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Discours prononcé par le Pré. sident Habib Bourguiba le 15 Juin à la séance de clôture de la 9ème conférence au sommet de

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Seule finalité pour l'Afrique:

l'homme

Discours prononcé par le Pré¬

sidentHabib Bourguiba le 15 Juin 1972 à la séance de clôture de la9ème conférenceausommetde l'O.U.A., tenue à Rabat du 12

au 15 Juin 1972.

(4)
(5)

Majesté,

Messieurs les Présidents, Chers amis,

VOUS

duré

savez

plusde trois

que je sors

ans et

à

qui était

peine d'une

la conséquence des

longue maladie

efforts

qui a

inouis que j'ai prodigués pendant plus de quarante cinq

ans pour libérer la Tunisie. Et en libérant la Tunisie j'ai démoli

un grand temple de l'EmpireFrançais. Etc'est ainsique la déco¬

lonisation de l'Afrique a commencé en Tunisie. Mai j'ai tenu absolument, même si je n'ai pas pu assister à votre première réunion, à être là en ce jour historique qui a vu se réaliser des choses historiques, car ma santé - j'ai l'habitude de dire ma carcasse - que je n'ai cessé de violenter depuis un demi-siècle de lutte et de vie trépidante et qui n'a jamais renâclé devant l'épreuve, a finalement tenu ; elle a répondu à ma volonté de

vous rejoindre pour vous dire ma joie d'être de nouveau parmi

vous et ma fierté de participer à vos travaux. Je suis heureux de saluer Sa Majesté HassanII, mon frère, monami de toujours.

Je suis aussi ému de retrouver cette belle ville de Rabat eli ce beau peuple marocain, si accueillant et si représentatif de l'Afri-

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que quinous a rassemblés pendant ces jours à un moment parti¬

culièrement important de notre histoire.

Majesté,

Mes chers confrères,

J'ai été ému aujourd'hui, profondément ému, d'assister à

cette belle cérémonie deréconciliation, à la signature deces deux conventions qui mettent fin à une longue série de malentendus.

Je vousdirais unechose que vous ignorezpeut-êtrec'est qu'il y a

quelques années, deux ou trois années, sans beaucoup de bruit,

sans la présence de l'O.U.A., nous avons, avec l'Algérie, fait un geste analogue en ce qui concerne nos frontières. Et aujourd'hui après la visite que le Président Haouari Boumedienne a bien

voulu faire au peuple tunisien et celle que j'ai été heureux de faire, et que j'attendais depuis plus d'un demi-siècle, au peuple algérien, à la façon dont j'ai été reçu en Algérie etdont Si Bou¬

medienne a été reçu en Tunisie, nous pouvons espérer et même

être sûrs que la construction du Grand Maghreb n'est pas dans

les nues et qu'elle est en train de se réaliser petit à petit, pierre

par pierre.

UN ELEMENT DE SECURITE DE L'AFRIQUE

Nous n'avons pas voulu commencer la grande construction

par le plafond, nous avons préféré commencer par la base, par les fondations en renforçant d'abord la coopération bilatérale.

(7)

SEULE FINALITE POUR L'AFRIQUE : L'HOMME 5

Et c'est cequeferontcertainement l'Algérie et

le Maroc. Et c'est

cette coopération bilatérale qui réalise chaque

mois

ou

chaque

année quelque chose de tangible, de

visible, de

concret,

qui fait

que nous pourrons d'ici quelques

années

- mettons une

dizaine

d'années, ce n'est pas énorme - nous nous trouverons en

face du

Grand Maghreb déjà créé par cette réunion, cette masse

de

grandes pierresquenousaurons miseslesunes

auprès des

autres,

que nous aurons arrangées, que nous aurons

réglées

et

qui

au¬

raient constitué pour l'Afrique un exemple et un

élément de sé¬

curité.

Au lendemain du sommet Nixon-Brejnev, à la veille des

conférences européennes, au terme de cette

décennie de l'O.U.A.

etauseuil decette année de grâces, ladixièmedenotreexistence

la tenue de cette assemblée sur ce quai de l'Afrique, le Maroc,

cette bonne terre marocaine qui n'a cessé d'appeler les hommes

et les idées à la confrontation, à l'enrichissementet à la reconci¬

liation, a valeur d'hommage et de témoignage.

J'y vois l'hommage justifié à votre action

personnelle, Ma¬

jesté aux efforts de vos collaborateurs et au

rôle de guide, d'ani¬

mateur que joue le Maroc, dans les pures

traditions de

vos an¬

cêtres et de votre regretté père Mohamed V, que Dieu ait son

âme,moncompagnon etmonamiquivous aélevé dansla ferveur

et la sagesse etqui nous a tous enrichis de ses avis et messages.

J'y vois aussi le témoignage que l'O.U.A. fait

mieux

que survivre et pour peu qu'elle retrouve son second souffle - et

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elle leretrouveradans laprochaine décennie, à l'occasiondudixiè¬

me anniversaire - elle finira par s'imposer sur le double plan politique et moral comme la forme organisée et moderne des aspirations africaines à la solidarité et à l'unité.

POUR LA LIBERATION DE L'AFRIQUE

ET LA DIGNITE DE L'AFRICAIN Majesté,

Messieurs les Présidents,

Permettez-moi de rendre un hommage particulier aux trois derniers Chefs d'Etat qui ont veillé successivement aux destinées denotreorganisation etqui lui avaientouvert lavoie dela récon¬

ciliation. Ils'agitde notrecollègue S.E. AhmedAhidjo, Président

de la République Fédérale du Cameroun, S.E. M. le Président Moktar Ould Daddah, Président de la République Islamique de Mauritanie dont nous connaissons la calme détermination, la sérénité. Ils ont tour àtourplaidé le dossier africain devant l'As¬

semblée Générale des Nations Unies, au Conseil de Sécurité et dans les principales capitales du monde. Leurs efforts ont beau¬

coup contribué à faciliter les travaux de notre Assemblée. En associant dans un même hommage Ahmed Ahidjo, Dr. Kenneth Kuanda, Moktar Ould Daddah et vous même, Majesté, le Pré¬

sident de cette Conférence, nous voudrions tout à la fois saluer la contribution de l'Afrique sur le plan diplomatique à la politi¬

que de paix et de coopération, et sa contribution sur le front de

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seule finalite pour l'afrique : l'homme 7

dos combattants, dans la brousse, à la libération de l'Afrique

et à la dignité de l'Africain.

Les uns et les autres engagent notre honneur et œuvrent pour la réconciliation des hommes et des peuples.

Majesté,

Messieurs les Présidents,

Je tiens pour un grand événement cette rencontre de Rabat.

Déjà on parie de l'esprit de Rabat, ce qui est une chose exacte

et que nous avons constaté tout à l'heure de nos propres yeux.

Cet esprit marquera désormais l'O.U.A. Notre organisation a

déjà neuf ans d'existence et une certaine expérience du travail

commun. On a dit dans certains continents qu'à l'O.U.A. on parle beaucoup et on fait peu de choses. Eh bien nous avons montré que l'O.U.A. peut faire beaucoup et qu'elle est en train

de faire ce qu'elle doit faire pour unifier l'Afrique et participer

à la paix mondiale. Réussirons-nous dans l'année prochaine à célébrer avec notre dixième anniversaire notre réconciliation sur

la même conception de l'unité de l'Afrique, celle de l'homme africain avec l'Afrique, celle des différents gouvernements afri¬

cains entre eux et celle de notre continent avec les autres pays,

ceux de l'Europe notamment ? C'est le vœu que je forme et c'est de cette réconciliation et de ses différents aspects que je voudrais traiter aujourd'hui devantvous. Comme à l'accoutumée je le fais à la manière d'un frère ainé et avec cette frahchisel

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eettc .sincérité et.cette passion qui caractérisent le militant que jen'ai cessé d'être.

Je suis pour une politique de l'unitéafricaine, soucieuse des

réalités, consciente des difficultés, une politique qui se base sur

une critique en éveil constant et qui, à partir d'objectifs limités

et immédiats, s'inscrit dans une perspective dynamique, laquelle

sedéveloppe et setransforme au fur etàmesure que les objectifs

sont atteints. Bref, une politique dont la démarche s'inspire de

ce que l'on pourrait appeler la logique de

l'action.

C'est Lénine qui, le premier, a parlé de compromis

révolutionnaire

en disant

un jour une phrase insuffisamment méditée par ses disciples :

« Il faut accepter beaucoup de choses pour pouvoir en changer quelques unes ».

Constatant

que notre

continent vient d'émerger

de l'ère coloniale, affaibli, divisé et marqué ici etpar le triba¬

lisme, le maraboutisme etle chaos des idées et des connaissances empruntées et mal assimilées, je pense qu'il nous faut, à la ma¬

nière de Lénine, constater et accepter tout cela pour pouvoir y changer quelque chose.

VAINCRE L'IGNORANCE ET ENTRETENIR LA CONFIANCE

Pour nous reconcilier sur le concept même d'une politique d'unité africaine, pour éviter les querelles et les procès d'inten¬

tion, je propose que nous adoptons une démarche qui obéisse à

un principe élémentaire de la logique, à savoir aller du plus sim¬

ple au plus composé,Si nous commençons par ce qui est naturel

(11)

SEULE FINALITE POUR L'AFRIQUE : L'HOMME

9

et simple, pour aller ensuite, petit à petit, Vers le coniposé et le complexe, il nous faudrait partir de la base et des réalités exis¬

tantes. Cette base c'est le peuple à l'intérieur de nos pays, tandis

que le contexte politique, économique et social où il évolue en constitue les réalités. La première tâche qui s'impose, n'est-elle

pas alors d'unir les masses à l'intérieur de nos frontières respecti¬

ves ? Ilnous faut êtreanimés de la volonté constante de modifier

sa réalitémorceaupar morceau. Quandnous aurons éliminédans chacun de nos pays les séquelles coloniales, réduit les divergen¬

ces, vaincu l'ignorance et les complexes, créé etentretenu la con¬

fiance, quant nous aurons habitué nos peuples à réagir en com¬

mun, réussi à développer notre solidarité dans le travail organisé

et planifié, quand nous aurons fait enmême temps que l'appren¬

tissage du travailen commun celui de l'union dans l'action, nous nous serions exercés à pratiquer l'unité.

Lanécessiténe sefait-elle pas sentird'élargir avecles voisins

le cercle des affinités, dedévelopperla coopérationet la solidarité

etd'avancer dans la voiedel'unité par uneactioncommunautaire régionale plus élaborée, mieux organisée. Sans doute les regrou¬

pements régionaux deviennent-ils impérieux à un certain stade de nos actions particulières dans nos pays respectifs. Convenons,

comme nous venons de le faire dans nos pays respectifs, dans

cette régiondu Maghreb, que désormais, tout ce qui est possible d'entretenir en commun nous oblige. Au sujet des rencontres africaines, gardons-nous cependant contre la méfiance et la sus-

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picion. II est regrettable que la moindre réunion entre dirigeants

de quelques pays africains soit interprétée en terme d'intention polémique,comme s'ilsn'avaientpourseul butquede porterpré¬

judice à ceux qui n'y sont pas. Que l'on s'habitue à saluer toute tentative de rapprochement entre pays voisins, de regroupements régionaux commeune initiative heureuse s'inscrivant dans l'action

eommune pour l'unité, que l'on agisse en sorte que le principe de

vases communiquants contribue à modifier nos frontières res¬

pectives, à permettre à nos pays de compléter leur formation et leurs informations et de coordonner leurs efforts de développe¬

ment et de progrès.

NOTRE SEULE FINALITE : L'HOMME

Au fil du temps, c'est de nouveau grâce à la contagion du savoir que l'Europe notamment a enregistré ses plus belles con¬

quêtes. Au niveau de l'information, de la technique, des com¬

munications, des transports, de la science et de la recherche, les Européens rivalisaient d'imagination et d'efforts créateurs en se

consultant, en s'interpellant et en échangeant le fruit de leurs expériences et cela bien avant la naissance de la Communauté

Européenne de Bruxelles ou du Conseil de l'Europe de Stras¬

bourg.

Voilà Majesté, Messieurs les Présidents, ce que j'ai voulu

vous dire au sujet de ce que j'appelle notre réconciliation sur le eoncept même de l'unité africaine. Durant ma longue lutte, je

(13)

SEULE FINALITE POUR L'AFRIQUE : L'HOMME

11

n'ai jamais considéré l'indépendance comme une finalité ; laTu- nisie pour la Tunisie n'a pas de sens, l'unité de notre continent n'est pas non plus unefinalité et l'Afrique pour l'Afrique n'a pas de sens.

Hier comme aujourd'hui, comme demain, la seule finalité

reste l'homme. La seule querelle quivaille c'est cellede l'homme.

Et c'est sur l'Africain qu'il importe de porter l'effort pour la réconciliation avec lui même, avec son terroir, sa famille, son pays, ses traditions et son besoin de modernité.

L'Africain, au fur et à mesure qu'il prend conscience de lui-même et de son destin, devient plus exigeant. Il entend se comporter en citoyen à part entière : le sous-développement

n'étant pas une tare congénitable, il n'est pas moins apte que d'autres à l'exercice des responsabilités et aux pratiques du pro¬

grès.

Laisser l'Africain pousser telle une herbe folle en négligeant

et le contrôle des naissances et les problèmes divers que pose la femme africaine, et l'enseignement et l'emploi, c'est risquer de faire de nos jeunes qui sont nos semences d'espoir - des graines de violence. C'est aussi risquer d'exposer nos citoyens aux op¬

portunistes de tous genres et à ceux pour qui l'agitation tient lieu d'action et les slogans de politique. La faute serait de con¬

damnernos citoyensà la résignation, à l'apathieetà l'indifférence que j'ai toujours considérée comme la forme la plus dangereuse

(14)

de l'opposition. A la longue elle bloque le système et organise l'explosion.

N'oublions pas que tout système politique porte ses points d'interrogation à un certain stadede son évolution et appelle des

correctifs.

Croyez en mon expérience : il n'y a pas de système infail¬

lible... et certaines évolutions sont toujours nécessaires qui ré¬

pondent auxaspirations profondes de l'hommeafricain, de l'hom¬

me tout court et qui s'inscrivent dansla marche de notreépoque.

Si le pouvoir personnalisé à l'excès, gagne à s'assouplir et

à se libéraliser, les tendances désordonnées à la démocratie for¬

melle ne sont pas recommandées. Si le dirigisme, le collectivisme pratiqué à l'excès organise la bureaucratie et condamne à la stérilité, l'excès de libéralisme finit par tuer les libertés.

On sait, par ailleurs, qu'il est des monarchies dont l'action

et le comportement s'inspirent des meilleures traditions républi¬

caines, etdes républiques dont les attitudes et les mœurs rappel¬

lent les traditions monarchiques les plus désuètes. Laseule chose qui compte en définitive pour un régime c'est sa volonté de

bien faire et de bien se tenir.

L'homme africain a certes besoin d'être gouverné, mais avec autant de fermeté que de compréhension. Il ne tolère ni le lais¬

ser aller d'une administration indolente ni la tendance tracassière d'une bureaucratie aveugle. La corruption l'indigne et lui rap-

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SEULE FINALITE POUR L'AFRIQUE L'HOMME 13

pelle certaines pratiques de l'ère

coloniale. Pour

rassurer

le

citoyen, pour donner à l'Etat les

traditions de stabilité dans le

progrès et les bonnes mœurs qui sont

les seuls vrais titres de

noblesse, il faudraitintroduire aubesoin, imposerplusde

rigueur,

plus de tenue et plus de sérieux dans

le comportement de tous

les cadres supérieurs, en premier lieu -

C'est

une

affaire d'éthi¬

que certes, mais c'est surtout une

question de style,

un

style qui

procèdeplus de la modérationquede

l'austérité

et

qui

en

appelle

plus à la pédagogie qu'à

l'idéologie révolutionnaire

- une

péda¬

gogie basée sur le dialogue et la

communication, c'est-à-dire

sur

la participation de tous.

Que l'on prenne garde, c'est le moment des

fautes d'orgueil,

de prestige et des passions exacerbées. Les faux pas,

les

erreurs,

les événements pénibles qui ont été remarqués ici et là,

devraient

nous édifier. Il est des secousses qui contribuent à fertiliser les

consciences, à aiguiser les âmes et à rendre les

volontés

assez lucides et les raisons assez fortes pour résister aux tentations de persévérer dans l'erreur.

LA RECONCILIATION

Majesté,

Messieurs les Présidents,

Réconcilier les jeunes avec les aînés, avec leur histoire nous incombe... Ils sont notre avenir et notre espérance - Les ignorer

c'est les condamner à la nostalgie du passé... Les gâter c'est gâ-

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cher notre espérance par définition, nos jeunes sont en état de passage et de mue. Ilsont surnous le droit de les mettre à égalité

de chances - de les armer par le savoir faire et le savoir ap¬

prendre afin d'assimiler et de ne point être assimilés - et afin d'assumer l'Afrique et de porter le message qu'elle recèle.

Majesté,

Messieurs les présidents,

En abordant le chapitre de la réconciliation entre les dif¬

férents pays africains... permettez moi de rendre un

hommage particulier à notre institution pour l'excellent travail de rap¬

prochement et de réconciliation qu'elle vient d'accomplir. Je voudrais tout particulièrement vousrendreà vous, Majestél'hom¬

mage mérité pour la manière combien intelligente et courageuse dont vous avezsutourner

la page du passépour déciderpardeux fois avec vos deux pays voisins, la Mauritanie et l'Algérie, de tendre la main et de parier sur la fraternité et sur l'avenir. Cette volonté de rapprocher, de réconcilier qui s'amplifie et qui se développe, nous la devons en fait à cette exigence de paix, de stabilité et de concorde qui monte de l'Afrique, nous la devons

tout aussi bien à ces grands Africains tel Moktar Ould Daddah, Haouari Boumedienne, Ahmed Sekou Toure, Sedar Senghor .et enfin Moamar El Gueddafi, François Tombalbaye... tous avaient des problèmes avec leurs voisins, tous ont choisi de les régler dans î'esprit de l'O.U.A. En se réconciliant, aujourd'hui, ils nous

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SEULE FINALITE POUR L'AFRIQUE ; L'HOMME 15

engagent à faire mieux et plus pour l'Afrique : promouvoir un

style nouveau dans les relations internationales, un esprit public

d'un type nouveau, attentif aux interrogations de l'humanité et

aux mutations profondes qui la caractérisent.

N'oublions pas qu'il est dans le génie de nos peuples d'at¬

teindrel'universel, l'exemplaire et que la vraie richesse de l'Afri¬

que, savraie force, n'est ni dans ses mines ni dans les armées des

pays qui la composent. Elle est dans la valeur de son message, elle est dans son aptitude à penser haut et imaginer loin, tout

en raisonnant sur l'utile et l'efficace que révèle l'examen du

concret, du simple et du vrai.

La force, la richesse, le salut aussi de l'Afrique c'est dans

sa capacité à promouvoir une société nouvelle, adaptée à son état. La géographie l'a placéetoute proche del'Europe, contigüe

à l'Asie et donnant sur l'Amérique. Il est dans sa nature de coopérer avec les autres. Elle contracterait une assurance de malheur si elle prenait appui sur les haines pour selibérer, pour

s'organiser et pour progresser. Pour l'Africain le droit à disposer

de lui même n'est pas forcément le droit à haïr les autres : c'est

seulement par le travail qu'il trouvera sa propre libération, son

équilibre : et c'est seulement par le travail qu'il trouvera son

préjugé doctrinal, hors des schémas d'emprunt qu'il construira

cette société ouverte, une société plus attachée à la qualité de

la vie qu'au niveau de la vie, une société généreuse c'est-à-dire coopérative et axée sur la solidarité, donc susceptible d'assurer

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plus de justice et plus de dignité. Nous savons que cette société

ne sera pas le fruit de la magie.

Lutte de classes, dirigisme, collectivisme, libéralisme, répu¬

blique, démocratie, monarchie, autant de thèmes générateurs de

malentendus etde brouilles sur lesquels il est urgent de nousré¬

concilier pour nous atteler à la tâche de l'union et de l'unité

dans la clarté de nos options. Etant entendu que les systèmes économiques à adopter sont tenus pour des moyens mis au ser¬

vice de l'homme, la seule finalité qui compte.

Il y a dans nos peuples de telles réserves de fraîcheur, de spontanéité, de pureté, que nous pouvons contribuer, au milieu

de cemonde mécanisé, froid, sceptiqueet deplus en plus cupide,

à apporter un peu d'âme, de cœur et de raison dans tout ce que

nous entreprenons.

Aussi voudrions-nous nousréconcilieravec lerestedu monde et principalement avec les pays que l'histoire et la géographie désignent pour être nos partenaires naturels et peut être un jour

nos amis prévilégiés, je veux dire les pays européens notamment.

Je sais bien que ces pays ont à notre égard des dettes à payer, des injustices à réparer. Mais ils ont aussi des souvenirs

communs à préserver et peut être à s'en inspirer. Par deux fois, durant les deux guerres successives, à l'occasion des deux der¬

nières guerres, alors que nous étions amoindris, nous nous som¬

mes associés à eux pour une tâche d'affranchissement et par

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SEULE FINALITE POUR L'AFRIQUE : L'HOMME 17

deux fois les nôtres ont prouvé qu'ils savaient mourir pour

les

bonnes causes.

EFFACER LES SEQUELLES DE L'ERE COLONIALE

L'homme africain n'a point démérité de l'histoire... On ne comprendrait pas pourquoi l'Afrique

resterait le seul continent

persiste la dominationcoloniale et

sévit l'apartheid.

Quand on voit, Majesté, messieurs lesprésidents, l'Amérique

engager d'utiles dialogues avec Pékin et avec Moscou en vue

de

réduire la tension dans le monde, quand on pense quel'épineuse

affaire de Berlin est réglée, quand on voit l'Allemagne et ses voisins s'engager dans la voie de la coopération,

quand

on

voit

enfin les pays européens conjuguer leurs

efforts

en vue

de réa¬

liser entre eux unclimat de confianceetdesécurité qui exclut les pactes, quand la communauté internationale

devient de plus

en plus exigeante d'entente et de

concorde, il

est

scandaleux qu'il

existe encore des séquelles de l'ère coloniale

qui projettent leur

ombre sur la carte de l'Afrique. Tôt ou tard, les frontières de la réprobation et de l'isolement se

refermeront

autour

de

ces

ilôts

dehaine etderacisme. Nousn'avonsjamaisdouté delavictoire :

notre crainte est de voir les traditions de tension et de violence qui s'installent changer le contenu et

la signification de notre

éthique.

Ladomination de l'Afrique du Sud sur le sud ouest africain

celle du régime raciste sur la Rhodésie, celle du

Portugal

sur

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plusieurs territoires africains sont pour nous source de préoc¬

cupation, elles sont en fait autant de stigmates sur la face de

cette Europe qui fut la patrie de la déclaration des droits de l'homme et le berceau d'une humanité enviée.

Au moment l'on s'attend dans la communauté inter¬

nationale à une redistribution des cartes etdes rôles, au moment l'U.R.S.S., la Chine, les U.S.A. donnent de la puissance une nouvelle unité de mesure, n'est-il pas urgent pour l'Europe de

retrouver son poids, sa vraie mesure en tournant définitivement la page de la colonisation et de l'hégémonie des blancs sur le continent ? Lepourrait-elle ? Nous lecroyons-Le voudrait-elle ? La question est posée.

Est-il permis de penser que l'Europe communautaire, édifiée par l'exemple de la France, de la Belgique, des Pays Bas et de la Grande Bretagne, qui ont tous décolonisé d'une manière plus

ou moins réussie, saura trouver les voies et moyens qui permet¬

traient au Portugal de rapatrier avec son dernier soldat, son dernier colon tout en lui aménageant une place et un statut à définir au sein de la communauté européenne.

La seule voie pacifique qui mettrait fin à l'effusion desang, serait peut être à rechercher dans cette direction - Ce serait aussi la seule forme dedialogueutile,pouvantdéclencherlecommence¬

ment d'une ère nouvelle : celle de la réconciliation de l'Afrique

avec l'Europe, pour le grand bien des Européens etdes Africains.

(21)

SEULE FINALITE POUR L'AFRiqUE : L'HOMME

19

L'AFFAIRE PALESTINIENNE Majesté,

Messieurs les Présidents,

« Ce que l'on appelle communément l'affaire du Moyen- Orienta retenu l'attentiondenotreAssemblée et faitl'objet d'une

motion politique. Cette motion est importante parce qu'elle con¬

firme que l'Afrique n'est pas indifférente à ce problème, non seulement compte tenu du fait que le territoire de l'Egypte afri¬

caine est occupépar les forces militaires d'unpays étranger, mais aussi du fait du sionisme israélien qui est à la fois une variante de racisme et la forme la plus tenace du colonialisme, celui du peuplement. On sait que là où le ciel est venu toucher la terre de sa grâce, là retentit le triple message de Dieu l'Unique

des Juifs, des Chrétiens et des musulmans pour appeler les hom¬

mes à la concorde sur cette vieille terre de Palestine les sionistes rivalisent de crimes envers l'homme et de sacrilège envers Dieu,

en frustrant les Palestiniens de leurs foyers et leur patrie, en oc¬

cupantles territoires des pays arabes avoisinants eten défigurant

et en violentant Jérusalem.

Je demande aux frères africains d'être vigilants à l'égard de

ce colonialisme sioniste. Il est dangereux. Si les victimes d'hier

sont les Palestiniens et les arabes de la région, dont nos frères africains d'Egypte, - ses victimes de demain pourraient être tous

ceux qu'il semble vouloir servir, à commencer par les juifs eux-

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mêmes, que les excès et les exigences

déraisonnables des sionistes

exposent déjà à

l'antisémitisme.

Si dans le passé, certains pays

arabes avaient multiplié les

erreurs et les échecs... qu'on ait le courage

de dire

que

c'est bien

dans leur camp, c'estbien dans les

propositions de

son

excellence

Anouar Essadate, le Président de la République

Arabe d'Egypte

que se trouvent la

raison, la loyauté

et

la volonté de

se

déter¬

mineren fonction de la règle de jeu international, que

l'on

cons¬

tate que c'est bien la déraison

d'Israël qui

nargue

l'O.N.U. et

nous enferme tous dans une sorte de dialectique de désespoir.

Décemment on ne peutdemander à l'Egypte

plus qu'elle

ne

peut.

Si les pays de l'Europe

communautaire travaillaient de

con¬

cert avec les pays africains de

l'O.U.A. afin de briser la coalition

entre les sionistes d'Israël, les minorités racistes de la Rhodésie

et de l'Afrique duSud et les

colonialistes

du

Portugal... l'Europe

et l'Afrique poseraient les jalons de la

réconciliation nécessaire

-

entre elles et seretrouveraient ensemble sur le même front pour défendre toujours la cause de lapaix et de la

liberté. Mais

cette

foisen partenaires égaux eten

amis engagés

-

Ce serait alors

une

association pour un nouveau contrat de coopération et

de civi¬

lisation.

A l'Europe deprendre sa responsabilité - La nôtre : elle est

dans la poursuite dela lutte. Auxrégimes racistes et

colonialistes

générateurs de tension etde guerre, il faudrait des

interlocuteurs

de guerre, des combattants préparés pour mener un long et dif-

(23)

SEULE FINALITE POUR L'AFRIQUE : L'HOMME

21

ficile combat que les peuples concernés devraient soutenir dans l'union et la cohésion d'un même front de résistance qui, seul, pourrait jouer le rôle déterminantde leur libération.

Nous saluons, au passage, comme un grand événement la réconciliation de nos amis de M.P.L.A. et de F.N.L.A., rendue possible par les nécessités de la lutte et grâce aux remarquables

efforts de nos collègues et frères Mobutuet N'gouabi.

UNE ŒUVRE GIGANTESQUE

Majesté,

Messieurs les Présidents,

En félicitant notre nouveau Secrétaire Général pour sa brillante élection, en remerciant notre bon Diallo Telli pour les services rendus à l'O.U.A., et à l'Afrique, permettez-moi de dire

en conclusion, que nous sommes témoins et des problèmes que rencontre l'O.U.A. et des problèmes que traversent des organi¬

sations plus anciennes telle la communauté européenne des dix

ou même l'institution des Nations Unies. La communauté euro¬

péenne ou l'O.N.U. semblaientappelées au début à résoudretous les problèmes, résorber tous les conflits, aplanir toutes les dif¬

ficultés. Aux contacts des réalités, il y a eu grincement tant il

est vrai qu'il n'est pas toujours aiséde trancher dans le vif.

Instruite par ses propres succès et échecs, par ceux de la

communautéeuropéennecomme par ceuxdel'O.N.U., édifiée par

(24)

les événements, l'O.U.A. s'emploie à roder ses propres rouages, à rassembler les bonnes volontés, à serier les urgences. Que cer¬

taines voix s'élèvent pour reprocher à l'O.U.A. sa prudence, d'autres son audace, n'a rien de surprenant. En limitant pour le

moment ses objectifs à ce qui est réalisable immédiatement, en

décourageant les subversions et les coups d'Etat, en s'appliquant

à rapprocher les points devue, à susciter les dialogueset à entre¬

tenir la confiance, à œuvrer pour la réconciliation l'O.U.A. peut accomplir une œuvre gigantesque et aider à ouvrir les voies dif¬

ficiles de l'unité, en entreprenant ce qui est possible. Mais en réalisant effectivement toutce qui estpossible l'O.U.A. nepourra que réussir, messieurs, et elle réussira.

Majesté,

Messieurs les Présidents,

L'Afrique, c'était, c'est encore, le continent moins quelque

chose - Agissons, pensons, - imaginons pour que l'Afrique soit d'abord elle-même c'est-à-dire un peu plus qu'un continent, en fait un grand continent avec un grand message.

Vive l'Afrique, Vive l'O.U.A., Vive le Maroc, Vive Sa Ma¬

jesté Hassan II.

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Achevé d'imprimer le 10 Juillet 1972 IMP. OFFICIELLE - TUNIS

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Références

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