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Le CER: instrument de planification des enseignements et d’évaluation des apprenants

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Academic year: 2021

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Le CER: instrument de planification des enseignements et d’évaluation des apprenants

Patrick Riba Paris

Jean-Marc Luscher Genève

30 Babylonia 1/07 www.babylonia.ch

I. Diversification et harmonisation

Ce n’est certainement pas en Suisse, et moins encore dans le canton de Fribourg qui a vu naître le Cadre européen commun de référence pour les langues, (le «Cadre»), que nous présenterons la situation en France comme un modèle ou une référence.

Nous tenterons plus modestement de conjuguer l’éclairage du centre international d’études pédagogiques, CIEP, qui gère les certifications en français langue étrangère du ministère français de l’Education nationale, MEN, et qui oeuvre pour l’introduction en France du Cadre, avec celui de l’équipe suisse du DELF-DALF Suisse, afin de répondre à l’appel du séminaire qui nous a réunis dans le site de Grangeneuve

1

.

Le Cadre a souligné en Europe l’importance du plurilinguisme avec ses incidences en politique éducative et linguistique, tant pour gérer ou susciter la diversité des langues en interne que pour la diffusion des langues à l’extérieur. Il a introduit une nouvelle éthique et un certain nombre de méthodes sur lesquelles nous allons nous pencher.

En France, les instructions officielles du MEN fixent depuis l’année universitaire 2005 des objectifs à atteindre en langue vivante 1, 2 ou 3 (LV1/LV2/LV3) dans l’enseignement général et de spécialité au niveau du baccalauréat

2

.

On notera que ces instructions qui s’énoncent en compétences spécifiques permettent de prendre en compte la diversité des besoins et des profils d’apprenants qui n’ont pas forcément le même niveau à l’oral qu’à l’écrit, en compréhension qu’en production. Ceci fait tendre le système vers un dispositif de personnalisation de l’enseignement et de fait les classes de terminale ont été dédoublées afin de permettre un suivi par niveau. Allant plus loin dans sa démarche, le MEN a également lancé un projet d’évaluation des compétences aux niveaux cités via des outils conçus par les partenaires européens. Le ministère allemand de la culture, KMK, a ainsi créé conjointement avec l’Inspection générale française une certification allemande en langue allemande pour évaluer les élèves à la fin de la troisième.

Ce dispositif devrait prochainement s’étendre aux autres langues et autres pays européens.

(2)

Enseignement obligatoire ou option facultative (LV3)

Enseignement de spécialité LV1 LV2 LV3 LV1 LV2 Compréhension

de l’oral

B2 B1/B2 A2/B1 B2/C 1

B2 Interaction orale B1/

B2

B1 A2 B2 B1

Expression orale

B2 B1/B2 A2/B1 C1 B2

Compréhension de l’écrit

B2 B1/B2 A2/B1 C1 B2

Expression écrite

B2 B1/B2 A2/B1 B2 B2

Le Cadre a eu également eu une influence directe sur l’offre de certifications (et sans doute de cours) en français langue étrangère, FLE. Le CIEP a ainsi développé un test entièrement aligné sur le Cadre, le Test de connaissance du français, TCF, et a réformé son diplôme d’études en langue française, DELF et son diplôme approfondi de langue française, DALF. Ces derniers forment donc dorénavant un système de 6 diplômes:

DELF A1 DELF A2 DELF B1 DELF B2 DALF C1 DALF C2

Pour en concevoir le contenu et préciser les exigences de chacun des diplômes, le CIEP a dû prendre en compte les procédures de spécification, de standardisation et de validation empirique proposées par le Cadre, selon des procédures élaborées par l’association européenne des certificateurs en langues, ALTE dans le cadre de son programme Code of Practice

3

.

La situation en Suisse est à cet égard à la fois exceptionnelle et exemplaire.

1. Une situation exceptionnelle

Intégrée depuis de nombreuses années dans l’éducation publique, les certifications DELF n’ont pas pu être adaptées au même rythme que dans le reste du monde: il était nécessaire que les élèves ayant débuté un cycle d’études dont le règlement mentionnait le DELF puissent effectivement obtenir le diplôme décrit, dans les conditions décrites, à l’issue de ce cycle. Le CIEP l’a bien compris, qui a accordé à la Suisse une dérogation exceptionnelle l’autorisant à passer au nouveau système deux ans après le reste du monde, soit en septembre 2007. En réalité, les premiers examens du DELF-DALF réformé seront proposés en Suisse en novembre 2007.

Tout laisse à penser que les diplômes continueront à être intégrés dans l’éducation publique.

Un diplôme B1 à Orientation Professionnelle pourrait également être proposé.

2. Une situation exemplaire

La situation de la Suisse est exemplaire parce que le Cadre Commun de Référence et son

application pratique, le Portfolio Européen des Langues (PEL) ont été acceptés par les groupes

d’experts et la CDIP comme une référence incontournable. En pouvait-il en être autrement dans

le pays qui a vu naître le projet de sa cadre (lors du symposium dit «de Rüschlikon» en 1993)

et qui abrite l’Université (Fribourg) dans laquelle des recherches décisives ont été menées, sous

la direction du professeur G. Schneider.

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Après ces travaux, un groupe d’experts a conseillé l’adoption de niveaux à atteindre dans l’enseignement des langues étrangères à la fin du secondaire inférieur (scolarité obligatoire) selon le tableau ci-dessous:

Ce texte n’est, de loin, pas appliqué actuellement dans toute la Suisse, mais c’est un outil important de la réflexion des autorités nationales et cantonales en la matière.

Deux éléments sont particulièrement à souligner:

• l’idée, nouvelle, de «langue nationale locale comme L2». Il s’agit de la prise en compte officiel de l’hétérogénéité linguistique des classes de l’école publique: ce serait le niveau d’allemand pour un Sri-Lankais établi à Winterthur ou un croate habitant Neuchâtel, par exemple. Cela implique une prise ne compte de la dimension «langue étrangère» pour les enseignants d’allemand ou de français langue maternelle.

• le maintien de la prééminence, en termes de niveau à atteindre du français sur l’anglais en Suisse alémanique. Ce fait ne doit pas être considéré comme allant de soi et fait l’objet d’un important travail politique de nombreux milieux favorables au français, qu’il faut soutenir.

Pour la maturité dite «gymnasiale», les cantons n’ont pas tous adopté le cadre, mais ceux qui l’ont fait ont fixé le niveau B2 comme base, avec des adaptations locales qui demandent C1, lorsque la branche est en «option spécifique» et B1 lorsqu’elle intervient dans un programme comme «langue supplémentaire». Et la maturité professionnelle a intégré, en Suisse alé- manique, le DELF 2nd degré (ancienne formule) pour vérifier le niveau B1.

II. Fiabilité et éthique

Afin d’illustrer l’approche méthodologique désormais en vigueur dans les centres DELF DALF (dont les Centres en Suisse), nous allons nous pencher sur la recherche de la fiabilité dans l’évaluation de la production écrite.

Il est en effet bien difficile d’assurer que les correcteurs des 1025 centres d’examens DELF DALF répartis dans 161 pays puissent attribuer la même note à une même copie. D’une part bien sûr parce que la notation est un acte social, un message, marqué culturellement, et que nous savons tous qu’un 12/20 n’a pas la même valeur en France, en Suisse ou en Inde.

Enseignement obligatoire ou option

facultative (LN3)

LN1 LN2 anglais LN3

Compréhension de l’oral

B2 B1+ A2+ A2+

Interaction orale B2 B1 A2+ A2

Expression orale B2 B1 A2 A1

Compréhension de l’écrit

B2 B1+ A2+ A2+

Expression écrite B2 B1 A2 A1

D’autre part parce que les cultures didactiques sont différentes d’un pays à l’autre, valorisant la

grammaire ou la maîtrise des formes linguistiques à droite et la compétence pragmatique de

communication à gauche. Même en deçà des références sociales et culturelles, nous avons tous

expérimenté les différences d’appréciation et d’évaluation entre deux collègues de même

formation et du même établissement. L’objet des recherches entreprises au sein des centres

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d’examen DELF-DALF est donc d’atteindre un niveau de consensus didactique minimal permettant de réduire au maximum les écarts de notation.

Ce processus se déroule en plusieurs étapes:

1. La spécification des niveaux du Cadre

Le CIEP participe à l’élaboration de référentiels pour le français dans le cadre du programme DNR de la division des Politiques linguistiques du Conseil de l’Europe (COE). Ces ouvrages, qui reprennent la structure descriptive du Niveau Seuil

4

- et donc du Threshold Level

5

, listent les attendus d’un niveau donné dans les domaines lexicaux, fonctionnel, orthographique, phonologique, etc.

Le niveau B2 est sorti en 20056, le A1 en 2006 et les niveaux A2 et B1 sont prévus pour 2007.

Afin de rendre ce projet plus opérationnel, un rapprochement est en cours avec l’équipe ger- manophone du Profile Deutsch

7

pour mettre en ligne ces référentiels. Une étude de faisabilité a été menée par M. L. Wertenchlag qui devrait permettre le démarrage du projet en 2007.

2. L’exemplification des niveaux du Cadre

La fondation Eurocentres et le CIEP ont réalisé également pour le COE un DVD d’exemplification des niveaux du Cadre en production orale8. Se basant sur l’avis d’experts qui ont évalué des productions de candidats en se fondant sur les aspects qualitatifs de l’utilisation de la langue parlée», tels qu’ils sont décrits dans le Cadre (tableau 3, p. 28), un calibrage consensuel a été établi qui sert désormais de référence pour illustrer les 6 niveaux du Cadre en français.

3. La formation et l’habilitation des correcteurs et des examinateurs

Le CIEP a conduit avec le ministère français des Affaires étrangères la formation et l’habilitation de plusieurs milliers de formateurs répartis tout autour du globe. En Suisse, une équipe d’environ 10 formateurs de formateurs est en train d’habiliter les quelques 700 examinateurs et correcteurs du dispositif DELF DALF.

Après avoir familiarisé ces examinateurs avec le Cadre, la philosophie didactique des examens et leur structure, des grilles critériées leurs sont proposées pour noter des performances choisies et en inférer le niveau. Ces corrections sont ensuite analysées en groupe jusqu’à l’obtention d’un consensus qui doit se rapprocher le plus possible des notes proposées pour ces mêmes copies par le CIEP. Les copies ainsi calibrées sont ensuite utilisées comme ancres, références, pour l’évaluation de nouvelles copies.

4. Le pré-test des épreuves

Afin de garantir une validité de construct, une congruence entre les objectifs affichés par l’évaluation et l’évaluation elle-même, les épreuves constitutives du DELF et du DALF sont pré-testées avant leur mise en œuvre officielle; les résultats de ces pré-tests sont soumis à un processus de validation empirique basé sur des procédures psychométriques (théorie classique des tests et modèle de Rasch9). Un pré-test réalisé en Suisse auprès de plus de 800 candidats a ainsi permis le mois dernier de valider un ensemble d’épreuves des niveaux A1 et B2.

Ces tests sont aussi l’occasion de poursuivre la formation des équipes de correcteurs et

examinateurs.

(5)

5. La passation des épreuves

Lorsque les équipes sont habilitées et les épreuves validées, les sessions officielles peuvent se mettre en place; les responsables de centres et coordinateurs pédagogiques réunissent alors les équipes pour une ultime phase de sensibilisation et d’harmonisation avant la passation officielle des épreuves; puis un jury national veille à déceler les éventuels dysfonctionnements et à y remédier avant de valider de définitivement les résultats.

6. Les études de corrélation

Deux fois par an les centres d’examen sont soumis à un test permettant de mesurer l’indice de corrélation inter jury pour un niveau donné. Trois copies de production écrite d’un niveau donné sont envoyées aux centres qui en font la correction argumentée et la renvoient au CIEP, qui tire des conclusions sur les écarts les plus manifestes. Ces résultats sont communiqués aux centres et des mesures de remédiation sont mises en place, soit à partir du site du CIEP, soit en intervention directe dans les centres10.

Conclusions

La référence à des standards internationaux dans des textes officiels n’est pas une panacée, et nous pensons qu’entre l’imposition coercitive venue d’en haut et la toujours improbable implication de la base, l’adoption de certifications internationales calibrées peut constituer une bonne stratégie pour harmoniser un dispositif éducatif.

Nous rappelons cependant qu’une offre de cours alignée sur le Cadre ne saurait se réduire aux seules certifications, car:

• on ne peut pas réduire l’acte d’enseignement/apprentissage à la simple obtention d’un diplôme.

• Un certain nombre de compétences ne sont pas évaluables dans une offre d’évaluation sommative, par exemple les compétences interculturelles.

• Le message social du résultat chiffré doit être adapté à la culture locale et à l’impact du test.

De plus, la faisabilité de la certification doit être en totale adéquation avec la faisabilité des cours, mais aussi et surtout avec les finalités et les objectifs de l’institution qui souhaite les mettre en place.

Les certifications internationales, et parmi elles le DELF et le DALF offrent au vu de ce qui précède un ensemble de garanties quant à leur validité et leur fiabilité. Elles peuvent représenter des économies d’échelle substantielles pour des institutions soucieuses d’accroître la lisibilité internationale de leur offre de cours et elles ne sont pas incompatibles avec le respect de la diversité si l’on s’entoure de normes et de procédures claires. Elles constituent un gage d’équité et de qualité et sont de puissants moteurs de formation pédagogique des enseignants.

Cette volonté d’universalité semble recouper les grandes lignes de la mondialisation et peut inquiéter alors que l’actualité semble nous condamner à choisir entre particularismes exacerbés et universalisme édulcoré.

Ne nous y trompons pas: la diversité est une donnée inscrite dans ce qui constitue la clef de

voûte du langage, et nous revendiquons qu’un apprentissage / enseignement des langues et des

cultures est indispensable à l’exercice de l’autonomie citoyenne et de l’équité qui seuls pourront

créer un projet de société capable d’intégrer les solutions que notre monde attend. Notre

démarche s’en veut une preuve, ce qui explique sans doute en partie le succès de nos

certifications dans ce pays si attaché à ces valeurs.

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Patrick Riba

est responsable du bureau du DELF et du DALF au Pôle évaluation et certifications du Centre international d’études pédagogiques à Sèvres chargé de cours à l’Université Paris 3 la Sorbonne Nouvelle.

Jean-Marc Luscher

enseigne à l’Université de Genève le français langue étrangère et la didactique du français langue étrangère. Il dirige les cours d’été de français de cette université. Impliqué dans les certifications DELF-DALF en Suisse depuis 15 ans, il en est actuellement le Responsable Qualité.

Notes

1 «L’enseignement des langues en Suisse: de quels standards parle-t-on? Entre diversité et adversité, quel consensus trouver?», Grangeneuve, 29 septembre 2006.

2 Bulletin officiel du MEN, circulaire n°2006-093 du 31-5-2006, DGESCO A1-4.

3 www.alte.org

4 «Niveau Seuil», Courtillon, Coste: Didier, 1975.

5 «Threshold Level», van Ek, Trim, Cambridge: CUP, 1991.

6 «Un référentiel pour le français niveau B2», Beacco, Bouquet, Porquier: Didier, 2004.

7 «Profile Deutsch», Glaboniat, Müller, Rusch, Schmitz,Wertenschlag: Langenscheidt ed, Ber- lin und Munchen, 2005.

8 cf. le site du Conseil de l’Europe, www.coe.int

9 Les personnes intéressées par ces procédures pourront consulter la version pilote du supplé- ment au Manuel «Comment relier les examens au Cadre européen» du Conseil de l’Europe, www.coe.int

10 Pour plus d’informations sur les études de corrélation inter-jurys du CIEP,

www.ciep.fr/delfdalf

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