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Quelle place pour les proches à l hôpital au cours des soins?

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Academic year: 2022

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HINSBERGER Sarah Promotion 2009-2012

Mémoire

Quelle place pour les proches à l’hôpital au cours des soins?

Institut de Formation en Soins Infirmiers de Berck-sur-Mer

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HINSBERGER Sarah Promotion 2009-2012

Mémoire

Quelle place pour les proches à l’hôpital au cours des soins?

Institut de Formation en Soins Infirmiers de Berck-sur-Mer

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Remerciements

Je tiens à remercier chaleureusement les nombreuses personnes qui m’ont soutenue, aidée et inspirée dans l’écriture de ce travail de fin d’études, et tout particulièrement la formatrice qui m’a guidée tout au long de son élaboration.

Un grand merci également à ma famille et mes amis les plus proches pour leur présence à mes côtés au cours de ces trois années d’études.

Source de la photo en couverture : http://www.proximologie.com/donnees-cles- entourage/index.shtml.

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Introduction

Confort et bien-être sont primordiaux pour la personne hospitalisée afin de recouvrir, ou de conserver, la santé physique, psychique et/ou mentale. Cela ayant pour objectif d’apporter au patient la meilleure qualité de vie possible dans un lieu médicalisé.

Pour que ce dernier puisse s’intégrer dans une vie à l’hôpital, il faut qu’il maintienne un lien social. L’Homme, par définition, est un être social. Il a besoin d’interagir avec les autres pour pouvoir se construire et donc retrouver la santé.

Confort, bien-être et interaction sociale sont donc en liens étroits. L’hôpital doit permettre à toute personne de répondre à ces besoins.

Le proche de la personne hospitalisée prend ainsi toute sa dimension et notamment lors des soins, qui peuvent être un moment angoissant pour le patient. Il est un élément central pour la personne soignée

C’est pourquoi, je me suis intéressée ici à la place du proche au cours des soins. Nous verrons tout d’abord le constat que j’ai pu faire durant mes stages à l’hôpital. A la suite de ce constat, je me suis posée différentes questions :

- Qu’est-ce qu’un proche ?

- Quel impact la présence du proche à l’hôpital a-t-elle sur le plan relationnel ?

- Quelles sont les raisons invoquées par les soignants pour justifier la pratique de faire sortir les proches lors des soins ?

-Existe-t-il des lois françaises pour définir le rôle et la place des proches à l’hôpital ? Ainsi, j’ai commencé par répondre à ces différentes questions. Cela m’a conduite à une problématique et à formuler mes hypothèses. Est venue dans la suite logique une enquête auprès d’infirmiers afin de répondre à ma problématique et vérifier mes hypothèses.

Voyons donc où se situe la place du proche d’un adulte hospitalisé lors des soins.

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Constat de travail de fin d’études

En confrontant mes différentes lectures au sujet d’«intégrer les familles dans les soins » avec mes expériences de stages, j’ai constaté que lorsque le patient est un enfant les soignants intègrent facilement les parents dans le soin.

Par exemple, lors d’un stage que j’ai effectué en chirurgie ambulatoire, l’infirmière proposait très souvent aux parents de donner la prémédication à l’intervention. Elle justifiait cela par le fait que c’est moins angoissant surtout pour un enfant, car cela lui donne un sentiment de sécurité et cela minimise la forte impression provoquée par la blouse blanche. Celle-ci peut générer en effet une appréhension chez l’enfant. En même temps cela met en confiance les parents et ils se sentent utiles.

De plus, l’infirmière impliquait les parents pour évaluer la douleur de leur enfant car ils connaissent ses réactions et cela bien mieux qu’elle qui ne le voyait qu’un jour.

L’intégration des parents dans le soin pour leur enfant paraît donc logique. D’autant plus que le regard porté par l’enfant sur sa première hospitalisation pourra souvent déterminer sa confiance ou non au système de soin.

J’ai pu appuyer ce constat par différentes lectures qui attestent qu’il est « inenvisageable de se passer de la compétence rassurante des parents lors de l’hospitalisation de l’enfant » (P.

Thibault-Wanquet, 2008, p.97).

La place des proches dans la relation de soin auprès de l’adulte à l’hôpital est moins évidente. En effet, au cours de mes stages, j’ai constaté que les soignants prennent des positions différentes vis-à-vis des proches et les intègrent différemment dans les soins.

Ainsi, en stage dans un service de soins de longue durée et soins de suite et de réadaptation dans un département de blessés crâniens, effectué en fin de deuxième année, j’ai observé que certains soins étaient effectués en présence d’un proche avec l’accord du patient.

Les infirmiers commençaient par prendre contact avec les proches du patient hospitalisé et les réunir. Ils se renseignaient sur les rapports sociaux entretenus par le patient avec ces derniers : se voyaient-ils souvent avant l’accident ou la maladie, vivaient-ils dans la même ville ?... Cela avait

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pour objectif de connaître les habitudes de vie du patient et d’établir une relation de confiance en les engageant dans les projets de soin et de vie de leur proche hospitalisé.

Ensuite, les soignants observaient les interactions qui existaient entre le patient et sa famille : nombre de visites et d’appels par semaine, niveau d’entente ou de mésentente. Tout ceci était noté dans des tableaux affichés dans la salle de soins.

Puis les soignants demandaient au patient s’il acceptait leur présence lors d’un soin. Ce dernier acceptait ou non par des mots ou par l’utilisation d’un alphabet, vu la difficulté de communication.

L’équipe soignante se réunissait enfin avec le médecin du service en moyenne une fois par semaine pour prévoir un projet de soins en intégrant la famille ou non. Chacun argumentait et justifiait son point de vue.

La décision finale était prise par le médecin du service. Il n’y avait pas de transmissions écrites au sujet de ces réunions mais uniquement des transmissions orales.

Ce travail d’identification des besoins de la présence ou non d’une personne proche se faisait dans le respect des choix et des besoins du patient et chaque soignant suivait la décision finale du médecin.

Le médecin et l’équipe soignante réévaluaient une fois par mois en moyenne la décision prise afin de répondre au mieux aux besoins de confiance et d’affection du malade.

Cette situation d’intégration est la seule que j’ai pu constater au cours de mes stages.

En effet, durant toutes mes autres expériences avec un patient adulte, la présence ou non des proches lors d’un soin était peu ou pas discutée au sein de l’équipe. Chaque soignant choisissait ou non d’intégrer la famille lors du soin. Très souvent des horaires de visites sont imposés : dans l’après-midi, car beaucoup de soins sont effectués le matin et notamment les soins d’hygiène, la réfection des pansements… et la présence de tiers est considérée gênante.

Une personne, quelle qu’elle soit, a des émotions, un ressenti qui sont souvent exacerbés quand sa santé physique ou psychologique s’avèrent défaillantes.

De ces constats est née ma question de départ qui est la suivante :

Pourquoi l’intégration des proches dans les soins d’une personne adulte hospitalisée, par les infirmiers, est-elle inconstante?

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Le proche

Pour être précis, définissons le concept de « proche ».

Le « proche » chez une personne malade est un terme vaste définissant la personne qui entoure un patient et qui a établi un lien particulier avec lui. Il s’agit donc de l’entourage, au sens large du terme (lien familial, sentimental ou affectif ?).

Selon Tania Rizk, les « questions de terminologie sont révélatrices de la difficulté à définir la place ou le rôle des proches de personnes malades de façon générale. Pourquoi parler de proches, et non de famille ? Qui est le proche ? De qui parle-t-on ? » (H. Joublin, 2010, p.27). Il est donc difficile de définir le proche.

Dans le sens premier, le terme « proche » est utilisé pour définir une distance. Celle-ci est petite, « près de ». Quand « proche » est utilisé pour définir une personne, il s’agit, d’après le Dictionnaire Le Petit Robert, d’une personne « dont les liens de parenté sont étroits ». Il y a donc toujours une notion de distance. Mais on peut se demander à quel moment on considère que des liens de parenté sont étroits ? Faut-il être parent au premier degré ou même les amis proches peuvent-ils entretenir ce lien ? Et est-ce que la famille est toujours considérée comme étant proche ?

La famille est constituée de nombreux individus qui entretiennent des liens plus ou moins étroits avec la personne hospitalisée. Ainsi il est possible d’utiliser différents termes pour définir les membres d’une famille tels que « aidant », « aidant informel », « aidant naturel »,

« accompagnant », « proche », « entourage », voire même parfois « personne de confiance ».

Il semblerait que le proche soit plutôt une notion sentimentale, d’affection qu’un lien de sang, contrairement à la définition donnée par Le Petit Robert. Ce qui importe est plus sa place et son importance psychologique. Ainsi on pourrait inclure dans la notion élargie de « proche », les personnes bénévoles, membres d’associations engagées dans l’amélioration de la qualité de vie et l’accompagnement des personnes malades et hospitalisées.

Pour les médecins généralistes, d’après H. Joublin, le proche a une fonction importante. En effet, ils estiment que le proche a une fonction positive auprès du patient pour près de 4/5ième des situations. Il apporte une aide psychologique ou morale (dans 72% des cas), une aide dans les actes de la vie quotidienne (dans 57% des cas). Il prévient lors d’un problème important dans 66% des situations et apporte une compagnie apaisante pour la personne malade, affaiblie, dans 58 % des

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cas. « Dans plus d’un cas sur deux (51%), le praticien estime même que l’entourage contribue à l’efficacité des soins » (H. Joublin, 2010, p.130).

Le proche a donc un rôle de soutien non négligeable auprès de la personne hospitalisée, malade ou dépendante. Ces chiffres prouvent que cette personne a toute sa place auprès du patient.

Il est nécessaire que les soignants en tiennent compte.

De l’importance qu’a le proche auprès du soigné, Hugues Joublin a tiré en 2001 un nouveau concept : la proximologie. Elle est une « science appliquée des relations entre le malade et ses proches ». C’est une « approche pluridisciplinaire au carrefour de la médecine, de la sociologie et de la psychologie qui fait de l’entourage un objet central d’étude » (H. Joublin, 2006, p.103). Cette science, comme le souligne H. Joublin en 2006, a pour objectif de permettre « d’envisager la présence et le rôle de l’entourage comme des éléments déterminants de l’environnement du patient, donc de l’efficacité des soins et de sa « prise en charge » ». Mais cette nouvelle notion n’est pas neutre, car le groupe pharmaceutique Novartis la défend depuis ses débuts.

Cette nouvelle dynamique autour du proche montre combien il est important dans le système hospitalier et de soins. Ce n’est plus quelqu’un que l’on peut négliger. Des recherches se centrent aujourd’hui sur cette personne.

Après avoir abordé la définition du proche et l’importance du rôle qu’il peut jouer, nous allons voir que la relation qu’a l’infirmier avec la personne hospitalisée n’est pas simplement duale.

Relations autour du soigné

D’une façon générale, la relation soignant/soigné paraît logique. Cette notion duale doit permettre au patient de recouvrer ses facultés physiques, mentales et/ou psychiques ou d’être accompagné lors de la fin de vie. Seulement, comme nous venons de le voir, il ne faut pas oublier que le soigné vit normalement dans une dynamique sociale. Il est amené à rencontrer des personnes, à dialoguer avec elles et celles-ci occupent une place importante dans sa vie quotidienne. En effet, l’Homme est un être social. Lors d’une hospitalisation, les liens sociaux ne sont pas à négliger. Les soignants se doivent donc d’intégrer les proches, de gérer une situation lors de l’hospitalisation d’une personne. La relation duale devient donc une triade dans laquelle tous les acteurs sont en relation les uns avec les autres. Cette dernière peut ne pas être évidente car il y a dans cette triade une personne vulnérable : le patient. Il y a donc comme un déséquilibre dans cette relation. Il faut

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que chacun trouve sa place, son rôle, sa fonction afin de rester centré sur la personne malade ou affaiblie.

Le fait de demander au proche de sortir peut « isoler la personne soignée de ressources affectives précieuses à son bien-être et son rétablissement » (P. Thibault-Wanquet, 2008, p.1). La relation doit donc être envisagée par les soignants dans un premier temps comme étant tripartite, ce qui peut être bénéfique au patient, notamment d’un point de vue psychique.

Ce rapport entre soignant-soigné-proche est relativement nouveau. En effet, historiquement la relation était vue comme étant duale, le proche n’étant pas ou peu considéré lors des soins.

D’après M. Foucault, la séparation du soigné de son entourage par les hôpitaux a été longtemps de vigueur, afin de « protéger le patient » (H. Joublin, 2010, p.17).

Pour ce faire, H. Joublin insiste sur le fait qu’intégrer les proches ne peut se faire sans une réflexion préalable au sein de l’équipe soignante. Il faut l’envisager dans une dimension familiale, sociale, matérielle, psychologique. Cela « constitue(nt) des préalables indispensables à l’intégration du proche dans le parcours des soins » (2010, p.129).

Cette approche de la triade étant nouvelle, les infirmiers doivent remettre en question certaines de leurs pratiques pour s’adapter à cette conception de leur métier.

Les soignants et la famille

Les infirmiers demandent très souvent aux proches de quitter la chambre du malade lors de soins au corps. Ils font cela en premier lieu pour respecter l’intimité de la personne. Cette raison invoquée fait partie d’ « une pratique solidement ancrée dans la tradition, bien qu’elle ne soit plus guère appliquée de façon systématique dans toutes les situations» (J. Lawler, 2002, p.185).

Aujourd’hui, cette règle change et les infirmiers semblent agir plus au cas par cas : ils agissent selon le malade et selon la nature de la relation entretenue avec les proches.

Cette demande que font les infirmiers aux familles de sortir doit leur permettre:

« de minimiser leur propre gêne potentielle » ainsi que celle du patient ;

« de gérer leur travail sale en le soustrayant à la vue des autres » ;

« de se sentir moins exposés à des critiques ou à une interférence éventuelle de la part

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des membres de la famille et des visiteurs » (J. Lawler, 2002, p.185).

d’éviter que des visiteurs ou membres de la famille « n’aient pas la force de regarder les choses que font les infirmières, ou qu’ils peuvent être bouleversés en voyant la souffrance de leurs proches » (J. Lawler, 2002, p.185). L’aspect psychologique est donc un élément pris en considération par les infirmiers : considérer le proche avec une sensibilité, des émotions.

de gérer le « travail de l’épouse » ou le « travail de domestique », comme l’a appelé ainsi Strauss (1987), auprès d’un mari hospitalisé. Il s’agit du travail qui peut provoquer une certaine confusion entre le rôle de l’épouse (ou l’époux) et celui de domestique (l’infirmière). En effet, l’épouse peut avoir été amenée à apporter des soins à son mari, qui à l’hôpital, seront réalisés par l’infirmière. « Strauss voit là un phénomène d’exclusion, la femme étant exclue du rôle de soignante auprès de son mari ». Ce phénomène peut être également présent lorsqu’un patient a pour proche un soignant. Il peut y avoir un sentiment de frustration du proche-professionnel « du fait de la confrontation entre ses attentes et son vécu » (D. Holstein, 2009, p.25).

Par ailleurs, les soignants peuvent mettre en place des processus de routine sécuritaire de par la confrontation quotidienne avec divers groupes socioculturels, mais aussi avec la maladie, la contagion, la souffrance et la mort. Selon A. Vega (2004), ce sont des mécanismes de défense et ils peuvent engendrer des stigmatisations culturelles, sans rapport avec le vécu de chaque individu.

Cela pourrait jouer un rôle dans l’intégration des proches selon que les soignants ont déjà été confrontés ou non à une situation comparable au cours de leur carrière professionnelle.

Cependant, chaque situation avec un patient ou une famille est unique car il s’agit d’êtres humains ayant tous un parcours de vie différent, ainsi que des émotions bien distinctes.

L’écoute et l’observation du patient et de ses représentants est essentielle pour adopter une attitude anthropologique des soins.

D’après A. Vega (2004, p.135), « les proches du patient, mais aussi les bénévoles, les membres d’associations peuvent également aider ponctuellement les soignants à comprendre ce qui est important pour les soignés ». Elle estime donc que les personnes entourant le patient ont un rôle à jouer dans son accompagnement, mais seulement de façon « ponctuelle », c’est-à-dire qu’elles n’interviennent pas à chaque moment des soins.

En 2009, D. Holstein, infirmière au « Supportive Care » (structure transversale de soutien des patients) du Centre hospitalier de Luxembourg, faisait remarquer qu’il : « ne suffit pas de dire,

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d’annoncer, d’enseigner que la famille est une aide, une ressource. Il faut encore traduire ce concept dans la vie quotidienne de l’hôpital par une démarche pensée, structurée, acceptée et appliquée par tous les partenaires de soins(…) » et ce pour permettre, voire de faciliter, à la famille le contact et leur soutien au proche hospitalisé.

Beaucoup d’infirmières, d’après J. Lawler (2002, p.187), pensent qu’il faut intégrer les familles dans certains soins, mais sous certaines conditions : « « cela dépend du patient » et « cela dépend de la situation » ».

Pour comprendre pourquoi dans certaines situations le proche est intégré et dans d’autres non, il s’agirait de comprendre : quel(s) rôle(s) les soignants estiment dévolu(s) au proche ?

Est-ce que ce sont les soignants qui vont intégrer les proches lors d’un soin de leur propre initiative ou est-ce en réponse à une demande des proches ?

Il semblerait que les textes de lois viennent faciliter leur intégration.

Liens législatifs

Depuis quelques années, en France, la famille occupe une place de plus en plus importante à l’hôpital. C’est pourquoi il a fallu créer un cadre législatif afin que chacun trouve sa place : soignants et proches.

Le texte de référence dans les services de soins est la Charte du patient hospitalisé, actualisée en 2006. On y trouve les droits du patient hospitalisé.

Mais c’est dans la Loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé que la notion de personne de confiance est introduite.

Loi du 4 mars 2002 :

Cette loi mentionne notamment que :

« Lorsque la personne est hors d'état d'exprimer sa volonté, aucune intervention ou investigation ne peut être réalisée, sauf urgence ou impossibilité, sans que la personne de confiance

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prévue à l'article L. 1111-6, ou la famille, ou à défaut, un de ses proches ait été consulté » (article 1111-4).

Donc le proche joue un rôle considérable auprès du patient hospitalisé lorsque ce dernier ne peut pas s’exprimer. En effet, il peut être amené à prendre une décision pour la santé du patient hospitalisé.

L’un des éléments les plus importants concernant la personne de confiance dans cette Loi du 4 mars 2002, cité précédemment, apparaît dans l’article L. 1111-6 :

Toute personne majeure peut désigner une personne de confiance qui peut être un parent, un proche ou le médecin traitant, et qui sera consultée au cas où elle-même serait hors d'état d'exprimer sa volonté et de recevoir l'information nécessaire à cette fin. Cette désignation est faite par écrit. Elle est révocable à tout moment. Si le malade le souhaite, la personne de confiance l'accompagne dans ses démarches et assiste aux entretiens médicaux afin de l'aider dans ses décisions.

La personne de confiance peut donc jouer le rôle d’accompagnant, mais uniquement après avis écrit préalable du patient concerné et vérification orale, à chaque étape de sa prise en charge.

Sa fonction n’est pas définie dans un temps T : c’est le patient qui juge si son rôle est bien accompli et s’il lui maintient sa confiance.

La désignation d’une personne de confiance est une possibilité, mais elle n’est jamais une obligation. Dans cet article de loi, une distinction est faite entre un parent et un proche. Il ne s’agirait donc pas forcément de la même personne. La définition du proche dans le cadre législatif est donc large.

De plus, dans le titre II intitulé « Démocratie Sanitaire », la loi du 4 mars 2002 définit le rôle de la famille ou des proches auprès du patient, dans l’article L.1110-4 du Code de la Santé Publique (CSP) :

« En cas de diagnostic ou de pronostic grave, le secret médical ne s'oppose pas à ce que la famille, les proches de la personne malade ou la personne de confiance (…) reçoivent les informations nécessaires destinées à leur permettre d'apporter un soutien direct à celle-ci, sauf opposition de sa part ».

La loi prévoit donc que la famille, les proches de la personne malade ou la personne de confiance doivent pouvoir aider le patient avec son accord si le diagnostic est grave.

Dans la situation où le patient est en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, « la désignation d’une personne de confiance permet l’implication du proche désigné

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lors de l’hospitalisation (…) » (P. Thibault-Wanquet, 2008, p.32). Le proche se trouve donc acteur actif de l’hospitalisation, car un certain rôle lui est dévolu lorsqu’il est désigné par la personne hospitalisée.

Loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées:

Dans l’article 9, il est fait notion pour la première fois dans les textes législatifs d’« aidant naturel ». Celui-ci peut dorénavant accomplir des gestes liés à des soins prescrits par un médecin, après désignation par le patient si ce dernier est durablement empêché de les réaliser, du fait de limitations fonctionnelles des membres supérieurs en lien avec un handicap physique. L’aidant naturel a ici pour rôle de favoriser l’autonomie du patient.

Mais, comme précisé dans l’article, l’aidant doit au préalable recevoir, « de la part d'un professionnel de santé, une éducation et un apprentissage adaptés lui permettant d'acquérir les connaissances et la capacité nécessaires à la pratique de chacun des gestes pour la personne handicapée concernée. (…) ».

Cette loi s’inspire du modèle canadien qui définit l’aidant naturel « comme la personne qui prend soin, sans rémunération, d’un membre de sa famille ou d’un ami ayant une incapacité physique ou cognitive ou un problème de santé mentale chronique ». La différence avec la loi française est que cette dernière ne tient pas compte des incapacités cognitives, mais uniquement physiques. Et comme le souligne Hugues Joublin (2010, p.31):

« Nous sommes donc encore loin en France de la reconnaissance d’un statut d’aidant aux centaines de milliers de profanes qui s’occupent au quotidien de personnes atteintes de maladie d’Alzheimer… ».

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• La particularité des soins palliatifs :

La loi n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, du Code de la santé publique :

Le rôle de l’entourage auprès d’un malade en fin de vie a été renforcé par cette loi. En effet, le dernier alinéa de l'article L. 1110-5 du code de la santé publique est complété par deux phrases ainsi rédigées :

Si le médecin constate qu'il ne peut soulager la souffrance d'une personne, en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause, qu'en lui appliquant un traitement qui peut avoir pour effet secondaire d'abréger sa vie, il doit en informer le malade, sans préjudice des dispositions du quatrième alinéa de l'article L. 1111- 2, la personne de confiance visée à l'article L. 1111-6, la famille ou, à défaut, un des proches. La procédure suivie est inscrite dans le dossier médical.

Le médecin a donc pour obligation de solliciter l’avis de la famille ou d’un des proches lorsqu’il s’agit d’une situation où le patient est en fin de vie. Dans cet article, le proche est relégué en dernière position. Il n’est prévenu qu’en l’absence de contact avec la famille.

Les textes de loi font donc une distinction entre ces personnes entourant l’adulte hospitalisé.

Les lois françaises intègrent la notion de proche ou d’aidant naturel depuis peu. Elles sont encore amenées à évoluer. Quand est-il de leur application sur le terrain hospitalier ? Est-ce que ces nouvelles dispositions ont influencé les pratiques professionnelles hospitalières ?

C’est pour comprendre les raisons invoquées par les soignants que nous allons nous intéresser de plus près à leurs propos.

Problématisation

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En stage, j’ai pu observer que les soignants faisaient sortir plus facilement les proches d’adulte hospitalisé que ceux d’enfant hospitalisé.

D’où ma question de départ : Pourquoi l’intégration dans les soins des proches d’une personne adulte hospitalisée est-elle inconstante ?

Le proche est quelqu’un qui entretient un lien étroit avec la personne. Il a une fonction importante : soutien psychologique ou aide morale du malade.

La relation en triade (soignants, malade, proche) est une dynamique sociale nécessaire pour le patient.

Les proches du patient sont des êtres humains. Ils ressentent différemment les évènements tels l’hospitalisation d’un membre de leur famille, d’un ami… Les soignants doivent analyser ce retentissement, avant même leur (s) intégration (s) dans le parcours des soins. Cela est essentiel, car la maladie va entraîner chez le proche des modifications sur l’organisation quotidienne (de nouvelles contraintes peuvent survenir) et des répercussions psychiques plus ou moins importantes.

Des textes de lois ont été édités afin de clarifier la place et le rôle de la personne de confiance et du proche auprès du patient hospitalisé. Il a donc fallu que la législation établisse des règles et codes pour définir l’intégration des proches auprès de l’adulte hospitalisé.

Mais d’après différents auteurs, il n’est pas chose facile pour les soignants de les intégrer et cela se fait plutôt au cas par cas. Le fait de ne pas intégrer les proches vient d’une pratique solidement ancrée dans les mœurs des soignants. Les lois n’ont permis que partiellement, à l’heure actuelle, l’intégration des proches et de la personne de confiance à l’hôpital.

Les facteurs évoqués par les soignants pour justifier qu’ils fassent sortir les proches lors des soins, semblent plus de type individuel. Ces facteurs relèvent souvent d’habitudes et de traditions.

Les facteurs environnementaux sont quant à eux très peu évoqués par les auteurs pour expliquer la non-intégration des proches.

De là est née ma problématique, qui est la suivante :

Quels sont les facteurs individuels qui influencent l’intégration des proches par les infirmiers dans les soins de l’adulte hospitalisé ?

La problématique a pour objectif d’identifier des facteurs propres au soignant qui vont faire que ce dernier intégrera plus ou moins les proches des patients hospitalisés lors des soins. Afin de répondre à cette problématique, je propose 3 hypothèses qui sont les suivantes:

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Hypothèses :

• L’identification positive du soignant liée à son vécu va influencer l’éventuelle intégration des proches lors des soins.

Cette identification est la projection que peut se faire un infirmier d’après son vécu.

Ici, elle est dite positive car le sujet (en tant que proche d’un patient) a été confronté à une situation qui a pu lui être bénéfique d’un point de vue des connaissances ou de la recherche d’une remise en question sur ses pratiques professionnelles.

La personne ressent dans cette situation que son vécu lui a apporté des aspects positifs pour sa pratique de soignant.

• La conception, que se fait le soignant, du rôle attribué aux proches va l’influencer pour leur intégration lors d’un soin.

D’après les textes cités précédemment, les proches ne sont pas souvent intégrés lors des soins. En effet, les soignants semblent craindre le jugement de la famille, des amis de la personne hospitalisée. Ils verraient donc les proches comme étant des critiques de leurs pratiques et non une aide possible.

Le soignant qui voit le proche comme une aide au projet de soins va l’intégrer plus facilement au cours des soins, alors que le soignant qui va voir le proche comme un frein au projet de soins ne l’intégrera pas ou peu.

• Le manque d’expérience du soignant ne favoriserait pas l’intégration des proches lors des soins.

En effet, les soignants nouvellement diplômés ont peu d’expérience professionnelle. Ils peuvent éprouver un manque de dextérité et de confiance dans leur pratique. La présence d’un proche peut les amener à montrer leurs difficultés de débutant et justement leur faire craindre cette présence. Inversement, l’expérience du soignant favoriserait l’intégration des proches lors des soins, de par une plus grande confiance en soi.

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Description de la méthodologie d’enquête

Pour tenter de répondre à ces hypothèses, je vais effectuer une étude qualitative par le biais d’entretiens.

J’utilise cette méthode car je souhaite comprendre précisément un comportement à partir des attitudes et des sentiments des personnes interrogées. Il s’agit de comprendre plus précisément l’intégration ou non, par les soignants, des proches lors des soins. Je ne pourrai pas généraliser les résultats à l’ensemble des soignants français par manque de temps et d’expérience dans le domaine de la recherche.

Je vais donc effectuer les entretiens individuels sur un petit nombre de personnes. Ils seront semi-directifs, c’est-à-dire que je vais centrer le discours des personnes sur différents thèmes qui sont ici posés par mes trois hypothèses.

Les entretiens seront réalisés dans quatre services hospitaliers: aux urgences, en soins intensifs chirurgie, en soins de suite et de réadaptation et en éveil. J’ai choisi ces lieux car il s’agit respectivement de services de court séjour pour les deux premiers lieux, de moyen et de long séjours pour les autres.

L’entretien sera effectué en présence d’un seul infirmier. Sur chaque terrain, deux entretiens auront lieu et je demanderai au cadre de santé de pouvoir réaliser un entretien auprès d’un infirmier ayant le moins d’expérience professionnelle et un autre auprès d’un infirmier ayant beaucoup d’expérience pour voir la présence ou non d’une éventuelle évolution au long d’une carrière (hypothèse 3). Aux urgences, je n’ai pu réaliser qu’un seul entretien. J’ai donc décidé d’effectuer deux entretiens en soins intensifs chirurgie auprès de deux infirmières aillant de l’expérience.

Je souhaite enregistrer chaque entretien. Je chercherai donc l’accord du soignant quant à son enregistrement. Chaque entretien s’effectuera en une vingtaine de minutes. Je proposerai à la personne un endroit calme, sans passages constants de personnes pour pouvoir parler sans gêne.

Pour commencer, j’ai effectué un guide d’entretien, selon les hypothèses trouvées et en débutant du plus général vers le plus précis, pour me préparer au questionnement des professionnels. Les interviews seront à chaque fois réalisées d’après ce guide (en annexe 1); la trame des entretiens sera toujours la même.

Avant de débuter les recueils de données auprès des soignants, j’ai testé les questions du guide d’entretien auprès d’une personne qui ne connaissait pas mon thème de travail de fin d’étude,

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afin de vérifier qu’elles ne sont pas trop directes et n’orientent pas les réponses.

La population concernée par les entretiens se compose de sept infirmiers.

J’ai choisi un code pour chaque entretien qui apparaitra dans l’analyse afin de respecter l’anonymat des personnes. Les codes sont les suivants:

E pour entretien, avec son numéro dans l’ordre chronologique, h pour homme et f pour femme,

rn pour rééducation neurologique, ssr pour soins de suite et de réadaptation, urg pour urgences, si pour soins intensifs,

et enfin jd pour jeune diplômé et ad pour ancienne diplômée.

Deux infirmiers travaillent en rééducation neurologique, un service de longue durée. Il s’agit des entretiens « E1-h-rn-jd » et « E2-f-rn-ad ». Deux infirmières travaillent en soins de suite et de réadaptation, un service de moyenne durée. Il s’agit des entretiens « E3-f-ssr-ad » et « E4-f-ssr-jd ».

Une infirmière interrogée vient des urgences, service de courte durée. C’est l’entretien « E5-f-urg- jd ». Et enfin, j’ai interrogé deux infirmières en soins intensifs chirurgie, service de courte durée. Ce sont les entretiens « E6-f-si-ad » et « E7-f-si-ad ». Les entretiens sont disponibles en annexe.

Parmi cette population, il y avait un homme. Je voulais comparer les pratiques entre de jeunes diplômés et d’anciens diplômés, afin de vérifier l’hypothèse 3, et entre des services de courte, de moyenne et de longue durée pour voir s’il y a un impact de la durée de l’hospitalisation sur la présence des proches.

Avantages et inconvénients de la méthode

L’avantage de l’entretien semi-directif est que je porte un regard direct sur les réactions des personnes. Je peux voir leur étonnement, leur questionnement, leur gêne à répondre à une question… De plus, cette méthode me permet de rebondir sur les propos qui me semblent intéressants afin d’avoir une réponse complète.

L’inconvénient de cette méthode est que la retranscription des entretiens est longue. Une infirmière, lors de l’entretien 4, était mal à l’aise pour répondre à mes questions, car elle considérait avoir trop peu d’expérience. Cela s’est ressenti tout au long de l’entretien, mais j’ai pu néanmoins

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avoir des réponses intéressantes.

Analyse

La justification d’une pratique

Lors des sept entretiens effectués, une même réponse est venue au sujet de la présence d’un proche. En effet, quel que soit le service, les infirmiers font sortir les proches au cours des soins.

Lorsque j’ai voulu savoir pourquoi, cela a entraîné des silences et différentes réponses ont été apportées. Voyons quelles en sont les raisons.

Un sujet peu réfléchi, dans un contexte de tradition

Alors que chaque soignant refuse la présence de proches au cours des soins, celle-ci est peu réfléchie par ces derniers. Cela ressort par exemple dans :

« Enfin, après la raison précise… euh…enfin…c’est que ça se fait comme ça à l’hôpital en

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fait » E1-h-rn-jd.

Cette réponse, où le soignant bafouille, montre bien que l’infirmier ne se pose pas la question de la présence des proches. C’est un automatisme à chaque nouvelle hospitalisation d’adulte. Cela est quasiment constant à chaque entretien.

L’infirmière interrogée lors de l’entretien 7 est même très peu loquace sur ce sujet.

L’un des premiers critères d’ « exclusion », cité par les soignants, vient du fait que :

« De toute façon, ils doivent toujours sortir » E2-f-rn-ad.

Il s’agirait donc d’une obligation. C’est selon l’infirmière un devoir du soignant de faire sortir les proches et non un droit. A chaque fois, le soignant demande aux proches de sortir.

Si l’on se penche un peu plus sur l’histoire des proches au cours des soins à l’hôpital, on peut expliquer plus aisément cette pratique. En effet, jusqu’au début du XVIIIème siècle, la famille occupe une place très importante. Ce sont alors des religieuses qui dispensent les soins. Soigner à cette époque était plus le fait d’«accompagner qu’à guérir, plus à aider le malade à se battre voire à mourir qu’à agir contre la maladie » (H. Joublin, 2006, p.95). Il paraît somme toute logique que les proches soient impliqués dans les soins. Peu à peu, les médecins obtiennent l’exclusivité d’exercice de la médecine, d’abord à domicile puis à l’hôpital. Les avancées médicales sont nettes à la fin du XIXe siècle avec notamment les découvertes pasteuriennes. C’est à partir de ce moment que le soin va se faire plus technique. Le proche perd peu à peu le rôle important du soin centré sur l’accompagnement. La technicité des soins va donc mettre à l’écart le proche dans le système de santé français. Une relation étroite entre le patient et le médecin se développe, par la toute confiance au praticien. Cette notion ressort également lors d’entretiens :

« S’ils veulent voir le pansement et tout, ben c’est en accord avec le médecin... Ben s’il est, si on est d’accord là-dessus, ben ils peuvent hein, ça oui (en insistant) » E3-f-ssr-ad.

C’est le médecin qui décide dans cette situation la présence ou non des proches lors de soins. Il joue une fonction déterminante dans l’intégration des proches du patient. Le soignant attend de lui qu’il apporte des réponses dans des situations qui peuvent être inhabituelles.

De plus, les soignants justifient cette pratique par « …en général, les soins sont faits le matin donc euh il n’y a pas de visite le matin » E4-f-ssr-jd.

Les horaires de visite permettent au soignant de faire les soins lorsqu’il n’y a pas de visites.

Dans presque tous les services interrogés, les visites sont possibles uniquement l’après-midi. Cela

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est dans l’objectif d’effectuer tous les soins au corps, les soins dits techniques de la personne hospitalisée, le matin. Cette notion d’horaire est également empreinte de la tradition d’exclusion du proche.

En effet, d’après P. Thibault-Wanquet (2008, p.15), les horaires de visite ont connu des évolutions dans les établissements hospitaliers. Les visites sont possibles depuis le XIXe siècle. Cela a débuté par des autorisations uniquement le jeudi et le dimanche de 13h à 15h. Puis progressivement, dans la deuxième partie du XXième siècle, ces autorisations vont être augmentées dans l’objectif d’humaniser les hôpitaux. C’est seulement « depuis 1972, (que) les visites sont autorisées de 13h30 à 20h » avec néanmoins des nuances selon les services de soins et les soignants. Les services hospitaliers sont donc depuis récemment ouverts au public. L’évolution des mœurs et habitudes se fait lentement dans le temps. Il n’est pas facile de s’adapter au changement surtout quand les habitudes sont ancrées dans le temps et là dans l’histoire même de l’hôpital. Le critère d’horaires évoqué par les soignants au cours d’entretiens paraît justifié par une routine encore très présente chez les soignants jeunes diplômés interrogés lors des entretiens. Cette notion d’horaire permet également au soignant de se justifier quant à une pratique encore peu réfléchie de la place accordée aux proches à l’hôpital.

Ces traditions, qui ont entraîné des habitudes, ont induit une organisation du travail à l’hôpital et notamment vis-à-vis des proches. Comme le dit cette infirmière : « (…) s’il faut accepter à lui la présence des proches alors il faut aux autres aussi. Et ce n’est pas possible… » E2-f-rn-ad. Il ne lui paraît pas concevable de l’accepter pour ne serait-ce qu’un patient. Cela est confirmé lors de mon entretien 6 où l’infirmière craint le « phénomène de foire ». Les soignants n’ont donc pas l’habitude d’avoir les proches au sein de l’hôpital et ne se sentent pas capables de gérer une situation où des proches seraient présents.

Aux urgences, l’accueil des proches n’est pas envisageable car selon l’infirmière interrogée :

« La pièce est vraiment petite ici. » E5-f-urg-jd. Le service est constitué de boxes où il y aurait trop peu de place pour accueillir des proches. Cette question de la place du proche n’est pas pensée par la soignante qui considère leur place par rapport à l’espace des locaux. Il s’agirait donc d’une conception des locaux non envisagée pour accueillir des proches. Tous les soignants du service refusent les proches lors de l’hospitalisation d’un adulte. Là encore l’habitude est très présente et le proche se trouve hors de tout processus de soins.

De ces différents constats, naît une nouvelle réflexion. En effet, la tradition ne semble pas le seul facteur en jeu dans l’intégration des proches au cours des soins.

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Des facteurs propres au soignant

Alors que les infirmiers évoquent le contexte propre à l’hôpital pour justifier la non-intégration des proches au cours des soins, il y a de nombreux facteurs personnels qui ressortent lors des entretiens.

Ainsi, pour justifier cette non-présence des proches au cours de soins, certains soignants indiquent que cela est pour eux :

« Ben, je pense que c’est déjà au niveau euh…du soignant : d’avoir quelqu’un », en le justifiant par :

(…) il y a des gens pour piquer devant quelqu’un ce n’est pas facile. Donc il y a encore une pression supplémentaire avec de la famille. Et puis bon il y a des visiteurs c’est euh « vous faites ça, c’est quoi ? », euh…C’est vrai que les soignants ils n’aiment pas euh avoir des visiteurs pendant les soins. E6-f-si-ad.

Ouvertement, l’infirmière dit ce qu’elle et d’autres soignants ressentent lors de la présence de proches au cours de soins. Le proche est un élément qui viendrait perturber la dynamique du soin.

C’est une difficulté qui affecte le soignant lui-même.

Mais les soignants ne parlent pas souvent de leurs propres difficultés lors des entretiens. C’est une manière de sous-entendre qu’ils ne sont pas affectés par la présence d’un proche. Ils disent ne pas l’intégrer lors des soins pour différentes raisons et notamment dans l’intérêt du proche lui-même et pour respecter les règles de l’hôpital.

De manière moins perceptible, on voit que des facteurs propres au soignant en ressortent. En effet, lorsque le thème de la place du soignant en tant que proche est évoqué, beaucoup disent ne pas révéler qu’ils sont soignants lorsqu’ils rendent visite à un proche hospitalisé et ne pas demander à être associés aux soins. Donc le sentiment de frustration du proche-professionnel, vu dans le cadre théorique, « du fait de la confrontation entre ses attentes et son vécu » (selon D. Holstein (2009, p.25)) n’existerait pas.

Et les infirmiers estiment même que : « Ben pour ça je pense que faut laisser la…les gens faire leur travail quoi. Et puis, ça n’est, ça n’est pas, non, je trouve que c’est normal de sortir quand on…quand ils font leurs soins » E3-f-ssr-ad. L’infirmière, en cherchant ses mots, a transposé son ressenti à elle en tant que soignant en disant « on ». Cette manière d’expliquer la place qu’elle prend en tant que visiteur montre son ressenti à elle vis-à-vis des proches du patient. Le proche la gêne

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dans sa pratique professionnelle, car il ne permettrait pas de travailler correctement. La question est de savoir d’où vient cette gêne. Est-ce une peur d’être critiqué ou simplement un manque de confiance en soi qui serait renforcé par la présence d’un ami, de famille du patient ?

Lors de l’entretien 2, l’infirmière vient confirmer ce manque de confiance en disant qu’ « on est plus à l’aise sans la famille » E2-f-rn-ad.

Une infirmière va plus dans le sens de la critique, en disant à propos de sa place en tant que proche : « (…) Même étant du métier, je ne m’immisce pas dans le…euh dans les soins, euh j’ai fait confiance au personnel soignant et je ne donne même pas mon avis euh…Je respecte euh leur choix » E7-f-si-ad. Pour elle, sa présence serait un manque de confiance du proche envers le soignant. Ce n’est plus seulement une gêne, mais c’est aussi le fait que le proche est là pour contrôler que les soins sont bien effectués. Dans un autre entretien, l’infirmière évoque le fait qu’ « ils pourraient comparer les pratiques » (E2-f-rn-ad) et trouve que parfois cette comparaison est négative quand elle est permanente. Les soignants interrogés considèrent donc pour la plupart que la présence des proches induit un manque de confiance des proches envers le soignant et une gêne des soignants.

Ces constats, qui sont propres au soignant, sont validés par l’auteure P. Thibault-Wanquet (2008, p.64). En effet, elle fait remarquer que la présence des familles induit chez les soignants

« une crainte d’être jugé ». Cela serait le cas, selon l’auteure, plus particulièrement chez les jeunes diplômés, car le proche remettrait en question les compétences acquises.

Le soignant se sentirait donc fragilisé dans sa pratique par la présence de proches.

Mais il évoque également des facteurs d’intégration qui sont liés à la personne même concernée par le sujet ici traité : le proche. Voyons quelles sont ces raisons.

Y-a-t-il des raisons extérieures à l’infirmier ?

Les soignants évoquent facilement le fait qu’il peut être parfois difficile d’intégrer les proches lors des soins.

Ainsi, selon les infirmiers il y a une crainte des proches à voir un soin.

« (…) pour les soins délicats, les familles sortent d’eux-mêmes, car elles ne supportent pas. On n’a pas à leur demander de sortir. (…) Pour les soins de canule par exemple, c’est quelque chose

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qui fait plutôt peur, ce n’est pas quelque chose de naturel. (…) » E2-f-rn-ad.

C’est donc selon les soignants un refus du proche à assister à certains soins du fait d’une crainte à ne pas pouvoir le supporter. Cela peut amener à la réflexion suivante : est-ce que les proches sont également acteurs de cette tradition de l’ « obligation » de sortir ?

Le fait de faire sortir les proches lors d’un soin serait là donc pour protéger le proche lui-même.

Mais il semblerait que les infirmiers cherchent à respecter également l’intimité et une potentielle gêne du patient hospitalisé.

Ainsi, un infirmier qui a fait une projection en tant que soigné déclare lors d’un entretien: « Je préfère…je préfèrerais…Enfin, moi personnellement. Enfin moi, si j’étais à leur place, je préférerais peut-être que ce soit des gens de l’extérieur que des proches qui réalisent des soins » E1-h-rn-jd. Le soignant, pour se justifier de sa pratique, se met à la place du patient. Donc selon lui, le fait d’intégrer les proches peut gêner le patient lui-même.

Cela est confirmé par d’autres propos d’infirmiers au cours des entretiens. Mais selon une recherche en soins infirmiers sur « « L’intégration des familles à l’hôpital » de M.-C. Fedor et de C. Leyssene-Ouvrard (juin 2007, p.58), « la volonté d’intégration des familles aux soins est unanime : 100% de oui pour les patients (…)». Mais il est à noter que cependant les soignés sont réticents à leur présence lors de soins intimes et parfois lors de soins techniques. Ainsi, le résultat de cette recherche est à nuancer car le résultat de 100% semble établi avec une marge d’erreur selon la nature des soins.

D’après les soignants interrogés lors des entretiens, le patient peut éprouver une gêne à montrer ses « soucis » au proche (E4-f-ssr-jd). Cela vient du fait que le patient est affaibli, a des craintes et qu’il n’oserait pas le montrer à ses proches pour ne pas passer pour un « lâche » à leurs yeux (E6-f- si-ad). Ces raisons invoquées par les soignants sont là pour permettre à l’infirmier de se justifier d’une pratique semble-t-il peu réfléchie.

C’est pour cette raison que j’ai voulu comprendre quel soutien était apporté au patient lors des soins et par qui.

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Le soutien au patient

Les soins dits techniques font partie intégrante du séjour de chaque hospitalisé. Mais à ces soins s’ajoutent les soins relationnels qui ont toute leur importance notamment pour le bien-être et le confort du patient. Savoir qui prodigue le soutien au patient ne paraît pas si évident ; en effet chaque soignant a sa position durant les entretiens. Voyons quel rôle attribue le soignant au proche dans le soutien au patient.

Qui donne ce soutien ?

Avec l’histoire de l’hôpital et la technicité des soins, le proche a perdu peu à peu le rôle central auprès du soigné : celui d’accompagner. Le soignant quant à lui a gagné en fonction. Il maîtrise les soins curatifs. Cette notion de distance se ressent lors des entretiens.

Le soutien est, selon les entretiens, essentiellement donné par le soignant. En effet, une infirmière dit que le patient n’a pas besoin de la présence de quelqu’un lors des soins, mais « (…) simplement du personnel…soignant » E7-f-si-ad. Cette réponse catégorique montre qu’il y a une distinction nette entre le soignant et les proches. Lors d’un soin, le soutien n’est possible que par l’infirmière. Le soutien se fait sur un plan thérapeutique et non pas uniquement relationnel.

Pour les soignants, cet aspect relationnel compte beaucoup, puisque beaucoup répondent faire ce métier pour cet aspect de la profession.

On aurait pu penser que les proches apportent un réel soutien dans la mesure où ils rassurent le soigné. Mais d’après des infirmiers, ce n’est pas toujours le cas. En effet, « (…) il y a des gens ils feraient encore plus flipper euh les patients en leur disant : « Oh ! Tu as une grande cicatrice ! » E6-f-si-ad. Les proches n’apporteraient pas le soutien dont le patient aurait besoin, mais seraient plutôt contre-productifs car ils feraient peur, angoisseraient d’avantage le patient.

Selon l’étude Implication des familles dans les soins : expérience de l’équipe du service de réanimation polyvalente du centre hospitalier de Montreuil-sur-Mer (2010), parue dans le livre 38e congrès de la Société de Réanimation de langue française (SLRF), de E. Gourdin, F. Hermetz, F.

Bertrand, C. Jamin, M. Daumal, à l’attention des patients, « la présence de leurs proches pendant les soins est un soutien pour les deux-tiers d’entre eux ». Donc l’approche vue par les soignants est différente de celle vue par les soignés. Cela a été confirmé par d’autres études. La conception du

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soutien est différente selon la position : professionnelle ou personnelle.

Voyons maintenant quel rôle peut avoir le proche aux yeux du soignant.

Quelle est la place du proche dans ce soutien ?

Le proche joue un rôle auprès de l’adulte hospitalisé plutôt mal défini par les soignants. En effet, ces derniers considèrent qu’il a une fonction en dehors du soin : un rôle d’information auprès du soigné mais aussi parfois du soignant. Cependant, les infirmiers ont parfois évité cette question de par la difficulté à définir le proche.

Selon E. Molinié (2006), les soignants font une distinction entre eux (qui sont seuls à prodiguer des soins et représentent le système de santé) et l’entourage (qui a un rôle plutôt invisible dans ce même système et n’a qu’un rôle relégué : celui d’un support affectif au malade).

Ainsi, les soignants considèrent que les proches peuvent apporter des informations notamment sur la vie quotidienne du patient, ou sur le plan relationnel dans le cas par exemple d’ « un patient qui s’oppose à un soin euh, on peut négocier avec la famille et le faire raisonner (…). Ou aussi quelqu’un qui a peur d’un soin, et bien parler à la famille et puis convaincre cette personne du soin (…) » E7-f-si-ad. Le proche a non pas un rôle de soutien mais d’intermédiaire au soin. Il a selon E.

Molinié (2006, p.98) un rôle à jouer en tant que « stimulateur, accompagnateur… ».

De par les lois récentes vues précédemment, le proche devient un « interlocuteur privilégié de l’équipe médicale » (O. Dupuy, 2006, p.75). Ainsi, il connaît la personne hospitalisée : ses habitudes, ses goûts…Il a été choisi par ce dernier pour l’accompagner. Un rôle lui a été défini par l’hospitalisé. L’équipe de soins ne peut pas décider seule du projet de soins. En effet, cette personne centrale apporte les connaissances sur les modes de vie de l’adulte hospitalisé nécessaires à lui assurer une qualité de vie et de confort.

Le soutien du proche n’est donc pas anodin ; il est même essentiel, même si cela n’est pas perçu dans un premier temps par les soignants.

Un soutien destiné uniquement au patient ?

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Ce soutien du proche n’est pas uniquement dirigé vers le patient, car il soulage les équipes soignantes qui l’écoutent activement afin d’adapter leur pratique.

Le proche, comme le souligne E. Molinié (2006), joue également le rôle de relai de l’activité médicale et paramédicale. Il va aider l’adulte hospitalisé à accepter un soin. Cela va soulager les équipes de soins, car l’implication du proche va faciliter la prise en charge auprès du patient en réduisant notamment le temps passé pour obtenir le consentement éclairé du patient, pour participer à son éducation thérapeutique.

Ce rôle du proche est par exemple décrit par :

« (…) il ne faut pas non plus les mettre de côté pour qu’ils puissent aussi éduquer le patient si…si il y a besoin (…). Donc si un patient ne respecte pas ça, ben il faut que l’entourage le sache pour justement euh pour l’éduquer euh pour ça » E4-f-ssr-jd.

Cela apporte donc un soutien aux soignants, mais aussi au patient. Le proche va quant à lui se sentir considéré et donc cela peut l’aider à accepter la maladie, le handicap du proche hospitalisé.

Afin que le rôle de relai soit applicable, les soignants doivent au préalable et durant toute l’hospitalisation de la personne maintenir une communication avec les proches désignés comme tels par le patient.

Lors des entretiens, les infirmiers insistent sur l’importance de la communication avec les proches. Cela permet d’établir une relation de confiance. Le fait de parler va faire que le proche se sente considéré par les soignants. C’est une manière pour les soignants d’expliquer où en est la prise en charge de la personne hospitalisée et ce pour permettre au proche de jouer son rôle de relai.

En définitive, même si la présence du proche lors des soins est rejetée, sa place auprès du patient est reconnue : on peut donc penser que cette place est amenée à évoluer.

Vers une nouvelle définition de l’intégration des proches au cours des soins ?

Selon l’expérience professionnelle ?

Tous les soignants font sortir les proches lors des soins. L’expérience professionnelle ne semble donc pas avoir une incidence particulière sur cette pratique. Mais si on analyse mieux les entretiens,

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on constate des nuances selon l’expérience dans le service et selon l’ancienneté de l’obtention du diplôme d’état infirmier. Voyons-les plus précisément.

D’après P.Thibault- Wanquet (2008, p.64), les jeunes soignants n’intègrent pas les proches car ils craignent que « leur compétence soit remise en question ». Cette crainte s’estomperait avec l’expérience.

Les infirmiers, jeunes diplômés, ont indiqué ne pas intégrer les proches lors des soins car c’est l’habitude. Ils ont appris ainsi : c’est une règle de l’hôpital. Seule une infirmière travaillant aux urgences depuis 6 ans (6 années et demie d’expérience en tant qu’infirmière) a indiqué intégrer les proches dans de rares cas : lorsque « des soins sont anxiogènes pour certains patients » (E5-f-urg- jd). Mais lors de l’entretien, elle dit vouloir rester fermée à leur intégration d’autant plus que c’est la législation d’urgence qui voudrait cela. C’est une manière de se justifier quant à la place donnée aux proches. Cependant, je n’ai pas pu vérifier cette notion de législation spécifique aux urgences.

Mais un constat peut être fait : les jeunes diplômés ne réfléchissent pas à la question des proches en premier lieu mais lorsque le sujet est abordé, ils seraient plus ouverts au changement que les infirmiers anciennement diplômés.

En effet, les soignants avec plus d’expérience ne souhaitent pas intégrer plus les proches lors des soins. Ils estiment que leur place est celle qui permet un accompagnement global du patient. Le patient trouverait sa place plus confortable ainsi. Il s’agit donc aussi d’une question d’habitude. Ces mêmes soignants évoquent même le risque que l’intégration d’un proche provoquerait trop de demande ensuite de proches d’autres patients. Ils craignent ne pas pouvoir gérer de telles situations.

Les diplômés de longue date sont moins ouverts au changement. Une infirmière indique tout de même après l’entretien qu’il faut de la « coordination » entre chaque soignant (E2-f-rn-ad). Il faut que tous aient la même position dans le service quant à l’intégration des proches, sinon cette question sera à redéfinir. Elle serait donc ouverte à leur intégration si celle-ci était souhaitée, en concertation avec l’équipe.

L’expérience dans le service joue aussi. En effet, lors des deux derniers entretiens j’ai constaté des variations entre deux infirmières ayant beaucoup d’expérience professionnelle. La première travaillant depuis 18 ans dans le service (entretien 6) et l’autre depuis 3 ans (entretien 7).

Respectivement, l’une ne voit pas d’évolution quant à l’intégration des proches à l’hôpital depuis le début de sa carrière et l’autre constate une nette évolution avec le médecin au niveau relationnel, c’est-à-dire une plus grande communication médecin-proche-infirmière. Ce dernier constat vient du fait que les proches reprennent une place plus importante depuis l’humanisation des hôpitaux.

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Selon le type de service ?

Est-ce que l’intégration des proches dépend de la durée d’hospitalisation de l’adulte ? Le court séjour pourrait être un frein à cela du fait d’un temps restreint de la prise en charge de la personne. Est-ce en effet le cas ?

D’après le constat déjà fait, l’intégration des proches ne dépend pas du lieu puisqu’ils ne sont presque jamais intégrés. Donc la durée d’hospitalisation n’influe pas sur cela.

En long séjour, c’est-à-dire en rééducation neurologique, le fait de permissions dans les familles des patients ne va pas influencer les soignants à montrer aux proches certains soins, car ils s’appuient sur le service de soins à domicile. Les soins effectués dans un tel service peuvent faire peur aux gens de l’extérieur, d’après l’infirmière de l’entretien deux. Est-ce spécifique au service ? Ou est-ce que tous les services de longue durée refusent la présence de proches ? Est-ce réellement lié à des soins traumatisants ?

D’après l’étude menée en réanimation polyvalente sur l’Implication des familles dans les soins : expérience de l’équipe du service de réanimation polyvalente du centre hospitalier de Montreuil- sur-Mer (E. Gourdin, F. Hermetz, F. Bertrand, C. Jamin, M. Daumal, 2010), « 85% des soins réalisés devant eux -les familles (conjoint, enfants, frères et sœurs)- ne représentent pas une gêne (soins essentiellement techniques, invasifs et douloureux réalisés par les infirmiers, les aides- soignants et médecins) ». La peur n’est donc qu’un facteur sur lequel se basent les infirmiers, mais qu’ils n’ont pas vérifié. Il s’agit donc d’une raison spécifique au service, plutôt que d’un frein en lien avec le côté émotif du proche, car les soins techniques sont à peu près comparables à ceux effectués en rééducation neurologique.

Cependant, dans ce service de long séjour, les deux soignants interrogés seraient prêts à modifier cette pratique. L’intégration des proches est très peu réfléchie ici, alors que les personnes hospitalisées ont perdu beaucoup de leur autonomie et parfois communiquent avec difficulté.

Lors de l’entretien 2, l’infirmière dit de manière franche et directe que sa difficulté première dans le service est la relation avec les familles, qui sont très demandeuses selon l’évolution de l’état

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du proche hospitalisé. Les soignants en long séjour rencontrent donc des difficultés avec des proches qui n’agissent pas toujours de la même manière. Mais l’infirmière ne se remet pas en question dans sa pratique de refuser les proches lors des soins. C’est une règle qu’elle préfère appliquer sans en parler au médecin.

Le moyen séjour ne révèle pas de distinction avec le long séjour, car les proches sortent quel que soit le soin. Les infirmières considèrent que la place des proches est la bonne. La communication avec eux est bien effectuée et structurée.

Le court séjour est quant à lui très fermé à leur intégration que ce soit aux urgences ou que ce soit en soins intensifs. Les infirmières considèrent également qu’il ne faut pas intégrer les proches lors des soins. Peu de place est faite aux proches, car les soignants considèrent que les proches peuvent « gêner dans les soins » (E5-f-urg-jd) qui sont faits dans l’urgence, en peu de temps. Ces services ne sont que des lieux de passage où les patients restent peu de temps. Donc les infirmiers ne peuvent pas gérer l’adulte hospitalisé (ainsi que) en tenant compte des proches, par manque de temps.

La communication, et donc la relation, se sont néanmoins améliorées entre le médecin et les proches en soins intensifs, d’après l’infirmière de l’entretien 6. Cela coïncide avec ce qu’écrit E.

Molinié (2006, p. 96) :

« La représentation d’un médecin tout-puissant pouvait être acceptée à une époque où la médecine était plus descriptive que curative, plus accompagnatrice qu’initiatrice. (…) ».

Aujourd’hui, le médecin n’est plus seul détenteur d’un savoir médical. Cela a permis une certaine humanisation des pratiques professionnelles médicales et paramédicales, car les proches et la personne soignée sont capables d’avoir des informations sur l’hospitalisation, la maladie, les traitements et de les comprendre. Cela rapproche le médecin des proches et du soigné.

De ces constats analysés, nous pouvons maintenant déduire si les hypothèses proposées sont justes ou non.

Vérification des hypothèses

J’ai émis trois hypothèses afin de répondre à la problématique suivante : Quels sont les

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facteurs individuels qui influencent l’intégration des proches par les infirmiers dans les soins de l’adulte hospitalisé?

Voyons si, à la suite de l’analyse, les trois hypothèses proposées sont infirmées ou confirmées.

L’hypothèse 1 définit que l’identification positive du soignant liée à son vécu l’influence dans une éventuelle intégration des proches lors des soins. Suite à l’analyse de mes entretiens, cette hypothèse est infirmée. En effet, les soignants ont tous eu des expériences personnelles de proche hospitalisé. Cependant, ils reproduisent presque toujours la même pratique, celle de faire sortir les proches lors de soins, sans que cette expérience extra-professionnelle les fasse douter de son bien- fondé.

Le facteur traditionnel prime sur l’identification.

L’hypothèse 2, quant à elle, est confirmée. En effet, il s’agissait de la conception que se fait le soignant du rôle attribué aux proches déterminant leur éventuelle intégration lors d’un soin.

L’infirmier qui voit le proche comme une aide au projet de soins va l’intégrer plus facilement au cours des soins, alors que le soignant qui va voir le proche comme ne faisant pas partie du système de soins ne l’intégrera pas, ou peu.

Ainsi les soignants voient essentiellement le proche comme ayant un rôle affectif et stimulateur du soin. Mais ils distinguent son rôle du leur, qui ne doit pas être celui de soigner. Cela est confirmé précédemment dans le cadre théorique qui définissait le « travail de l’épouse », comme l’a appelé Strauss (1987), auprès d’un mari hospitalisé. L’infirmier, à l’hôpital, effectue les gestes réalisé par l’épouse ou l’époux à domicile. Cela peut provoquer une certaine confusion des tâches.

Le soignant distingue le rôle du proche à domicile de celui qu’il a à l’hôpital : les soins apportés par le proche à l’hôpital sont principalement symbolique et d’une valeur affective.

Les infirmiers voient les proches comme ne faisant pas ou peu partie du projet de soins, car leur place et rôle est mal défini.

L’hypothèse 3 : le manque d’expérience du soignant ne favoriserait pas l’intégration des proches lors des soins et inversement, l’expérience du soignant favoriserait l’intégration des proches lors des soins. Cette hypothèse est en partie vérifiée quand il s’agit de l’infirmier jeune diplômé, mais est infirmée dans sa deuxième partie qui concerne les soignants avec plus d’expérience.

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En effet, les jeunes diplômés ne se sont pas posé la question de la place qu’a le proche lors des soins et l’excluent systématiquement selon des règles à propres à l’hôpital et une gêne ressentie par eux personnellement.

Les soignants ayant plus d’expérience n’intègrent pas les proches lors des soins, car ils ne considèrent pas cela nécessaire. Peu d’auto-évaluation sur cette pratique est effectuée. Ils sont même plus fermés à l’intégration des proches que les jeunes diplômés. Donc l’expérience du professionnel de santé ne favoriserait pas l’intégration des proches lors des soins.

Plan d’actions

Au vu de ce travail, les infirmiers intègrent peu les proches d’adulte hospitalisé lors des soins.

Alors que leur présence peut, d’après des ouvrages étudiés et l’analyse faite, aider le patient en le soutenant. La raison première vient de traditions propres à l’hôpital. Mais de manière plus implicite, c’est le ressenti personnel du soignant qui l’influence dans cette pratique. Ce sont donc les facteurs individuels qui doivent être à la base du plan d’actions.

En effet, si les soignants évoluent d’un point de vue personnel, cela peut avoir un impact sur l’intégration des proches au cours des soins.

Pour cela, il faut s’interroger sur ces pratiques. Cela renvoie à l’évaluation des pratiques professionnelles. Elle doit être mise en place non seulement par les infirmiers eux-mêmes, mais aussi par tous les intervenants en contact plus ou moins directs avec le patient et ses proches (médecin, cadre de santé, aides-soignants…).

Cette évaluation des pratiques doit permettre une remise en question d’une pratique très ancrée dans la tradition et confortable pour le soignant car il ne souffre d’aucun jugement critique lors de la réalisation de ses soins.

Il faut envisager une prise en charge individuelle et personnelle du soigné dans une démarche de triade soignant-proche-soigné.

Pour commencer, il faut donc établir une grille d’auto-évaluation en groupe pluridisciplinaire, après avis de soignés et de proches sur leur ressenti quant à l’éventuelle amélioration de cette pratique. Cette grille sera étudiée par chaque soignant.

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