Département de la Savoie – Août 2018 – Restauration continuité écologique au col de la Crusille
Restauration de continuité écologique :
Création d’un passage à petite faune sur la RD916
Département de la Savoie – Août 2018 – Restauration continuité écologique au col de la Crusille - Dossier 2
Figure 1 : Localisation du site
1. Présentation générale du site et de l’opération
Le col de la Crusille est situé en Savoie sur la commune de Novalaise, dans un massif montagneux à proximité du couloir Rhodanien. Ce site, inscrit au réseau Natura 20001 a été identifié aux échelles régionales et départementales comme problématique du point de vue de la continuité écologique.
En effet, ce secteur et son proche bassin versant possèdent un réseau de petites zones humides, accueillant des populations importantes d’amphibiens.
La route départementale 916 constitue aujourd’hui un obstacle important pour ces espèces. En effet, lors de la migration saisonnière, les populations vivant au nord du bassin versant doivent traverser cette infrastructure pour se reproduire dans la seule zone humide du réseau qui possède des milieux aquatiques permanents, dite « Marais de la Crusille ».
La figure 2 ci-contre schématise le principe de cette migration pour une espèce comme la grenouille rousse connue pour accomplir des déplacements de plus d'un kilomètre.
En l’absence d’intervention humaine, la migration se traduit par une forte mortalité par écrasement. Depuis 2009, les associations locales de protection de l’environnement interviennent chaque hiver, avec l’appui des services routiers départementaux, pour limiter l’écrasement grâce à un dispositif de collecte.
L’opération présentée consiste donc à réaliser un passage à petite faune pérenne sous la route départementale 916 afin de restaurer la continuité écologique entre les différentes zones humides utilisées par les amphibiens au cours de leur cycle biologique.
La conception, débutée début 2017 doit aboutir sur des travaux à l’automne 2019.
1Site S1 « Réseau de zones humides, pelouses, landes et falaises de l’Avant Pays Savoyard – lac d’Aiguebelette » Figure 2 : schéma de principe de la migration des
amphibiens dans la partie nord du col avec le linéaire d'écrasement le plus significatif
Département de la Savoie – Août 2018 – Restauration continuité écologique au col de la Crusille - Dossier 3 73%
18%
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Bilan 2015 des comptages
Grenouille Rousse Grenouille agile Crapaud commun Triton alpestre
Triton palmé Salamandre tachetée
2. Problématiques à traiter
Une intervention bénévole indispensable mais qui s’essouffle
Depuis 2009, l’association locale Patrimoine Sauvage coordonne bénévolement une opération de sauvegarde de ces espèces au moment de leur reproduction afin d’éviter leur écrasement par les véhicules, avec l’appui de la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO) et de la Fédération des associations de protection du lac d’Aiguebelette (FAPLA).
Le dispositif de capture s’étend sur une longueur de plus de 350 m. Des filets et des seaux sont mis en place pendant toute la période de migration (30 à 40 jours selon les conditions de températures et de pluviométrie de l'année). Chaque matin et parfois le soir en cas de passages massifs les bénévoles récupèrent les amphibiens tombés dans les seaux pour les transférer dans la zone humide.
Les services routiers du Département (TDL) accompagnent cette opération par la pose de signalétique temporaire.
Cette intervention a permis aux effectifs de croître de façon significative sur la dernière décennie, faisant du col de la Crusille le site le plus important de Savoie en termes de reproduction des amphibiens. En 2015, près de 6 700 individus, représentant 6 espèces (toutes protégées) ont été recensés (répartition sur graphique ci-contre).
Toutefois, après 8 ans d’implication, le réseau bénévole n’est plus en capacité de réaliser la mise en place très fastidieuse du dispositif de protection et d’assurer de façon efficace le ramassage quotidien des individus en raison de l’éloignement du site, de l’essoufflement de l’équipe bénévole et de la longueur du linéaire à traiter.
Un trafic routier en augmentation, avec des problématiques de sécurité pour les usagers
Parallèlement, cet axe routier a vu sa fréquentation augmenter de façon continue depuis plusieurs années. Ainsi, le trafic a crû de 1014 véhicules/jour en février 2015 à 1445 véhicules/jour en novembre 2016, soit une croissance de 42 %. Cette croissance accentue les risques en termes de sécurité routière pour les bénévoles intervenants sur le site.
Compte tenu de l’importance de ce site à l’échelle départementale et de la dynamique locale existante depuis plus d’une décennie, le Département a délibéré favorablement le 14 avril 2017 pour la mise en place d’un ouvrage de passage à petite faune sur le site du col de la Crusille, dans le cadre de sa politique en faveur des corridors écologiques
3. Un projet global de préservation des amphibiens
L’un des points fort du projet réside dans son inscription au sein d’un projet plus global de préservation des amphibiens sur l’ensemble du bassin versant, construit collectivement par un ensemble de partenaires locaux dont le Département.
En effet, si la pérennité d’un peuplement d’amphibiens dépend fortement du facteur de mortalité massive qu’est l’écrasement routier, elle repose aussi en grande partie sur le maintien des habitats
Département de la Savoie – Août 2018 – Restauration continuité écologique au col de la Crusille - Dossier 4 que ces espèces utilisent pendant le reste de leur cycle biologique : zones humides, cours d’eau, prairies naturelles, forêts de feuillus, haies.
Aussi, c’est la raison pour laquelle l’opération comporte deux volets, indissociables pour la pérennité à long terme des populations d’amphibiens du bassin versant de la Crusille :
o Le 1er, la création du passage à petite faune, est porté par Département ;
o Le 2nd porté par le Conservatoire d’espaces naturels de Savoie (CEN) porte sur la préservation et la gestion des habitats de reproduction des amphibiens : maîtrise foncière des zones humides servant à la reproduction sur près de 4,3 ha, gestion des niveaux d’eau, connaissance des autres milieux du bassin versant jouant un rôle sur la qualité des eaux.
L’ensemble de ce projet a été retenu coup de cœur de l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse.
4. Objectifs poursuivis
Le projet de passage à petite faune poursuit les objectifs suivants :
o assurer la sécurisation des traversées sans aide humaine pour préserver un peuplement important d’amphibiens,
o restaurer une continuité écologique dans un fuseau répertorié dans le Schéma Régional de Cohérence Ecologique (SRCE)
5. Description du projet de passage à petite faune
Qualité des données naturalistes existantes
Le projet s’appuie sur les données naturalistes collectées depuis 2009 par l’association « Patrimoine Sauvage », qui se caractérisent par leur qualité et leur précision.
En effet, grâce à un protocole de comptage répété annuellement, celle-ci a pu identifier la localisation précise de secteurs préférentiels de traversées des animaux sur le site. Le nombre et le type d’individus par secteur et par jour ont notamment été comptabilisés.
Ces données ont permis de définir le nombre d’ouvrage sous chaussée à réaliser ainsi que leur positionnement.
Conception et maîtrise d’œuvre internes
La conception de l’ouvrage a été réalisée en 2017 par une équipe départementale pluridisciplinaire (Direction de l’environnement et du paysage et service Etudes et travaux de la direction des Infrastructures), en concertation étroite avec les associations naturalistes et le CEN.
Pour concevoir le projet, outre l’expertise des associations présentes sur site, les services départementaux se sont notamment appuyés sur :
- Les références et préconisations existantes (Guides SETRA) ;
- L’analyse d’autres aménagements réalisés et ayant démontré leur efficacité (contacts téléphoniques, visites sur site…)
- Le retour d’expérience de la direction de l’environnement et du paysage sur d’autres aménagements réalisés en 2012/2013 sur le territoire.
Pour la phase de maîtrise d’œuvre le choix a été fait de la réaliser en interne, en s’appuyant sur les compétences existante au sein du TDL. Ce choix poursuit deux objectifs principaux :
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Exemple d’aménagement dans le Doubs
Exemple de caniveau- grille à Passonas (38)
o Un gain de souplesse dans la réalisation par rapport à une procédure d’externalisation, o Le souhait de développer la transversalité entre les services départementaux et de faire
monter en compétence les équipes des services routiers sur la conception d’ouvrages de franchissement pour la faune.
Principes généraux de la conception
Le projet consiste à équiper 360m de linéaire grâce à 7 traversées sous chaussée et à mettre en place des systèmes de guidage des deux côtés de celle-ci afin de canaliser les amphibiens vers les traversées.
Les contraintes d’exploitation ont été prises en compte dès la conception du projet, grâce à des visites de site avec les équipes locales concernées, pour le calage des ouvrages et l’intégration des enjeux d’entretien de la végétation sur les accotements.
Système de guidage
Le système de guidage envisagé est constitué d’éléments métalliques. Compte-tenu de la configuration du site (talus), ce système permet une plus grande souplesse d’installation que le système béton notamment dans la pente. Il a déjà été utilisé à des fins similaires avec succès dans le Doubs et l’Isère.
Traversées
Le site devrait être équipé de 7 traversées sous chaussée. Le niveau du marais par rapport à la chaussée (- 0.70 m) ne permet pas la mise en œuvre d’ouvrages très important. Aussi, il est prévu d’installer des systèmes type dalot de gabarit 500 x500. Outre les amphibiens, ceux-ci permettent le passage de l’ensemble de la petite faune.
Maintien des accès
Les accès existants (accès champ, chemin, …) seront équipés de caniveau-grille permettant le passage des véhicules mais piégeant les amphibiens.
Plan d’aménagement d’ensemble
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6. Equipe et intervenants : un projet multipartenarial
Le Département de la Savoie, gestionnaire de la RD
o Direction de l’environnement et du paysage, unité espaces naturels et biodiversité
Claire Rameaux, technicienne espaces naturels et biodiversité : pilotage du projet, animation de la démarche avec les partenaires, conception, suivi des études techniques et des négociations foncières
o Direction des infrastructures et territoire de développement local (TDL) - Service Etudes et Travaux : conception de l’avant-projet-sommaire
- TDL : mise en place de la signalétique temporaire permettant l’intervention des bénévoles, maîtrise d’œuvre du projet et suivi des travaux.
Le Conservatoire d’espaces naturels de Savoie :
o Animation et acquisitions foncières nécessaire à la réalisation de l’ouvrage, en complément de l’action foncière engagée pour la protection à long terme, expertise technique
Les associations départementales et locales de protection de l’environnement
o Association Patrimoine Sauvage : coordination de l’opération de sauvegarde, production des études naturalistes préalables, expertise technique ;
o Ligue de protection des Oiseaux et FAPLA (Fédération des associations de protection du lac d’Aiguebelette) : expertise technique, participation à l’opération de sauvegarde.
Commune de Novalaise
o Facilitateur, lien avec les propriétaires riverains et les usagers pour les questions foncières et l’appropriation locale du projet
7. Gains attendus
Gains en termes de biodiversité
o Préservation d’un peuplement majeur de la Savoie sans aide humaine. L’existence de traversées pérennes permet notamment de s’affranchir de contraintes liées au changement climatique qui provoque de très fortes variations interannuelles de la période de migration de ces espèces et peut provoquer de fortes mortalités en cas de passage anormalement précoce comme en 2016 alors que le dispositif n’est pas encore en place.
o Restauration d’un corridor écologique inscrit au SRCE
Gains pour les acteurs locaux
o Possibilité pour les bénévoles de concentrer leurs moyens sur d’autres actions
o Mise en place d’une dynamique locale positive en faveur de la préservation de la biodiversité
Gains pour le gestionnaire o Sécurisation du site
o Montée en compétence et diversification de l’expertise technique des équipes départementales