Francoise Lempereur : La transmission du patrimoine culturel immatériel. Réflexion sur l'importance d'une médiation culturelle Thèse de doctorat en en information et communication défendue à l’Université de Liège le 31 mars 2008
Résumé
En ratifiant la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel proposée par l’UNESCO1, chaque Etat signataire s’est engagé à prendre des mesures destinées à assurer la viabilité des traditions orales (légendes, musique, chansons, etc.), des rituels festifs, des croyances, des savoir-faire et tout ce qui constitue un patrimoine, transmissible en soi ou comme valeur ajoutée aux patrimoines naturel, mobilier et immobilier, présents sur son territoire. Définies dans le texte de la convention, comme « l’identification, la documentation, la recherche, la préservation, la protection, la promotion, la mise en valeur, la transmission et la revitalisation des différents aspects de ce patrimoine », ces mesures nécessitent au préalable l’établissement d’un ou de plusieurs inventaires nationaux, régulièrement mis à jour.
Le présent travail était destiné, à l’origine, à mettre au point une base de données du patrimoine immatériel en Belgique romane, mais, comme aucune étude théorique globale ne s’était encore penchée sur le bien-fondé de l’inventorisation, pas plus d’ailleurs que sur celui de la « sauvegarde », il a évolué au cours de sa rédaction en une réflexion sur les enjeux, les conditions et les pratiques de la transmission et ce, dans une approche interdisciplinaire mêlant l’anthropologie, l’histoire, la sociologie, l’éthique, les sciences politiques, et faisant même ponctuellement appel à la linguistique, à la musicologie, voire à la neurologie ou au droit international.
Ma recherche est à la fois théorique et pragmatique ; elle intervient après une trentaine d’années passées sur le terrain à observer, enregistrer, filmer, photographier, les traditions orales et gestuelles de petites communautés inscrites dans le cadre géographique restreint de la Wallonie, tout en ne négligeant pas l’apport d’expériences extérieures à cet espace.
Mon hypothèse de base est qu’il existe un patrimoine culturel immatériel propre à chaque communauté socioculturelle (de taille et de composition variable), qui permet, face à une menace de mondialisation culturelle, de fonder une « ethnicité positive », apte à sociabiliser davantage qu’à isoler. La mise en valeur de ce patrimoine ne constitue pas un repli sur soi et sur le passé mais une ouverture vers une diversité culturelle, exempte de toute hiérarchisation.
La thèse ne prétend pas, en quelques centaines de pages, résoudre tous les problèmes théoriques que posent la transmission et la sauvegarde du patrimoine immatériel, mais propose une première réflexion sur les contenus, les finalités, les modes de transmission et les médiateurs utiles ou nécessaires, puisque telle est bien l’interrogation que nous pose aujourd’hui le maintien de cette « diversité culturelle ». Elle montre que l’évolution, permanente, des valeurs véhiculées par ce patrimoine est fonction du contexte social et économique dans lequel il se transmet, et qu’il est vain d’encadrer politiquement la transmission de ce patrimoine si cette transmission n’est pas un processus pris en charge, consciemment ou non, par les détenteurs de patrimoine eux-mêmes.
1 Convention promulguée lors de la Conférence générale de l’UNESCO du 16 octobre 2003, ayant pris cours au 20 avril 2006, trois mois après sa ratification par 30 pays membres. La Belgique, représentée par ses trois Communautés linguistiques a officiellement accepté de signer la Convention le 24 mars 2006.