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Gestion de la variation de la qualité des sols par les agriculteurs : enjeux pour la rentabilité et la durabilité
des exploitations agricoles françaises
Alice Issanchou
To cite this version:
Alice Issanchou. Gestion de la variation de la qualité des sols par les agriculteurs : enjeux pour la
rentabilité et la durabilité des exploitations agricoles françaises. Economies et finances. Agrocampus
Ouest, 2017. Français. �NNT : 2017NSARE047�. �tel-01976630�
• ISSANCHOU Alice
Alice ISSANCHOU • 21 décembre 2017
AGROCAMPUS OUEST • Institut supérieur des sciences agronomiques, agroalimentaires, horticoles et du paysage
65 rue de Saint-Brieuc – CS84215 – F-35042 Rennes Cedex Tél. : 02 23 48 50 00
www.agrocampus-ouest.fr La qualité des sols constitue un enjeu majeur en termes d’en-
vironnement et de préservation du potentiel agronomique et économique des exploitations agricoles. Les pratiques agri- coles ont des impacts sur la qualité des sols, dont certains entraînent une dégradation des sols et mènent à une réduction de leur productivité. La thèse a pour objectif de caractériser et d’éclairer les enjeux économiques de moyen et long terme de la variation de la qualité des sols en mobilisant des outils théoriques, statistiques et empiriques. Nous tentons, en simu- lant différents scénarios économiques, d’identifi er les leviers permettant de préserver le potentiel des sols. Nous utilisons un modèle dynamique de contrôle optimal où l’agent-agriculteur rationnel maximise son profi t dans le temps sous contrainte de la dynamique de la qualité des sols. Il y a deux facteurs de production : les intrants productifs (tels les engrais minéraux azotés) et la qualité du sol, capturée par sa matière organique (MO). La qualité du sol est impactée par les intrants productifs utilisés par l’agriculteur, qui peut investir dans la qualité de ses sols via l’utilisation des résidus de culture, l’intensité de labour et les choix des rotations. Nos résultats montrent que l’inves- tissement dans la qualité des sols fait partie d’une stratégie optimale de l’agriculteur qui, face à l’augmentation des prix des engrais et de l’énergie, substitue ainsi les fonctionnalités écosystémiques de son sol aux intrants chimiques. Les résul- tats mitigés de nos simulations en termes de MO montrent l’importance de considérer un large panel de pratiques mais permettent de discuter l’usage des instruments de politique publique et le rôle du conseil privé et public dans l’adoption des pratiques agroécologiques.
Soil quality management by farmers: profi tability and sustai-
profi ts over time under a soil quality dynamics constraint. We
model in terms of SOM fi nal values show the importance of
RÉSUMÉ
Gestion de la variation de la qualité des sols par les agriculteurs : enjeux pour la rentabilité et la durabilité des exploitations agricoles françaises
Thèse AGROCAMPUS OUEST sous le label de l’Université européenne de Bretagne pour obtenir le grade de DOCTEUR D’AGROCAMPUS OUEST
Spécialité Sciences économiques
ÉCOLE DOCTORALE • Sciences Économiques et sciences De Gestion (EDGE)
LABORATOIRE D’ACCUEIL • UMR INRA -AO Structures et marchés agricoles, ressources et territoires – Laboratoire d’études et de recherche en économie (SMART-LERECO), Unité de Recherche en Sciences Sociales (LARESS) Gestion de la variation de la qualité des sols par les agriculteurs : enjeux pour la rentabilité et la durabilité des exploitations agricoles françaises
Alain CARPENTIER
Directeur de recherche, UMR SMART LERECO / président Florence JACQUET
Directrice de recherche, UMR MOISA Montpellier / rapporteure
Marc BAUDRY
Professeur, Université Paris Ouest Nanterre / rapporteur Sylvain PELLERIN
Directeur de recherche, UMR ISPA, Bordeaux / examinateur Pierre DUPRAZ
Directeur de recherche, UMR SMART LERECO / co-directeur de thèse
Karine DANIEL
Directrice de recherche, LARESS ESA Angers / co-directrice de thèse
: qualité du sol, facteurs de production coopérants, pratiques de conservation, contrôle optimal, agroécologie
Keywords:
Remerciements
Je souhaite remercier tout d’abord et particulièrement mes directeurs de thèse, Karine Daniel et Pierre Dupraz, qui malgré leurs responsabilités et leurs emplois du temps char- gés, ont toujours su me consacrer le temps nécessaire au bon déroulé de cette thèse. Par leur présence, leur prise de recul et leur sens de l’analyse, ils ont été de précieux alliés ainsi que des exemples. Je remercie également Carole Ropars-Collet qui a été d’une grande aide pour tout le volet théorique de cette thèse.
Je remercie Florence Jacquet et Marc Baudry d’avoir accepté d’être les rapporteurs de cette thèse, et Alain Carpentier, Sylvain Pellerin et Alain Montembault d’avoir accepté de faire partie du jury de thèse.
Je remercie tout particulièrement Patrick Moron de m’avoir ouvert les portes de son exploitation et de ses données, ainsi que son conseiller agricole, Dany Lourdeau, pour ses discussions extrêmement enrichissantes, son expertise et sa disponibilité.
Je remercie aussi tous les membres de mon comité de thèse, Alban Thomas, Safya Menasseri, Philippe Leterme, Guillermo Flichman et Carole Ropars-Collet pour l’intérêt et l’aide qu’ils ont portés à mon travail de thèse. Leurs conseils bienveillants et éclairés ont été utiles et appréciés.
Je remercie également les membres de l’ESA et du LARESS en particulier, grâce à qui ces trois années parmi eux se sont déroulées dans d’excellentes conditions. Je remercie tout particulièrement Frédérique Pellet, l’assistante administrative du LARESS, qui par sa bonne humeur, sa gentillesse et son professionnalisme, m’a permis de passer ces trois années dans un cadre très confortable. Merci à mes collègues de bureau, passés et présents, pour leur convivialité et leur amitié, Elodie Turpin, Nicolas Courtade, Soazig Di Bianco, Aïdat Mogne et Giffona Justinia.
Je remercie la Chaire AEI et le GIS PCO ASAA d’avoir financé ces travaux de thèse.
Je remercie enfin chaleureusement toutes les personnes ayant contribué, d’une ma-
nière ou d’une autre, au déroulement de cette thèse.
Financements
Ce travail a été financé par une bourse de la Chaire AEI et du GIS PCO ASAA (Pôle de
compétences Ouest en sciences et technologies de l’Alimentation et des systèmes agricoles
et agroalimentaires")
Résumé Substantiel en Français
Gestion de la qualité des sols par les agriculteurs : enjeux pour la
rentabilité et la durabilité des exploitations agricoles françaises
0.1 Introduction
Avec une population mondiale qui devrait atteindre les 9 milliards d’individus d’ici le milieu de ce siècle, l’agriculture fait face à des prévisions d’augmentation de la demande alimentaire. A l’échelle de la France, cela représente des enjeux de compétitivité et de croissance économique. Afin de répondre à cette augmentation de la demande agricole en matière de production, deux solutions sont possibles : augmenter la proportion des terres agricoles au détriment des écosystèmes naturels et augmenter la productivité des terres agricoles.
C’est cette dernière solution que promeut l’Agriculture Ecologiquement Intensive
(AEI). L’AEI est un concept de “double révolution verte” dont Michel Griffon a développé
une définition vers 1998 (Musson et Rousselière, 2016). L’AEI est née de la remise en
question d’une agriculture intensive (au sens économique du terme) en produits chimiques,
au profit d’une agriculture intensive en écologie. L’AEI propose une agriculture qui soit
productive, rentable et durable, basée sur l’usage des fonctions écosystémiques, parmi
lesquelles celles liées au sol et à la qualité du sol. L’agriculteur joue un rôle central
dans la mise en place du système de réflexion AEI sur son exploitation. Depuis les années
2013/2014, le concept de l’AEI a été accolé à celui d’agro-écologie. Les techniques associées
à l’AEI et à l’agro-écologie sont les mêmes, et appliquées à la ressource naturelle qu’est le sol, ces techniques correspondent à celles de l’agriculture de conservation. Cependant c’est le terme d’agro-écologie qui a été utilisé dans la Loi d’avenir agricole présentée en 2014 (Musson et Rousselière, 2016). Ainsi, bien que nous axions notre propos sur le concept de l’AEI et les pratiques qui y sont liées, nos raisonnements et les résultats obtenus et discutés dans nos travaux ont une portée plus générale, et s’appliquent à l’agro-écologie telle que définie à l’échelle de la France et de l’Union Européenne.
Les enjeux de la préservation de la qualité physique, chimique et biologique des sols relèvent également de l’intérêt public, en raison de l’existence d’externalités, des propriétés de bien commun de cette ressource, ainsi que de son rôle dans l’atténuation du changement climatique (c.f. l’Initiative 4/1000
1). En effet, environ 20% des gaz à effet de serre (GES) sont d’origine agricole. A ce sujet, Pellerin et al (2013) ont identifié 10 actions pour réduire les émissions de GES dans le secteur agricole, décomposées en 26 sous-actions. Une des catégories d’actions consiste à stocker le carbone dans le sol et la biomasse, notamment en développant les techniques culturales de non-labour, et en introduisant des cultures intermédiaires. De plus, la ressource sol peut être considérée comme un bien commun de subsistance (Bollier, 2014) dans la mesure où le sol peut être considéré comme une ressource collective (indépendamment du régime de propriété observé) dont la gestion impacte la collectivité.
Pour autant, la terre est principalement la propriété d’agents privés. Ainsi, les ini- tiatives publiques telles que l’initiative 4/1000 se doivent d’être décentralisées au niveau de ces agents. Pour que de telles initiatives publiques soient suivies, elles doivent prendre en compte la perception du sol qu’ont ces agents privés, la manière dont ils gèrent leurs sols, et l’intérêt privé qu’ils auraient à stocker le carbone dans leurs sols, pourtant le sujet de l”’initiative 4/1000”.
Ainsi, notre travail se concentre sur les agriculteurs, dont les pratiques agricoles et la gestion de leurs sols impactent la collectivité. Plus particulièrement, nous nous atta- chons à déterminer si les concepts de l’AEI et de l’agro-écologie appliqués à la ressource représentent une stratégie optimale pour les agriculteurs, et plus généralement quelles sont les pratiques à mettre en place par l’agriculteur quand celui-ci maximise son revenu
1. “L’Initiative 4/1000 : les sols pour la sécurité alimentaire et le climat” est un plan d’action volontaire, international et multi-partenaires, présenté à la 21ème session de la Conférence des Parties à la Convention des Nations Unies sur le changement climatique (COP 21) à Paris le 1er décembre 2015. L’idée de l’initiative 4/1000 consiste à augmenter annuellement le stock de carbone des sols de 4g pour 1000 g de carbone dans les premiers 40 cm de la partie superficielle du sol. Théoriquement, cela permettrait de stopper l’augmentation de la concentration de CO2 dans l’atmosphère, si toutefois dans le même temps la déforestation était stoppée.
à long terme, tout en tenant compte de la dynamique de la qualité de ses sols, dans un contexte économique tendu, et quels sont les déterminants de ces choix.
Notre recherche se positionne au niveau microéconomique. Puisque nous traitons de la gestion par les agriculteurs de la ressource naturelle qu’est le sol, nous utilisons les outils de l’économie des ressources naturelles et de l’environnement, tout en essayant d’y intégrer le mieux possible les aspects biologiques et agronomiques propres aux enjeux de la gestion de la qualité des sols étudiée ici.
Le manuscrit est organisé comme suit.
Dans le premier chapitre, nous exposons le contexte général de la recherche ainsi que la problématique traitée de manière plus détaillée. A partir d’une revue de la littérature agronomique et économique, nous expliquons et justifions l’intérêt pour l’agriculture de considérer les interactions entre les pratiques agricoles et la qualité du sol. En effet, les agriculteurs font face à des enjeux de compétitivité, de productivité et de durabilité, auxquels l’AEI se propose d’être une solution, en réconciliant productivité et préservation de l’environnement. La qualité du sol joue un rôle important dans ces enjeux, d’une part en tant que paramètre important de la productivité et de la durabilité des exploitations agricoles, et d’autre part en ce qu’elle est affectée positivement et négativement par les pratiques agricoles. Ce rôle de la qualité des sols peut être modélisé en utilisant des outils économiques et écologiques.
Dans le second chapitre, nous présentons le cadre théorique de notre modèle bioéco-
nomique, établi à partir de notre revue de littérature. En premier lieu, nous proposons une
revue plus détaillée de modèles bioéconomiques de qualité du sol à l’échelle de l’exploi-
tation. Ces modèles sont utilisés dans l’étude de la dégradation des sols et des mesures
de conservation, où le sol et la qualité des sols sont considérés comme des facteurs de
production et des variables endogènes dans les modèles d’optimisation. Ensuite, le cadre
théorique de notre modèle est présenté, de même que l’objectif de notre modèle bioé-
conomique ainsi que les éléments à considérer lors de la construction du modèle. Nous
proposons ensuite notre modèle dynamique théorique détaillé. Dans ce modèle, nous
considérons un agent-agriculteur rationnel avec information parfaite, qui a pour objec-
tif de maximiser son profit au cours du temps. Il n’y a pas de défaillances de marché
dans notre modèle. A partir de ce modèle théorique, il apparaît que la relation entre la
dynamique de la qualité du sol et les intrants productifs est d’une importance cruciale
dans l’équilibre étudié. Toutefois, le modèle théorique détaillé présenté dans ce chapitre,
bien que permettant une discussion approfondie des hypothèses du modèle, basées sur
la littérature agronomique, est trop complexe pour être résolu analytiquement. Afin de pouvoir résoudre le problème d’optimisation présenté dans ce modèle, nous devons en simplifier la structure et les hypothèses. En particulier, nous considérons la possibilité de simplifier l’hypothèse relative à la coopération entre les intrants productifs (intrants chimiques notamment) et la qualité du sol.
A cet effet, dans le troisième chapitre, nous étudions statistiquement les relations entre la dynamique de la qualité des sols, les rendements de cultures et les intrants productifs (engrais minéraux) dans le Grand Ouest de la France
2, qui est un important bassin de production agricole. Il s’agit ici de confronter les résultats de notre revue de littérature avec nos résultats statistiques, afin de déterminer au mieux les simplifications à apporter à notre modèle théorique. Tout d’abord, nous présentons les caractéristiques géographiques, pédologiques et économiques de la zone étudiée. Ensuite, nous examinons la dynamique des paramètres de la qualité du sol (ici, carbone organique du sol, pH du sol, et azote totale du sol) dans le Grand Ouest afin de tester statistiquement l’existence de corrélations entre les changements de pratiques agricoles et l’évolution des paramètres de la qualité du sol dans la zone étudiée. Nous testons également les relations entre les paramètres de la qualité du sol et les pratiques agricoles dans la production agricole, en considérant leurs corrélations avec les rendements de cultures observés pour les principales cultures présentes dans cette zone (blé tendre et maïs grain).
Dans le quatrième chapitre, nous proposons un modèle théorique simplifié d’investis- sement dans la qualité du sol. Nous présentons tout d’abord l’objectif et l’intérêt d’utiliser ce type de modèle dans un cadre dynamique. Les outils analytiques utilisés sont décrits.
Le modèle d’investissement dans la qualité du sol est décliné en plusieurs cas : quand les pratiques agricoles n’impactent que positivement les variations de qualité du sol, et quand les pratiques agricoles impactent positivement et négativement ces variations de qualité. Dans chaque cas, nous étudions deux relations possibles entre les intrants pro- ductifs et la qualité du sol en termes de production : le cas où les intrants productifs et la qualité du sol sont coopérants, et le cas où ils ne le sont pas. En effet, l’un des résultats de notre chapitre statistique est que, selon l’intrant productif considéré, par exemple les engrais azotés ou les engrais phosphatés, certains seront coopérants avec la qualité du sol, et d’autres non. Il nous semblait donc important de considérer ces deux cas. Nous déterminons l’existence d’un équilibre optimal et des trajectoires y menant pour chacun des cas mentionnés. Nous considérons également les impacts d’une variation des para-
2. Ici, le Grand Ouest de la France représente une zone géographique composée de quatre régions administratives françaises : la Bretagne, la Normandie, les Pays de la Loire et le Poitou-Charentes (ancienne région, faisant maintenant partie de la région Grande Aquitaine.