demande formulée par les médecins.

 

Une sociologie historique du cholestérol

7 Comment en est-on arrivé à ce qu’un taux de cholestérol élevé soit appréhendé comme un facteur de risque cardio-vasculaire puis comme un ennemi de santé publique ? Comment les seuils délimitant un taux de cholestérol normal d’un taux pathologique sont-ils construits et légitimés ? Comment certaines pratiques et certains aliments sont-ils désignés comme « risqués » et à quelle échelle le sont-ils réellement ? Comment

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les nouvelles normes alimentaires et médicales sont-elles produites et diffusées ? Autant de questions qui ont appelé à l’élaboration d’une sociologie historique du cholestérol. La sociologie des sciences a permis d’identifier les nombreuses controverses scientifiques qui ont porté le phénomène. Depuis les années 1950, ces controverses opposent d’un côté les partisans de ce que l’on appelle la « diet heart idea », théorie prônant une forte corrélation entre consommation d’aliments gras, taux de cholestérol et risques cardio-vasculaires, et de l’autre côté les critiques de cette théorie, attaquant la méthodologie des grands essais thérapeutiques à partir desquels les recommandations nutritionnelles ont été construites. Le problème du cholestérol a ainsi longtemps partagé la communauté des chercheurs. En arrière plan de cette querelle scientifique, il restait à déceler l’influence des lobbies médicaux – notamment pharmaceutiques – et de l’agro-alimentaire qui ont été particulièrement prégnants dans la construction ou la déconstruction sociale de la dimension pathologique de l’hypercholestérolémie. Les premiers ont intérêt à ce qu’elle soit considérée comme un problème   de   santé   publique   important   puisque   les   médicaments hypocholestérolémiants – en particulier les statines – sont aujourd’hui les plus vendus au monde, tous médicaments confondus. Les lobbies de l’agro-alimentaire doivent quant à eux être partagés entre d’une part les industries qui commercialisent des alicaments supposés réduire le taux de cholestérol (notamment les margarines et produits laitiers enrichis en phyto-stérols) et d’autre part les industries qui tentent de défendre les produits pointés du doigt (comme le beurre) en justifiant leur consommation au nom de la tradition et de l’identité du modèle alimentaire français.

8 Aujourd’hui, la querelle scientifique semble s’achever et cela a notamment été justifié par la  publication  de  données  scientifiques jugées « solides ». Ces données démontraient que le fait d’abaisser le taux de cholestérol diminue la survenue d’accidents cardio-vasculaires, et que diététique et médicament sont à ce titre efficaces.

En France, l’un des principaux critiques du cholestérol était le professeur Marian Apfelbaum, une grande figure des sciences de la nutrition. Voici comment il réagit lorsque je lui demande qu’il me raconte sa position à l’égard de cette « pathologie » : je cite « j’ai perdu la bataille, il n’y a plus de controverses autour du cholestérol ». En réalité, il existe encore quelques critiques en provenance de ceux que j’ai appelés les

« activistes anti-cholestérol ». La controverse ne serait pas encore enterrée notamment du fait que ces activistes ont toujours accès à la publication dans des revues internationales extrêmement légitimantes. Toutefois, leur nombre et leur activité se sont considérablement réduits. 

 

Les déterminants sociaux de l’observance diététique

9 Les résultats confirment que les mangeurs réagissent en fonction des contextes dans lesquels ils évoluent, inscrivant mon travail dans une approche interactionniste du comportement alimentaire. Grâce aux outils qualitatifs et quantitatifs mobilisés, j’ai démontré que les situations physiques, temporelles et interactionnelles influencent les comportements des mangeurs. Pratiquement, le rapport à l’alimentation varie en fonction du type et du cadre de repas, de l’étape du cycle de la vie des mangeurs, et de la présence et du rôle des convives. Le rapport à l’alimentation, et surtout à la place accordée à la santé dans l’espace de décision alimentaire, apparaît comme étant dynamique et évolutif, me rapprochant de la théorie du « mangeur pluriel » élaborée par Jean-Pierre Corbeau5.

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10 La thèse montre ensuite que les manières dont les patients font face à cette

« pathologie » chronique ne sont pas vraiment construites dans une perspective individuelle mais sont plutôt à resituer dans les contextes sociaux et familiaux. Ce résultat m’a permis de redéployer la tradition sociologique à propos du concept de locus of control6 et ainsi de renouer avec l’approche critique que Michael Pollak avait conduite à l’égard du Health Belief Model car trop individualiste7.

11 Enfin, et il s’agit là du résultat sur lequel j’aimerais surtout mettre l’accent, à savoir comment l’environnement social pèse sur les décisions alimentaires. Certes, l’ambivalence de cette influence a bien été décrite par Jeffery Sobal8 dans ce beau texte consacré aux repas et à la sociabilité, mais j’ai tenté de mieux comprendre encore pourquoi la présence de certains individus perturbe ou au contraire favorise l’adoption et le suivi de recommandations nutritionnelles. L’observance ou l’inobservance diététique est une question qui ne peut pas se penser en dehors des contextes sociaux.

Elle nécessite bien d’analyser les effets du « manger ensemble » mais aussi du « vivre ensemble ». A mon sens, l’aspect novateur réside dans l’articulation opérée entre la sociologie de l’alimentation et les travaux de sociologies de la famille et du genre. Les situations maritales, les rôles sexués attribués à chacun des membres de la sphère domestique et le niveau de prise que les individus ont ou n’ont pas sur leur alimentation sont donc essentiels à identifier afin de comprendre comment les messages de prévention sont appréhendés. Il apparaît que les individus les plus autonomes en termes de gestion alimentaire sont les plus observants. Toutefois, les plus dépendants, c'est-à-dire les personnes qui ne font pas les courses ou qui ne cuisinent pas limitent le nombre d’écarts au régime prescrit lorsque leur alimentation est gérée par un proche. Dans cette situation, le schéma caricatural de l’homme hypercholestérolémique dont la compagne tente de modifier les habitudes alimentaires reste parfaitement d’actualité.

NOTES

1.  Ferrières J, Bongard V, Dallongeville J et al., 2009, “Trends in plasma lipids, lipoproteins and

dyslipidaemias in French adults, 1996-2007”, Archives of Cardiovascular Diseases, 102(4): 293-301.

2.  Grundy SM, Cleeman JI, Merz CNB et al.for the Coordinating Committee of the National

Cholesterol Education Program, 2004, “Implications of recent clinical trials for the National Cholesterol Education Program Adult Treatment Panel III Guidelines”, Circulation, 110: 227-239.

3.  Straus R, 1957, “The nature and status of medical sociology”, American Sociological Review,

22(2): 200-204.

4.  Fassin D, 2005, Faire de la santé publique, Rennes, ENSP.

5.  Corbeau JP, 1997, « Pour une représentation sociologique du mangeur », Economies et Sociétés,

Série Développement Agroalimentaire, 23 : 147-162.

6.  A ce sujet, voir notamment Elias N, 1973 [1939], La civilisation des mœurs, Paris, Calmann-Lévy.

7.  A ce sujet, voir notamment Schiltz MA & Pierret J, 2008, « Du regard sociologique à l’action : la

création d’un système d’observation en milieu homosexuel », in Israël L & Voldman D, Michael Pollak. De l’identité blessée à une sociologie des possibles, Ed. Complexe, 227-247.

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8.   Sobal J, 2000, “Sociability and meals: Facilitation, commensality, and interaction”, in Meiselman HL (Ed.), Dimensions of the meal: The science, culture, business, and art of eating, Gaithersburg, Aspen Publishers, 119-133.

AUTEUR

TRISTAN FOURNIER

Université de Toulouse II, CERTOP CNRS (UMR5044), Pôle Tourisme – Alimentation – Santé

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