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Projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l'individualisation des peines Contribution du SNEPAP-FSU --

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Projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l'individualisation des peines Projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l'individualisation des peines – Contribution du SNEPAP-FSU --

– Contribution du SNEPAP-FSU --

Depuis plus d’une décennie, la France est lancée dans une course folle avec la multiplication des qualifications pénales, des mesures de sûreté, l'aggravation des peines et des conditions de leur exécution1. Trop souvent, les pouvoirs exécutif et législatif ont privilégié l'émotion à la raison en inscrivant leur action dans le sillage de faits divers médiatisés. Le résultat se mesure aujourd’hui dans une politique pénale fragmentée par la multiplication de normes édictées « en réaction », menée sans réelle évaluation des politiques publiques.

Cette production législative et réglementaire exponentielle, sans cohérence d'ensemble, a généré une illisibilité croissante du système pénal et de l'exécution des peines pour les professionnels, les citoyens et les personnes placées sous main de justice. Elle a contribué, à ce titre, à l'affaiblissement du sens de la peine.

Pour le SNEPAP-FSU, les débats parlementaires qui vont accompagner le projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l'individualisation des peines devraient donc être l'occasion de dresser un bilan objectif de la politique pénale de notre pays. Ils permettraient ainsi de conclure à la nécessité d'un texte complet et cohérent qui, plutôt que de multiplier une nouvelle fois des normes pénales disparates, rechercherait la lisibilité et l’efficacité du système à court ou moyen terme.

Un système pénal et de l'exécution des peines en échec

Au-delà des polémiques relatives aux instruments de mesure de la délinquance et de la récidive, dont les chiffres sont à manier avec la plus grande prudence2, il paraît difficile d'éluder l'échec de la politique menée jusqu'à ce jour en matière de prévention de la délinquance et de la récidive.

La population pénale est en augmentation constante, sans lien direct avec l'évolution démographique de notre pays : en 2009, 225 000 personnes étaient placées sous main de justice et donc suivies par le Service Pénitentiaire d'Insertion et de Probation (SPIP); 255 000 le sont en janvier 2014 (soit une augmentation de 13%

contre 2% d'augmentation de la population française). Parmi elles, les personnes incarcérées sont toujours plus nombreuses, environ 62 000 en janvier 2009, un peu plus de 67 000 en janvier 2014 (+8%), avec un record absolu battu à plusieurs reprises entre le printemps et l'été 2013. Le taux de surpopulation des établissements pénitentiaires augmente irrémédiablement : au 1er mars 2014, un nouveau record était battu avec 1104 personnes détenues dormant sur un matelas au sol. En outre, un autre taux de « surpopulation pénale » a jusqu'ici été passé sous silence, celui des SPIP : la majorité des Conseillers Pénitentiaires d'Insertion et de Probation (CPIP) suivent plus de 100 personnes ; dans de très nombreux services, le nombre de personnes suivies par agent dépasse les 150, pour atteindre parfois le chiffre de 250...

Ne pas tomber dans le piège de prétendus laxisme ou angélisme

La situation que nous connaissons aujourd'hui est le fruit d'une politique pénale et de l'exécution des peines construite depuis plus de 10 ans sur les principes de rétribution et de sévérité accrus, et sur une confusion des principes d'individualisation de la peine et de gestion des flux.

1 Le groupe de réflexion interprofessionnel, dans son mémo « Prévention de la récidive : sortir de l'impasse », relève en juin 2012 que 55 textes de loi entre 2002 et 2012, 154 décrets entre 1995 et 2009, ont modifié le droit et la procédure pénale.

2 Jean-Paul Jean, audiences publiques de la conférence de consensus, sur la prévention de la récidive, février 2013 : « l’accroissement des condamnations en état de récidive légale sur la période 2004-2010 ne traduit pas une augmentation du nombre des faits de récidive, mais une augmentation mécanique des cas légaux de récidive du fait des évolutions des textes et des pratiques des juridictions ».

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Les faits démentent le prétendu laxisme des juges, lesquels ont de plus en plus recours à l'incarcération. Entre le début et la fin des années 2000, le nombre de peines d'emprisonnement prononcées a connu une hausse de 20 % alors que le nombre de condamnations n'augmentait que de 16 %3.

Conjointement, la durée moyenne du temps passé sous écrou a augmenté de 4,6 mois en 1980 à 10,2 mois en 20124.

En parallèle, et tandis que la population carcérale n'a cessé d'augmenter, les aménagements de peine ab initio et les libérations probatoires ont explosé. Le jeu des seuils d'éligibilité, les objectifs fixés aux SPIP et la pression placée sur les agents de ces services, au profit d’un recours quasi-exclusif aux mesures de placement sous surveillance électronique, traduisent une confusion du principe d'individualisation de la peine avec celui de la gestion de flux. Le nombre de condamnés bénéficiant d'un aménagement de peine sous écrou (placement sous surveillance électronique principalement, placement à l'extérieur, semi-liberté) a augmenté de 186 % entre juin 2007 et juin 20135. Cette augmentation était déjà particulièrement conséquente les années précédentes.

Dans notre société, la politique « de l'émotion » cristallise instantanément les débats autour de quelques

« grands crimes ». S'ils sont particulièrement graves et dramatiques, leur sur-exposition occulte néanmoins une réalité : plus des deux tiers des personnes sous main de justice ne sont pas incarcérées ; les prisons françaises ne sont pas remplies de « dangereux criminels sanguinaires »6.

L'exploitation de grands faits divers biaise les débats de fond sur la réforme du système pénal et en particulier sur l’efficacité de l'exécution des peines ; elle fausse l'appréhension de ces questions par les citoyens.

Dans le contexte actuel (système pénal et services d’exécution des peines en perte de repères, proches de l'asphyxie, Justice fragilisée par un supposé sentiment de défiance des justiciables), la responsabilité des élus de la République a rarement été aussi forte. Celle des médias, chargés de relayer et de mettre en perspective les échanges, l'est tout autant. Au cours du débat qui va s'ouvrir, le SNEPAP-FSU appelle chacun à ses responsabilités afin d'éviter les postures idéologiques, les raccourcis et les formules populistes aussi ridicules que dangereuses. Il ne s'agit pas de « vider les prisons », ni d' « angélisme » à l'égard des personnes commettant crimes et délits. A notre sens, le cœur des débats devra bien porter sur la question des « pratiques correctionnelles efficaces » ou comment répondre aux légitimes attentes de nos concitoyens en matière de sécurité et de prévention de la récidive.

Dans cette perspective, la question du sens de la peine ne pourra être éludée. Qu'attendons-nous d'une peine ? Ou, plus justement, que devons-nous attendre d'une peine ? Les quatre fonctions historiques de la peine dégagées par la doctrine sont la rétribution (idée de punition, de châtiment), la dissuasion, la neutralisation et l'amendement (réinsertion, réadaptation).

La fonction de rétribution ou de punition, qui tient une place de choix dans le discours politique, repose principalement sur la gravité de l'infraction commise ; elle reste tournée vers le passé et ignore l'avenir. Elle se désintéresse de la situation de l'individu et de l'impact de la peine sur la suite de son parcours individuel, parcours pourtant potentiellement semé de nouveaux passages à l'acte...

Conception empreinte de morale, elle est loin d’être comprise et partagée par tous ceux qui s'écartent de la norme. Elle repose sur le sentiment de responsabilité de l'individu, principe qui n'est pas toujours assimilé. Cette fonction perd tout son sens lorsque la personne condamnée a le sentiment d'être injustement traitée (traitement différencié dans le prononcé et l'exécution des peines selon les acteurs, les lieux et la période ; sentiment d'injustice nourri par des conditions de détention dégradées, etc...).

De même, la fonction punitive se dilue lorsque la société ne considère pas la peine de probation ou la mesure d'aménagement de peine comme une sanction à part entière, ce qui est malheureusement le cas aujourd'hui.

3 Ministère de la justice / DACG / Pôle d'évaluation des politiques pénales, Valuation de la loi du 10 août 2007 sur les peines minimales d'emprisonnement.

4 OPALE 60 – Pierre-Victor TOURNIER

5 Projet de loi de finances 2014, programme 107

6 Chiffres clés du Ministère de la Justice 2012 et 2013 : au 1er janvier 2012, 17,8 % des personnes incarcérées le sont pour une peine d'emprisonnement inférieure à 6 mois. Au 1er janvier 2013, 36,4 % des personnes incarcérées le sont pour une peine inférieure à 1 an, 66,5% pour une peine inférieure à 3 ans. Au 1er janvier 2013, les personnes écrouées pour «crime de sang » ne représentent que 5,6 % de la population sous écrou...

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La dissuasion est une incitation adressée à des individus rationnels, dotés d'une capacité de projection dans l'avenir. Cette fonction n'est guère opérante dans la mesure où les délinquants s'inscrivent rarement dans cette perspective temporelle. L'individu, souvent ancré dans son présent, cherche à répondre à un besoin qu'il considère alors comme supérieur. Il ne se projette pas dans l'avenir et, s'il le fait, il reste persuadé qu'il échappera à la Justice. Au moment où il intervient, le passage à l'acte, processus éminemment complexe, est loin de toujours se réduire à un calcul ou à un choix.

La fonction de neutralisation, qui se retrouve pour l’essentiel dans la peine de prison, est tout à fait résiduelle.

Elle ne concerne raisonnablement que les infractions les plus graves, qui sont aussi les plus rares, ou les auteurs d'infractions de moindre gravité, mais dont la répétition, conjuguée à la mise en échec de réponses moins radicales, n'ouvre aucune autre option.

La fonction d'amendement ou de réadaptation est une conception d'apparence dominante dans notre politique pénale. Elle est pourtant mise en échec par le discours politique qui, de manière schizophrénique et souvent populiste, se focalise sur les trois premières fonctions de la peine. Elle est mise en échec également par l'insuffisance de ressources humaines et matérielles nécessaires pour sa concrétisation. Cette conception est tournée vers l'avenir : elle repose sur l'idée d'investissement, sur la confiance en la capacité d'évolution de l'individu. Plus encore, elle est rationnelle et pragmatique : elle se détache de l'instant et, s'écartant des contingences émotionnelles, tient compte du fait que la peine ne dure qu'un temps et qu'il est indispensable de penser à sa suite, sauf à construire les conditions d'une récidive. Cette conception doit être pensée dans toutes ses dimensions et non sous le seul angle socio-économique qui, s’il peut être prégnant, n’est pas systématiquement pertinent (infractions intra-familiales, délinquance routière, grand banditisme, etc.). Cette fonction permet de considérer qu’en traitant ses problématiques, en acquérant l’intelligibilité de son comportement, l’individu sera capable d’en éviter la répétition. La peine, quelle qu’elle soit, doit offrir un cadre approprié à cette évolution.

En s'affranchissant des réflexions binaires, en écartant croyances, convictions et politiques impressionnistes pour prendre appui sur le produit de nombreuses études internationales et de trop rares études nationales, chacun peut constater les limites de l'incarcération et l'impact positif, pour la prévention de la récidive, des alternatives à l'incarcération comme des libérations probatoires7.

Plus que sa sévérité, c'est l'exécution effective d'une sanction pertinente, dans un délai raisonnable et avec une prise en charge adaptée, qui a un véritable impact sur la récidive.

7 Études de Andrews et Leschield en 2000 (Canada), les programmes de réadaptation fondés sur des recherches sont plus efficaces lorsqu'ils sont dispensés en milieu ouvert plutôt qu'en milieu fermé.

P. Smith, C. Goggin, P. Gendreau, Effets de l'incarcération et des sanctions intermédiaires sur la récidive : effets généraux et différences individuelles, Travaux publics et services gouvernementaux Canada 2002. Analyse qui repose sur 111 études. « Les politiques de justice pénale fondées sur la croyance selon laquelle une ligne dure permet de réduire la récidive ne sont pas appuyées par des données empiriques ». Et contrairement aux sanctions communautaires (équivalentes de ce que serait la peine de probation – ndlr), l'incarcération est même liée à une augmentation de la récidive : plus la peine est longue, plus le taux de récidive augmente.

A. Kensey, PV. Tournier, « Prisonniers du passé ? Cohortes des personnes condamnées libérées en 1996-97, examen de leur casier judiciaire 5 ans après la levée d'écrou ». Ministère de la Justice, DAP, Collection travaux et documents n° 68, 2005 : Taux de re- condamnation 5 ans après libération : 52 % ; taux de re-condamnation à de la prison ferme 5 ans après la libération : 41 %.

A. Kensey, F. Lombard, PV. Tournier, Sanctions alternatives à l'emprisonnement et récidive. Observation suivie sur 5 ans, de détenus condamnés en matière correctionnelle libérés, et de condamnés à des sanctions non carcérales (département du Nord).

Paris, Ministère de la Justice, DAP,Travaux et documents, n° 70, 2006, livret de 113 pages.

A. Kensey, A. Benaouda : DAP, « les risques de récidive de sortants de prison. Une nouvelle évaluation ». Cahiers d'études pénitentiaires et criminologiques n° 36 mai 2011. Condamnés libérés entre le 1er juin et le 31 décembre 2002 : situation 5 ans après leur libération : taux de re-condamnation de 59 % ; taux de re-condamnation à de la prison ferme de 46 %.

Pour les personnes bénéficiant d'une alternative à l'incarcération, 45 % ont été recondamnées, 32 % ont été recondamnées à une peine privative de liberté. Les personnes libérées en fin de peine sans avoir bénéficié d'aménagement de leur peine (80 % de la population carcérale actuellement) ont été recondamnées dans 63 % des cas. Les personnes incarcérées ayant bénéficié d'un aménagement de peine sous écrou (PSE, PE, SL) sont recondamnées dans 55 % des cas. Les personnes incarcérées ayant bénéficié d'une libération conditionnelle sont recondamnées dans 39 % des cas.

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Il est ainsi crucial d'inscrire l'intervention du système pénal et pénitentiaire dans une logique de résolution de problèmes. Mais influer sur une trajectoire individuelle demande du temps, plus encore lorsqu'une personne s'est installée dans un mode de vie délinquant.

Pour ce faire, dans un système où les juridictions et les services pénitentiaires sont engorgés et bien souvent dépassés, il convient de :

maîtriser les flux, mener une réflexion rigoureuse sur ce qui relève du "judiciaire" et a fortiori du "pénal", définir les priorités et redessiner en conséquence le périmètre pénal. Cette réflexion doit se traduire par une politique de déflation pénale. Pour cela, il semble incontournable de réviser l'échelle des peines et d'envisager la déqualification, voire la dépénalisation de certains faits : infractions à la législation sur les stupéfiants (notamment l'usage), infractions à la législation sur le droit des étrangers, certaines infractions à la législation sur la sécurité routière, refus de prélèvement génétique, occupation en réunion des espaces communs ou les toits des immeubles collectifs d'habitation sont autant de pistes à explorer. Le traitement judiciaire d'un certain nombre d'infractions de faible gravité devrait donner lieu à un recours accru à des réponses alternatives aux poursuites (réparation et médiation notamment) ;

adapter les ressources humaines et matérielles, totalement indignes d'un État démocratique moderne. Pour rappel, la France est classée 34ème pays européen, à égalité avec l'Azerbaïdjan, pour la part de son budget consacrée à la Justice, en proportion du PIB. Au-delà du budget propre de la Justice, c’est l’ensemble des politiques publiques qui concourent à la prévention de la délinquance et de la récidive (éducation, soins, solidarité et action sociale, prévention routière) qui doit être renforcé.

Créer, développer, crédibiliser une peine de probation dont la vocation est d'intervenir sur les facteurs de récidive ;

Rénover les méthodes d'évaluation et d'intervention en les adossant à la recherche.

LE SENS DE LA PEINE

L'article 1er du projet de loi entend créer un article 130-1 du Code Pénal (CP) visant à définir les fonctions de la peine :

« Afin de protéger la société, de prévenir la récidive et de restaurer l'équilibre social, dans le respect des droits reconnus à la victime, la peine a pour fonctions :

✔de sanctionner le condamné ;

✔de favoriser son amendement, son insertion ou sa réinsertion. »

Les fonctions de la peine sont actuellement évoquées à l'article 132-24 CP. Cet article distingue deux blocs : la protection de la société, la sanction, les intérêts de la victime, fonctions qui peuvent paraître prédominantes de par leur positionnement, face aux fonctions d'insertion/réinsertion et de prévention de nouvelles infractions.

Avec le nouvel article 130-1 CP, les objectifs de la peine sont la protection de la société, la prévention de la récidive, la restauration de l'équilibre social.

Si les termes « respect des droits reconnus à la victime », retenus dans le projet de loi, semblent donner un caractère plus objectif au texte que la formule « intérêts de la victime », initialement envisagée, le SNEPAP-FSU demeure néanmoins circonspect sur la place croissante accordée aux victimes dans la phase post-sententielle. A notre sens, l’interpellation des victimes par la justice pénale, parfois des années après la commission des faits, et en particulier en termes de retentissement psychologique, devrait être plus sérieusement interrogée. Le « droit à l’oubli », qui peut être une condition de la reconstruction de soi, devrait être reconnu non seulement aux auteurs mais également aux victimes. Bien plus, la définition et le prononcé d'une peine interviennent au nom de la société, avec des objectifs qui, par souci d'efficacité et d'objectivité, doivent se prémunir de toute dérive compassionnelle.

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Les objectifs de la peine seraient ainsi réalisés par deux biais cumulatifs : la sanction du condamné d'une part, et le fait de favoriser l'amendement, l'insertion ou la réinsertion d'autre part.

Nous approuvons le retour du principe d'amendement, aux côtés de celui d'insertion/réinsertion qui n'apparaissait plus en tant que tel dans les textes depuis de nombreuses années. L'amendement, du latin

« corriger la faute », nous ramène au principe d'évolution individuelle, à la responsabilité personnelle, au questionnement et au cheminement d'une personne considérée comme dotée de raison.

Dans notre système pénal, les fonctions de la peine reposent donc sur les fonctions philosophiques de la rétribution et de l'amendement/réadaptation. Le fait de placer ces dispositions en ouverture sur le titre concernant les peines pourrait leur redonner une force symbolique.

INDIVIDUALISATION DE LA PEINE

L'article 2 du projet de loi place, là aussi symboliquement, le principe de l'individualisation de la peine en tête du chapitre sur le régime des peines. Il fait écho au projet d'article 130-1 CP relatif aux fonctions de la peine.

L'article 5 du projet abroge le dispositif des peines minimales automatiques en cas de récidive ou de délits violents. Nous nous félicitons de la suppression des peines dites « planchers ».

Le droit en vigueur prive le magistrat de sa liberté d'appréciation et porte atteinte au principe fondamental de l'individualisation des peines. Ce dispositif repose en outre sur les postulats éculés du laxisme de la Justice et de la vertu dissuasive de la peine. Il entretient l'amalgame entre la répression et la prison, participant de fait à l'affaiblissement de l'ensemble des peines alternatives et au développement de solutions de contournement telles que le prononcé de sursis partiel. Ce dispositif, en plus d'avoir démontré son inefficacité, a contribué à l'engorgement des établissements et services pénitentiaires. Or, la surpopulation pénale, la dégradation des conditions d'intervention des professionnels, de la qualité du suivi et des conditions de détention des personnes détenues, ont probablement accentué le caractère criminogène de la prison et favorisé les situations de récidive.

Selon les dispositions du projet de loi, parce que la prison doit rester le dernier recours, le prononcé d'une peine d'emprisonnement doit être spécialement motivé. Nous saluons l'extension du principe de motivation de la décision aux cas de récidive légale, de même qu'aux cas où un aménagement de peine ab initio n'est pas prononcé. Nous pouvons néanmoins regretter qu'il soit toujours fait mention du terme « aménagement de peine » : le prononcé ab initio d'un placement sous surveillance électronique, d'une mesure de semi-liberté ou d'un placement à l'extérieur doit refléter le prononcé d'une peine à part à entière, et pas celui d 'un

« aménagement de », ou d'une « alternative à ».

L'article 6 du projet de loi supprime les dispositions portant révocation automatique des sursis antérieurs, qu'il s'agisse des sursis simples ou des sursis avec mise à l'épreuve (SME) précédemment prononcés. La révocation des sursis précédents devra être ordonnée par la juridiction.

Nous sommes favorables à la démarche, laquelle entend rendre aux magistrats leur liberté d'appréciation et protéger le principe de l'individualisation des peines. Le dispositif actuel est insatisfaisant : les peines récentes tardant à apparaître sur le casier judiciaire, le tribunal est insuffisamment informé au moment où il statue. Dès lors, il prononce une peine qu'il n'aurait peut-être pas prononcée s'il avait eu connaissance de tous ces éléments.

En outre, le délai de mise à exécution de ces sursis révoqués, parfois sans même que les professionnels ne soient informés, peut nuire gravement à l’élaboration et au déroulement d’un parcours d'exécution de la peine. Une peine d'emprisonnement issue d'un sursis révoqué, ramenée à exécution de manière tardive comme c'est régulièrement le cas, réduit à néant des projets de préparation à la sortie ou d'aménagement de peine. Il n’est pas rare, également, qu’elle modifie la situation pénale du condamné, le plaçant par exemple sous le coup d’une expertise psychiatrique obligatoire, ou lui faisant franchir un seuil en matière d’aménagement de peine (2 ans), de permissions de sortir (5 ans), etc.

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Il arrive encore qu'un condamné libérable apprenne qu'une nouvelle peine a été ramenée à exécution alors qu'il se trouve au greffe de l'établissement pénitentiaire pour ses formalités de sortie... Au-delà des considérations humaines et des risques d'agressivité qu'elles font naître, ces situations placent les personnes condamnées dans un état de défiance vis-à-vis de l'institution, et dans les plus mauvaises conditions pour l'élaboration d'un nouveau projet. Les informer, à la barre, de la révocation d'un sursis, va donc dans le bon sens.

A l'inverse, nous regrettons l'absence de motivation quant à la révocation des sursis : le projet de loi aurait pu intégrer les principes sous-tendus dans son article 3 pour en encadrer les conditions. Enfin, cette démarche rend d'autant plus prégnante la nécessité de doter les tribunaux d'un service de l'exécution des peines particulièrement efficace, de telle sorte que les condamnations soient renseignées au casier judiciaire en temps réel. Les services du casier judiciaire devront également recevoir les moyens de répondre à cette accélération des procédures.

Nous suggérons que la réflexion relative à l'individualisation des peines et à la bonne information de la personne condamnée et de l'ensemble des acteurs de l'exécution des peines inspire le législateur pour envisager la suppression de la période de sûreté de plein droit. Pour un certain nombre d'infractions, lorsqu'une peine d'emprisonnement est supérieure ou égale à 10 ans d'emprisonnement, une période de sûreté intervient automatiquement, sans que son existence ne soit évoquée par le tribunal. Cette disposition est, elle aussi, une atteinte à la libre appréciation de la juridiction de jugement. En outre, la personne condamnée n'étant pas officiellement informée de cette période de sûreté, la construction de projets d'aménagement de peine est parfois engagée en vain. Plus globalement, les périodes de sûreté constituent, à notre sens, une entrave excessive à la possibilité pour le juge de l'application des peines d’aménager une peine en fonction de l’évolution de la personne condamnée. L’accumulation des mesures de plus en plus coercitives en la matière, au cours des dernières années, conduit régulièrement à ce que des personnes détenues soient libérables le jour même de la fin de leur période de sûreté, excluant toute sortie encadrée.

UNE PEINE ADAPTEE

L'ajournement de peine aux fins d'investigation sur la personnalité

L'article 4 du projet de loi crée une nouvelle possibilité d'ajournement de la peine : l'ajournement aux fins d'investigation sur la personnalité. La disposition est sur le principe intéressante en ce qu'elle créé une césure entre le prononcé de la culpabilité et le choix d'une peine adaptée, laquelle s'appuierait sur une enquête de personnalité plus approfondie que les enquêtes sociales rapides existantes.

Au-delà du prononcé d'une peine la plus pertinente possible, l'objectif affiché par les rédacteurs de ce texte est de faciliter le prononcé de mesures d'aménagement de peine ab initio, à la barre, et donc de faire descendre le stock de procédures d'aménagement de peine basés sur l'article 723-15 CPP.

Cette nouvelle procédure ne serait pourtant pas révolutionnaire ; les mesures d’ajournement du prononcé de la peine simple ou avec mise à l'épreuve ne sont pas nouvelles dans notre droit. Néanmoins, les raisons du faible recours à ces dispositions par les juridictions, au-delà des difficultés juridiques, doivent être prises en compte.

Dans un contexte de surencombrement des services judiciaires, et notamment des chambres correctionnelles, parce que les ajournements impliquent deux audiences, les juridictions sont contraintes de les écarter alors même que de nombreux professionnels sont convaincus de leur pertinence. En l'absence de moyens, cette nouvelle possibilité ne devrait pas trouver d'écho plus favorable.

La disposition devient même inquiétante lorsque nous prenons connaissance de l'exposé des motifs, lequel indique que les investigations seront confiées au secteur habilité, « rompu à cet exercice ». Nous ne pouvons que nous étonner du fait qu'un exposé des motifs prétende fixer des normes.

Nous ne nous attarderons pas, à ce stade de notre contribution, sur cette propension à la privatisation, au prétexte d'une interprétation dévoyée de l'implication de la société civile dans le champ de la justice pénale, d’un nombre croissant de mesures mises en œuvre par le service public de la Justice. Cette question sera plus longuement traitée dans la partie consacrée aux acteurs de l'exécution des peines.

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Nous pouvons en revanche nous interroger sur la pertinence du dispositif, et sa mise en perspective. Laisser un acteur évaluer et construire une proposition de peine alors que le suivi de cette peine sera confié à un autre acteur est incohérent. La connaissance par les professionnels du le Service Pénitentiaire d'Insertion et de Probation (SPIP) des dispositifs d’aménagements de peine sur le territoire, des possibilités de placement en TIG, serait ainsi une plus-value indéniable pour éclairer la décision judiciaire. Bien plus, dans certains cas, probablement fréquents, les personnes pour lesquelles un ajournement de peine aux fins d'investigation sera prononcé, auront déjà été condamnées et suivies à ce titre par le SPIP. Dans cette hypothèse, confier l'investigation sur la personnalité à un autre acteur que le SPIP serait une aberration qui conduira à la déperdition des informations et des connaissances sur la personne, voire à des incohérences dans la prise en charge.

Nous pouvons aussi nous interroger sur le risque que fait peser cette disposition sur le processus d'évaluation de la personne sous main de justice. Le projet de loi a saisi les enjeux d'une évaluation pertinente de la situation et de la personne. L'évaluation est ainsi évoquée à plusieurs reprises dans le texte, notamment pour la future mesure de contrainte pénale qui prévoit que les interdictions et obligations ne pourront pour la plupart être fixées par le JAP qu'après une évaluation, par le SPIP, de la personne condamnée. Ce faisant, le projet de loi considère que le JAP et le SPIP sont les mieux placés pour planifier l'exécution de la peine. Mais ce cadre posé au prononcé d'interdictions et d'obligations par le tribunal n'est pas valable pour les autres mesures, et notamment pour les aménagements de peine ab initio...Le recours à l'ajournement de peine pour investigations sur la personnalité incitera le juge du fond à prononcer interdictions et obligations en lieu et place du juge de l'application des peines, en plus d'entrer en conflit avec l'évaluation qui sera réalisée par le SPIP dès lors qu'il sera saisi de la mesure. L'avancée opérée avec la contrainte pénale est immédiatement battue en brèche pour toutes les autres mesures.

Enfin, le SNEPAP-FSU est bien conscient que, par le passé, c’est l’intervention du secteur associatif sur le champ du contrôle judiciaire socio-éducatif qui a servi de « cheval de Troie » pour considérer qu'il serait pertinent de confier à une association la mesure de sursis avec mise à l'épreuve d'une personne déjà suivie par cette association dans le cadre du contrôle judiciaire. A terme, la même logique conduirait le législateur à confier la mesure pénale post-sententielle à l’association ayant assuré l'investigation sur la personnalité préalable... La porte de la privatisation de l'exécution des peines s'ouvre davantage.

La contrainte pénale

Avec la création de la contrainte pénale, notre corpus juridique se dote enfin d'une véritable peine de probation, une peine à part entière et non un dérivé de la peine d'emprisonnement comme c'est le cas du SME. Il s'agit d'un incontestable pas en avant vers la reconnaissance de la probation, une disposition favorisant le déplacement du centre de gravité de la prison à la probation.

Cette reconnaissance est fondamentale : alors qu'il y a trois fois plus de personnes suivies en milieu ouvert (SME, TIG, LC, PSE etc) que de personne détenues, la prison agit pourtant comme un trou noir. Les médias, les dispositifs de recherche, les budgets, les ressources humaines sont aspirés par l'univers carcéral.

Ainsi, plus de 35 000 personnels de l'administration pénitentiaire assurent la prise en charge d'environ 67 000 personnes détenues, tandis que 4 000 agents suivent près de 255 000 personnes placées sous main de justice...

Dans le projet de loi finances pour 2014, sur un budget de 1,2 milliards d'euros (hors masse salariale) consacré à l'administration pénitentiaire, seulement 20,4 millions d'euros sont affectés au fonctionnement des SPIP, seul service chargé du suivi de la totalité de ces 255 000 personnes. La très grande majorité des personnes écrouées ont préalablement fait l'objet d'une mesure dite de « milieu ouvert ». Or, l'absence d'intérêt et d'investissement pour la mise en œuvre de ces mesures pose les conditions de leur échec et favorise la récidive.

Pour nombre de concitoyens, pire, pour nombre d'acteurs de la chaîne pénale, il n'y pas de sanction sans incarcération. Les mesures alternatives sont de fait décrédibilisées, et le sens de la peine mis à mal pour les personnes qui en font l'objet. Les études précitées8 démontrent pourtant la plus grande efficacité des peines de probation, qui permettent de travailler sur les facteurs de récidive dans un environnement favorable.

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Il est donc urgent de réformer la probation française dans le sens d'une plus grande simplicité, d'une meilleure lisibilité et surtout d'une individualisation accrue, portée par une évaluation rénovée et des méthodes de prises en charge enrichies.

Si nous soulignons positivement l'apparition de la contrainte pénale dans la liste des peines de l'article 131-3 du code pénal, nous regrettons qu'elle ne soit positionnée qu'à la fin, la peine d'emprisonnement pourtant posée comme dernier recours demeurant en tête de liste.

Le texte pose le principe selon lequel les juridictions n'auront plus vocation à définir les mesures d'assistance, de contrôle et de suivi, les obligations et interdictions dès le prononcé de la contrainte pénale.

En effet, elles seront déterminées par le JAP, après évaluation par le SPIP. Les juridictions pourront toutefois définir certaines obligations et interdictions9, sans attendre la décision du JAP. Même si le tribunal sera en capacité de soumettre la personne condamnée à une injonction de soins, strictement encadrée, le SNEPAP-FSU salue l'impossibilité pour la juridiction de prononcer, à ce stade, une obligation de soins. Cela permettra d'éviter son prononcé quasi systématique, en dehors de toute évaluation, lequel place régulièrement les SPIP et les personnels soignants en grande difficulté.

Mais créer la contrainte pénale en parallèle des dispositifs existant est un non sens. La plus-value du maintien de la mesure de SME est quasi inexistante. La juridiction peut prononcer une peine de contrainte pénale, applicable aux délits punis d'une peine d'emprisonnement inférieure ou égale à 5 ans, lorsque la personnalité de son auteur et les circonstances de la commission des faits justifient un accompagnement socio-éducatif renforcé.

La notion de suivi renforcé est donc placée au cœur de cette mesure alors qu'il peut déjà en être ainsi avec le SME. La seule différence avec ce dernier étant l'adjonction potentielle d'un TIG, l'intérêt semble limité puisque le sursis-TIG pouvait avoir la même fonction.

Le risque de voir les magistrats se tourner vers des mesures connues est fort, celui de privilégier des mesures contraignantes de type PSE ou semi-liberté prégnant.

Le SNEPAP-FSU revendique une peine autonome de probation, sans référence à l'enfermement10 qui, faisant disparaître le SME, engloberait les autres mesures (TIG, PSE, SL, PE) pour les décliner, en son sein, en fonction des situations individuelles et de leur évaluation11. Il en va de la lisibilité, de la simplification de l'architecture pénale et de l'appropriation de la mesure par les professionnels, les personnes sous main de justice et les citoyens.

En outre, il est profondément contradictoire de partir du principe que la contrainte pénale repose sur des suivis renforcés, alors même qu'elle vise un nombre de délits considérés comme les moins graves, et qu'il n'y a pas d'évaluation réelle au stade de son prononcé12. La démarche est d'autant plus incompréhensible que la peine d'emprisonnement avec sursis avec mise à l'épreuve, censée faire l'objet d'un suivi plus souple, peut être prononcée pour des infractions plus graves...

De plus, enfermer cette mesure dans un carcan, avec cette notion de suivi « renforcé », influencera le SPIP et le JAP, réduisant leur marge d'appréciation quant à la nature et à l'intensité du suivi : elle condamnera l'évolution et l'adaptation de son contenu jusqu'à son terme, et ce malgré les phases d'évaluation intermédiaires et les possibilités d'ajustement offertes, alors même que la progressivité du parcours d'exécution de peine conditionne son efficacité. Le principe de précaution, dans un contexte de médiatisation et de mise en cause régulière des acteurs du service public de la Justice ne pourra que perdurer.

9 Il s'agit des interdictions et obligations prévues par les 4° à 14° de l'article 132-45 du code pénal et celles auxquelles était astreinte la personne dans le cadre de son contrôle judiciaire.

10 Le non respect de la peine de probation devenant une infraction à part entière susceptible d'entraîner une incarcération, sur le modèle du TIG.

11 Après évaluation, il peut être décidé que la peine de probation se déroulera de manière classique, sur le principe du SME. Il peut de même être décidé que la personne condamnée fasse l'objet, au cours de la peine de probation, d'une mesure de TIG, de PSE, de SL ou de PE. Cette démarche permet d'individualiser le suivi, de l'assouplir ou au contraire de l'intensifier en fonction de l'évolution de la situation.

Elle offre une autre option à la seule révocation de la mesure et à l'incarcération en cas de dysfonctionnement du suivi. Le prononcé de la peine d'emprisonnement doit en effet rester le dernier recours. Les études menées sur les processus de sortie de délinquance (désis - tance) montrent que la réitération occasionnelle n'implique pas l'abandon du processus mais en fait,au contraire, souvent partie. Dans cette hypothèse, le TIG, le PSE, la SL, le PE sont des modalités d'exécution, sur un temps donné, d'une peine de probation.

12Hors hypothèse de recours à la nouvelle option d'ajournement pour investigation sur la personnalité ; recours qui sera probablement limité du fait de la césure de la procédure et de l'engorgement des tribunaux.

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Il sera également particulièrement difficile d'objectiver la définition des modalités de suivi et d'intervention, avec le risque d'un traitement différencié injustifié selon qu’une personne fera l'objet d'une contrainte pénale, d'une mesure de SME, de PSE ou autre. Les études démontrent que l'efficacité de la probation repose sur la construction d'un parcours d'exécution de peine, sur la définition et la planification d'interventions à partir d'une évaluation des risques, des besoins et de la réceptivité de la personne condamnée. La nature et les modalités d'intervention ne doivent en aucun cas être prédéterminées par la nature de l'infraction ou le type de peine prononcée.

Parallèlement, s'agissant des modalités d'exécution de la contrainte pénale, le texte précise qu'elles seront fixées par une ordonnance du JAP. Or, pour le SNEPAP-FSU, il eut été opportun que le JAP statue sur les obligations, restrictions et interdictions proposées par le SPIP dans le cadre d'un débat contradictoire, garant du respect des droits de la défense.

Nous regrettons que le principe initial d’une peine de probation, porté de longue date par notre organisation, ne soit pas décliné jusqu'au bout. Nous nous interrogeons, enfin, sur la terminologie retenue : le nom donné à cette mesure, « contrainte pénale », présuppose que les autres mesures n'impliqueraient pas de contrainte, ce qui est naturellement sans fondement et contre-productif.

La libération sous contrainte (article 16 du projet)

L’élaboration de la libération sous contrainte résulte des débats entourant la libération conditionnelle. La libération conditionnelle peut ainsi être discrétionnaire (dans le modèle français notamment où la mesure est accordée suite à un jugement), automatique (exemple suédois, 2/3 de la peine), ou faire l'objet d'un examen systématique (modèle canadien notamment). Intuitivement, le caractère automatique de la libération conditionnelle peut donner le sentiment de renoncer au principe d' « individualisation » de l'exécution de la peine. Pourtant, en cas d’automaticité, si l’individualisation ne repose plus sur la question sur l’opportunité de l’aménagement de peine, qui est dès lors conçu comme nécessaire dans l’objectif de prévention de la récidive, elle consiste dans la détermination des modalités de la libération conditionnelle.

Ainsi, il convient en premier lieu de distinguer le prononcé de la peine de la définition de ses modalités d'exécution. Ainsi, le principe d'individualisation n'a pas disparu : si la libération conditionnelle est automatique, l'individualisation intervient dans la détermination du mode d'exécution de cette liberté conditionnelle, avec le choix d'une mesure appropriée (PSE, SL, PE..), et la définition d'interdictions et d'obligations adaptées.

Parce que la peine d'emprisonnement a une date de fin, et parce que les études démontrent la nocivité, en termes de récidive, du passage de la prison à la liberté sans aucune forme de suivi, de contrôle ou d'accompagnement, l'aménagement de peine doit être conçu comme un élément à part entière de la peine, qui ne relève pas d'une faveur accordée à la personne détenue13.

Avec ce projet de libération sous contrainte, nous sommes cependant très éloignés de la libération conditionnelle automatique, seul l'examen de la situation étant systématique. Or, cet examen systématique des situations n'a rien de nouveau puisque la procédure simplifiée d'aménagement de peine (PSAP) le prévoit déjà, et le prévoit même plus tôt (article 723-19 CPP). De même, selon les dispositions de l’art. D523 du CPP, d’ores et déjà, « au moins une fois par an, et même en l'absence de demande de la part des intéressés, le juge de l'application des peines examine en temps utile la situation des condamnés ayant vocation à la libération conditionnelle pour que ces derniers puissent être éventuellement admis au bénéfice de la mesure dès qu'ils remplissent les conditions prévues par la loi. ». Sans modification substantielle des conditions d’octroi et faute de moyens tant pour les juridictions d’application de peine que pour les SPIP, ce principe d’examen annuel systématique de la situation de toutes les personnes éligibles à une libération conditionnelle est bien évidemment resté sans effet.

13 Nombre de personnes, dont des professionnels de l'exécution des peines, objectent que ces études sont biaisées dans la mesure où les détenus bénéficiant d'un aménagement de peine seraient triés sur le volet. Au-delà du fait que les juges de l'application des peines ne sont pas tous frileux et enfermés dans une vision étriquée de l'aménagement de peine, des études intègrent cet effet de sélection des magistrats et confirment l'efficacité de la mesure probatoire : Pays Bas, Wermink, Blokland, Nieuwbeerta, Nagin, Tollenaar, 2010.

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Le nouveau dispositif ne s’éloigne donc guère de l’existant, qui a largement montré ses limites. Le rejet de la libération sous contrainte n'est ainsi absolument pas encadré par le biais de quelconques critères (les critères minimaux envisagés dans le pré-projet ont disparu avec le projet final). Il est dès lors difficile d'imaginer en quoi l'octroi de mesures d'aménagement de peine pourrait être favorisé par rapport à la situation actuelle, d'autant que le déroulé et le format de la Commission d'Application des Peines (CAP) ne favoriseront pas les échanges.

Le SNEPAP-FSU revendique la création d'une libération conditionnelle automatique. L'automaticité de la mesure d'aménagement de peine doit entraîner la suppression du système de réductions de peines. En effet, ces dernières ne sont pas octroyées de la même façon selon les lieux et les acteurs. Les repenser participerait à recrédibiliser la peine d'emprisonnement en réintroduisant de l'équité et en permettant à tous les acteurs d'avoir des échéances claires dès le placement sous écrou. Cela favoriserait la planification du suivi et la préparation d'un projet.

Les aménagements de peine ab initio (article 7 du projet de loi)

A rebours des dispositions de la loi pénitentiaire adoptée par un vote quasi-unanime des deux assemblées parlementaires en 2009, l'abaissement des seuils d'éligibilité pour les aménagements de peine avant écrou (Art.

723-15 CPP) de 2 ans à 1 an pour les condamnés pour lesquels la récidive légale n'est pas retenue, et de 12 mois à 6 mois pour les condamnés en état de récidive légale, est en parfaite contradiction avec les principes et objectifs portés par cette réforme pénale. Cette disposition, conjuguée au recours potentiellement limité des magistrats à la contrainte pénale et à la libération sous contrainte, aux mandats de dépôt systématiquement prononcés à la barre en cas de récidive légale, au maintien d'un régime d'exécution de peine distinctif pour les récidivistes et non récidivistes, pourrait avoir de graves conséquences sur le taux d'occupation des établissements pénitentiaires, mais surtout pour le processus de réinsertion de nombre de personnes condamnées à de courtes peines d'emprisonnement. En maintenant cette disposition, le législateur tomberait dans le piège d'une instrumentalisation de la loi à des fins de communication, puisqu'il s'agit de contrer les arguments selon lesquels le texte serait permissif.

LES ACTEURS DE L'EXECUTION DES PEINES 1° Les relations SPIP/JAP

L’économie générale de la réforme de 1999, avec la création des SPIP, a clarifié les responsabilités administratives et judiciaires et constitue une avancée positive par l’affirmation de leur autonomie vis-à-vis de l’autorité judiciaire notamment. Le décret du 13 avril 1999 portant création des SPIP constituait ainsi une condition nécessaire à la première phase de juridictionnalisation de l’application des peines par la loi 2000-516 du 15 juin 2000.

La loi 2004-204 du 9 mars 2004, qui parachevait cette juridictionnalisation, affirmait par la modification de l’art.

707 du Code de Procédure Pénale que « sur décision ou sous le contrôle des autorités judiciaires, les peines prononcées par les juridictions pénales sont, sauf circonstances insurmontables, mises à exécution de façon effective et dans les meilleurs délais ». Ce principe s’est traduit par la rédaction de l’art. 474 du CPP qui dispose qu’« il est remis au condamné qui est présent à l'issue de l'audience un avis de convocation à comparaître, dans un délai qui ne saurait être inférieur à dix jours ni excéder trente jours […] lorsque la personne est condamnée à une peine d'emprisonnement assortie du sursis avec mise à l'épreuve, à une peine d'emprisonnement avec sursis assortie de l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général ou bien à une peine de travail d'intérêt général.

[…] Dans ces hypothèses, le condamné est convoqué devant le service pénitentiaire d'insertion et de probation. » Le SPIP, premier interlocuteur dans la phase d'exécution de nombre de peines, est dès lors positionné en acteur central de l'exécution des peines de probation.

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La circulaire du 19 mars 2008 a permis une refonte des textes relatifs aux SPIP. Elle a apporté des précisions importantes en précisant qu’ «il appartient à chaque Directeur de SPIP de définir et de formaliser en concertation avec ses équipes des modalités de suivi différencié choisies en fonction d’une analyse de la population suivie et des moyens dont il dispose ». Mais cette circulaire est restée une initiative pénitentiaire qui n’a pas été portée par l’ensemble du Ministère de la Justice. Cette affirmation du SPIP comme maître d’œuvre du suivi des mesures et condamnations pénales qui lui sont confiées par l’autorité judiciaire, notamment pour la définition des modalités de prise en charge, apparaît pourtant incontournable pour asseoir une probation efficace. Le SPIP maître d’œuvre, le magistrat responsable de la maîtrise d’ouvrage ; cette définition s’inscrit dans un souci de cohérence et d’efficacité de l’édifice pénal, tel qu’il apparaît notamment dans la rédaction des art. 707 et 474 du CPP, et non en fonction de prosaïques enjeux de pouvoir.

Le décret du 14 décembre 2011 (décret n°2011-1876 du 14 décembre 2011 relatif aux attributions du juge de l'application des peines, des autres magistrats mandants et du service pénitentiaire d'insertion et de probation et à leurs relations) définit le SPIP comme maître d’œuvre en matière d’exécution des peines mais, au-delà du principe énoncé, est resté une coquille vide qui n'a pas clarifié les relations entre les services. Ainsi, les

« instructions particulières » jusqu'alors prévues aux articles D576 et D577 du CPP ont été remplacées par d'énigmatiques « instructions particulières relatives à la finalité de la mesure et au contenu des obligations à respecter ».

La circulaire du 16 décembre 2011 a, dans la foulée, tenté d'éclairer cette disposition en la mettant en lien avec la préconisation n° 10 du rapport CAMUS/LEMAIRE de mai 2011 : les instructions particulières portent sur les objectifs de la mesure et le contenu des obligations particulières et non sur les modalités de suivi qui relèvent du champ de compétence du SPIP. La circulaire indique ainsi que la fréquence des convocations est déterminée par le SPIP. Un arrêt du Conseil d’État du 13 février 2013, rendu après un recours en annulation formé par une organisation professionnelle de magistrats à l'encontre du décret et de la circulaire susmentionnés, a partiellement vidé ces textes de leur substance en indiquant que « la détermination de la fréquence des convocations des personnes placées sous main de justice devant un personnel du SPIP constitue l'une des caractéristiques essentielles de l'exécution des peines qui relève, en dernier ressort, des juridictions de l'application des peines ».

Cette interprétation, qui s’appuie sur des dispositions du niveau législatif, nous semble problématique et nécessite à notre sens une redéfinition par le législateur des champs de compétences respectifs de l’autorité judiciaire et de l’administration. Il ne s’agit ici en rien de nier la légitimité du mandat confié par l'autorité judiciaire, élément déclencheur de toute prise en charge par le SPIP, ou de vouloir soustraire la mise à exécution d’une mesure restrictive ou privative de liberté au nécessaire contrôle du juge, mais bien d’affirmer la spécificité du travail de probation tel que les règles européennes de probation14 le préconisent.

Il est nécessaire de donner aux personnels des SPIP les outils pour déterminer diverses modalités d’intervention et conserver une souplesse dans l’utilisation de celles-ci. Dans ce schéma, le magistrat, garant des libertés individuelles, doit intervenir pour contrôler les restrictions de liberté et sanctionner les incidents. Michel Marcus, magistrat honoraire, dans une tribune publiée dans Le Monde15 intitulée : « Pour une révolution culturelle dans l’institution judiciaire » concluait : « Le résultat attendu est de faire jouer aux juges leur rôle de veille sociale plutôt qu’un rôle d’habiles techniciens ». Ces questions doivent être abordées en dehors de toute logique de pouvoir mais bien en fonction de l’intérêt du justiciable et de la société et dans un objectif de prévention de la récidive.

Le projet de loi pénale valorise la phase d'évaluation par le SPIP, avant prise de décision sur les obligations et les interdictions par le JAP en fonction des risques, des besoins et de la réceptivité de la personne condamnée, et pose les bases de la construction d'un parcours de l'exécution de la peine.

14 Recommandation CM/Rec(2010)1 du Comité des Ministres aux Etats membres sur les règles du Conseil de l'Europe relatives à la probation, adoptée en conseil des Ministres le 20 janvier 2010

15 Le Monde, 30 août 2012

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Dans son article 13, le projet de loi entend modifier l'article 712-1 du CPP qui pose le principe selon lequel « le juge de l'application des peines et le tribunal de l'application des peines constituent les juridictions de l'application des peines du premier degré qui sont chargées, dans les conditions prévues par la loi, de fixer les principales modalités de l'exécution des peines privatives de liberté ou de certaines peines restrictives de liberté, en orientant et en contrôlant les conditions de leur application ». Serait ajoutée la phrase suivante : « elles sont avisées, par les services d'insertion et de probation, des modalités de prise en charge des personnes condamnées, définies et mises en œuvre par ces services. Elles peuvent faire procéder aux modifications qu'elles jugent nécessaires au renforcement du contrôle de l'exécution des peines ».

Le principe est la simple information du JAP sur les modalités de prise en charge, lesquelles sont par principe définies et mises en œuvre par les SPIP, sans autorisation préalable. Le principe posé par le décret de 2011, et porté dans l'article 577 CPP, reçoit ici une portée légale. Le JAP conserve néanmoins le dernier mot en ce qu'il peut faire renforcer le contrôle de l'exécution des peines. Mais quelle interprétation doit être donnée à cette notion de contrôle ? La fréquence seule des convocations est-elle visée? Les visites à domicile sont-elles comprises dans les modalités de suivi ? Les difficultés évoquées précédemment ne sont donc pas réglées.

Et pourtant, le projet de loi aurait pu être l’occasion de rompre avec l'illusion selon laquelle seule la fréquence du contrôle du respect des obligations constituerait un gage de prévention de la récidive. La définition de l'intensité du suivi doit demeurer à l'appréciation du SPIP et être validée par une décision de service. La fréquence des convocations est un outil, un levier comme un autre dans le déroulé de la mesure. L'intensité du suivi doit être adaptée au niveau de risque de récidive, et les acteurs doivent être attentifs à la contre- productivité d'une trop forte intervention judiciaire, comme le soulignent les règles européennes de la probation et un certain nombre d'études.

Il est indispensable d'assurer au Juge la distance nécessaire pour prendre les décisions en toute impartialité, garantie essentielle du procès équitable, et personne d'autre que le personnel pénitentiaire d'insertion et de probation, formé à la probation, au plus proche des personnes sous main de Justice, n'est mieux placé pour cela.

2° Les services de droit commun

L'article 2 du projet de loi, en prévoyant que « chacun veille, en ce qui le concerne, à ce que les personnes condamnées accèdent de façon effective à l'ensemble des droits de nature à faciliter leur insertion », donne force de loi à un principe de niveau réglementaire porté dans l'article D 573 CPP.

La place des acteurs et des services de droit commun est reconnue. Depuis de longues années, le SNEPAP-FSU milite pour que ces derniers, services de l’État, organismes sociaux, services d’action sociale des Conseils Généraux, prennent la place qui devraient être la leur auprès des « citoyens » incarcérés (à l'instar de l'hôpital public et de l’Éducation Nationale), mais aussi auprès des publics condamnés, suivis en milieu ouvert.

Les personnes sous main de justice, déjà suffisamment stigmatisées, ne font l'objet que d'une restriction ou d'une privation de liberté : sauf décision de justice contraire, elles doivent donc avoir accès aux mêmes droits que les autres citoyens. L’existence d’une prise en charge par le SPIP ne devrait en aucun cas être un motif d’exclusion de l’accès à un service de droit commun.

3° Les missions régaliennes et les interventions du secteur associatif

Le SNEPAP-FSU dénonce la disparition de la référence au caractère régalien des missions du SPIP présente dans la version du projet de loi présenté le 9 octobre 2013. Comme nous le craignions, la rédaction floue de l'article concerné dans le pré-projet, qui visait « une mission d'insertion et probation » et qui ne précisait rien des fonctions exactes qui étaient concernées, n'a pas franchi le cap du Conseil d’État.

Si la reformulation du Conseil d’État n'intervient que sur la mission d'insertion, en posant clairement le principe de l'intervention du droit commun en matière d'insertion et d'action sociale, elle ne répond en rien à l'enjeu central du caractère régalien de l'exécution des peines.

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Le SNEPAP-FSU demande à ce que cesse la confusion, volontairement entretenue par certains protagonistes, entre les actions de diverses associations sur le volet de l'action sociale et de l'insertion socio-économique, et le développement d’une logique concurrentielle qui n’a d’autre but que de substituer le secteur privé associatif au service public en matière d’exécution des peines.

Le SNEPAP-FSU n'a de cesse de saluer le travail exceptionnel du secteur associatif sur des champs de compétence et d'intervention pour lesquels il amène son expertise, à savoir les missions qui ne relèvent pas d'un service de justice (hébergement, emploi, conduites addictives etc.). Mais le partenariat et l'implication de la société civile dans le parcours des personnes sous main de justice, ni ne signifient, ni n'impliquent la délégation pure et simple du suivi d'une mesure. Travailler ensemble ne signifie pas travailler « à la place de ».

Le service public, à travers le SPIP, est le seul à même de garantir une continuité du suivi. Le SPIP est organisé de manière mixte (Milieu Ouvert et Milieu Fermé). Le même service prend en charge la personne, qu'elle soit incarcérée ou non, qu'il s'agisse d'une peine ferme, d'une peine probatoire ou d'une peine dite mixte (une partie en prison une autre en probation). Dans tous les cas, par la tenue du dossier individuel unique, par l'utilisation d'une application nationale (APPI), par son implantation sur le territoire national, le SPIP est le seul service assurant une telle continuité dans le suivi, continuité indispensable à la connaissance de la personne, à la construction d'un parcours de peine et au travail sur la sortie de délinquance.

De par son organisation et sa politique de service16, le SPIP propose des méthodes d'intervention harmonisées sur le département qui, sans exclure l'individualisation de la peine, garantissent une égalité de traitement sur un même territoire. L'organisation départementale du SPIP lui permet également d'assurer une représentation pénitentiaire dans les politiques de la ville, de prévention de la délinquance, d'insertion et de cohésion sociale.

Cette participation est fondamentale pour assurer l'inscription des publics placés sous main de justice dans les politiques territoriales. Ainsi, les SPIP s'investissent dans les Contrats Locaux de Sécurité et de Prévention de la Délinquance (CLSPD) et les instances départementales, même si cette présence est encore trop tributaire de la volonté préfectorale.

Les conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation bénéficient de la même formation spécifique dispensée par l'ENAP et sont soumis aux obligations liées à leur statut de fonctionnaire. L'obligation de réserve (neutralité) ou le non cumul d'activité (absence de conflit d'intérêt) notamment, apportent des garanties aux justiciables.

Pour le SNEPAP-FSU, le champ de l’exécution des peines doit impérativement être confié un service public national. Il ne peut en aucun cas appartenir à une initiative privée, fût-elle à but non lucratif, de déterminer les modalités de prise en charge et de suivi des publics délinquants, de rechercher, avec les aléas que cela comporte, les moyens de leur mise en œuvre, de définir la qualification, la formation et le statut des personnels appelés à intervenir. C’est bien à l’État de déterminer les grandes orientations d’une véritable politique pénale et pénitentiaire.

L'exécution d'une peine, qu'elle soit privative ou restrictive de liberté, porte incontestablement atteinte aux libertés individuelles, il faut donc qu'elle soit encadrée de garanties. Seule l'intervention du service public, soumis à un contrôle indépendant, répond à cet impératif. Pour autant, la société civile, représentée entre autre par le secteur associatif, a toute sa place pour compléter, en tant que partenaire, l'intervention judiciaire.

L'article D573 CPP dispose que le service pénitentiaire d'insertion et de probation, avec la participation, le cas échéant, des autres services de l’État, des collectivités territoriales et de tous organismes publics ou privés, favorise l'accès au droit et aux dispositifs d'insertion de droit commun des détenus et personnes qui lui sont confiées par les autorités judiciaires. Or, favoriser n'est pas suppléer. Aussi le concours d'organismes compétents, mentionnés dans le texte, est-il déterminant pour répondre à des besoins que l'administration pénitentiaire, pour éviter une stigmatisation supplémentaire, ne peut ou ne doit pas assumer.

Un partenariat dense et doté de moyens suffisants est dès lors indispensable et les SPIP sont en lien avec diverses associations avec lesquelles ils passent de nombreuses conventions.

16 Circulaire DAP 19 mars 2008 relative aux missions et méthodes d'intervention des SPIP

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Bien souvent, ces mêmes associations compensent une intervention défaillante des collectivités locales pourtant en charge des publics sous main de justice. A titre d'exemple, dans les établissements pénitentiaires, le secteur associatif offre un certain nombre de prestations à même de favoriser le maintien des liens avec l'extérieur : aide aux familles, relais parents/enfants, visiteurs de prison etc.

Au-delà de l'accès au droit, de nombreuses associations permettent au SPIP de diversifier les modalités d'exécution des peines, de les individualiser en intervenant sur des problématiques pour lesquelles le SPIP n'a ni les compétences, ni les ressources techniques : la grande précarité, le logement, les addictions, les emplois aidés de type chantiers d'insertion...C'est le cas pour la mesure de placement à l'extérieur qui donne d'excellents résultats. Le SPIP assure alors la partie "judiciaire" de la mesure, évalue régulièrement, identifie les besoins et oriente vers l'association qui apporte ses compétences spécifiques, son aide matérielle ou humaine. Le SPIP rend compte à l'autorité judiciaire et propose d'éventuelles évolutions au parcours de peine.

C'est dans le cadre d'un parcours de peine déterminé par le SPIP et contrôlé par l'autorité judiciaire que doit s'envisager la plus-value des associations. Un système de probation reposant sur une évaluation initiale structurée et éprouvée nécessite un référent unique, qui oriente les publics vers un partenariat en fonction des problématiques décelées.

Il s'agit d'une question d'efficacité, de droits et de cohérence. Or, les budgets permettant aux SPIP de conventionner avec le secteur associatif pour compléter leur intervention sont pour le moins instables. La DAP finance en partie ces associations, les SPIP complètent ces conventions nationales en soutenant les associations dans la recherche, sur le plan local, de financements auprès des collectivités locales ou de fonds dédiés comme le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD)... Et lorsqu'en cours d'année les directeurs des SPIP voient leurs budgets d'insertion se réduire, c'est autant de places de placements à l'extérieur ou de possibilités d'intervention d'une association qui sont supprimées.

Le point d'achoppement : la confusion des missions...

La délégation intégrale du suivi des peines au secteur privé, fusse-t-il "non lucratif", a vu le jour avec la délégation progressive des mesures pré-sententielles. Ainsi, une loi de juillet 1970 a permis à "toute personne habilitée", désignée par l'autorité judiciaire, d'assurer le suivi intégral des contrôles judiciaires pour les personnes non encore condamnées. Le débat entre ceux qui souhaitaient confier le contrôle judiciaire aux comités de probation (ancêtres des SPIP) et ceux qui souhaitaient le déléguer aux associations fut vif.

L'application de la loi fut hétérogène, fonction des pratiques et volontés locales. Toutefois, face à la carence en moyens des comités de probation, et parfois aussi en raison du rejet de ces mesures de sûreté par les agents de probation qui refusaient d'imposer un contrôle à des personnes encore présumées innocentes, ces services ont progressivement abandonné le suivi des contrôles judiciaires au profit du secteur associatif.

Très récemment, la loi du 27 mars 201217, dans son article 4, a posé le même principe pour le suivi des mesures d'enquête par le secteur associatif et les personnes physiques habilitées, sauf impossibilité par ce secteur de l'assurer, auquel cas le SPIP redevient compétent.

Le législateur ne s'est pas contenté du volet pré-sententiel, il a élargi la compétence du secteur associatif au suivi des peines. Ainsi, l'évolution de l'article 471 du CPP permet désormais à l'autorité judiciaire de confier au secteur associatif le suivi de la mise à l'épreuve d'une personne condamnée qui était préalablement suivie par cette même association dans le cadre du contrôle judiciaire. Si la volonté d’assurer une continuité du suivi entre une période de contrôle judiciaire et une phase d’exécution de peine peut paraître louable, cette disposition issue de la loi du 4 avril 200618 et étendue par celle du 9 juillet 2010, entre en parfaite contradiction avec les dispositions de l’article 474 CPP qui tendent, à l'inverse, à faire du SPIP l’acteur central des prises en charge des peines et mesures pénales en milieu ouvert.

17 Loi n'°2012-409 du 27 mars 2012 relative à l'exécution des peines

18 Loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention de la récidive et la répression des violences au sein du couple ou commises contre des mineurs.

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