942
Revue Médicale Suisse–
www.revmed.ch–
5 mai 2010actualité, info
fondé de traitements médicaux, d’opérations, de radiothérapies coû
avancée thérapeutique
On connaît le dilemme thérapeu- tique du paludisme : l’artémisine (lactone sesquiterpènique extraite d’une plante chinoise de la famille des Asteraceae) est aujourd’hui l’un des outils médicamenteux parmi les plus efficaces contre ce fléau parasitaire de dimension planétaire. L’artémisine a été (re) découverte au début des années 1990 après l’aggravation des phé- nomènes de résistance envers les antipaludéens classiques. En 2001, l’OMS considérait que l’artémisine (et ses dérivés semi-synthétiques) représentait «le plus grand espoir mondial contre le paludisme»
avant, quelques années plus tard, de recommander impérativement de ne pas l’utiliser en monothérapie pour prévenir, là encore, les phé- nomènes de résistance parasitaire.
Ceci n’empêcha pas en 2009 l’appa- rition des premières résistances de Plasmodium falciparum à l’artémi- sine et ce au Cambodge.
Médecins sans frontières expliquait alors son inquiétude (Revue médi- cale suisse du 1er juillet 2009). Car, outre la situation cambodgienne, les facteurs qui avaient conduit à
l’émergence de la résistance sont communs dans les pays où la ma- laria est endémique : recours fré- quent à la monothérapie et admi- nistration d’artémisine chez des personnes présentant un tableau fiévreux sans pour autant souffrir du paludisme.
C’est dans ce contexte que la dé- monstration vient d’être apportée de l’efficacité d’une nouvelle com- binaison antipaludéenne associant pyronaridine (antipaludéen de synthèse) et artésunate (dérivé de l’artémisine). L’efficacité de cette combinaison est équivalente à celle considérée comme étant de référence (artéméther-luméfan- trine) tout en étant plus simple d’utilisation. Le travail aboutis- sant à cet heureux résultat vient d’être publié sur le site du Lancet.1 Il a pu être mené grâce à un par- tenariat privé-public réunissant le laboratoire pharmaceutique Shin Poong (Corée du Sud) et la fonda- tion «Medicines for Malaria Ven- ture» (Suisse).2
Cet essai clinique de phase 3 ran- domisé et en double aveugle a été conduit sur dix sites : sept en
Afrique et trois en Asie du Sud- est. Il a au total concerné 1272 personnes, enfants et adultes, âgés de 3 à 60 ans, toutes souffrant de formes non compliquées de palu- disme à Plasmodium falciparum.
Parmi elles, 849 ont reçu la combi- naison «artésunate-pyronaridine»
(à partir de présentations contenant respectivement 60 mg et 180 mg) et ce à raison d’une prise par jour pendant trois jours, et les 423 autres la combinaison «artéméther- luméfantrine» (respectivement 20 mg et 120 mg) et ce à raison de deux prises quotidienne. Les doses ont été données en tenant compte du poids. On sait que l’association
«artéméther-luméfantrine» offre
une bonne innocuité et une effica- cité généralement supérieure à 90%. Outre la double prise quoti- dienne, elle requiert un régime riche en graisse pour être absor- bée de façon optimale.
Au terme de cet essai comparatif, les deux combinaisons ont mon- tré la même efficacité, (respective- ment 99,5 et 99,2%) établie à par- tir de la recherche par PCR des parasites dans le sang des mala des à 28 jours. L’événement indésirable le plus fréquemment observé a été une éosinophilie (respectivement 6,2 et 5,7%). Certains patients du groupe «pyronaridine-artésu- nate» ont aussi montré une légère et transitoire élévation des taux
Une nouvelle combinaison antipaludéenne voit le jour
CDC/ Paul Howell
46_47.indd 1 03.05.10 12:28
Revue Médicale Suisse
–
www.revmed.ch–
5 mai 2010943
1 Efficacy and safety of a fixeddose oral combination of pyronaridineartesunate compared with artemetherlumefantrine in children and adults with uncomplica
ted Plasmodium falciparum malaria : A randomised noninferiority trial. Lancet 2010;375:1457–67.
doi:10.1016/S01406736(10)603224 2 Basée à l’«International Center Coin
trin» cette fondation a pour objet, de
puis 1999, «de réunir des partenaires publics et privés pour le financement, la gestion et le soutien logistique pour la découverte et le développement de nouveaux médicaments pour la préven
tion et le traitement de la malaria».
http://www.mmv.org/
d’alanine aminotransférase et d’aspartate aminotransférase.
«L’efficacité de l’association arté- sunate-pyronaridine doit encore être prouvée sur une population plus importante, incluant des malades dénutris ou anémiés, estiment aujourd’hui les auteurs de l’étude, coordonnée par Antoi- nette K. Tshefu (Ecole de santé pu- blique, Faculté de médecine, Uni- versité de Kinshasa) et Lawrence Fleckenstein (Université de l’Iowa) Néanmoins, au vu des résultats, et compte tenu d’un coût du trai- tement inférieur à un dollar par adulte et à un demi-dollar par enfant, son inclusion dans les programmes de lutte contre le paludisme devrait être examinée.»
Jean-Yves Nau jeanyves.nau@gmail.com
CDC/ Paul Howell
46_47.indd 2 03.05.10 12:28