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Oserez-vous entrer dans le «Grand Cabinet des curiosités médicales»?

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676 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 19 mars 2014

actualité, info

Oserez-vous entrer dans le «Grand Cabinet des curiosités médicales» ?

«On a dit qu'il se passait des choses épou- vantables dans notre caverne. Il s'y passe encore bien d'autres choses qu'il faut être médecin pour voir et comprendre.» Deux phrases écrites par Louis-Ferdinand Des- touches. Elles figurent dans la préface (iné- dite) à la célèbre thèse qu’il a consacrée à la vie et à l’œuvre de Semmelweis, l’un de ses maîtres. Thèse soutenue le 1er mai 1924 de- vant un jury présidé par le Pr Brindeau.

Comment entre-t-on dans cette caverne ? Il est bien des chemins, bien des portes, bien des clefs, bien des codes. Quelques passages obligés aussi. La mort notamment. Céline la couchera souvent sur le papier.

Les médecins voient bien des choses que les autres ne voient pas. Il en va de même des guérisseurs, de l’autre côté du chevet du souffrant. Attention : seulement certains mé- decins, et certains guérisseurs. Comment pourrait-il en être autrement ? Le Knock de Jules Romains le dit comme personne. Il le dira dans un souffle à son néo-confrère qu’il dépouille, le Dr Parpalaid, le médecin marié et à l’automobile :

«Que voulez-vous ! Cela se fait un peu malgré

moi. Dès que je suis en présence de quelqu’un je ne puis pas empêcher qu’un diagnostic s’ébauche en moi… même si c’est parfaitement inutile et hors de propos. (Confidentiel) A ce point que, depuis quelque temps, j’évite de me regarder dans la glace.»

Un diagnostic de fantaisie ose Parpalaid.

Nullement. C’est bien malgré lui que Knock, le regard diagnostique, se jette, quand il ren- contre un visage «sur un tas de petits signes imperceptibles… la peau, les papilles, la sclé- rotique, les capillaires, l’allure du souffle, le poil…». C’est alors que son appareil à cons- truire des diagnostics fonctionne à merveille.

«Il faudra que je me surveille, car cela de- vient idiot» glisse Knock. Sait-il alors que cela deviendra monstrueux, ce regard marié à l’emprise qu’il a sur ses semblables ?

Hitler rôde, Petiot viendra et Jouvet campe le Triomphe de la Médecine. Jouvet le campe début 1924 à la Comédie des Champs-Ely- sées ; au moment même où Céline soutient sa thèse à Rennes. Tout, déjà est écrit. Le même Céline qui en 1914, dans la boue de la boucherie, affûte son crayon. Première ligne des diaphanes «carnets du cuirassé Destou-

ches» : «Je ne saurais dire ce qui me pousse à porter en écrit ce que je pense». Carnet de moleskine noire jeté à la mer. Trente feuillets vierges. Céline médecin n’a cessé de les noircir.

Voir, comprendre, écrire. Pleurer, jamais.

Ecrire. Voici, pour l’heure, un ouvrage que l’on se doit de recommander.1 A recom- mander, en priorité, aux confrères. Ce serait, sinon, un manquement à la confraternité.

Ce qui, comme chacun sait, peut être puni.

Et, précisément, comment ne pas recomman- der un ouvrage qui, d’entrée, cite Céline ? Mieux, qui le cite deux fois : «La médecine, c’est ingrat. Quand on se fait honorer par les riches, on a l’air d’un larbin, par les pauvres, on a tout du voleur.» Quelle ingratitude avez- vous choisie ? Est-ce la même médecine en haut et en bas du pavé ?

Un ouvrage à recommander ? Peut-être moins pour le lire que pour connaître ce que vont dévorer ceux qui ne sont pas médecins.

On connaît la proposition des «cabinets des curiosités», à bien différencier des miscel- lanées. «Raconter la grande Histoire de la médecine par la petite histoire de tous ses acteurs, soignants et soignés, autrement dit parler de l’humanité entière» ambitionne Eric Bouhier, médecin, publicitaire, scéna- riste et enseignant. Ce qui est beaucoup – sans compter son amour des mots.

«Sensible au tragique comme au cocasse de la vie, il aime à raconter ces petites his- toires qui font le sel de notre existence» écrit son éditeur en quatrième de couverture. Les éditeurs et leurs sels devraient se borner à éditer. Ici : grande dextérité, amour des let- trines et du papier, marqueterie faite de 330 fragments empruntés à cet art qui se nourrit en marge

Louis-Ferdinand Céline (1894-1961)

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Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 19 mars 2014 677 de sciences.

«Cabinet de curiosités» ? Le temps passe et certains ont peut-être oublié qu’il s’agis- sait d’un espace où étaient entreposés et plus ou moins exposés des objets collection- nés. Figure imposée : un certain goût pour l'hétéroclisme et l'inédit. Médailles, antiqui- tés, animaux taxidermisés, insectes séchés, carapaces, œuvres d’art. Ils sont apparus après la Renaissance et donnèrent naissance aux musées et muséums. Cabinets privés (collections de particuliers) ou publics (collections d'écoles de vétérinaires, de facultés de médecine), ils ont joué un rôle fondamental dans l'essor de la science moderne.

Dans le Grand Cabinet du Dr Bou- hier, ce sont des lettres et des mots, des écrits courts, des citations plus ou moins sérieuses, des petits textes, des listes de maladies, de médecins ; tant et tant d’autres choses, cueillies dans les dictionnaires et les ouvrages savants.

Parfums d’almanachs d’antan et d’eau de roses d’aujourd’hui – illustrations d’époque.

Tout un programme. Comme avec les Journées mondiales. A savoir : des lépreux (30 janvier) ; contre le cancer (4 février) ; contre la tuberculose (24 mars) ; du paludisme (25 avril) ; de l’asthme (2 mai) ; du don de sang (14 juin) ; du cœur (25 septembre) ; du handicap (9 octo- bre) ; de la santé mentale (10 octobre) ; contre la douleur (12 octobre) ; du dia- bète (14 novembre) et contre le sida (1er décembre). Manquent l’hypochondrie, l’alcoolisme et le tabagisme.

Entre Paris et Genève, Jean-Jacques et son Emile soliloquent : «Je ne dispute donc pas que la médecine est utile à quelques hommes, mais elle est funeste au genre humain.» On comprend que ce ne sont là que quelques miettes, elles ne disent rien de la richesse baroque de cet ensemble cunéiforme. Rousseau, en- core lui : «La moitié des enfants meurt avant leur huitième anniversaire. C’est la loi de la nature ; pourquoi essayer de la contredire.» On ne songe plus à ré- pondre.

«En barrater un coup» signifie tousser violemment. Et «virer en chemin», faire une fausse couche. «Avoir une dose», at- traper une blennoragie. Tout cela en qué- bécois.

Proverbe d’ailleurs (Afrique, Mongo) :

«Celui qui a la diarrhée n’a pas peur de l’obscurité». C’est un proverbe qui ne figure pas dans un ouvrage édité avec Arte.2 Ce catalogue propose de beaux

clichés en couleurs à la «rencontre avec ceux qui soignent autrement». Le monde tourne autour de celui qui vient à leur rencontre : le Dr Bernard Fontanille, médecin urgentiste qui sait prendre le temps de la pause. Qua- trième de couverture : «Des liens humains intenses se tissent, des histoires fortes se jouent sans apologie ni jugement». L’ou- vrage a été coécrit avec la journaliste scienti- fique Elena Sender. Se laisse feuilleter. Sans

déplaisir. Ce sont également des cavernes : on n’y entre guère.

Jean-Yves Nau jeanyves.nau@gmail.com

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1 Bouhier E. Le Grand Cabinet des curiosités médicales.

Paris : Editions Le Passage, 2013.

2 Fontanille B, Sender E. Médecine d’ailleurs. Rencontres avec ceux qui soignent autrement. Paris : Editions de la Martinière/Arte Editions, 2014.

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