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CODE ÉPREUVE : 958

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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C O N C O U R S A T S -SESSION 2020-

É P R E U V E D E F R A N Ç A I S

CODE ÉPREUVE : 958

DICTIONNAIRE ET APPAREILS ELECTRONIQUES INTERDITS

DURÉE DE L’ÉPREUVE : 4H

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Épreuve ENSEA filière ATS. Session 2020.

Texte :

L’absence d’incorporation qui résulte du lieu vide du pouvoir n’est pas une pure question philosophique ou théologique, une abstraction intellectuelle : très régulièrement, les observateurs de la vie politique française s’interrogent sur la capacité du président à « incarner » la fonction qui est la sienne. Il faut au chef de l’État, disent-ils, une étoffe, une stature et une vision qui permettent de rassembler la nation ou, à minima, de donner consistance à une promesse politique que les citoyens pourront en quelque sorte endosser. De cette consistance, de cette capacité d’incarnation semblent dépendre le corps même du peuple et son identité, dont Lefort a pointé l’incertitude intrinsèque. Le soupçon de monarchie qui pèse sur le président français, quel qu’il soit, n’est que le revers du défaut fondamental d’incarnation de la démocratie. La permanence de ce soupçon traduit la faiblesse de l’étayage contemporain de la démocratie elle-même, et pas seulement en France, à la fois en termes d’institution – des institutions publiques, mais aussi de l’institution des citoyens en tant que tels (il s’agit non seulement de les former civiquement mais aussi de les installer symboliquement dans leurs responsabilités publiques) – et de transmission de l’histoire du peuple – pas seulement du roman national, façon Michelet – et de son héritage.

Mais la naissance de l’incarnation n’est pas la seule difficulté. La naissance même de la démocratie est un écart. Nous l’avons dit, elle trouve la possibilité d’advenir quand un ordre antérieur – qui n’est pas seulement politique – s’effondre. Elle est donc une sortie, une poussée, un dépassement de ce qui ne suffit plus pour porter l’existence souhaitable d’une communauté humaine. La démocratie naît en s’écartant. Elle naît comme projet, comme promesse à elle- même de dessiner un monde possible où l’être-ensemble va tenter de conjoindre l’égalité et la liberté, deux conditions jusque-là inédites, nées de l’effondrement mentionné, qui doivent, au fond, s’inventer avec/comme la démocratie. Or l’ensemble est fragile, et l’égalité et la liberté

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ne sont que des horizons. Non pas des utopies, parce qu’on peut en évaluer de manière palpable les avancées et les reculs, et parce que la question du droit – et pas simplement des droits – est toujours ouverte, qui leur donne réalité et consistance. Le peuple, l’égalité, la liberté ont lieu, partiellement, imparfaitement, certes, mais ils ont lieu, et c’est précisément la promesse de la démocratie que d’en élargir, d’en parfaire, d’en étendre ce lieu d’être. En ce sens, cette promesse n’est jamais atteinte, elle n’est jamais là, elle a toujours plus à réaliser, et nous sommes constamment en position d’en éprouver de la déception. Elle ne s’accomplit jamais assez vite. Elle est toujours « à venir » et « inachevée », comme la définit Jacques Derrida.

Devant un « ouvert » de l’avenir qui n’est pas d’avance calculable, projetable, dont l’ouverture se manifeste dans la critique, et jusque dans la crise de son état présent. Si bien que l’on peut dire comme Jacques Rancière qu’elle est « interruption » de ce qui tend à se reproduire comme système, indépendamment de l’être-ensemble, de la liberté et de l’égalité, ou comme Peter Sloterdijk qu’elle est une « pause » qui interrompt l’action, l’automatisme, le système, pour y introduire de la réflexion, c’est-à-dire une fois encore de l’écart. Car c’est la mise en question qui va rendre possible la relance de l’être-ensemble, de l’égalité et de la liberté.

Jean-François Bouthors et Jean-Luc Nancy, Démocratie hic et nunc, éditions François Bourin, 2019, pages 115-118.

I) Résumé.

Vous résumerez le texte en 120 mots (plus ou moins 10%). Vous indiquerez le nombre total de mots en fin d’exercice.

II) Dissertation.

« La naissance même de la démocratie est un écart. », affirment Jean-François Bouthors et Jean-Luc Nancy.

En faisant jouer cette citation à partir des textes au programme, vous commenterez et mettrez en perspective cette affirmation. Le devoir devra comporter un minimum de deux parties et présenter une réflexion argumentée.

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