Journée Observatoire National sur la notion de compétences Sa place dans les enseignements technologiques et
professionnelles
Jeudi 29 septembre 2005
Notes de Julien Cueille
Thierry Reygades nous a présenté à partir d’un exemple le processus de création d’un diplôme : le BTS conception de produits industriels. Un diplôme professionnel fait l’objet d’une étude d’opportunité : on (= un groupe qui réunit employeurs et représentants des salariés) part des activités professionnelles correspondantes et on construit un
référentiel de compétences. Le problème est de définir les objectifs de certification : des savoirs, des compétences. Dans l’Education Nationale, on a des contenus de
formation… ce qui n’est pas le cas partout ; dans d’autres ministères (ex. ministère du Travail), il n’y a pas de contenus dans les diplômes ! On établit un tableau de concordance entre les contenus et les compétences : par exemple, la tâche professionnelle
« recherche de solutions constructives et élaboration de la maquette numérique de conception préliminaire » correspond à plusieurs compétences, dont la compétence C10
« proposer ou expliciter sous forme de croquis ou de schéma, commenté, légendé, une solution constructive », qui renvoie elle-même à des « savoirs associés », notamment S9
« représentation d’un produit technique » à l’aide de divers outils (« croquis », « schéma de principe », « schéma architectural », « schéma cinématique », « schéma
technologique »).
Yves Baunay insiste sur l’articulation difficile entre activités professionnelles et contenus d’enseignement. Les deux sphères ne coïncident pas aisément. La notion de compétences est à la charnière : dans le monde du travail elle correspond à la performance professionnelle. Mais quel est son sens dans la sphère éducative ?
Aujourd‘hui la démarche d’un certain nombre d’institutions internationales (OCDE, UE…) qui se sont intéressé aux ressources éducatives consiste à interroger le système éducatif à partir du monde du travail.
Il faut faire un retour historique pour comprendre la situation contemporaine. En France, contrairement à l’Allemagne par exemple, c’est la scolarisation des apprentissages
professionnels qui l’a emporté sur le modèle concurrent, l’apprentissage dans les entreprises.
L’enseignement technique et l’enseignement professionnel se sont d’abord développés « par le haut » (écoles d’ingénieurs…) puis une filière « technique » s’est mise en place dans
l’enseignement primaire professionnel, les écoles de métiers…, plus tard intégrée au système avec la création des lycées techniques, puis professionnels, et les trois voies que nous connaissons actuellement. (Ce n’est qu’après la seconde guerre mondiale qu’a commencé à se développer une formation professionnelle destinée aux ouvriers et pas seulement à
l’encadrement). On constate d’ailleurs un manque dans cette architecture :c’est la formation professionnelle des salariés (FC, VAE…) qui pose aujourd’hui problème : à qui va-t-elle revenir ? au privé ou à l’Education nationale ?
Dans le système actuel, il n’y a pas, contrairement à ce que l’on entend dire couramment, de hiatus entre l’éducation et le monde du travail. Dans les CPC, tout le monde participe aux référentiels, des enseignants travaillent avec des salariés et des représentants des branches professionnelles… Il y a un certain consensus en France autour
de ce fonctionnement. Même s’il y a contradiction entre deux logiques différents, celle de l’éducation et celle de l’emploi, les employeurs sont relativement satisfaits, et ils laissent l’école s’occuper de la « cuisine » du contenu des formations ; car ils ont besoin de salariés formés. Le MEDEF qui pourfend par ailleurs le fossé entre l’école et l’entreprise est bien content d’avoir des BTS qui poursuivent leurs études en licence pro.
Quel est le débat actuellement ? Depuis au moins une vingtaine d’années, on assiste à l’émergence d’un nouveau paradigme économique et éducatif : préfiguré dès les années 60 avec la théories du capital humain, puis dans les années 70 et 80 avec le thème de
l’adaptabilité, lié à la crise ; à ce moment-là ce ne sont pas les contenus mais les processus d’apprentissage qui sont questionnés. L’important chômage des jeunes est analysé comme l’effet d’une impréparation des jeunes à la vie active. Il s’agirait, selon les milieux
entrepreneuriaux, d’assurer aux jeunes des compétences minimum pour une bonne intégration sur le marché du travail. Avec les théories de l’économie de la connaissance, il s’agit
maintenant de plus en plus d’interpeller les contenus et pas seulement les méthodes de transmission.
La société de la connaissance met au cœur de la création de valeur le processus
d’éducation/formation/.recherche. Là est l’enjeu crucial : car c’est aussi un lieu privilégié où s’opère l’exploitation. La déqualification des emplois et les nouvelles procédures de
management posent bien le problème de l’exploitation du travail intellectuel.
Dans la discussion :
Que faut-il entendre par « rapprochement école-entreprise » ?
La connaissance du monde de l’entreprise n’est pas synonyme de développement de l’esprit d’entreprise ! Il est vrai que la connaissance de l’entreprise est un élément structurant des savoirs et de la citoyenneté. Mais certains éléments des formations qui allaient dans ce sens (par ex. « vie de l’entreprise » dans les BTS CPI) tendent à disparaître… faute de moyens.
Un intervenant fait remarquer qu’il n’y aurait pas d’objection de la part des représentants des employeurs à ce que ces questions figurent dans les formations. Ils ont besoin que les salariés sachent comment fonctionne leur entreprise ! Il faudrait que ces demandes soient portées…
Un autre participant s’interroge : les employeurs souhaitent-ils que soit développée la compétence « exercer sa citoyenneté dans l’entreprise » ?