RELATION ENTRE LES DÉPÔTS ADIPEUX VISCÉRAUX
ET LES LIPIDES CORPORELS CHEZ LE POULET
P. DELPECH F. H. RICARD Station de Recherches avicoles,
Centre natiorzal de Recherches
aootechniques, Jouy-en-Josas (Seine-et-Oise),
Staiio k
i
expérimentale
d’Aviculture duMagnerau d , Sairat-Pierre-d’-4milly (Cha y ente -Ilariiiine)
SOMMAIRE
Nous avons pu démontrer l’existence d’une relation étroite entre le
poids
deslipides corporels
et le
poids
des tissusadipeux
viscéraux chez le coquelet entre 8 et 19semaines.Nos résultats sont discutés en fonction de la
composition
durégime.
Ils montrent que la relation n’est pas la même selon le niveauénergétique
alimentaire. Il est doncindispensable
de bien contrôler les conditionsd’élevage
si l’on veutappliquer
convenablement la méthode.On mesure encore
fréquemment
l’efficacité alimentaire par legain
depoids
desanimaux. De
même,
les étudesgénétiques
de croissance visentgénéralement
l’amé-lioration
pondérale globale
des individus. Or les variations depoids
vif concordent rarement avec undéveloppement
harmonieux des différents tissus. En effet une aug- mentation des tissusadipeux peut
souventreprésenter
lamajeure partie
dugain
depoids.
La détermination del’importance
de cesdépôts
revêt donc ungrand
intérêt.Pour
l’apprécier
chez les mammifèresdomestiques
on a recours à la dissectioncomplète
depréférence
à l’extraction deslipides corporels.
Cesopérations
n’endemeurent pas moins
longues
et délicates. Aussi de nombreuses méthodes d’esti- mation indirecte ont été mises en oeuvre. Ellescorrespondent
à desappréciations subjectives,
à des mesuresphysiques
ouchimiques.
Leurdescription
a étépassée
en revue par DuMO!;T,
1958.
Chez les oiseaux l’extraction des
lipides
estplus
aisée que chez les mammifères.Elle est d’ailleurs
plus
souventpratiquée
que la dissection totale. Mais le contrôle d’ungrand
nombre d’individus en limitel’usage
pour les étudesgénétiques.
Ici encoredes méthodes indirectes ont été
éprouvées
faisantappel
àl’appréciation subjective
de la
répartition
desdépôts adipeux
sur la carcasse(CoMBS
etHE LBACKA , ig 5 g),
àl’analyse chimique
d’échantillons de muscles et de la peau de la cuisse(MBH NBR
etToxG!s, 19 6 2 )
sans contrôler la validité de leuremploi.
Nous avons voulu examiner si les tissus
adipeux
de la cavitéabdominale, quoi- qu’ils
contiennent de l’eau et duconjonctif
enplus
deslipides, représentent
d’unemanière convenable l’ensemble des
lipides corporels.
MATÉRIEL
ETMÉTHODES
Nous utilisons comme matériel
expérimental
despoussins
mâles issus du croisement commercial TCA 1 r7de type chair. Ces oiseaux sontrépartis
en 2lots, élevés au sol et éclairés rz heures parjour.
Ils
reçoivent
deuxrégimes
à base de maïs et de tourteau desoja
cuit. Ceux-ci renferment 10 p. 100de matières azotées totales et z 63o calories métabolisables pour l’un et 345o pour l’autre. Ce sup-
plément d’énergie
estapporté
par leremplacement
de 10p. 100de cellulose et de i p. 100d’amidon par Ip. ioo d’huile de maïs.’
A 8, io, 12, y et rg semaines, 9 animaux de
chaque régime
sont sacrifiés parasphyxie puis pesés.
Ils sont choisis au hasardparmi
lespoulets
dont lepoids
vif est voisin de la moyenne du groupeauquel
ilsappartiennent.
Après réfrigération
des animaux entiers, nousprélevons
et pesons lesdépôts adipeux
viscéraux,constitués par le tissu
adipeux mésentérique qui comprend
aussi ledépôt qui
entoure legésier.
Ilssont ensuite
réincorporés
dans la carcasse. Celle-ci est alorsbroyée
et unepartie aliquote
estlyophy-
lisée. Les
lipides
sont extraits par la méthode de KUMAGAWA : 8 heures à l’alcooléthylique
à 95p. 100 et 2heures à l’étheréthylique.
L’extrait est desséchépuis repris
par le benzène. Nousappelons lipides
totaux l’extrait ainsi
obtenu.
RÉSULTATS
L’évolution des
lipides
totaux et du tissuadipeux
viscéral estrapportée
dansles tableaux 1 et 2.
Pour tous les
prélèvements
il existe unegrande
variabilité des valeurs deslipides
totaux et des
dépôts adipeux
viscéraux. Elle estsoulignée
parl’importance
desécarts-type.
Sonamplitude
est d’ailleursplus marquée
pour les tissus abdominauxque pour les
lipides corporels.
Ainsi dans un même lot unpoulet possède o,08
p. 100 de tissu viscéral tandisqu’un
autre en renfermeo,88
p. 100. La teneur enlipides
varie dans les mêmes conditions de 5,43à Io, 55p. Ioo. Cette variabilité attire d’autant
plus
l’attention que nous avons choisi des animaux depoids
voisin àchaque âge.
Les valeurs moyennes nous montrent une
augmentation,
avecl’âge,
desdépôts adipeux
viscéraux et deslipides corporels.
S’il existe une diminution de la teneur enlipides
totaux entre z4et 19 semaines chez les oiseauxqui
consomment lerégime
debase,
elle n’est passignificative.
Par ailleurs nous notons à tous lesâges
undévelop-
pement plus important
des tissusadipeux
et deslipides corporels
chez les animauxqui reçoivent
la ration additionnée d’huile. Nous constatons en outre que lapart
desdépôts
viscéraux estplus grande
avec lerégime
gras(tabl. 3 ).
Nous observons peu de variations de cette
proportion
en fonction del’âge
chezles animaux
qui reçoivent
lerégime
de base tandisqu’elle
passe de7 ,8
à9 ,8
p. 100 entre 12 et 14 semaines chez les oiseauxqui ingèrent
la ration laplus énergétique.
Nous avons calculé pour
chaque âge
et pour l’ensemble desprélèvements
lescoefficients de corrélation et de
régression
entre leslipides
totaux et lesdépôts
adipeux
viscéraux. Ils sont rassemblés dans le tableau 4.Les coefficients de corrélation sont
statistiquement significatifs
etindiquent
uneliaison étroite entre ces deux mesures, à une
exception près : régime
gras à 12 semaines. Il est vraisemblable que cette anomalie est due aux mauvaises conditionsd’élevage
de ce lot entre 10et 12semaines. Nous avons effectué un testd’homogénéité
de l’ensemble de ces coefficients
(MoRrc!
etCHARTIER, zg 54 ).
Ceux-cipeuvent
être considérés commeappartenant
à une mêmepopulation (probabilité de x 2 comprise
entre 5o et 70 p.
100 ).
La valeurpondérée
du coefficient de corrélation estégale
àà !-
0 ,88.
La liaison linéaire est admissible ainsi que nous .le montre le test de vraisem- blance
indiqué
par MORICB etCHARRIER, ( 1954 ).
Nous pouvons doncreprésenter
larelation
qui
lie leslipides
totauxcorporels
au tissuadipeux
viscéral par des droites.Bien entendu nous observons
parmi
les coefficients deregression
la mêmeexception
que pour les coefficients de corrélation.
Les
pentes
des droites derégression correspondant
à l’un ou l’autre desrégimes
et à un
âge
donné sontgénéralement
différentes. Parailleurs,
pour unrégime donné,
le coefficient de
régression correspondant
à l’ensemble desprélèvements
s’écartenotablement de ceux obtenus aux différents
âges.
Mais les variances conditionnelles à
chaque âge
ne sont pashomogènes d’après
le test de BARTLBTT
( I937 ).
Nous avons pu leshomogénéiser
en transformant les don- nées et en lesexprimant
en centièmes dupoids
mort.Dans ces
conditions,
pour chacun des deuxrégimes,
le testd’homogénéité
despentes, proposé
parU!,MO,
1959 nousindique
que lapente
définie par la moyennepondérée
des coefficients derégression
obtenus àchaque âge
nediffère pas
de cellequi
correspond
à l’ensemble desprélèvements.
Nous remarquons d’ailleurs que cette dernièrepente possède
une valeur nettement inférieure à celle que nous obtenonsavec les données
exprimées
en grammes. Par ailleurs les coefficientsangulaires
desdroites
représentatives
durégime
de base et durégime
enrichi en huile sont distinctescomme nous
l’indique
le test t de STUDENT-RISHER. Nous obtenons leséquations
suivantes :
(Régime
debase)
Lipides
totaux p. ioo = 5,g tissuadipeux
viscéral p. 1001 5,05.(Régime
enrichi enlipides)
Lipides
totaux p. 100 = 3,4 tissuadipeux
viscéral p. ioo -!7 , 2 8.
DISCUSSION
La
grande
variabilité de la teneur enlipides
totaux et del’importance
desdépôts adipeux
viscéraux chez lespoulets
d’un stade donné confirme l’intérêtd’apprécier
la
composition corporelle
des animaux. Il estprobable
que lecomportement
alimen- taire individueljoue
un rôleconsidérable.
Il faudrait étudier cette variabilité enrassemblant des données
plus
nombreusesqui
tiennentcompte
à la fois dupoids
desoiseaux et de leurs consommations individuelles.
Nous ne sommes pas les seuls à avoir trouvé une liaison étroite entre les
lipides corporels
et le tissuadipeux
viscéral. POLEY et al.( I940 )
l’ontdéjà indiqué
maisils n’ont pas fourni de
justification
chiffrée. Bocc!RD et Du:nowT( 19 6 0 )
ont trouvéune relation
analogue
chezl’agneau :
le coefficient de corrélation entre l’ensemble des tissusadipeux disséqués
et ledépôt périrénal
est deo,80. Cependant
la naturede la liaison diffère suivant le mode
d’expression
des données(valeurs
absolues ouvaleurs
relatives).
Dans lesgraphiques
i et 2 les droites obtenues àchaque âge forment
une série de marches d’escalier. Il existe donc une discontinuité entre chacun des groupes de mesures.Lorsque
nous tentons de les rassembler pour l’ensemble de lapériode
étudiée(8
à 19semaines),
nous continuons bien à obtenir unerégression
linéaire mais la
pente
de la droite traduit en faitl’augmentation
de variance d’unprélèvement
à l’autre.Lorsque
nous éliminons lepoids
des animaux de larégression,
en
comparant
lespourcentages
delipides
totaux et dedépôts adipeux viscéraux,
nous faisonsdisparaître
la discontinuité entre les groupes.Un autre
point remarquable
résulte de l’existence d’une ordonnée àl’origine posi-
tive des deux droites du
graphique
3. Ce fait nouspermet
de supposer que lesdépôts
viscéraux
apparaissent plus
tardivement que la moyenne des autres tissusadipeux.
Poi,E
y et al.
(ig 4 o)
aboutissentdéjà
à la même conclusion. Ils observent comme nous uneproportion plus importante
de cesdépôts
dans leslipides corporels quand ?’âge
des animaux passe de 17à 26 semaines. Ceci
correspond
à despoids
vifs de l’ordre de I200 et 2500 grespectivement.
Ces auteurs constatent par ailleurs que, suivant la nature des céréales
qu’ils distribuent,
lapart
deslipides
des tissus viscéraux dans leslipides corporels
varie.LEO N
G et at.
( I959 )
ont aussi observé uneaugmentation
concomitante deslipides
corporels
et desdépôts adipeux
abdominauxlorsque
la ration depoulets
de 9semainesest à taux
énergétique plus
élevé. Nos résultats confirment ces observations. Cela semanifeste par la différence de
pente
des droites derégression
dugraphique
3. En outre POLEY et al.( y 4 o) enregistrent
suivant lesrégimes
uneaugmentation
variable des
proportions
de tissusadipeux
viscéraux dans leslipides corporels,
entre17et 26 semaines. Nos résultats concordent
également
sur cepoint.
Dans le tableau 3 laproportion
dedépôts
abdominaux demeurepratiquement
constante avec lerégime
de base. Elle
augmente
fortement avec la ration enrichie en huile de maïs.L’élévation du niveau
énergétique
de la ration accélère la vitesse de formation des tissusadipeux.
C’est bien ce que nous montrel’augmentation
de lapart prise
par les
dépôts
viscéraux dans leslipides
totaux chez lespoulets qui reçoivent
lerégime
enrichi enénergie.
Nous pouvons admettre que cette accélération soit carac-téristique
de chacun desdépôts pendant
unepériode
de croissance donnée. Il s’éta- blirait ainsi unepriorité
à l’intérieur des tissusadipeux
comme il en existe entre lescompartiments corporels,
selon HALVIMOND(t9I4).
Reçu pour publication en janvier
i96!.SUMMARY
RELATIONS BETWEEN VISCERAL FAT DEPOSITS AND BODY LIP!!>, IN THE CHICKEN
Cockerels were given two diets based on maize and soya bean, with 10 per cent crude
protein
and
differing
in that one had i per cent maize oil and the other had none. The dietssupplied
3450 and z 63o kcal metabolisable energy perkg. Changes
in visceral fatdeposits
were studied between 8and r9 weeks in 9 birds of
weight representative
of each group at each stage.I
. At each age there was a linear relation between the
weight
of totalbody lipids
obtainedby
extraction and that of visceral fatdeposits
or mesenteric fatincluding
that round thegizzard.
The
slope
of the regression for allsamples
combined differed from those for the separate stages(graphs
I and 2). This difference was eliminated when values for the two variables were related to theweight
of the birds. There was then asingle
relation common to all ages(graph.
3).2
. The regressions
relating
percentage total bodylipids
and visceral fatdeposit
differed between the two diets. Abdominal tissue made up a greaterproportion
of the totallipids
in chickensgiven
the diet enriched with oil. That
proportion
increased with age in those birds. In the birdsgiven
the basal diet without oil it remained
unchanged
(table 3).3
. It seemed that the abdominal fat
deposit appeared
later than the average of the otherfatty
tissues.
4
. The relation could be
applied
in selection as a method forcomparing
birds fed on the samediet.
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