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Signes, discours et interprétation de l'agir: le rôle des reformulations dans des entretiens portant sur le travail infirmier

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Signes, discours et interprétation de l'agir: le rôle des reformulations dans des entretiens portant sur le travail infirmier

BULEA BRONCKART, Ecaterina

BULEA BRONCKART, Ecaterina. Signes, discours et interprétation de l'agir: le rôle des reformulations dans des entretiens portant sur le travail infirmier. In: Les reformulations pluri-sémiotiques en contexte de formation . Besançon : Presses universitaires de Franche-Comté, 2010. p. 265-281

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:37634

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1 / 1

(2)

Cet ouvrage étudie les relations enm: dis our$ documents iconiqu ' gesteS et activités à travers l'examen des reforrnulaLions pluri�sémi tiqu ·s. Il �· ppuie

sur une approche praxéologique intégrée du langage, qu'illusrrc, <.:11 couvertllre,

la photographie de Brassaï. Elle exhibe um: situ:ui n ,mplexc oü la réalisation de sculptures, à partir d'un modèle, alteme gcslt:s et éch, llg<::S. On imagint: les reformulations pluri-sémiotiques entre rnaîuc et s ulpwurs apprécialll le produit

fini ou le processus, et la dimension multi-modale dcs paroles, avec le.� mimique·,

les gestes para-verbaux accompagnant l'engagement des locuteurs ...

Les analyses discursives et interactionnelles montrent que les reformulations (au sens large du terme) participem à la construction négociée de la (re)sémiotisarion de l'expérience et des savoirs, dans et par le discoms-en-imeraction.

Les situations de formation analysées ouvrent mus k.� niveaux dt: la f<)rmati n

initiale et une grande variété de disciptincs, sans oublier la fi>rmadon professionnd\1!

ou continuée. À rous ces ti tres, l'ouvrage imércss<.:ra. érudiants (masrer, docror:H) enseignants-chercheurs en sciences du langage, didacricicns et spécialise· de sciences de l'éducation sensibles aux processus sémio�l.inguistiqu ·s de co-construcrion de

connaissances.

Alain RABATEL est professeur de sciences du langage à l'universicé de Lyon 1-lufm, membre d'ICAR.

Couverture: LAcadémie Julian de la rue du Dragon, modèle nu de dos. Brassai (dit), Halasz Gyula. (C) Estate Brassaï-RMN

Ouvrage bénéficiant du concours financier de l'Université de Lyon 1, IUFM de l'académie de Lyon _.<v·1

IUFM

�·· l � ·,de l'Académie de

Lyon

Annales Littéraires de l'Université de Franche-Comté, no 864

----Presses universitaires de Franche-Comté

htt p ://press es- ufc. un iv-fcom te. fr Prix : 12 € ISBN 978-2-84867-285-4 ISSN 0523-0535

·u\:pc ��

UNIVERSITÉ

DE FRANCHE-COMTÉ

9������ lll\IJ\�

1 5 Littéraires de l'Université de Franche-Comté Anna e

Ouvrage collectif, sous la direction de

Alain RABATEL

Les reformulations pluri-sémiotiques

en contexte rie formation

(3)

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1 )

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'

Signes, discours et interprétation de l'agir : le rôle des reformulations

dans des entretiens portant sur le travail infirmier

Ecaterina BULEA Groupe Langage, Action, Formation, Université de Genève

Nous examinerons dans cette contribution le rôle que jouent les reformulations dans les interprétations que les personnes fournissent de leur propre activité de travail, dans le cadre d'entretiens à propos de cette même activité. Mais en amont de cet examen, et en regard de l'approche pluri­

sérniotique de la reformulation à laquelle cet ouvrage nous convie, nous expliciterons d'abord les raisons qui nous conduisent à aborder ce phénomène dans la perspective « sérniologique » élaborée par Saussure ; perspective qui, à

défaut de pouvoir être qualifiée d'emblée de « pluri-sérniotique », n'en constitue pas moins une approche exemplaire de la pluralité constitutive du sémiotique, qu'il soit intra ou extra-langagier. Nous évoquerons ensuite trois aspects de la théorie saussurienne qui constituent à nos yeux des apports précieux à l'approche contemporaine de la reformulation 1, et qui participent du cadre théorique dans lequel s'inscrivent nos travaux, à savoir l'interactionnùme socio-discursif (cf. Bronckart, 1997 ; 2008). Enfin, nous proposerons un ensemble d'analyses, montrant l'implication des reformulations dans la saisie des dimensions et des propriétés de l'agir humain.

1. Au-delil de la problématique gui nous occupe ici, les apports de la théorie saussurienne demeurent amplement à détout'f'ir, en raison des conditions d'accès aux propositions théoriques

effeciives de Saussure. Comme on le sait, le Cours de linguirtique générak (ci-après CLG) a été rédigé par Bally et Séchehaye, qui n'avaient pas assisté aux leçons de Saussure, et qui ont exploité certains cahiers d'étudiants ainsi gue quelques notes manuscrites de l'auteur alors disponibles. Notre analyse de cette œuvre se fonde sur l'intégralité du corpus saussurien tel qu'il se présente aujourd'hui, et qui comporte un ensemble de manuscrits entre temps découverts, dont le cahier de Constantin (2005) et le manuscrit De l'essence doubk du langage découvert en 1996 (cf. les Ecrits de linguistique générale, 2002, ci-après ELG).

(4)

238 Ecaterina Bulea

1. Pour une approche « sémiologique » de la reformulation

j elle a dominé pendant qu

l:1ues

é.c

nnies les .�

aly.es et Ill

thé osation d la œfoonulation, ayant ete con·1deœc comme _1 eleme�t c�tral

· -

d b' · e la nouon d'« Ulvaoan.t

d'identification et d e..xpbca u 1l ce p enomen ,

, .

·

-t n'M1'rcstet:nA"l en train de pe

r

dre cc statut. Les crtnques

semanuquc 11 es uo.u LU

, , 1

adressée� à cette notion émanem 1 our l'essenuel d approches c �tree,s s�tr es textes/ discours et nuent llppui uJ: de: données ve�bale

s a

tesrces. :\ _1 tnstllr de L'l d!ve.rsité des approches en ce dommne, et sous J effet dcl;J ptatlaston des objets étudiés (pmtiques h1ngagi

es

og,d� m� m nol��ales, _or

les ou

écdtes, relevant de contextes sooo-pratLcp .. aes divers), ces crJuque� Ul\ oque�t des arguments hétérogènes ; néanmoins elles convergent dans la t:ruse

c?

ca

us e

du principe d''quivaleocc séma11tique entr

le

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ou

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ul

am >> (ou «cible ll) c

mme

,·or..,:tensif tiJme

d

ij

lnilioll t!e la

refommlation.

. . d

Ainsi, après avoir analysé les condi

on

s

d émergence de cc p�nc

e

ans

le cadre de ]:1 grammaire transb nn;auon

n

elle,

·uchs (199�)

souligne le

carnctèr réducteur de celui-ci en c qu'il placla refotmuL1non. « dans_��;

cru:can. formel qui ne pe

r

met pa de rendre c_om

re d� la defo�mabilire

· ·

( ., 4?)

L qu'il lm attnb11e ce fa1snm un s·émll11tlque des: enonces » op. Ct ., p. - . ·

, .

.

.

catactère staLique et fermé, qui découle du postu

l

at.

d

'unicite/unt�O

Ite de L'l

ignification suus-jacent à l'appr che

tra.nsfonnabonnelle.

nstderanl au

· 1 déL rmabilité mantiqu

e

st inbënmlc au foncuonnemcnt

con tral!C que a «

. ' . . tif F h . c l.Ule rc-

la.nga

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>> ; paren qui s'établir momcnta�1émeot elon le co-te..'\.te et le

contexte, cL'approche et: établissement privilégiée indu comvbanr :rux er

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o

nla» net tS. 1 , . et.ude des

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. _

formes d�

reprise/répétition

qui c

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e•.1t, la' colwcrsa_uon clin - dLu' e11t pothéloz à soutenu auss1 la

n

ec ·s1te d « nf&rtnclur la

or a.u:e eon '

. 146)

·

notion de

reformulntioo de

l'idée

d'tnva�innt

sélilllntlque »

(�007.

.

affmochissemenl qui consiste cette

fois

en l'tJb,mdOII

d'u�r�

�·ollcdptton

mm�Jit�q�t:

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la njômmlatio11 au profit d'une œdétinitloJl de cette derruete co

e « rcpetlbo�

l}u.rement fotmel!c ' d'une séquence de formlll quelo:que l>

(�btd.�.

Cet :1U'l

ut

d · de ngs differents-temowne de 1 etat coos1dère que la recmrence e .tructu.res

ra

. o- .

. , . de « brmûllon pcrmancnr » typique des cotwersatJOns, et, dans la n1es

tc. ou

cette récurrence est attcsmbl dès le niveau pho

n

logique, que .ta nottou_

�e

rcfommL·uion devrait s'appliqu 'r également au-dela (ou en dec;:a) des urute

porteuses de sig-nificati n.

. _

d . Ces critiques nous � ru:aîssenl ;1ssez emblemntJques_ d delLx �an e clirections dans 1 squellcs se d ·pl

ic

la remise en quesl:lon de. ba the se de l'invaciaat mantique, et pa.rtant la redéfinition de la œfom1ulauon. 11 s'agit d'une part de la cenlrati n sur le versant

sig11{/Ù<tfio11

des unités

et

structures

Signes, discours ct interprétation de l'agir 239

langagières et, dans ce cadre, de la contestation du caractère invariable de cette signification, parallèlement à la réfutation du transfert au plan de l'énonciation d'une notion bâtie dans le domaine de la syntaxe. Il s'agit d'autre part de la centration sur le versant expression (ou forme) de ces mêmes unités et structures, et, dans ce cadre, de la contestation de la composante sémantique en tant que critère d'identification de la reformulation, parallèlement au rapatriement d'un aspect purement formel dans la définition de ce phénomène.

S'il ne s'agit là que de directions ou de tendances, c'est parce que certains travaux témoignent d'approches en quelque sorte "intermédiaires". Celles-ci reposent soit sur une forme de re-exploitation de la thèse de l'invariant dans un cadre théorique différent - voir par exemple les travaux de Gülich & Kotschi (1987), qui réinvestissent la notion d'invariant sémantique dans une perspective ethnométhodologique, ou, plus récemment, l'approche acquisitionnelle de Martinot (2007), qu.i préserve la notion d'invariant, en l'envisageant aussi au plan sln�tturel et non seulement sémantique ; soit sur un déplacement/ élargissement de focale, la reformulation étant considérée comme composante pragmatique de l'énonciation. C'est dans une telle perspective, « pragma-énonciative », que Rabatel (2007) pose d'abord que «reprise et reformulation (que les deux phénomènes portent sur un mot, un groupe de mots ou une proposition) sont [ ... ] des phénomènes relevant de la problématique générale de la reformulation » (p. 76), l'auteur abordant ensuite les « répéti-reformulations »

(ibtd.)

en ce qu'elles participent de la construction et du changement de points de vue énonciatifs.

Malgré son caractère lapidaire, ce survol nous parait suffisant pour illustrer les tensions qu.i traversent le processus de re-conceptualisation de la re-formulation sur une base autre que celle de l'invariant sémantique. Etant donné le cadre théorique de référence de ce dernier, et depuis la perspective interactionniste socio-discursive qui est la nôtre, nous ne pouvons que partager la nécessité <<d'affranchir» la notion de reformulation de toute conception statique et mécaniste de la signification, afin qu'elle puisse rendre compte de phénomènes relevant de l'activité verbale effective. Mais cet affranchissement n'est crédible que pour autant que l'on adopte une perspective résolument intégrée sur la reformula ti on, elle-même inscrite dans une approche praxéologique-intégrée du langage; approche qui, selon nous, outre la reconnaissance de la nature dynamique de ce dernier, devrait enfin et à son tour s'affranchir des scissions, encore tenaces aujourd'hui, entre système de la langue et activité discursive d'une part, et entre « formes » et « significations >>

de l'autre.

Récusant tout dualisme dans le domaine des faits langagiers, c'est une telle approche que Saussure avait de fait mise en œuvre, et qu'il avait désignée - avant que ce terme ne désigne une science- par !r sémiologie 11 : «Sémiologie = m01phologie, grammaire, syntaxe, synonymie, rhétorique, stylistique,

(5)

240 Ecaterina Bulea

lexicologie, etc., le tout étant inséparahli >>

(ELG,

p. 45). Et si cet auteur n'a pas abordé en tant que telle la pr blém:t�.i

q

ue de la reformulauon, trots aspects de sa théorie nous semblent pru::ticulièremem féconds pour alimenter les réflexions contemporaines sur ce thème.

2. Apports de la théorie saussurienne à l'approche de la reformulation

2.1. L'indissociabilité des deux faces des entités linguistiques

En s'opp sant à mute c;onception << nome.uclatucistc » de la lante Sttussure a soutenu que les unités qui. la compose�11 n'ont au7.lU::e ;�sst�e cxtéricw:e au

l

angage

qu'l1

s'agisse d'objet . phj•stques ou. d tdccs prc­

déiJ.mitées ; et que ce.s même unités, ou Ilgnu,, .t'le proc

e

de

1t pas. de

l'association

e

ntre un élémern physi

q

ue (sons) et un element psy

c

hique (id�e�)

à pmpremcnt parler.

Tout

en émnt doubles les signes sont. des entites ÙJ!igralemmt ;.•rycMqnes: « nott:c point de vue

c

onsmnt �em de dire

q

ue non

-culement la signification

lilltis

aussl _le signe esr �n

fat�

de consc�enc�. pur.>>

(EL ,, p.

19) ; c

epend

a

tH, •u ég�rd a. d

�nue�

phcnom_ene. psychique.:;, elle relèvent d'un «

rdrc

p

r

op

r

e >1,

ou

« scmtologtque », qw se

conslime

c��;

« lieu >> de déploiement .ritmdtané de promsus do

dffJ'érenàatioll

ct d

a.rsomtlton

,

processus

cngendr:\nt d emblée des entités tloub/cs ou. 1r t'Omplev,·es >J :

I·ORMb.. = Non pn� uac c ·rtainc entité posilt/Je [ ... ] mais l'entit

à la fois nig,1tiN �� to111plc.w: r �sul tant (�ans aucune espèce de base mate

te!le) de In tlfO'imtce avec d'autres fc�r�11cs C:Ollli�INEE avec la difference de

$ignification J':lUt res fMmes. (thtd., p. 36)

Les signes témoignent

donc

d'un modalité d'

i.

n

'�du

tion

spéci. ? t�u.

u.i réside dan la

w-rMtarmiua!iou des <(jom;c.r

'' rl de.r '' Sl!,llj[it:IIII01JS"

(qun�tfiees

n

s

u.ite de « signifiants >> et �< signifiés»)

.rùmil!t111é111e11�

à .leur

mJi�n,

ce _qut leu�

confère un statut de 1, dettr.r à caractère mdimlcment miJJhrllfë

e�

soct�l: pwsque

les

signes n'o

n

t aucune as ·i e extérieure au langage, cela nnplique que .. l�ur constirution n'est pas prédéterminée par des structures exu:a-l�n�gtet:e , qu'elle est de ce fait arbitmire c'cst-à-d

i

r indép�·�da:nte aus�t bt n

e

l'o(ganisation des objets du monde que d'une (hypothellquc) o

r

grunsatlon pre­

linguistique de la pensée. Cela implique éga1�mcnt

qu�

le proccssl

chi de différenciatioo-ass ciatioo foncuonneot li/mme/If, ce qlll

psv gues

· li· d'

ex

p

lique que

chaque

langue déllinire ses signifiants et es stgru

tes

une

2. Dans tous les extraits cités, les italiques ou les capitales sont du texte d,'origine. . , , . 3 Amxiation renvoie ici à l'une des acceptions de cette notiOn dans la theone saussunenne, a

savOir i•;mion

des deux faces du signe, union que Saussure désigne aussi par le terme d'« accouplement"

(cf. ELG, p. 20).

Signes, discours et interprétation de l'agir 241

manière qui lui est propre, créant par là même des unités dont la configuration, la teneur et le contenu sont éminemment sociaux.

Les entités-signes ainsi engendrées sont dès lors temporaires et fragiles par essence, leur unité n'étant que le résultat, toujours à réélaborer, de « termes»

inter-reliés :

Nous sommes toujours ramené aux quatre termes irréductibles et aux trois rapports irréductibles entre eux ne formant qu'un seul tout pour l'esprit : (un signe 1 sa signification) = (un signe 1 et un autre signe) et de plus = (une signification 1 une autre signification). [ ... ] Mais en réalité il n'y a dans la langue aucune détermination ni de l'idée ni de la forme ; il n'y a d'autre détermination gue celle de l'idée par la forme et celle de la forme par l'idée. [ ... ] C'est là ce que nous appelons le QUATERNION FINAL et, en considérant les quatre termes dans leurs rapports : le triple rapport irréductible. (ibid., p. 39)

Or si l'on admet, avec Saussure, que cet «être quadmple » ne forme

«qu'un seul tout pour l'esprit», cela implique que les versants signifiant et signifié demeurent indissociable/, sous peine de quitter le domaine sémiologique, et partant celui de la (production/attribution de) signification.

Cette indissociabilité ne signifie pas pour autant statisme des unités, au contraire: comme nous l'avons montré ailleurs (cf. Bulea, 2006), le signe comporte en tant que l'un de ses ingrédients constitutifs le mécanisme quaternional qui l'engendre, ce qui en fait un être éminemment cfynamique, variable par nature, ou encore pourvu d'une stabilité toute relative et momentanée.

2.2. La vie des signes comme va-et-vient entre discours et langue

Si la variabilité des unités langagières est ainsi inscrite dans la nature de ces dernières, elle s'alimente en permanence au rapport d'interdépendance entre langue et discours. Contrairement à ce qui ressort du CLG, la dinlension discursive du langage présentait pour Saussure un caractère décisif: dans ses notes, il a d'abord souligné que c'est dans et par le discours que la langue «entre en action» (cf. ELG, p. 277); puis, en qualifiant cette opération de «jeu»

(ibid.), il a affirmé que c'est dans le discours qu'est en permanence revivifiée la nature dynamique des signes, au travers des «liens » entre ces derniers, liens que l'auteur considérait comme consubstantiels à tout usage des signes par les individus:

La langue n'est créée qu'en vue du discours [ ... ] le discours consiste, fût-ce rudimentairement, et par des voies que nous ignorons, à affirmer

4. Ce dont témoigne aussi l'usage du trait d'union dans les notes saussuriennes, dans des syntagmes comme« forme-sens" ou« signe-idée>> qui désignent l'unité biface« signe"·

(6)

Ecaterina Bulea 242

· 't de la forme

un lien entre deux des concepts qui se presentent reve us linguistique. (ibid. p. 277)

Sous l'angle historique, Saussure a soutenu que la transforma.tion .des l · 'd d'innovations ayant lieu dans le « discurstf » , et,

langues dans e temps proce e di · f 1

l' ngle synchronique, que c'est au travers de ce même « scurst ll que es

sous a u e l'accessiOn

individus entrent en contact avec la langue. Dans cette perspec v.,

à la lnn ue est en quelque sorte toujours seconde, car elle presuppo;e u_n roccss

!

d'extraction d

'

unités à partir de leur mobt!tsatton dans des du

:

ours, c est-a­

re une

forme

d'

'

élagage

"

des propriétés spéctfiques de l orgarus,auon discursive (ou d'une organisation discursive conttngente) abouttssant a des configurations d'unités :

[ ..

.

] toute la langue entre d'abord dans notre esprit par le . dis�urs_if [ ... ] Mais de même que le son d'un mot, qut est une chose entree également dans notre for intérieur de cette façon, detent un�

impression complètement indépendante du dtscurstf, de meme notre esprit dégage tout le temps du discursif ce qu'il faut pour ne latsser que le mot. (ibid., p. 118)

Uru.te's · mme il ressort de l'extrait cité précédemment, ne sont

qur, co . · ·fi

1

elles-mêmes constituées « qu'en vue du discours )) ; �e

�Ul

st� te que eur destinée n'est autre que d'y être réinjectées, et. par la d'etre pnses da�s des . d des "J'eux de valeurs" necessatrement nouveaux, qw, rapports, ou ans

, · · · · bl avec ajouterions-nous, peuvent présenter des degres de proX11Illte vana es d'autres "jeux" du même ordre.

2.3. L'empan des entités linguistiques

La conceplwù.isa Lion saussuctenne du signe conce�ne en effet

· · 1

e

t les unités d l

'

ordre du "mot" ; cependant, il convtent de

pnnctpa em n ·

,

. . l 1 · ' t déployée

uligner qu

'

elle s i.nscrit dans L!ne relJeXlon bten p us amp e, qut s es .

so 1 il • · t d muluples

sur deux plans. Au plan

s�miologiquc

au sens arge, s

�gt

es .

corn araisons effectuées p;u: aus

s

urc entre les

ys�èm.es

de stgnes langagtcrs

e:

les a

tres systèmes de signe� (écriture, sigoau.x

n:uhtatre�,

�cumes, etc.),

�UJ

d · t l'auteur à mettre en évidence la .rtrar!fkal/011 111/emB

n� domau1c

ont con U1 . , rous les

sémiotique et à dégager un ensemble de propnere' corn.m.uncs a. .

· 1

�gt 'ers ou

non ainsi que les p.mpriété, i.aéducttbles aux s1grtcs

stgnes, alangagiers. no'· orrélativement, · mats cette . . IS au plan . . 1ntr::t-1 ;�ngagter·

,

il sa

' git

d'tm

.

.

1 .

ensemble cl'analyse5 d'ordre morpho- y_11taxique (cf.

no�mmneat

le .Com'!

'

& w lf

1996)

et d'ordre tex[uel-d.iscillsif'> qw ont conchut aus

s

ille

Komatsu o , ·

'1 · · d ts

à considérer que les propriétés sémiotiques attestab es au ruveau es mo -

·

'

d "t'· t des conditions de transmission- S Il s'agit d'une vaste entrcpnse d analyse es

propnc

es e , . . d' d. rche

· �· ti 0 des textes effectuée sur un ensemble de légmdes germamques, et une ema

��:l�:;o�tant sur

1� posie antique, ayant donné naissance à l'enquête sur les tmagmmmes.

Signes, discours ct interprétation de l'agir 243

notamment l'indissociabilité et la co-construction des versants signifiant et signifié­

n'i.mpliquent aucune restriction relative à la "taille" des entités concernées. Cela signifie que les processus de différenciation-association peuvent porter sur des unités de statut et d'ampleur variables, unités allant des préfixes, sufftxes ou racines, aux mots, aux mots composés, aux collocations, ou à des structures syntagmatiques encore plus complexes. Pour cette raison, comme l'a bien remarqué De Mauro (cf. Introdudion au CLG, pp. VIII-IX), Saussure tend, tout en hésitant certes, à considérer comme signe << toute union d'un signifiant et d'un signifié, depuis les unités minimums (que Frei a ensuite appelées monèmes:

aim-, -ont, pari-, -er, etc. ) jusqu'aux unités complexes, que Saussure appelle

!Ji!llagmes (chien ; il parle ; par ici s'if vous plaft; ce soù; la lune rêve avec plus de paresse,

etc. ) ll.

2.4. En prolongement de la théorie saussurienne

Cette conception dynamique et étendue des unités sémiotiques nous paraît fondamentale à plus d'un titre ; mais nous nous bornerons ici à évoquer une des ouvertures théoriques qu'elle comporte, et qui consiste en la possibilité, voire la nécessité, d'envisager la pluralité sémiotique à la fois sous l'angle de la

mntinuité et de la pluridimensionnalité. En effet, si cette pluralité concerne bien les

sortes de !JIS!èmes de signes en usage dans une communauté ou une activité, elle est aussi et surtout un phénomène propremem

intm-ltmgagù11;

qui a trait d'une part

à la structuration des !J!Stèmes de hugue différeors, d'autre part à la configuration et à l'organisation interne des unités gu'ils comportent. Mieux et davantage encore : puisque l'élaboration des entités linguistiques ne se réalise que de façon différentielle, la pluralité sémiotique est consubstantielle à l'existence même de ces entités ; et puisque les processus de différenciation portent sur des unités d'empan variable, ce même phénomène est constitutif de l'élaboration de rangs d'entités sémiotiques différents et emboîtés.

S'agissant de ce dernier aspect, il convient de remarquer que malgré la théorisation de l'interdépendance entre langue et textes/ discours, Saussure n'est toutefois pas parvenu à établir une démarche méthodologique articulée au cadre théorique élaboré. Sans nous attarder ici sur les tentatives inabouties de l'auteur à ce sujet, ni sur les conditions requises par la mise en place d'une telle méthodologie, nous préciserons que nos analyses exploitent à cet effet la démarche « desœndante )) élaborée en prolongement de l'œuvre saussurienne dans le cadre de l'interactionnisme socio-discursif. Cette démarche pose d'abord la nécessité de prendre en compte les caractéristiques générales de

l'agir langagier dont un texte (oral ou écrit) est issu, en analysant les conditions de production de ce dernier, et en particulier : la forme d'activité humaine à

laquelle ce texte s'articule, la situation physique et sociale des locuteurs impliqués, le modèle de genre textuel qui y est exploité. Il s'agit ensuite d'examiner les caractéristiques linguistiques effictives du texte en tant que produit (cf.

(7)

Ecatcrina Rulea

244

le modèle de l'architecture texruelle proposé p�r J3rc nckart, 1997), et ce selon

une démarche « iutetne >> pmcédant du global au loca� c'e t-à-dire de .l'unité

en lob;tnte « te11.rt·· >> vec les unités de rao inférieur: segments thém:Jttq\tCS et

types de discours gui les organisent rc.lations prédicatives, méc:1rusn1es de cohésion et de. connexion unité� et structures m.inia1ales ou locales. Dans cette perspective, les unités et structures locales peuvent être envisagées sous l'angle des influences qu'exercent sur leur occurrence les facteurs relevant d'une part de l'organisation spécifique au système de langue utilisé, d'autre part du co-texte et du contexte ; autrement dit, ces unités et structures peuvent être analysées en tant que valeurs discursivemellt instanciées.

Remarquons encore que dans cc modèle l'indissociabilit' des plans ùu

«contenu» et de l'« expression» esr prise eo compte dès 1• niveau de l'infrastructure textuelle, ce niveau comportant la planification générale du contenu thématique et les modalités de gestion éu nciat.ive de ce contenu, ces

dernières étant techniquement qualifiées de types de dùt'OI/rs. : n nombre Limité (réât i!llmJCt!f. 1/WYVfÎOII, di.st·ow-s

i11teractij

c.t disoOIJI'f tbéo!iquu), les types de discours

sont des formes lingul.rtiqueJ inlt•rmérliainu c ostni.Îtes u.r la b�1sc d'opérations p ychologiques qui explicitent les rapports c..x.istam entre les coordonnées er le instances qui organi enr le contcntt thématique du texte, et les coordonnées et

1· s instance.� du monde "ordia. lre" dans lequel se déploie l'agir langagier ; opérations tendanciellement universelle mais linguistiquement marquées, ce marquage se réalisant différemment se\on les langues.

3. Reformulation(s) et interprétation de l'agir

Les données que nous analyserons

d

ans ce q\LÎ suit relève.nt d elifretùns

avec des in.fin.nièresr' tJ:ois d'entre elles exerçant dans un service de médecine et les trois autres dans un service de chirurgie digestive. n. portent sur .hl

réalisation d'un soin, en l'occurrence sur la pâse de amstcmtes co médecine et sur le pansement abdomù/(/1 po.rtcopJmtoÙI' en chirurgie et oot été recueillis immédmlement nvant (entretiens ante)

ct

après (entrccleos pas!) cette réalisation, comme le montre le schéma sillvant 7.

6. La recherche dont sont issues les données a été réalisée sur trois sites de travail (cf. Bronckart &

Groupe LAF, 2004) et a bénéficié de deux subsides du Fonds National Suisse de la Recherche Scientifique (N° 114-06537(> et N° 101311-101609). Sur le site hospitalier, elle a été menée par Isabelle Fris talon et nous-même.

7. Les prénoms des infmnières wnt f1ctifs. Les conventions de transcnpt10n des entretiens sont les suivantes : N, S, etc. : infirmière interviewée; !NT: intervieweur; 1 11 111 : pauses de durée variable; no:::n : allongements vocaliques; méd- : unité inachcYée ; xxx · sq,'TTients inaudibles ; soulignement!;; chevauchements ; CA PIT ALES: accentuation ; Î -l-: intonations montante et descendante; [entre crochets): brèves interventions d'un interlocuteur dans le tour de parole de l'autre; (entre parenthèses) : commentaires du transcripteur; gras ou passages gnsêes: m1se en évidence d'aspects faisant l'objet d'analyse

Si!,'lles, discours et interprétation de l'a!,>Îr

,--------

1 3 EnfTtticou.� ,,,Adèl�:, Véron1quf, ., Ï C

Chantal 1

L---

M<dtdut.

Prase de conslanti'S

1

-

Cbhurglo

f - - ______ ï Pansement abdom1nal

l 3 Eutn•tif'U.'i nul.,

��·\..

post-opératorre

l Jo•JJ,, Nathalie, 11,-p-' ---

Sylvie L. --- �

,--------,

3 EutHtlrm J1fM'I : Ad�le, V�romquf, 1

Chantal

�---""

,--------,

l 3 Eull'tfiE'U'i l"'·''': 1 Joelle,Nathalie,

Sylv1e ... ________ .,

245

. Comme cela a été souligné maintes fois dans les études portant sur les mterac

ons verbales: on peut remarquer d'emblée que les reformulations, enVisagees de maruere large comme activités langagières par lesquelles le locuteur reVlent sur, d�� dires anténeurs, sont ici aussi omniprésentes, que ce solt so�s forme d hete�o-refommlattom ou d'auto-reformulations (cf. Gülich &

Kotschi, op. ctt.). De meme, elles peuvent être linguistiquement marquées ou n��-; et l�rsqu

c'�st le cas, ce marquage se réalise tantôt par des expressions stereo

pees (c est-a-dzre, ;e .veux dtre, qui dit X dit Y, etc.), tantôt par des

orphemes et locuttons divers, qui assurent également la structuration de l tnteractlon (bon ben, donc, de toute façon, etc.).

Du pomt de vue de l'interprétation de l'agir, l'examen global de ces textes montre que les reformulattons sont impliquées dans la saisie d'une multt

de de

enstons du soin (temporelle, spatiale, agentive, relationnelle, normee,_ etc.), 1 occurrence de ce type d'activité langagière étant, sur ce plan, quast �leatmre. L_es reformulattons ne semblent ainsi pas exercer une fonction de selectton/hierarchisatt�n d'éléments référentiellement pertinents ; en revanche, elles JOuent un role maJeur dans la mise en rapport de ces derniers au travers de leur sa

ste cliscursiv:ment co-occurrente, ou encore dans !'aJSemblage de dzmenszons de 1 agzr stmu!tanement pertznentes, comme il ressort des exemples suivants :

(1) S : le soin il commence au moment où on rentre dan� la_chambr� //il commence même avant quand on a ant7c�pe le �o�n 1 c'est-à-dire quand on prépare le pat�e�t �n d�sant bon ben on va vous faire- pour moi

/le/ so�n ( ... ) �1 commence quand on rentre dans la chambre (2) A : ben le matin c'est le premier soin on rentre en .contact avec les patients car on essaie de touJours l�s prendre au lever lorsqu'ils sont pas er:co�e leves donc 1 c'est vraiment le 1 le pr · reve�l en fait ( ... )

em�er Dans le premier extrait l'intitrtnl·e' re cocalise , l' pr111c1pa ement sur la · · 1 dimension /emnorelle r du soin et tente d'appre'hender ce en qum constste le · ·

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