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L accueil des patients en psychiatrie.

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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BLANCO Emma Promotion 2018-2021

L’accueil des patients en psychiatrie.

Image de Sébastien BOHLER dans un article de Cerveau et Psycho.

Mémoire de fin d’études UE 5.6 S6

« Analyse de la qualité et traitement des données scientifiques et professionnelles » Travail remis le 24 mai 2021.

Dirigé par M. COLLET Bernard IFSI du GIPES d’Avignon

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Note aux lecteurs :

« Il s’agit d’un travail personnel et il ne peut faire l’objet d’une publication en tout ou partie sans l’accord de son auteur »

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Remerciements :

En premier lieu, je tiens à remercier mon directeur de mémoire Monsieur COLLET pour son accompagnement tout au long de ce mémoire ainsi que pour son soutien, ses conseils, sa confiance et la liberté qu’il m’a accordée dans la réalisation de ce travail.

Je remercie aussi les professionnels de santé pour leur collaboration, leur disponibilité et le temps qu’ils ont pu m’accorder, en cette période bien particulière, pour approfondir mes recherches.

Je tenais à apporter toute ma reconnaissance aux personnes qui m’ont permis d’évoluer, de grandir et de devenir la future professionnelle que je suis aujourd’hui : Intervenants, professionnels de santé, cadres formateurs de l’IFSI, merci de m’avoir apporté un savoir technique et théorique que je ne cesserai de faire accroitre tout au long de ma carrière.

Un grand merci à Laurie (étudiante infirmière), ma plus belle rencontre durant ces 3 années de formation. Son soutien, sa détermination, sa bienveillance (peut-être un peu maternelle parfois) et sa joie de vivre m’ont permis de réussir et de passer trois années riches en émotions.

Je tiens à remercier également Madame Violaine MALLET, sans qui je n’aurais peut-être jamais découvert le domaine de la psychiatrie et qui m’a permis de trouver ma voie et de m’y épanouir.

Pour finir, je tiens à remercier ma famille, qui dans les bons comme dans les mauvais moments n’a cessé de croire en moi. Merci à eux pour la confiance aveugle qu’ils ont eue en moi, leur soutien inconditionnel et leurs encouragements permanents. Merci à ma maman, mon modèle dans la vie de tous les jours, qui a pris le temps de relire à plusieurs reprises mon travail.

Merci à tous, il est temps pour moi de voler de mes propres ailes.

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Sommaire :

INTRODUCTION : ... 1

1. SITUATIONS D’APPEL ET QUESTION DE DEPART ... 2

1.1. SITUATION DAPPEL N°1 ... 2

1.1.1. Situation d’appel ... 2

1.1.2. Questionnement ... 4

1.2. SITUATION DAPPEL N°2 ... 5

1.2.1 Situation d’appel ... 5

1.2.2 Questionnement ... 6

2. CADRE THEORIQUE : ... 8

2.1. ACCUEIL ET PSYCHOTHERAPIE INSTITUTIONNELLE ... 9

2.2. LA NOTION DE CRISE ... 13

2.3. LA « FOLIE » ... 15

3. PHASE EXPLORATOIRE ... 17

3.1. ENQUETE EXPLORATOIRE ... 17

3.1.1 Lieux et publics : ... 17

3.1.2 Outils et méthodes ... 18

3.1.3 Guide d’entretien : ... 18

3.2. DEROULEMENT DES ENTRETIENS : ... 20

3.2.1 Premier entretien ... 20

3.2.2 Deuxième entretien ... 21

3.2.3 Troisième entretien ... 22

3.3. ANALYSE DES ENTRETIENS : ... 23

CONCLUSION : ... 27

BIBLIOGRAPHIE : ... 28

SOMMAIRE DES ANNEXES : ... 29

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INTRODUCTION :

Dans le cadre de notre formation en soins infirmiers, il nous est demandé d’effectuer un travail de fin d’études sur un sujet que nous choisissons, en lien avec des situations vécues ou observées lors de nos stages.

Les situations de soins relatées ici, que j’ai vécues durant la fin de ma deuxième année de formation, se sont déroulées dans 2 services différents. J’ai donc trouvé intéressant de mettre en corrélation ces situations qui abordent chacune d’une façon différente la notion d’accueil.

La réflexion autour de ces situations m’a permis de pointer du doigt la complexité que représente l’accueil d’un patient en psychiatrie.

Durant mes trois années d’études, j’ai pu acquérir de nombreuses connaissances sur lesquelles je me suis appuyée pour réaliser mon mémoire.

Dans le cadre de ce travail, les concepts fondamentaux dont je me suis servie sont ceux qui m’ont été apportés lors de mes enseignements de psychopathologie, à l’occasion de mes stages en psychiatrie ainsi qu’au travers de mes différentes lectures d’auteurs reconnus dans le domaine de la psychiatrie, tels que Michel Foucault ou encore Jean Oury.

Le choix de ce sujet résulte d’une réelle volonté de devenir infirmière en psychiatrie dans un service d’accueil et crise. J’ai souhaité aborder la question de l’accueil dans ce travail car il me semble primordial de comprendre le fonctionnement de celui-ci, qui est à la base de la prise en charge d’un patient.

Dans un premier temps, je décrirai de façon détaillée les situations d’appel qui ont été à l’origine du choix de ce sujet. Je les analyserai puis je me questionnerai à leur sujet afin de dégager une question de départ. Dans un second temps, j’exposerai les différentes recherches effectuées, qui m’auront permis de créer mon cadre théorique ainsi que l’enquête exploratoire qui mettra en avant le plan pour mener à bien les entretiens. Enfin, la dernière partie portera sur l’enquête auprès des professionnels de santé sur le terrain, que j’analyserai pour en dégager une question de recherche avant de conclure l’ensemble de mon travail.

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1. SITUATIONS D’APPEL ET QUESTION DE DEPART

1.1. SITUATION DAPPEL N°1

1.1.1. Situation d’appel

La première situation que j’ai vécue s’est déroulée dans un service de psychiatrie durant la fin de ma deuxième année d’école d’infirmière.

Durant mon stage dans un CMP (Centre médico-psychologique), j’ai demandé à faire un parcours de stage pour aller découvrir un service d’accueil et crise fermée pendant une semaine.

Cette demande a été acceptée et j’ai pu faire, en milieu de stage, l’expérience d’un service de psychiatrie en intra-hospitalier. Ce lieu d’accueil est un service d’urgences psychiatriques. Le service dans lequel j’étais, pouvait accueillir jusqu’à 18 patients en état de crise dont 2 en chambre d’isolement individuelle.

Durant cette semaine en immersion, j’ai pu observer la prise en charge des patients, de leur entrée jusqu’à leur sortie.

La relation « soignant-soigné » que l’on peut retrouver dans un tel établissement est primordiale dans la prise en charge des patients. Au-delà des soins techniques, elle se concentre plus largement sur la communication avec le patient afin d’instaurer un véritable dialogue avec lui et une relation de confiance.

Tout se passait très bien durant cette semaine et j’arrivais à la fin de mon stage au sein de ce service, lorsque l’entrée d’une patiente m’a interpellée.

En effet, un peu plus tôt dans la journée, les urgences psychiatriques nous avaient contactés pour nous prévenir de l’arrivée d’une patiente dans le service pour un placement en chambre d’isolement. Elle n’était pas affectée dans ce service au départ, mais il ne restait qu’une chambre d’isolement dans le pôle et c’était dans cette structure.

D’après le compte-rendu des urgences, trouvé sur le site de l’hôpital, la patiente était hospitalisée sous contrainte à la demande d’un tiers (sa mère) suite à une bouffée délirante aigüe.

Cette patiente a été admise dans le service vers 18h. C’était une jeune fille âgée de tout juste 18 ans. Pour l’accueillir, nous étions 3 : une infirmière, un infirmier et moi.

Elle est arrivée sur un brancard, pieds et mains attachés à celui-ci. Ajouté à cette contention physique, l’infirmière nous fait part de la forte sédation qu’elle a reçue aux urgences « parce qu’elle avait fugué deux fois ».

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3 En effet, lorsque que j’ai vu cette patiente, elle ne réagissait ni à son nom ni à son prénom et n’a pas été capable de se lever du brancard pour s’allonger sur son lit. Je me suis alors demandé comment une contention à la fois physique et psychique avait pu être mis en place pour une patiente aussi jeune.

L’infirmière qui était présente pour accompagner cette patiente nous a donc expliqué que Mme B avait été admise aux urgences suite à un délire mystique qui aurait commencé pendant le confinement (durant la crise sanitaire de la COVID-19) et qui aurait empiré durant ce déconfinement. Elle nous a aussi appris que Mme B n’avait jamais été hospitalisée auparavant dans une structure psychiatrique et qu’il n’y avait pas de prise de stupéfiants, ni d’alcool, qui auraient pu déclencher cette crise.

La patiente n’était pas restée aux urgences suffisamment longtemps pour que d’autres détails nous soient rapportés concernant sa situation actuelle, familiale, professionnelle, ….

Mme B a été portée par un infirmier pour la mettre sur son lit après avoir été habillée par les infirmières présentes d’un pyjama spécialement conçu pour les patients placés en chambre d’isolement.

Après avoir fini de trier les affaires de la patiente, l’infirmière a demandé au psychiatre présent dans le service de faire un entretien d’accueil. Celui-ci fut impossible car Mme B était toujours sédatée, plus d’une heure après son entrée.

Par la suite, nous avons laissé la patiente pour aller distribuer les médicaments et le repas aux autres patients, puis nous sommes retournés dans la chambre de celle-ci, la trouvant réveillée, couverte de sang et envahie par un délire mystique. Elle appelait Dieu, ne comprenait pas ce qu’elle faisait là, nous demandait de l’aider tout en continuant d’ingurgiter le sang de ses menstruations. Elle tenait des propos incohérents. Elle était toujours dans un délire mystique avec des hallucinations auditives « Dieu me dit de… ».

Face à cette situation, je me suis mise en retrait car c’était la première fois que je voyais une patiente en phase aigüe et je n’avais aucune expérience à ce niveau-là.

Les soignants présents ont invité la patiente à aller se doucher avant de prendre son repas.

À la fin de sa toilette, la patiente s’est avancée dans la pièce dédiée aux repas, en chambre d’isolement. Elle était agitée, logorrhéique, délirante, toujours hallucinée et en tachypsychie.

Devant cet état d’agitation et son refus de s’alimenter, la patiente a été sédatée de nouveau par un traitement oral.

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4 Cette nouvelle sédation a déclenché chez moi différentes émotions. J’ai été choquée par cette sédation psychique qui lui était imposée et qui l’empêchait entièrement de communiquer avec nous. J’ai, à ce moment-là, ressenti une profonde injustice dans la façon dont on la traitait.

Par la suite, nous sommes sortis car la patiente s’était très rapidement couchée et endormie. Le psychiatre de garde a été appelé et au vu des dires des infirmiers, il a prescrit des contentions physiques en cas d’agitation et d’agressivité ainsi que des anxiolytiques supplémentaires (à prendre en cas de besoin).

J’ai ensuite quitté le service en achevant mon stage sur cette situation avec beaucoup d’interrogations concernant cette patiente.

Si la psychiatrie m’intéressait à ce point, c’était justement pour ces échanges entre les patients et les soignants et l’accueil qui pouvait se faire dans ces structures.

Or, l’accueil et la prise en charge de cette patiente n’étaient pas en adéquation avec mes valeurs à ce moment-là. J’ai eu comme l’impression que la patiente était réduite à sa pathologie et n’était pas prise en charge comme un être vivant et pensant.

Depuis son arrivée aux urgences, la patiente n’avait reçu que des soins l’empêchant de parler, de s’exprimer, de se mouvoir et cela a finalement été reproduit à son arrivée en accueil et crise fermée. Elle a été placée en chambre d’isolement avec une contention psychique (la sédation) ainsi qu’une prescription de contention physique en cas d’agressivité.

Dans cette situation, c’est la pathologie et plus particulièrement le symptôme qui a été traité et non la personne, ce qui a conduit à ce que l’accueil de celle-ci n’ait, à aucun moment pu être possible via la communication.

1.1.2. Questionnement

Cette première situation a fait naître chez moi différentes questions.

Je me suis tout d’abord demandé pourquoi une contention aussi forte avait été mise en place pour cette patiente. Je me suis alors renseignée et j’ai appris qu’elle avait reçu cette forte sédation car la première qui lui avait été administrée ne l’avait pas calmée et elle avait alors fugué.

Par la suite, je me suis questionnée sur la pathologie de la patiente : celle-ci convoquait-elle une prise en charge par une double contention ? En effet, si elle avait fugué aux urgences, et de ce fait, reçu une dose importante de neuroleptiques, pourquoi avoir ajouté une contention durant le trajet des urgences jusqu’en accueil de crise ?

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5 En outre, avec ces contentions, je me demande quelle avait été la place de la parole dans cette situation ? Y a-t-il eu un moment où un échange avec la patiente aurait pu être possible ? Selon moi, il était essentiel de passer par cet échange pour avoir le ressenti de la patiente dès le début de sa crise. Après en avoir discuté avec des infirmiers du service, j’ai compris que parfois, il n’est pas primordial d’avoir une discussion avec la patiente, car cela ne mène à rien selon le degré du délire et l’intensité de la crise. Ici, la patiente faisait une bouffée délirante aigüe et je pense que les infirmiers ont eu raison de ne pas vouloir à tout prix échanger avec elle. Ils ont priorisé leurs « soins » en se concentrant essentiellement sur la crise afin d’apaiser, dans un premier temps, la patiente. Ils m’ont par la suite expliqué que dès que le délire ne serait plus au premier plan, ils pourraient alors faire un entretien avec la patiente.

Enfin, au vu de son arrivée dans le service et des conversations échangées avec différents soignants, je me demande ce que signifie réellement l’accueil en psychiatrie ? Est-ce la première fois où la patiente entre dans le service ? Doit-il forcément passer par une sédation pour une personne en crise ? Est-ce un moment choisi par l’équipe, par la patiente ? ou les deux ? Peut-il y avoir plusieurs accueils ? Combien de personnes peuvent ou doivent accueillir le patient ? Est-ce essentiellement de notre rôle propre de la recevoir ?

1.2. SITUATION DAPPEL N°2 1.2.1 Situation d’appel

La situation que j’ai vécue s’est déroulée dans un CMP lors de mon stage de fin de deuxième année. Le CMP est un lieu d’accueil pour des patients venant le plus souvent de leur propre initiative ou suite à une hospitalisation pour un suivi pluridisciplinaire (psychiatres, assistante sociale, infirmiers, psychologues). La patiente que j’ai reçu ce jour, âgée de 45 ans, venait car elle s’était défenestrée.

Elle a été accueillie par une infirmière et moi-même dans un bureau fermé. Le premier entretien appelé « entretien d’accueil » dure environ une heure et a pour but de recueillir un maximum d’informations sur le patient : le motif de la venue, ses antécédents psychiatriques (hospitalisation, …) ou somatiques, familiaux, judiciaires, sa situation actuelle (familiale, professionnelle, sociale), ses traitements actuels (antidépresseurs, anxiolytiques, hypnotiques,

…) et enfin son humeur à ce jour (anxiété, appétit, sommeil).

Durant cet entretien, la patiente nous a expliqué qu’elle s’était défénestrée car étant serveuse, elle avait perdu son emploi lors du confinement lié à la crise du COVID-19 et le fait de devoir

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6 chercher un nouvel emploi, à l’aube du déconfinement, l’effrayait. Elle a été prise d’angoisses soudaines, lui faisant perdre confiance en elle ; elle ne voulait plus sortir, devenait agressive avec son compagnon et accumulait les conduites à risques (prise de toxiques : cannabis et de grande quantité d’alcool en une seule prise). Elle nous a aussi expliqué qu’elle avait eu un passé compliqué avec de multiples violences sur elle et sur sa mère venant de son beau-père (le compagnon de sa mère) avec deux tentatives de suicides à 12 ans et à 14ans par une forte prise de médicaments.

À la fin de l’entretien, nous lui avons expliqué qu’elle allait avoir un deuxième rendez-vous avec une infirmière pour parler plus amplement de cette humeur qui a basculé du jour au lendemain ainsi que de ses consommations à risque.

Après cet entretien « d’accueil », j’ai discuté avec l’infirmière qui m’a expliqué que le but ici était de donner envie à la patiente de revenir, qu’elle se sente écoutée, dans un climat de confiance et en sécurité.

Lors des entretiens qui ont suivi, la patiente s’est, en effet, de plus en plus confiée et nous a expliqué qu’elle avait été abusée sexuellement à plusieurs reprises par son cousin ainsi que par le copain de sa sœur puis récemment par son patron qui la harcelait. Elle nous a aussi confié qu’elle ne trouvait pas de travail, qu’elle ne voulait pas postuler dans des restaurants où des hommes y travaillaient et ne voulait absolument pas retourner chez son ancien patron qui lui avait proposé de reprendre son poste. Le milieu de la restauration devenait anxiogène pour elle.

J’ai donc compris qu’il avait fallu plusieurs entretiens pour que cette dame se confie et s’ouvre sur ce qu’elle avait vécu, et que c’était le cas pour beaucoup d’autres patients.

Visiblement, ce n’est pas toujours lors du premier entretien que se fait le travail et ce n’est pas à ce moment-là que les patients sont le plus disposés à se livrer notamment pour sur les raisons qui les conduisent ici.

1.2.2 Questionnement

Au vu de cette situation, je me suis rendu compte que l’accueil dans un CMP pouvait être très différent de celui dans un accueil de crise, alors que ces deux structures font partie de la psychiatrie.

Durant mon stage dans un CMP, j’ai très vite réalisé que chaque professionnel ne menait pas ses entretiens de la même façon. Au cours des entretiens, les questions concernant l’anamnèse (nom, prénom, situation familiale, professionnelle, …) sont récurrentes mais indispensables.

Mais ensuite, chaque professionnel menait l’entretien de façon singulière. Je me demande alors,

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7 en fonction du contenu de l’entretien, si le premier accueil est décisif, quant à la suite de la prise en charge du patient ? Si la réponse à cette question est oui, alors je me questionne sur ce qu’est l’accueil et en quoi il consiste ? Quel est son rôle ?

De plus, il me semble logique de penser que nous ne pouvons pas accueillir tous les patients de la même façon. Mais alors, comment pouvons-nous savoir quelle est la « bonne » méthode pour accueillir un patient ?

Enfin, je me demande quelle est la place de l’entretien d’accueil dans la prise en charge du patient ? Est-il déterminant pour lui ? et pour le soignant ?

Au vu de mes nombreuses interrogations suite à ces deux situations d’appel, je décide d’orienter mon travail vers la question de l’accueil en psychiatrie.

Ma question centrale sera donc : En quoi l’accueil fait soin en psychiatrie.

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2. CADRE THEORIQUE :

Nous allons tout d’abord effectuer quelques recherches afin de définir certains mots et concepts qui nous semblent importants de connaître pour la suite.

Nous allons ensuite approfondir ces recherches autour de l’accueil. Dans le film-documentaire

« Le sous-bois des insensés » de Martine Deyres, Jean Oury va exposer sa vie passée à accueillir la « folie ». Nous nous servirons donc de ce support pour définir ce qu’est l’accueil d’une façon générale et comment il se déroule en psychiatrie.

Cela va aussi nous permettre de nous rendre compte de la complexité de cet acte et pourra nous aider à aiguiller nos questions envers les soignants que nous interrogerons par la suite.

Après avoir défini ce qu’est l’accueil, plus particulièrement dans les institutions psychiatriques, nous expliquerons son lien avec la psychothérapie institutionnelle à l’aide de trois auteurs principaux qui sont : Pierre Delion, Jean Oury et Carlos Parada.

Par la suite, nous mettrons l’accueil en lien avec la crise en psychiatrie. Ceci va nous permettre de comprendre comment ces deux termes peuvent se rejoindre en institution psychiatrique.

Nous pouvons alors nous renseigner sur l’aspect que prend la crise d’une manière générale et sur l’éventualité d’accueillir la crise.

Dans un second temps, nous nous intéresserons au sens du mot « folie ».

Nous allons ici chercher à comprendre d’où vient ce terme et quel est son lien avec l’accueil dans les institutions psychiatriques.

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9 2.1. ACCUEIL ET PSYCHOTHERAPIE INSTITUTIONNELLE

Tout d’abord, il nous semble important de définir le mot accueil tel qu’on l’emploie aujourd’hui. D’après le dictionnaire « Robert », l’accueil est un nom masculin qui est défini comme « la manière de recevoir quelqu’un, de se comporter avec lui quand il arrive ».

C’est un concept qui a été défini dans de nombreuses disciplines, que ce soit la sociologie, la psychologie sociale ou encore la psychologie comportementale.

Le mot accueil vient du latin « colligere » (cueillir) qui, en vieux français, à la fin du XIème siècle est devenu « acoillir » qui signifiait : réunir, associer, être avec.

Le sens moderne apparaît au XIIIème siècle, dans le dictionnaire historique de la langue française comme « recevoir ou recueillir quelqu’un, bien ou mal ».

Dans le domaine de la psychiatrie, le sens du mot « accueil » va être développé par différents auteurs. Dans le cadre de mon sujet, il est nécessaire de comprendre où l’accueil prend racine et par quel procédé il est appliqué de nos jours.

L’accueil est un concept qui à l’origine, viendrait de la psychothérapie institutionnelle.

On compte plusieurs précurseurs à l’origine de ce « mouvement » et Pierre Delion va justement les citer dans son livre intitulé « Accueillir et soigner la souffrance psychique de la personne ».

Au départ, Sigmund Freud va élaborer, lors de sa découverte de l’inconscient, ce qu’on appelle de nos jours la psychanalyse. Cette méthode est l’une des pratiques de la psychothérapie institutionnelle car elle permet de remettre le sujet au centre des préoccupations des psychiatres et psychothérapeutes.

Par la suite, Hermann Simon, psychiatre influencé par Freud, va proclamer que « l’application à une vie collective active et ordonnée est le meilleur moyen psychothérapeutique pour obtenir la guérison symptomatique ». (Simon, H, 2011, p44)

Grâce aux idées de ces deux auteurs sur les pratiques en institution psychiatrique, la psychothérapie institutionnelle va naître au début des années 40 (1942) notamment avec François Tosquelles. Pour la mettre en application dans la législation française, il va créer le

« club thérapeutique » en 1958.

Pierre Delion en donne une définition simple en disant que le « club thérapeutique est un dispositif organisateur et créateur des institutions de la vie quotidienne et facilitateur des rapports sociaux dans le lieu où il est mis en place » (Delion, P, 2011, p153).

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10 Ces clubs se sont développés au fil du temps dans plusieurs services (pédopsychiatrie, unité pour malades difficiles, instituts médico-éducatifs, …) sous différentes formes : journal, ateliers cuisines, ventes, ….

Le but de ces clubs est de faire un travail thérapeutique avec les patients et d’organiser leur vie quotidienne. Grâce aux fonds récoltés, les patients, accompagnés des soignants, pourront faire des sorties (cinéma, conférences, visites) mais aussi des voyages thérapeutiques.

Avec ces clubs, nous pouvons voir que la notion d’accueil s’inscrit dans un concept de durabilité et ne se résume pas qu’à un simple entretien. Nous citerons d’ailleurs, plus tard, des éléments que l’auteur Carlos Parada utilise pour exposer cette notion.

Concernant la psychothérapie institutionnelle, Michelle Cadoret va citer Jean Ayme dans son livre « La folie raisonnée » : qui disait « la psychothérapie institutionnelle n’est ni une technique ni une doctrine, c’est une praxis animée par un certain nombre de psychiatres responsables d’institutions de soins. Elle a traversé la pratique psychiatrique de ces quarante dernières années, et l’a profondément modifiée » (Ayme, J, 1989, p329).

Ce « courant » est défini par Pierre Delion comme « une pratique psychiatrique qui recherche avant tout, pour le préserver, le côté humain de la relation.Impliquant le sujet dans une vie collective active et ordonnée, elle le met ainsi, bien qu’il soit malade mental, au centre de sa guérison ». Il ajoutera à cela que la psychothérapie institutionnelle vise à « soigner les patients de façon humaine avec la psychothérapie » qui est « l’ensemble des méthodes qui permettent de traiter l’appareil psychique en souffrance ». (Delion, P, 2011, p32,33).

Enfin, J. Oury va ajouter dans le film « Le sous-bois des insensés » de M. Deyres que « la psychothérapie institutionnelle est une manière de pratiquer et de penser ». (Oury, J, 2015, 12 : 38 : 55).

De ce fait, on peut en déduire, d’après les écrits des différents auteurs, que la psychothérapie institutionnelle est une façon de travailler dans une institution. Elle concernerait donc l’ensemble du personnel soignant : psychiatres, infirmiers, psychothérapeutes, ….

Maintenant que nous connaissons les origines de l’accueil, nous allons voir comment les auteurs le définissent.

Tout d’abord, Carlos Parada insiste sur le fait que l’accueil est différent du premier contact ou de l’arrivée et qu’il n’est pas fait par une seule personne, dans un seul lieu. Bidault, quelques années plus tôt, avait dit que « l’accueil ne se borne pas au phénomène de l’entrée. Il se

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11 prolonge sans solution de continuité au niveau de tout le système institutionnel » (Bidault, 1959, p154).

J. Oury partage le même avis sur ce plan car il dit dans le documentaire de M. Deyres « Le sous-bois des insensés » que « la fonction d’accueil c’est être là {…} c’est un statut collectif, parler en équipe de l’histoire du patient ». (Oury, J, 2015, 34 :16 : 32)

De plus, Bidault définit l’accueil, dans un des livres de P. Delion, comme « un fait de groupe ».

(Bidault, 1959, p153).

Ces trois auteurs relatent donc du travail d’équipe que demande l’accueil en psychiatrie.

Selon eux, il n’existe pas de protocole d’accueil, mais bien des accueils qui sont différents d’une institution à une autre car les objectifs et les buts ne sont pas les mêmes. L’accueil reste donc singulier.

Ces principes d’accueil nous serviront à voir, grâce aux entretiens que je mènerai dans un hôpital psychiatrique, si de nos jours, l’accueil en institution suit toujours ce même procédé découlant de la psychothérapie institutionnelle.

Comme C. Parada le dit aussi dans son livre « Accueil, folie et institution », accueillir un patient en psychiatrie veut aussi dire accueillir la « folie » et l’angoisse de celui-ci ainsi que leurs manifestations.

L’auteur va définir l’accueil selon quatre critères qui sont : - La disponibilité

- L’écoute

- L’hétérotopie critique - L’ambiance

Tout d’abord, la disponibilité est définie par Carlos Parada comme « la simple possibilité de s’adresser à (ou d’être abordé par) quelqu’un pour dire ou faire quelque chose » et cela va dépendre de « l’état de la personne » (Parada, C, 2015, p32). Être disponible ne veut pas dire être présent et cela n’est pas naturel chez un soignant car l’auteur explique que la non- disponibilité est un moyen de défense chez les soignants. Il ajoute aussi que le fait d’être disponible dépend de « l’intérêt de chaque soignant face à la situation » (Parada, C, 2015, p33).

J. Oury disait aussi dans son livre « Psychiatrie et psychothérapie institutionnelle » que « la disponibilité se situe aussi bien sur le plan individuel que sur le plan de « groupalité » » (Oury, J, 2001, p43).

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12 En effet, il explique que la disponibilité et la vigilance sont des « facteurs primordiaux » dans la psychothérapie institutionnelle en lien avec l’accueil d’un patient (Oury, J, 2001, p43).

L’écoute, qui est le second critère pour accueillir un patient selon Carlos Parada, est la

« capacité de prise en compte d’un signe » (Parada, C, 2015, p33). En effet, J. Oury définit même l’écoute par des synonymes tel que la « vigilance », la « veillance » ou encore « l’attention : être attentif à ce qu’il se passe » dans le film « Le sous-bois des insensés » (Oury, J, 2015, 43:55:04).

Une fois de plus, les auteurs démontrent que l’écoute dépend de l’intérêt du soignant à rencontrer l’autre, ce qui met en avant la notion de singularité que l’on retrouve dans l’accueil.

En ce qui concerne l’hétérotopie, M. Foucault, en 1967, parle aussi de cette notion d’hétérotopie. Il explique l’importance d’utiliser un espace destiné à accueillir un type d’activité précise, notamment lors de l’accueil, pour veiller à ce que celui-ci se fasse dans de bonnes conditions.

Enfin, l’ambiance est, selon l’auteur, un ensemble d’éléments « aussi bien physique (décoration, architecture, …) que psychique » (Parada, C, 2015, p37). C’est, autrement dit, l’atmosphère du lieu d’accueil du patient. La posture des soignants joue aussi un rôle dans cette ambiance car la façon dont ils « habitent leur travail » et « accueillent les patients » est déterminante pour la suite de la prise en charge (Parada, C, 2015, p37).

J. Oury pensait aussi que l’infirmier jouait un rôle dans cet environnement car il disait

« l’infirmier est avant tout celui qui participe à l’ambiance » (Oury, J, 2001, p43).

Le centre national de ressources textuelles et lexicales (CNRTL) définit l’ambiance, en psychologie, comme « la qualité du milieu (matériel, intellectuel, moral) qui environne et conditionne la vie quotidienne d’une personne ou d’une collectivité ». C’est exactement comme cela que les deux auteurs ci-dessus la définissent. Nous pouvons d’ailleurs comprendre que cette ambiance est déterminante pour la prise en charge d’un patient car elle fait partie intégrante de l’accueil.

Il y a un dernier critère qui n’est pas évoqué ici par C. Parada, mais que J. Oury aborde, qui est la distinctivité permanente. Il exprime à travers cela, l’importance d’avoir des soignants

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13 différents dans une même institution « pas un ne doit ressembler à un autre, ni les infirmiers, ni les psychiatres » (Oury, J, 2015, 48:02:56)

Cette distinction ou « hiérarchisation absolue » va permettre aux patients de se diriger vers le soignant avec qui il se sent le plus à l’aise et d’avoir la possibilité de changer durant sa prise en charge.

Cette distinctivité était un critère recherché à l’époque de J. Oury pour, selon lui, accueillir au mieux les patients et pallier l’uniformisation des pratiques et au « modèle standard » des infirmiers. Nous allons donc, grâce à notre enquête sur le terrain, essayer de voir si cette

« distinctivité » est encore présente dans les services de psychiatrie d’aujourd’hui. La question sera donc de savoir, comment se composent de nos jours les équipes dans les unités de psychiatrie ?

Maintenant que nous avons essayé de comprendre ce qu’était l’accueil en institution, il me

semble important de parler de la notion de « crise ».

En effet, la crise peut être présente lors de l’accueil et savoir la repérer est, à mon sens, déterminant pour la prise en charge d’un patient.

2.2. LA NOTION DE CRISE

D’après le CNRTL, la crise est, dans le domaine de la médecine, « un ensemble de phénomènes pathologiques se manifestant de façon brute et intense, mais pendant une période limitée, et laissant prévoir un changement généralement décisif, en bien ou en mal, dans l’évolution d’une maladie ». Pour en donner une définition plus précise dans le domaine de la psychiatrie, il a été écrit dans le dictionnaire de la psychiatrie des éditions du CLIF, que la crise est une « réponse à une demande excessive imposée par le milieu, et qui dépasse les mécanismes habituels d’adaptation de l’individu ».

D’après les chinois et les japonais, le mot crise est l’association de deux mots qui sont :

« danger » et « opportunité ». La crise représente donc « une situation difficile qui permet de saisir de nouvelles opportunités et de rebondir », d’après l’article de F. Barre intitulé « Chaque crise contient une opportunité ». On voit donc ici que la crise est perçue par l’auteur comme un moment de changement alors que d’après la définition du CNRTL, celle -ci se manifeste de façon brutale et intense.

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14 Le psychiatre A. Andréoli, quant à lui, dit que le concept de crise permet « de sortir de la question normalité / anormalité pour se placer dans celle des possibilités d’évolution qui caractérisent chez un individu donné, l’alternance de crise/continuité ». La façon par laquelle les soignants vont intervenir face à cette crise est un « moyen de remettre au centre de la pratique la dimension de l’expérience et du conflit ». (Andréoli. A, p144). En effet, ces recherches sur la crise vont me permettre de voir si celle-ci joue un rôle dans la prise en charge et l’accueil du patient.

Selon lui, il faut bien distinguer la différence qu’il y a entre la « crise » et « l’urgence ». La crise se situe avant l’urgence. Elle est définie comme « un état instable qui, en l’absence d’intervention appropriées, évolue quasi inéluctablement vers l’urgence » mais aussi comme

« une situation interactive conflictuelle impliquant le malade et son environnement (famille, voisins, milieu professionnel, médecin traitant, service sociaux ou municipaux, …) » (Fousson J, Pastour N, Zeltner L, Mauriac F, p144) et d’après la circulaire du 30 juillet 1992.

Nous pouvons alors voir que la crise touche le patient mais aussi l’ensemble des personnes qui lui sont proches et de ce fait, les soignants qui s’occuperont de lui.

La crise peut donc impacter l’accueil du patient et au travers de nos entretiens auprès d’infirmiers, nous essaierons de savoir par quels procédés cette crise peut être désamorcée et comment se passe l’accueil d’un patient dans ce cas.

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15 2.3. LA « FOLIE 1 »

La « folie » est définie par le dictionnaire « Robert » comme « un trouble mental, égarement de l’esprit (aliénation, démence). Un manque de jugement, absence de raison (déraison) ».

D’après le « Vocabulaire technique et critique de la philosophie », de André Lalande, la folie

« est un terme général et très vague. Voir Aliénation mentale. On l’emploie spécialement dans les expressions suivantes : folie des grandeurs ou mégalomanie {…}, folie de persécution {…}, folie circulaire {…}, folie morale » (Lalande, A, 2006, p360,361).

Michel Foucault, philosophe français du XXème siècle, s’intéresse à travers son livre (sa thèse) « Histoire de la folie à l’âge classique » au traitement de la folie.

Nous nous servirons par la suite, d’une vidéo de Hervé Guillemain publiée en 2019, exposant une partie des paroles de Michel Foucault.

Dans celle-ci, M. Foucault explique de quelle façon sont traités les « fous » par la société du Moyen-âge jusqu’à aujourd’hui. Nous allons donc nous intéresser à cette évolution de la

« folie » durant ces décennies afin d’essayer de comprendre comment la psychiatrie est apparue.

Tout d’abord, M. Foucault parle du « fou » du Moyen-âge, qui lui, était reconnu, tout comme son discours, à l’inverse de ceux qu’il appelle les « furieux » qui étaient pris en charge.

Au XVIème siècle et au début du XVIIème siècle « les fous distrayaient le public, écrivaient des livres, étaient célèbres » (M, Foucault, 2019, 00: 35 secondes).

Par la suite, ils seront enfermés dans des léproseries qui étaient des hospices où les lépreux étaient soignés.

Durant le XVIIème siècle, le « fou », qui avait jusqu’alors une place dans la société va, selon M. Foucault devenir un marginal.

L’hôpital général, créé en 1657, va l’accueillir « avec les vagabonds et les débauchés » (M, Foucault, 2019, 01: 34 seconcdes). La société va renvoyer le « fou » dans la déraison, autrement dit la « folie » de nos jours. Il va être exclu et enfermé, et M. Foucault va appeler cette période

« le moment du grand enfermement ». (M, Foucault, 2019, 00:46 secondes)

1 À partir de maintenant, j’utiliserai le terme « folie » en référence à « l’Histoire de la folie à l’âge classique » de Michel Foucault.

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16 Au fil du temps, le « fou » va être enfermé dans des institutions spécialisées, qui vont commencer à se créer, et va s’opposer à la raison que prônent les philosophes des Lumières au XVIIIème siècle. À partir de ce siècle et jusqu’au XIXème siècle va « se développer un réseau d’asiles pour les aliénés » (M, Foucault, 2019, 02 : 26 secondes).

Par la suite, une loi va être votée en 1838, dictant dans quelles conditions un malade peut être interné.

À la fin du XIXème siècle, les asiles étaient remplis, d’après M. Foucault, car le « fou » était de venu « un objet d’étude » dans les institutions. (M, Foucault, 2019, 03:01 secondes).

Enfin, les aliénistes, qui étudiaient les « fous », vont devenir, d’après le philosophe, des psychiatres et la folie va se médicaliser. Les symptômes de ces maladies vont être décrits et classifiés. Différentes techniques vont se développer : thérapies de choc, électrochoc, lobotomie et en 1950 les chimiothérapies avec les neuroleptiques.

A travers cette évolution, nous avons pu voir que la « folie » n’a pas toujours été considérée de la même façon. Il est important de connaître l’histoire de la « folie » pour comprendre comment elle a pu être accueillie antérieurement et comment elle est accueillie aujourd’hui. En lien avec mon sujet, il va être intéressant de voir lors de mes entretiens, comment cette « folie » est accueillie en institution, de nos jours, plus de 70 ans après la sortie des neuroleptiques. Ce rapport entre la « folie » et l’accueil va être déterminant pour la suite de mon mémoire.

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3. PHASE EXPLORATOIRE

3.1. ENQUETE EXPLORATOIRE

L’enquête exploratoire que nous mènerons afin de nous aider à répondre à la question de départ reposera sur 3 critères : les lieux, le public et les outils.

Cette étape nous permettra de mettre en relation notre cadre de référence avec l’enquête sur le terrain afin d’affirmer ou de réfuter nos hypothèses.

3.1.1 Lieux et publics :

Pour cette enquête exploratoire, nous voulions laisser place aux professionnels ainsi qu’aux patients afin de recueillir le ressenti des deux parties pour un même accueil. Malheureusement, cela n’étant plus possible pour les patients, nous décidons de nous consacrer exclusivement aux professionnels de santé travaillant auprès de personnes atteintes de pathologies psychiatriques.

Nous souhaitons nous déplacer dans deux services différents.

Le premier sera un accueil de crise fermée dans lequel deux infirmières seront questionnées : une infirmière diplômée depuis peu et une infirmière ayant une expérience de plus de 10 ans.

Ceci permettra alors de comparer les méthodes d’accueil de ces infirmières en fonction de leur expérience et des enseignements qu’elles ont reçus.

Dans un second temps, nous interrogerons un infirmier qui travaille dans un service d’accueil, ayant pour but l’orientation des patients sur un même pôle.

Les lieux choisis ici nous permettront de voir comment la folie peut être accueillie dans ces deux structures différentes et aussi, quelle est la place de la crise dans l’accueil. Ces deux lieux accueillent des personnes avec diverses pathologies psychiatriques. Notre objectif sera d’observer le rôle de la maladie lors de l’accueil et les diverses postures soignantes que l’on peut retrouver lors de celui-ci.

Nous allons donc pouvoir étudier les différentes « méthodes » d’accueil et déterminer si certaines sont similaires.

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18 3.1.2 Outils et méthodes

L’outil que nous utiliserons sera l’entretien semi-directif. Cet entretien va nous permettre d’annoncer préalablement notre question inaugurale et de présenter un guide d’entretien avec le ou les thèmes que nous souhaiterons aborder avec le public choisi.

Les entretiens menés seront individuels dans le but de nous consacrer entièrement à la personne, à son ressenti et à son discours, sans en attendre de réponses précises.

L’objectif est de recueillir différents témoignages pour un même thème d’étude : l’accueil.

L’avantage des entretiens individuels est le non-jugement. En interrogeant les personnes seules à seules, elles auront moins de difficultés à se confier, leur parole sera de ce fait libérée et il n’y aura pas d’effet de groupe ni de jugement.

Nous prévoyons de réaliser trois entretiens avec différents professionnels de santé. Ceux-ci seront exploités pour, par la suite, les comparer avec le cadre de référence afin d’affiner notre questionnement. Ces entretiens nous permettront de connaitre leur façon à chacun d’aborder l’accueil en psychiatrie, et si les concepts évoqués dans notre cadre de référence sont utilisés par les soignants. Le but serait qu’ils s’expriment au travers de situations concrètes et qu’ils enrichissent leurs réponses avec des exemples. Grâce à cela, nous pourrons voir quelles sont les limites de l’accueil mais aussi les principales difficultés qu’ils sont amenés à rencontrer.

Enfin, nous ferons une analyse qualitative, c’est-à-dire une analyse qui permettra « de rendre compte des rapports entre les résultats obtenus et les ressentis des sujets ». Nous retranscrirons les entretiens au fur et à mesure pour en retirer les éléments importants pour cette enquête. Nous les interprèterons, afin de les classer selon les thèmes et leur donner une signification en liant les entretiens avec le cadre de référence.

3.1.3 Guide d’entretien :

Dans un premier temps, nous souhaitons aborder les professionnels interrogés avec un point d’honneur sur le non-jugement de leurs propos ainsi que le respect de ceux-ci. Il leur sera également précisé que les entretiens seront enregistrés et retranscrits avec leur accord, mais

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19 qu’ils resteront strictement anonymes. Avant de commencer l’entretien, nous effectuerons une présentation courte et simple du travail réalisé afin d’exposer le sujet sans pour autant en dire trop et aiguiller la personne interrogée.

Par la suite, nous lui poserons une question sur son parcours professionnel afin qu’elle puisse à son tour se présenter et que nous puissions lancer la discussion en douceur en évitant de rentrer dans le vif du sujet de façon trop brutale.

La question inaugurale qui sera posée sera la suivante : « Selon vous, qu’est-ce que l’accueil en psychiatrie ? ». Celle-ci permettra d’introduire le thème général de notre sujet.

Afin de mener à bien ces entretiens, nous avons préparé certains thèmes de relance pour ne pas s’égarer et pouvoir recueillir un maximum d’informations.

Dans un premier temps, des questions seront posées autour de l’accueil : Pouvez-vous me dire ce que le mot « accueil » évoque pour vous en général dans le domaine paramédical / médical

? Comment prend forme l’accueil en psychiatrie ? Quels sont les points importants à connaître pour accueillir un patient ? Pouvez-vous par exemple, me décrire une situation d’accueil que vous avez vécue ? Est-ce que vous pensez que l’accueil peut être pensé autrement que simplement par un entretien d’accueil lorsque l’on rencontre le patient ? Comment accueilleriez-vous un patient dans une unité de psychiatrie ?

Ensuite, viendront des questions autour de la crise en psychiatrie et comment celle-ci peut être gérée lors de l’accueil : Est-ce que l’accueil d’une personne qui arrive en état de crise, se fait de la même façon qu’un patient « lambda » (en psychiatrie) ? Quels sont vos recours face à la crise en psychiatrie lors de l’accueil ?

Enfin, il nous semble intéressant de savoir quelles sont les principales difficultés rencontrées lors de l’accueil, si celles-ci ne nous ont pas été évoquées auparavant. Pour cela, nous pourrons poser les questions suivantes : Quelles sont les principales difficultés que vous pouvez rencontrer lorsque vous accueillez un patient en psychiatrie ? Est-ce que le manque de places en psychiatrie impacte votre prise en charge ? La violence est-elle une difficulté que vous rencontrez souvent ?

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20 3.2. DEROULEMENT DES ENTRETIENS :

Trois entretiens ont été effectués auprès de différents professionnels de santé. Deux d’entre eux se sont déroulés dans des bureaux d’un hôpital psychiatrique. Le dernier entretien a été effectué par téléphone, car la personne ne souhaitait pas qu’on soit en contact direct en raison de la situation sanitaire.

Tous les entretiens ont été planifiés au préalable pour être sûr de notre disponibilité. Ils se sont donc déroulés dans de bonnes conditions.

Enfin, les entretiens ont été retranscrits dans leur intégralité (cf. Annexes I, II, III).

3.2.1 Premier entretien

Afin de garantir son anonymat, nous l’appellerons Arnaud. Pour cet infirmier, l’accueil est un moment déterminant dans la prise en charge d’un patient. Au vu de sa longue expérience en accueil de crise fermée ainsi qu’à l’accueil, Arnaud définit celui-ci, premièrement comme « une vision de l'ensemble des symptômes que le patient va te présenter » (cf Annexe I, Arnaud, l.14).

Par cela, il entend que l’accueil repose sur l’analyse que nous pouvons faire du patient à son arrivée en fonction de ce qu’il nous dit, ce qui va par la suite définir son orientation. Ce qui est donc primordial selon lui, c’est la « clinique aigüe » (cf Annexe I, Arnaud, l.20) que nous avons, qu’il définit par les nombreuses connaissances psychopathologiques requises pour effectuer un bon diagnostic. Associée à celle-ci, l’expérience est un point primordial, selon lui, car sans ça, il est difficile de prendre correctement en charge un patient lorsqu’il arrive en psychiatrie.

Arnaud nous parle des différentes techniques qu’il a apprises avec le temps pour arriver à contourner les mécanismes de défense de certains patients. En effet, sans ces « techniques d’accueil », celui-ci peut très mal se dérouler et l’hospitalisation va de ce fait mal débuter. Il est donc très important de repérer les mécanismes de défense que peuvent avoir les patients pour adapter son discours.

D’après Arnaud, un des points importants dans l’accueil est l’écoute active du patient que l’on met en lien avec nos connaissances cliniques « Donc c’est ça l’accueil aussi, c’est connaître celui qui est en face de toi et apprendre à l’écouter » (cf Annexe I, Arnaud, l.33).

De plus, cet infirmier nous explique que dans l’accueil tout est lié ; le fait d’avoir une clinique importante va nous permettre de créer une ambiance qui est l’un des points essentiels pour accueillir une personne. En effet, l’accueil ne se résume pas selon lui à un simple entretien

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21 d’accueil mais à plusieurs facteurs (« l’écoute », « l’ambiance », « le discours », …) qui vont être déterminants pour la suite de la prise en charge du patient.

En effet, Arnaud nous précise que l’accueil est un processus qui s’étend dans la durée « ce n'est pas sur un instant T puisque finalement, moi, je vais pouvoir le revoir dans une unité où je l'ai hospitalisé » (cf Annexes I, Arnaud, l.60-61). Il explique donc que ça lui arrive souvent de revoir des patients et de discuter avec eux de la même façon qu’il l’avait fait lors du premier entretien d’accueil avec toujours cette notion d’écoute, d’ambiance, de discours, de clinique et d’évaluation des symptômes que présente le patient.

Enfin, pour cet infirmier, l’accueil ne peut pas toujours se dérouler sans difficulté. Il nous explique donc que les principales difficultés qu’il peut rencontrer sont les différentes formes d’agressivité des patients, que ce soit envers eux-mêmes (auto-agressivité) ou envers les autres (hétéroagressivité). Il est alors compliqué d’arriver à échanger avec les patients. Le déni du patient est aussi l’une des problématiques rencontrées fréquemment, ou encore la mauvaise lecture clinique des soignants.

La notion de médiatisation de la psychiatrie est aussi un problème relaté par cet infirmier. Selon lui, cette médiatisation entraînerait pour les patients une peur de l’institution « il y a le fait que la personne ait peur de l'institution psychiatrique » (cf Annexes I, Arnaud, l.79). Enfin, les problèmes institutionnels, et notamment le manque de places sur l’hôpital représentent l’une des difficultés auxquelles Arnaud est confronté chaque jour « C’est une catastrophe » (cf Annexe I, Arnaud, l.105).

3.2.2 Deuxième entretien

Afin de garantir son anonymat, nous l’appellerons Julie. Cette infirmière travaille en psychiatrie depuis l’obtention de son diplôme, il y plus de dix ans, et nous fait part de son expérience d’accueil des patients en unité psychiatrique (essentiellement des unités fermées).

Tout d’abord, elle définit l’accueil selon deux critères : le moment où l’on reçoit une personne et la façon dont on la reçoit « le moment où tu reçois quelqu'un et la façon dont tu le fais » (cf Annexes II, Julie, l.2). Selon elle, l’accueil est cadré de façon institutionnelle avec le coté administratif, les entretiens médicaux et infirmiers, mais il ne se résume pas qu’à cela. Elle le définit aussi par les concepts qui vont être utilisés lors de cet accueil « l'écoute, la bienveillance, la réassurance » (cf Annexes II, Julie, l.16), afin de créer un lien avec le patient, ce qu’elle

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22 appelle une « alliance ». Cette alliance est selon elle primordiale pour la prise en charge d’un patient ; elle peut commencer lors de l’accueil et se prolonger tout au long de l’hospitalisation.

Un terme important que Julie met aussi en avant est l’accessibilité. Selon elle, un patient n’est pas toujours accessible dès son entrée dans l’unité de par sa pathologie, ses mécanismes de défenses ou autres, et le fait de le savoir permet de ne pas le forcer à parler tout de suite mais de trouver le moment adéquat. C’est d’ailleurs ce qu’elle avait pratiqué lors de l’entrée d’une personne en crise (agitation, hétéroagressivité, contentions, hurlements, persécution, …) qu’elle avait dû installer en chambre d’isolement (avec l’aide de l’équipe) et sédater. Elle est revenue quelque temps après pour essayer de créer une alliance avec cette patiente car, après l’administration des traitements, celle-ci paraissait plus accessible.

Julie nous montre, grâce à cette situation, que le premier contact n’est pas ce que l’on appelle l’accueil. L’entretien d’accueil n’est pas, selon elle, la seule chose à faire pour accueillir un patient « finalement selon le patient et son état psychique, il n'est pas forcément réceptif à un entretien d'accueil, il peut avoir besoin d'autre chose sur le moment » (cf Annexes II, Julie, l.75-76). Selon elle, un des critères pour accueillir un patient est l’ambiance dans lequel il sera accueilli. Par ailleurs, elle exprime le fait que cette ambiance, en institution psychiatrique, n’est pas toujours optimale. Elle parle par exemple des patients agités, tendus ou qui crient dans l’unité. Ceci va, selon elle, entraver l’accueil qui « peut être mal vécu, angoissant voire effrayant pour le patient qui est accueilli » (cf Annexes II, Julie, l. 97-98).

D’autres difficultés exprimées par Julie sont les difficultés institutionnelles comme le manque de personnel soignant, de temps, de capacités d’accueil, … Elle donne aussi l’exemple d’une situation marquante, qui l’a mise en difficulté à cause d’une erreur d’orientation du patient qui a été dirigé vers une unité ouverte alors qu’il aurait dû bénéficier d’une unité fermée avec la possibilité d’avoir une chambre d’isolement. Ceci a mis l’ensemble de l’équipe en difficulté et le patient en danger (qui a d’ailleurs fugué et a eu un grave accident qui a failli lui coûter la vie).

3.2.3 Troisième entretien

Afin de garantir l’anonymat de la personne interrogée, nous l’appellerons Luna. Cette jeune infirmière de 24 ans nous explique que selon elle, l’accueil se fait lorsque l’on rencontre le patient durant un entretien d’accueil. Elle nous explique que durant celui-ci, elle recueille un

(27)

23 maximum d’informations sur le patient, son motif d’hospitalisation et s’occupe de tout ce qui est d’ordre administratif.

Elle explique aussi que l’accueil se fait en plusieurs étapes car il y a une évaluation médicale ainsi qu’un entretien infirmier. Selon elle, l’accueil ne peut pas toujours se faire dès l’arrivée du patient « D'autres arrivent en brancard des urgences, et sont encore sédatés. Au moment où ils arrivent, l'accueil sera très bref, et les échanges restreints » (cf Annexes III, Luna, l26 à 28).

Cette infirmière met donc en avant que l’accueil ne se résume pas au premier contact et peut varier d’un patient à un autre selon plusieurs critères (la sédation, sa première hospitalisation ou non, …).

Elle met en lien l’accueil avec une notion d’écoute mais aussi de temporalité, avec le fait également que chaque patient est différent et selon sa pathologie, son déni des troubles ou encore son état physique et psychique, la durée de l’accueil sera différente.

Enfin, concernant les difficultés que l’on peut rencontrer lorsqu’on accueille un patient, Luna décide d’aborder la « diabolisation » de la psychiatrie « la psychiatrie reste diabolisée et même tabou » (cf Annexes III, Luna, l.80). Ceci représente une difficulté selon elle, car si le patient a cette vision de la psychiatrie, il sera plus difficile de créer une adhésion aux soins car certains patients sont effrayés par ce milieu qu’ils ne connaissent pas mis à part au travers de la télévision ou des médias.

3.3. ANALYSE DES ENTRETIENS :

Après avoir lu plusieurs fois les entretiens, nous pouvons en faire une analyse thématique, selon les différentes problématiques qui ont été soulevées. Nous allons donc les développer ci- dessous.

Contrairement à la définition du Dictionnaire Robert où l’accueil était le « moment où la personne arrive », en psychiatrie c’est différent. Arnaud, l’un des soignants interrogés, nous parle dans un premier temps de la normalisation de la psychiatrie « c’est devenu normalisé » (cf Annexe I, Arnaud, l.62). Il exprime, en comparaison avec la définition de l’accueil en général, que l’accueil en psychiatrie se fait dans la durée et pas seulement lors de l’arrivée du patient « un accueil ce n'est pas sur un instant {…} Par contre au niveau de la définition,

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24 l'accueil est un instant « T » » (cf Annexe I, Arnaud, l 64 et 69). On comprend donc que celui- ci s’étend dans la durée et nécessite différentes « techniques » selon lui.

Tout d’abord, la « technique d’accueil » est un terme qui est revenu plusieurs fois dans les entretiens. Dans celle-ci, on peut y trouver la notion d’écoute qui est au centre de l’accueil ; c’est-à-dire que tout passe par celle-ci, comme par exemple l’alliance qui se crée avec le patient ou encore les entretiens de réassurance qui sont des éléments essentiels dans la prise en charge des patients en psychiatrie. Savoir écouter est un acte qui s’apprend. C’est ce qu’on appelle de l’écoute active et c’est grâce à ce concept que la notion de disponibilité fait suite. En effet, la disponibilité est une notion qui a été rapportée par les 3 soignants interrogés. Nous pouvons remarquer que deux des notions exposées par C. Parada dans notre cadre de référence sont reprises ici : la disponibilité et l’écoute. Ceci permet de nous montrer que l’accueil n’est pas seulement un acte simple mais qu’il nécessite la présence de ces concepts.

Concernant la disponibilité, plusieurs ont été mises en avant. La première étant : la disponibilité du patient. Certains patients ne sont pas accessibles psychiquement ou même physiquement lors de leur arrivée dans le service pour de multiples raisons (agressivité, déni des troubles, angoisse de l’hospitalisation, délire, …). Si le patient n’est pas disponible à être accueilli correctement, l’accueil va donc être différé. C’est la même chose pour les soignants. Un soignant n’est pas toujours disponible psychiquement, ni même physiquement « malheureusement ce n’est pas toujours applicable {…} on n’est pas toujours disponible » (cf Annexe II, Julie, l87-88). Il arrive aussi qu’il soit préoccupé ou dérangé par les autres patients de l’unité. Dans ce cas, l’accueil ne pouvant pas être réalisé convenablement, il sera effectué plus tard.

À cette notion de disponibilité ou d’accessibilité peut s’ajouter la notion de temporalité qui est revenue à plusieurs reprises. Par la temporalité, les soignants veulent aussi parler de disponibilité. Prendre le temps revient à être disponible pour le patient afin de réaliser un acte correctement. Malheureusement, cette notion de temps est aléatoire en psychiatrie selon les urgences journalières imprévues.

Concernant l’ambiance, que citait C. Parada, les soignants interrogés sont d’accord sur le fait que ce n’est pas toujours possible de créer une ambiance. En effet, l’une des personnes interrogées dit « il y a des moments où l’ambiance du service peut être très tendue et ça peut être mal vécu, angoissant voire effrayant pour le patient qui est accueilli. » (cf Annexe II, Julie, l 95 à 97).

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25 On peut donc penser ici, que les concepts d’écoute, de disponibilité ou encore d’ambiance tels que les citer C. Parada sont des notions encore utilisées en psychiatrie de nos jours. Par ailleurs, les conditions de la psychiatrie ne permettent pas toujours de les appliquer selon les soignants.

Au vu des nombreux éléments dont nécessite l’accueil pour être réalisé convenablement, on peut donc penser que celui-ci est un soin, à proprement parler, en psychiatrie. Il va aussi mobiliser d’autres concepts : connaissances cliniques, capacité d’écoute ou encore des documents administratifs. Dans ce cas, nous pouvons donc voir que les soignants ne définissent pas l’accueil comme une acte protocolaire car ils évoquent la singularité du patient en parlant de la différence qu’il y a entre chaque accueil. Par ailleurs ce qui à leur sens est protocolisé, est le côté administratif ou encore gestionnaire qui intervient lors de l’accueil.

Les trois personnes interrogées sont unanimes sur le fait que l’accueil demande une certaine rigueur ainsi que des connaissances cliniques suffisantes. Selon eux, c’est grâce à ces connaissances que des erreurs de diagnostic ou de mauvaise orientation des patients peuvent être évitées. De ce fait, on apprend à créer une alliance et une relation de confiance avec le patient, en employant les mots justes et adaptés à chaque situation.

Par ailleurs, de nombreuses difficultés ont été relevées, qui, selon eux, empêchent d’accueillir un patient correctement. Dans un premier temps, il y a la notion de gestion, la gestion des places plus particulièrement. En effet, on peut noter une forte diminution du nombre de places en psychiatrie depuis ces dernières années, due à la fermeture de plusieurs services. De nos jours, accueillir un patient va automatiquement induire la question « Avons-nous de la place ? ».

L’accueil est donc contraint à un nombre de lits (restriction des places), ce qui touche à la notion d’hospitalité. Pouvons-nous alors penser que le sujet devient « objet » ? Qu’il y a une transformation des personnes en objets causée par cette approche standardisée, gestionnaire ? La question de la singularité du patient est « mise à mal », car, comme le disait très bien Arnaud dans son entretien, il leur arrive de renvoyer des patients chez eux par manque de places et de les faire revenir quelques jours après quand une place se libère. Peut-on alors parler de singularité du patient et de service public dans ce cas ?

De plus, nous pouvons penser, d’après le témoignage des soignants, que la réticence des patients à se faire hospitaliser en psychiatrie proviendrait de films (ou séries) de plus en plus nombreux sur les plateformes de vidéos à la demande. Elle pourrait aussi provenir des médias au travers des faits divers qu’ils relatent comme celui du double meurtre sur une infirmière et une aide- soignante dans un hôpital psychiatrique, à Pau en 2004, commis par un patient.

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26 Par ailleurs, d’après une enquête de l’HAS en 2016 « Épisodes de violence de patient hospitalisé en psychiatrie », il a été estimé qu’environ 30% des patients hospitalisés peuvent avoir des manifestations d’agressivité, mais seulement 2% ont des épisodes de violences répétés.

Face à cela, des mesures de préventions efficaces existent pour réduire la fréquence de ces violences comme par exemple, la loi DATI, promulguée en 2008 sur la rétention de sureté.

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CONCLUSION :

Ce travail de fin d’études avait pour but de comprendre la place de l’accueil en psychiatrie et les difficultés que celui pouvait engendrer. En effet, certaines situations vécues lors de mes stages m’ont questionnée sur ce qu’était réellement l’accueil en psychiatrie. Ma question de départ a donc été : « En quoi l’accueil fait soin en psychiatrie ? ».

La rédaction de ce mémoire fut riche en découvertes d’un point de vue théorique, grâce aux textes lus pour développer mes recherches, ainsi que d’un point de vue pratique grâce aux entretiens que j’ai pu mener. J’ai ainsi pris du recul sur certaines situations qui m’étaient difficiles à comprendre ou à concevoir et trouvé des réponses aux différentes questions que je me posais sur les modalités de l’accueil en psychiatrie.

Ces questions ont d’ailleurs fait l’objet de mon guide d’entretien lorsque je suis allée interroger des professionnels de santé sur le terrain.

Au terme de ma formation, ce travail me semble important pour ma future orientation professionnelle. Effectivement, voulant me diriger vers le domaine de la psychiatrie, cette étude très enrichissante m’a permis d’étudier plus en profondeur ce que pouvait être l’accueil et son rôle central lors de la prise en charge des patients.

En effet, l’accueil nécessite de nombreux savoirs tels que des connaissances cliniques, une faculté d’écoute active, une grande disponibilité ainsi que la capacité à favoriser la création d’une alliance.

Par ailleurs, j’ai pu aussi me rendre compte des nombreuses difficultés qui peuvent se greffer à l’accueil, tels que des problèmes d’ordre gestionnaire, des situations d’agitation et/ou d’agressivité (auto ou hétéro) qui nécessitent parfois la mise en place de contraintes (physiques ou psychiques) ou encore la « diabolisation » (ou médiatisation négative) de la psychiatrie qui peuvent entrainer pour les patients une certaine réticence à se faire hospitaliser.

Concernant les difficultés relatées ci-dessus, je me demande comment envisager la place du sujet dans un fonctionnement institutionnel particulièrement réglé ?

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BIBLIOGRAPHIE :

Ouvrages :

- DELION, Pierre. (2006). Psychose, vie quotidienne et psychothérapie institutionnelle.

- DELION, Pierre. (2011). Accueillir et soigner la souffrance psychique de la personne. (2e édition).

- OURY, Jean. (2001). Psychiatrie et psychothérapie institutionnelle.

Revues / publications :

- Ayme, J. (1989). La psychothérapie institutionnelle essai de théorie sur la folie. Dans : Michelle Cadoret éd., La folie raisonnée (pp. 329-346). Paris cedex 14, France: Presses Universitaires de France. https://www.cairn.info/la-folie-raisonnee--9782130426035-page- 329.htm

- Formarier, M. (2012). Accueil. Dans : Monique Formarier éd., Les concepts en sciences infirmières : 2ème édition (pp. 43-45). Toulouse, France : Association de Recherche en Soins Infirmiers. https://www.cairn.info/concepts-en-sciences-infirmieres-2eme-edition-- 9782953331134-page-43.htm

- Fousson, J., Pastour, N., Zeltner, L. & Mauriac, F. (2013). « C'est pas de la psy » : extension et limites de l'intervention de crise en psychiatrie [*]. L'information psychiatrique, 2(2), 143- 150. https://www.cairn.info/revue-l-information-psychiatrique-2013-2-page-143.htm

- Guillemain, H. (2019). Histoire de la folie, selon Michel Foucault (France culture).

https://www.youtube.com/watch?v=lhn53WDSDcQ

Sitographie :

- La Haute Autorité de Santé (HAS)

- Le Centre National des Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL) https://www.cnrtl.fr/definition/ambiance

- Le journal électronique Le Point : https://www.lepoint.fr/societe/romain-dupuy-on-veut-m- interner-a-vie-je-subis-une-injustice-30-04-2021-2424338_23.php

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SOMMAIRE DES ANNEXES :

Annexe I : Entretien avec Arnaud

Annexe II : Entretien avec Julie

Annexe III : Entretien avec Luna

Annexe IV : Autorisation de diffusion du travail de fin d’études

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