Détermination de la vitesse de sédimentaiton par la méthode du Césium 137 dans le Lac de Morat et contrôle par l'analyse pollinique

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Détermination de la vitesse de sédimentaiton par la méthode du Césium 137 dans le Lac de Morat et contrôle par l'analyse pollinique

VERNET, Jean-Pierre, FAVARGER, Pierre-Yves, REYNAUD, C.

Abstract

¹³⁷Cs has been used as a marker with a maximum concentration in 1964 in relation with the great nuclear explosions. On the same sedimentary material a chronostratigraphy has been established by means of pollen analysis. In the case of the Lake Morat basin, Cannabis pollen is shown to be an excellent chronostragraphical marker. The growing of hemp was stopped around 1950. The sedimentation rates calculated by these two different methods are practically similar, the difference being of the order of the experimental error. In conclusion:

one can therefore affirm that ¹³⁷Cs does not diffuse throughout sedimentary accumulation in a lacustrine environment as thought by some authors.

VERNET, Jean-Pierre, FAVARGER, Pierre-Yves, REYNAUD, C. Détermination de la vitesse de sédimentaiton par la méthode du Césium 137 dans le Lac de Morat et contrôle par l'analyse pollinique. In: Steinberg, M. En hommage au Professeur André Rivière. Orsay : Université de Paris-Sud, 1980. p. 239-249

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"EN HOMMAGE AU PROFESSEUR ANDRE RIVIERE"

ORSAY - 1980, p. 239-249

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DETERMINATION DE LA VITESSE DE SEDIMENTATION PAR LA METHODE DU CESIUM 137 DANS LE LAC DE MORAT

ET CONTROLE PAR L'ANALYSE POLLINIQUE

J.-P. VERNET, P.-Y. FAVARGER et C. REYNAUD

ABSTRACT

Laboratoire de Limnogeologie Universite de Geneve

10 Route de Suisse CH - 1290 VERSOIX

137 Cs has been used as a marker with a maximum con- centration in 1964 in relation with the great nuclear explosions. On the same sedimentary material a chrono- stratigraphy has been established by means of pollen a- nalysis. In the case of the Lake Morat basin, Cannabi~

pollen is shown to be an excellent chronostragraphical marker. The growing of hemp was stopped around 1950.

The sedimentation rates calculated by these two dif- ferent methods are practically similar, the difference being of the order of the experimental error. In con- clusion : one can therefore affirm that 137cs does not diffuse throughout sedimentary accumulation in a lacus- tr ine environment as thought by some authors.

..

"."'240-

PREAMBULE

Cette etude a ete effectuee dans le cadre d'un pro- jet financierement assume par le Fonds national suisse de la Recherche scientifique, auquel les auteurs expri- ment toute leur reconnaissance.

Le present travail a ete communique (avec impres- sion d'un resume) au lOeme Congres international de Se- dimentologie a Jerusalem, en 1978 (VERNET et al., 1978).

Plus recernrnent, une partie preliminaire de cette recher- che a ete publiee (FAVARGER et VERNET, 1979). Elle porte essentiellement sur la methodologie utilisee dans le do- rnaine analytique et dans celui du prelevement in situ des echantillons. Nous n'y reviendrons done pas, nous contentant de rappeler qu'un nouveau carottier a ete developpe (FOREL 1) pour un prelevement par plongeur.

Cornpletons · cependant cette information en disant qu'ac- tuellement une nouvelle version de ce carottier (FOREL 2) a ete monte sur une benne "Reinecke" legerement modifiee.

Le but essentiel de cette etude etait d'elucider le probleme de la migration eventuelle du 137cs dans ' la co- lonne sedimentaire. En effet, on admettait jusqu'a rnain- tenant et de fa9on generale une certaine migration per ascensum de cet isotope, bien que cela n'ait ~emble-t-il

jamais ete vraiment prouve. La plupart des dosages 137cs ont ete faits dans le milieu marin et relativement peu en milieu lacustre. C'est d'ailleurs la raison pour la- quelle une etude a d'abord ete conduite dans ce milieu

(VERNET et al., 1977). Actuellernent, cette recherche est poursuivie par l'un des auteurs (F.· RAPIN), dans le ca- dre d'un travail de doctorat portant sur le milieu litto- ral mediterraneen de la region Nice-Villefranche.

Un seul chercheur,

a

notre connaissance, a apparern- rnent resolu la question en utilisant en parallele les deux isotopes 137cs et210pb, sur les sediments du lac de Bienne (NYFFELER, 1975). Neanrnoins, cette fa9on de

faire cornporte un risque qui est le fait que l'on controle une methode isotopique par une autre methode isotopique.

Il est possible que ces isotopes aient un cornporternent identique. C'est pourquoi nous avons pense qu'il etait preferable de controler une methode isotopique par une rnethode purement naturaliste, done essentiellement diffe-

rente. En effet, si l'isotope 137cs peut eventuellement migrer dans la colonne sedimentaire, un grain de pollen ne peut avoir le meme comportement. Le seul risque est la bioturbation par des organismes fouisseurs. Or, l'allure de l'histogramme des teneurs en 137cs nous renseigne sur l'existence ou non de cette bioturbation. Nous pensons done que la voie que nous avons choisie, si elle donne des resultats, est

a

la fois plus sGre et plus convain- cante que celle qui consiste

a

controler la migration e- ventuelle d'un isotope par un autre isotope dont le com- portement est tout aussi sujet

a

^caution.

INTRODUCTION

L'etude d'un bassin sedimentaire implique aussi celle du taux de sedimentation qui varie dans le temps et dans l'espace : les informations attendues s'echelonnent chrono- logiquement entre un an (pour les varnes de craie lacustre) et plusieurs centaines d'annees. La zonation palynologique habituelle ou les datations au cl4 sont alors suffisantes.

Par centre, lorsque l'on aborde des problemes recents OU

subactuels, comme l'eutrophisation ou la contamination d'un milieu, il faut pouvoir dater les sediments avec une unite de temps beaucoup plus petite, de l'ordre de la decade et meme, si possible, de l'annee. Pour cela, nous disposons de l'isotope artificiel 137cs dont la teneur maximum corres- pond

a

l'annee 1964, annee qui a suivi les explosions nu- cleaires les plus importantes. En admettant une permanence

relative du taux de sedimentation durant quelques decades, on ne peut guere dater des sediments anterieurs au deuxieme

-242-

quart de ce siecle.Si l'on veut determiner l'age de depots plus anciens, il convient plutot d'utiliser un isotope du plomb, le 210pb.

Dans certaines circonstances exceptionnelles, les pollens sont aussi utilisables. Ainsi, l'implantation de nombreux pionniers autour des grands lacs nord-americains dans la premiere moitie du 19eme siecle s'accompagne d'une periode de grands defrichements par le feu. Accompagnant les premieres cultures etablies sur les brGlis, on trouve en abondance des ruderales dont l'armoise (Ambko~~a). Dans les sediments du lac Ontario, cette periode se marque, sui- vant les regions, soit par un niveau de cendres, soit par un niveau riche en pollen d'Ambko~~a.

L'apparition d'un pollen peut done etre un marqueur relativement precis de la sedimentation. Il est cependant des cas

OU

l'on obtient le meme resultat par l'observa-

tion de la disparition d'un pollen dans un spectre polli- nique. Ainsi, toujours dans la meme region, s'est repandue

a

partir de New York une maladie qui va eliminer les cha- taigniers. Cette epidemie atteignit la region du lac Onta- rio aux environs de 1935-1940. Il en resulte une nouvelle possibilite de datation par !'analyse sporo-pollinique.

C'est done avec l'espoir de decouvrir de tels mar- queurs que des etudes palynologiques fines ont ete entre- pr ises dans un certain nombre de lacs de notre region.

Jusqu'ici, nous avons decouvert deux marqueurs : l'un par l'apparition d'un nouveau pollen, celui du marronnier

(Ae~culu~), plante vers 1850 (lac du Bourget), l'autre par la disparition du pollen du chanvre (Cannab~~), en 1950, dans le lac de Marat. Pour des sediments plus an- ciens, on a plusieurs taxons lies

a

la colonisation ro- maine, il ya environ 2'000 ans, avec le noyer et la vi- gne principalement.

SITUATION GEOGRAPHIQUE

Le petit lac de Morat est voisin des lacs de Neucha- tel et de Bienne. Situe dans la molasse du plateau, il a un grand bassin versant draine par une riviere principale, la Broye. Il a ete recemment etudie par DAVAUD (1976).

Fig. 1

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Situation geographique du lac de Marat et de son bassin versant.

ANALYSE DU SEDIMENT

Dans la carotte d'environ 20 cm de diametre, on pre- leva des tranches de 0,5, 1 puis 2.crn, au fur et

a

^mesure

que l'on s'eloignait de la surface du sediment. Ces echan- tillons sont immediaternent places dans des recipients her- rnetiques pour pouvoir determiner leur teneur en eau

a

^leur

arrivee au laboratoire. Puis on dose le 137cs (FAVARGER et VERNET, 1979), et l'on s'assure de la presence d'un maximum net correspondant

a

l'annee 1964 (Fig. 3). Ce

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395 mm.

Fig. 2

DIAGRAMME POLLINIQUE : Lac de MORAT (C. REYNAUD) PA Pollens arboreens

PB Pollens des buissons PH Pollens des herbacees

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n'est qu'apres cette etape que l'on subdivise les echan- tillons pour ef fectuer les differentes analyses : paly- nologiques, geochirniques et sedirnentologiques .

Pour chaque echantillon, on cornpte 500 grains de pollen; les resultats sont resumes par le diagrarnme pol- linique (Fig. 2). En se limitant au probleme de la recher- che d'un marqueur, on constate la disparition

a

^{la cote}

250 mm, dans les pollens d'herbacees, de ceux du ^Cannabi~.

Par une enquete menee dans les milieux agricoles on a ap- pris que la culture du chanvre (Cannabi~) avait cesse

dans le bassin du lac de Morat en 1950 (Annales de l'Union suisse des Paysans,

a

Brugg). On a ainsi obtenu une deuxi- eme datation.

RESULTATS PALYNOLOGIQUES

Le diagramme pollinique (Fig. 2) indique

a

gauche les differentes especes arboreennes qui ne presentent aucune variation specifique. La somme de ces pollens est repre- sentee au centre du diagramme sous les sigles PA, PB, re- presentant les pollens des buissons, et PH, ceux des her- bacees. On constate alors que les pollens d'herbacees sont dominants

a

la base du profil : c'est la periode marquee par l'utilisation optimale du sol correspondant

a

^{la der-}

niere ^{gu ~ re.} C'est durant cette phase de cultures inten- sives que celle du chanvre prit une certaine importance pour cesser brusquernent avec la fin de l'econornie de guer- re que la Suisse connut

a

cette epoque.

Pedia~t~um, tout

a

droite du diagrarnme, est une algue assez sensible

a

l'eutrophisation du milieu. Dans ce cas, l'analyse sporo-pollinique indique que la degradation du lac de Morat s'est accentuee dans les annees 60. apres une phase de stagnation marquee par une certaine stabili- te des colonies d'algues vertes.

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loux-de s~dlmenlallon = 0.434 e/cm²/an OU 1 cm/an Fig. 3

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RESULTATS GEOCHIMIQUES

Dans le diagramme de la figure 3, quatre types de resultats sont notes :

1) Teneur en eau et taux de sedimentation.

2) 137cs.

3) Metaux lourds.

4) Nutrients.

On ne constate pratiquement pas d'augmentation des teneurs en metaux lourds au cours des dernieres decades, a l'exception du cadmium et du plomb dont la quantite augmente des 1960, et des fluctuations dans la teneur en mercure aux environs de 1970.

L'evolution des nutrients est par contre beaucoup plus nette, avec une augmentation lente et reguliere des les annees 40, puis une croissance tres forte vers la fin de la derniere decade.

PRECISION DES DATATIONS ET TAUX DE SEDIMENTATION

Sur un si faible espace de temps, on peut estimer que les taux de sedimentation n'ont guere changes. Il sont, suivant la methode de datation utilisee :

137cs Cannab..i-0

1964 1950

=

=

niveau 132 mm niveau 250 mm

10,1 mm/an 9,3 mm/an La difference entre les deux valeurs obtenues est de l'ordre de precision des dates retenues et du pas d'echantillonnage. Elle se traduit sur l'echelle metri- que par un espace de 10 mm au maximum, c'est-a-dire par une approximation d'environ 1 an sur l'echelle chronolo- gique .

Le fait d'exprimer une vitesse de sedimentation en mm par an est trop approximatif. Il faut ponderer ce

chiffre en tenant cornpte de la teneur en eau du sediment.

r r

-248-

Il est done preferable de parler d'un taux de sedimenta- tion et de l'exprimer en grammes de matiere seche par centimetre carre et par an. Dans notre cas, ce taux est en moyenne de 0,434 g/cm2/an pour l'ensemble de la carot- te.

CONCLUSION

La remarquable concordance entre les datations iso- topique et palynologique suggere que le 137cs ne migre pas dans la colonne sedimentaire. Son utilisation

a

^des

fins chronostratigraphiques est done parfaitement justi-

f iee. ^:'

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