302 Renc. Rech. Ruminants, 2008, 15 INTRODUCTION
En début de lactation, lorsque des réserves corporelles doivent être mobilisées, la composition de la matière grasse du lait ne dépend pas uniquement de l’effet direct de l’alimentation mais également de la composition des tissus adipeux mobilisés. Ces réserves ont été formées auparavant, pour la plupart durant la phase de tarissement où le bilan énergétique est alors positif. La composition de la ration durant cette phase de constitution des réserves influence donc directement la composition des réserves corporelles et, indirectement également, celle du lait produit après le vêlage. Toutefois, le taux de transfert des acides gras de la ration vers les réserves corporelles et celui des réserves corporelles vers le lait ne sont pas véritablement établis.
L’essai présenté ci-après consiste à étudier la possibilité d’influencer la composition de la matière grasse du lait en début de lactation grâce à une alimentation ciblée durant la période de tarissement.
1. MATÉRIEL ET MÉTHODES
Vingt-huit vaches laitières des races Tachetée Rouge, Brune et Holstein entre la deuxième et la sixième lactation ont été réparties en deux groupes au moment du tarissement.
Jusqu’au vêlage, les vaches de la variante expérimentale (T) ont reçu, en complément à une ration de foin extenso, 2 kg par jour d’un aliment contenant 50 % de graines de tournesol grossièrement broyées, alors que celles du groupe de contrôle (C) recevaient un aliment apportant la même quantité de matière grasse sous forme de graisse animale. A partir du vêlage et dans les semaines qui ont suivi, toutes les vaches ont reçu une même ration composée de foin de bonne qualité ad libitum, d’ensilages de maïs et d’herbe et de pommes de terre. Pour mettre en évidence un éventuel transfert d’acides gras de la ration vers les réserves corporelles, des prélèvements de tissu adipeux ont été effectués de part et d’autre de la queue, sous anesthésie locale, au moment du tarissement, au vêlage et à la fin de la troisième semaine de lactation. La composition en acides gras du lait a été analysée toutes les deux semaines à partir de la fin de la première semaine et jusqu’à la onzième semaine de lactation.
2. RÉSULTATS ET DISCUSSION
2.1. ACIDES GRAS DANS LE TISSU ADIPEUX La concentration en acide linoléique dans le tissu adipeux a davantage augmenté entre le tarissement et le vêlage pour la variante Tque pour le contrôle (P = 0,04). Pour les autres acides gras analysés dans le tissu adipeux, notamment la somme des CLA, aucune différence significative n’a pu être mise en évidence entre les deux variantes.
2.2. ACIDES GRAS DANS LE LAIT
Entre la première et la neuvième semaine de lactation, la concentration des acides gras saturés dans le lait augmente en passant d’environ 60 g à 70 g / 100 g matière grasse alors
que celle des acides gras mono- et polyinsaturés diminue dans les mêmes proportions.
La somme des acides gras saturés laisse apparaître un léger écart montrant que la concentration en acides gras saturés dans le lait est tendanciellement inférieure avec la variante T que dans le groupe de contrôle et ceci de façon plus marquée entre la première et la troisième semaine de lactation.
Inversement, la concentration dans le lait des acides gras mono- et polyinsaturés est plus élevée avec la variante tournesol qu’avec la variante de contrôle. Des différences significatives apparaissent même en neuvième et onzième semaine de lactation pour les acides gras mono-insaturés et en première semaine de lactation pour les acides gras polyinsaturés. Parmi ceux-ci, ce sont surtout les C18:2 (somme des C18:2 et des oméga 6) et en particulier l’acide linoléique C18:2 c9 c12 (figure 1) qui ont réagi au traitement expérimental, en particulier à la 1ère semaine de lactation (P
< 0,001). La concentration en CLA (somme des CLA) dans le lait n’a, elle, pas été influencée par l’apport de graines de tournesol durant le tarissement. Seul l’isomère de CLA C18:2 t10 c12, qui représente moins de 1 % de l’ensemble des CLA, était davantage présent dans le lait des vaches de la variante T (P = 0,036) à la première semaine de lactation.
Ces résultats confirment donc en partie l’hypothèse de départ. L’accumulation de C18:2 dans le tissu adipeux des vaches du groupe T a donc apparemment été directement utilisée lors de la mobilisation des réserves corporelles au tout début de la lactation.
Figure 1: concentration en acide linoléique C18:2 c9c12 dans le lait
CONCLUSIONS
La distribution de graines de tournesol broyées durant le tarissement a eu pour effet une augmentation significative de la teneur en acides gras C18:2 dans le tissu adipeux. Dans le lait, la somme des acides gras polyinsaturés, des acides gras C18:2, des oméga 6 ainsi que l’acide linoléique ont été augmentés de manière significative mais uniquement au tout début de la lactation. Un transfert direct du C18:2 de l’aliment dans le tissu adipeux puis du tissu adipeux dans le lait pourrait avoir eu lieu.
Influence de l’alimentation durant le tarissement sur la composition de la matière grasse du lait en début de lactation
Influence of feeding strategy during the dry period on the composition of milk fat at the beginning of lactation
MOREL I. (1), COLLOMB M. (2), RICHTER S. (3), REIST M. (3), BRUCKMAIER R.M. (3)
(1,2) Agroscope Liebefeld-Posieux (ALP) - station fédérale de recherches en production animale et laitière (1) Route de la Tioleyre 4 - CH-1725 Posieux - Suisse et (2) Schwarzenburgstrasse 161 - CH-3003 Berne - Suisse (3) Physiologie vétérinaire - Faculté Vetsuisse de l’Université de Berne - CH-1725 Posieux - Suisse
* P<0,001
