Embryogenèse somatique chez trois espèces
de chênes méditerranéens
C. Féraud-Kelier, M. El Maâtaoui, O. Gouin H. Espagnac
Laboratoire de
Biologie Végétale Expérimentale,
Faculté des Sciences, 33, rue Louis-Pasteur,84000
Avignon,
FranceIntroduction
Dans le cadre d’une
analyse
de lamultipli-
cation
végétative
de chênes méditerra-néens,
nous avons pu obtenir desembryons somatiques
chez troisespèces (Quercus suber,
El Maâtaoui etEspagnac, 1987;
Q.ilex,
Féraud-Keller etEspanac,
1989; Q.
pubescens).
Letype
de matérielvégétal
utilisé et les conditions d’obtention étant différentes pourchaque espèce,
ilnous a semblé utile
d’exposer
ces résul-tats.
Matériel et Méthodes
Pour le chêne
liège (Q. suber)
le matériel est fourni par dejeunes
individusâgés
de 6 à 8mois obtenus à
partir
deglands
récoltés en Tunisie, cultivés en serre àAvignon
et sur les-quels
sontprélevées
desportions
d’entre-nceuds d’une
longueur
d’environ 5 mm. Pour lechêne vert
(Q. ilex),
lesimplants
sont desfrag-
AIB: acide indolylbutyrique: ANA; acide naphtalène-acétic
ments de limbes pourvus de la nervure
princi- pale
et despétioles
entiers de feuilles récoltéessur la pousse de l’année d’arbres
âgés
d’envi-ron 50 ans. Les
embryons zygotiques
imma-tures de chêne
pubescent (Q. pubescens)
et dechêne
liège
sontprélevés
sur desglands
prove- nant depopulations
naturelles.Tout ce matériel à
l’exception
desfragments
de chêne vert, est
implanté après
une déconta-mination par un
trempage rapide
dans l’éthanol à 70% suivi d’un traitement de 25 min dansl’hypochlorite
de calcium à 45g/1
et de trois rin-çages à l’eau stérile. Le chêne vert lui est stéri- lisé par un passage de 20 min dans
l’hypochlo-
rite de calcium à 90
g/1 puis
rincé à l’eau stérile.Plusieurs essais
préliminaires
nous ontconduits à
adopter
le milieu de base de Mura-shige
etSkoog
contenant, pour le chêneliège
et le chêne
pubescent,
20g/1
deglucose,
8g/1
de
gélose,
1g/1 d’hydrolysat
de caséine, 2mg/1
d’AIB et 2
mg/1
de BAP et, pour le chêne vert.30
g. % I
de saccharose, 8g/1
degélose,
100mg/1
d’inositol, 0,5mg.’1
d’ANA et 4mg/1
de BAP. LepH
estajusté
à 5 6 avant unautoclavage
de 15 5min à 110°C. Les
fragments
sontplacés
hori-zontalement à la surface du milieu, en tubes ou
en boîtes de Pél!ri. Les cultures sont
placées
dans une salle climatisée à 25°C sous une
pho- topériode
de 16 h.l
ue, BAP: 6-benzylaminopurine; 2,4-D: acide dichlorophé- AIB: acide indolylbutyrique: ANA acide naphtalène-acétique: BAP: 6-benzylaminopurine; 2,4-D: acide dichlorophé- noxyacetique.
Les contrôles
histologiques
ont été réaliséssur matériel fixé dans le
mélange
FAA(formol:acide acétique:éthanoi,
10:10:9,v/v), déshydraté
dans l’éthanol et inclus dans laparaffine.
Les coupes en série, d’uneépaisseur
de 7 ,um, ont été colorées à
l’hématoxyline-
safranine-bleu d’aniline.
Résultats
Chez le chêne
liège,
2 semainesaprès
leur mise en
culture,
tous lesfragments
d’entre-noeuds commencent à émettre des cals blanchâtres
plus
ou moins volumi-neux. Ils
apparaissent
tout d’abord auxdeux extrémités des
fragments
avantd’émerger
des lenticelles et recouvrir la totalité desexplants.
Détachés des entre-nœuds
qui
les ontengendrés,
etrégulière-
ment
repiqués
sur un milieufrais,
ces cals continuent àproliférer, prennent
unaspect granuleux
et deviennentchlorophylliens.
Maintenus 5 à 7 semaines sans
repi-
quage, unpetit
nombre d’entre eux(3%) produisent
à leur surface depetites
bour-souflures se détachant avec facilité. La
plupart
d’entre elles évoluentrapidement
en
embryons somatiques.
Chez le chêne vert, les
premiers
calsapparaissent
au bout de 4jours. Après
7mois de culture sans aucun
repiquage,
àla surface des cals s’individualisent de
petites protubérances sphériques.
Ces&dquo;nodules
primaires»
sontrepiqués
un àun.
Exposés
à lalumière,
ilsprolifèrent
encals
chlorophylliens
sans aucune organo-genèse. Quelques-uns (3%)
de ceux culti-vés à l’obscurité
produisent
de nouvellesprotubérances
ou «nodules secondaires&dquo;qui repiqués
aussi bien à la lumièrequ’à
l’obscurité
produisent
desembryons somatiques.
Chez le chêne
liège
et le chênepubes-
cent, les
embryons zygotiques
excisés àdes stades très
précoces
de leurdévelop- pement
se nécrosent totalement. Prélevésau contraire à un stade
proche
de la matu-rité,
ilspoursuivent
leurdéveloppement
«normal» en une
jeune plante.
Aux stadesintermédiaires,
ilsproduisent
des em-bryons somatiques;
lephénomène
estgénéralisé
et affecte toute leur surfacepour les
plus jeunes
ou bien se localise àl’extrémité radiculaire chez ceux
qui
étaient un peu
plus
avancés dans leurdéveloppement.
Dans tous les cas,chaque embryon somatique
se forme àpartir
d’une cellulesuperficielle
del’embryon zygotique,
sansqu’il
yait,
àquelque
moment que cesoit,
mise enplace
d’un cal.Chez les trois
espèces
que nous avons testées tous lesembryons somatiques
obtenus ont
produit
enquantité importante
des
embryons
secondaires. Cephéno-
mène
comparable
à cequi
a été décrit par Maheswaran et Williams(1985)
chez Tri-folium repens ou par Michaux-Ferrière et al.
(1987)
chez Coffea arabica met doncen
place
une«embryogenèse somatique
adventive»qui,
dans le cas de nos chênesau
moins,
sepoursuit apparemment
defaçon
indéfinie.Discussion
On retrouve chez le chêne les deux moda- lités
d’embryogenèse somatique
décritespar les auteurs.
Directe,
àpartir
desembryons zygotiques
immatures de Q.suber ou Q.
pubescens,
sans aucun doute parce que cesembryons
sont entièrement constitués de cellulesméristématiques.
Indirecte,
àpartir
desfragments
d’entre-noeuds de Q. suber ou de
pétioles
de Q.ilex;
dans ces deux cas, eneffet,
lephé-
nomène nécessite la mise en
place préa-
lable d’un cal. Bien que ces résultats concernent deux
espèces différentes,
iln’est pas sans intérêt de noter que :
1 )
dans nos
expériences,
l’obtention desembryons
a étéplus rapide (7 semaines)
à
partir
de cals fournis par desfragments prélevés
sur des individusjeunes (8 mois) qu’à partir
de ceux mis enplace
par despétioles
récoltés sur des arbres de 50 ans;2)
dans les deux casd’embryogenèse indirecte,
lerepiquage régulier
des calsexerce un rôle inhibiteur sur la mise en
place
del’embryogenèse somatique.
Onpeut
penser que lafragmentation prati- quée
au moment de latransplantation
relance la
prolifération
etempêche
ainsi lecal de
s’engager
dans la voie de lamorphogénèse.
Dans nos
expériences,
l’obtentiond’embryons somatiques
par voie indirecte estquelque
peu aléatoire(3%
descas).
Ceci sans aucun doute parce que nous n’utilisons pas de
2,4-D,
contrairement àce
qui
se fait souvent. Cette situation est enquelque
sortecompensée
par l’installa- tion d’uneembryogenèse somatique
adventive
qui
fait que l’on se trouve enprésence
d’uneembryogenèse
continueet
apparemment
illimitée. Il faut certaine- mentrapprocher
cephénomène
desrésultats obtenus chez Coffea arabica
(Yasuda
etal., 1985)
et chez Aesculushippocastanum (Dameri et al., 1986).
Tou-tefois,
cetteproduction d’embryons
encascade
s’oppose,
chez nos troisespèces,
audéveloppement
des em-bryons
enplantes
feuillées etreprésente
donc un obstacle à leur utilisation dans un
processus de
propagation.
Références
Dameri R.M., Caffaro L., Gastaldo P. & Profumo P.
(1986)
Callus formation andembryogenesis
with leaf
explants
of Aesculushippocastanum
L. J. Plant
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Espagnac
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Néofor-mation de structures de
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soma-tiques
sur des cultures de tissus de chêneliège (Quercus
suberL.).
C.R. Acad. Sci. Paris Ser.///304. 83-88
Féraud-Keller C. &
Espagnac
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Condi-tions
d’apparition
d’uneembryogenèse
soma-tique
sur des cals issus de culture de tissus foliaires de chêne vert(Quercus
ilexL.).
Can.J. Bot. 67, 1066-1070
Maheswaran G. & Williams E.G.
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development
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formeddirectly
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of Trifolium repens in vitro. Ann. Bot. 56, 619-630Michaux-Ferrière N., Dublin P. & Schwendiman J.
(1987)
Etudehistologique
del’embryogenèse somatique
àpartir d’explants
foliaires de Cof fea arabica L. Café Cacao Thé 31, 103-114 4 Yasuda T.,Fujii
Y. &Yamaguchi
T.(1985) Embryogenic
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