Enrichissement en fibres du régime de sevrage du porcelet : influence sur les caractéristiques du tube digestif
et la digestibilité iléale des acides aminés
Paolo TREVISI (1), Jean‐Paul LALLES (2), Christine FAVIER (2), Isabelle LE HUËROU‐LURON (2), Bernard SEVE (2)
(1) DIPROVAL, Université de Bologne, 42100 Reggio Emilia, Italie
(2)Unité Mixte de Recherche Systèmes d’Elevage, Nutrition Animale et Humaine (SENAH), INRA‐Agrocampus Ouest, F‐35590 Saint‐Gilles
Enrichissement en fibres de régime de sevrage du porcelet: Influence sur les caractéristiques du tube digestif et la digestibilité des acides aminés
L’influence de quatre régimes de sevrage complexes différant principalement par la digestibilité des protéines de leur constituants, le niveau et la solubilité des fibres sur les caractéristiques du tube digestif, la digestibilité vraie et les pertes endogènes résultantes d’acides aminés est étudiée chez des porcelets sevrés à 28 jours. L’aliment témoin contient des protéines très digestibles et peu de fibres ; le second aliment renferme des protéines réputées indigestibles au niveau iléal et une faible teneur en fibres ; les deux derniers aliments, également composés de protéines peu digestibles sont enrichis en fibres insolubles ou solubles. Ces aliments sont distribués pendant 2 semaines à 32 porcelets, selon un schéma expérimental équilibré en blocs incomplets. Les protéines indigestibles entrainent un élargissement des cryptes coliques et des activités totales de trypsine et amylase pancréatiques plus élevées que l’aliment témoin (P < 0,05). Les fibres accroissent le poids des tissus digestifs et des contenus intestinaux et la surface des cryptes jéjunales mais elles réduisent les activités spécifiques de la maltase, de la saccharase et de l’aminopeptidase N dans le jéjunum (P < 0,05). Les fibres solubles stimulent le développement de la muqueuse iléale mais réduisent l’activité totale des enzymes pancréatiques (P < 0,05). Malgré les réductions d’activités enzymatiques, l’incorporation de fibres solubles ou insolubles permet d’améliorer la digestibilité iléale vraie des acides aminés des régimes à base de pois, la rapprochant de celle de l’aliment témoin riche en protéines animales, sans augmenter significativement les pertes endogènes. Ces résultats suggèrent que les fibres favorisent une adaptation digestive non enzymatique à l’utilisation des aliments végétaux par le porcelet.
Enrichment in fibre of the weaning diet for piglets : effects on characteristics of the digestive tract and amino acid ileal digestibility
The influence of complex weaning diets differing mainly in protein digestibility of their ingredients and fibre level and solubility on the characteristics of the gastrointestinal tract and the resulting true digestibility and endogenous losses of amino acids was studied in pigs weaned at 28 days of age. Four diets were formulated to contain, for the control diet, digestible protein with a low fibre level; for the second diet, less digestible protein and a low fibre level; and for the last two diets, less digestible protein and insoluble or soluble fibre. The diets were fed for 2 weeks to 32 piglets according to a balanced incomplete block design. Dietary indigestible protein led to an enlargement of colonic crypts and to elevated pancreatic weight and trypsin and amylase specific activities (P < 0.05). Dietary fibre increased the weight of gastric tissue and of intestinal contents, jejunal crypt area and reduced the specific activities of maltase, sucrase and aminopeptidase N in the jejunum (P < 0.05). Soluble fibre stimulated ileal mucosa development but reduced pancreas enzymes total activities (P < 0.05). Despite the decrease in enzyme activities, the enrichment of a diet based on pea in soluble or insoluble fibre improved the true digestibility of amino acids without significant increase in endogenous losses. These results suggest that fibre may induce a non enzymatic digestive adaptation to plant derived feeds in the weaned piglets.
INTRODUCTION
Le sevrage des porcelets à l’aide d’aliments sans antibiotiques facteurs de croissance est un véritable défi. En effet, cette période critique d’élevage est marquée par une anorexie transitoire, des altérations des tissus intestinaux, des diarrhées et des infections (Pluske et al., 1997). Il est connu qu’un apport protéique très supérieur aux besoins a des effets négatifs sur le tube digestif, à cause des fermentations accrues des protéines indigestibles dans le côlon et de la production de composés azotés toxiques pour la muqueuse intestinale (Williams et al., 2001). L’augmentation du niveau de glucides fermentescibles dans le régime peut corriger les effets d’un excès de protéines indigestibles, en apportant de l’énergie à la microflore iléale et colique et en permettant d’utiliser l’azote excédentaire pour la croissance bactérienne (Williams et al., 2001). De plus, les bactéries mises en jeu, principalement des lactobacilles, directement ou via leurs produits de fermentation, contribueraient à limiter l’implantation de bactéries pathogènes (Montagne et al., 2003). Ces hypothèses pourraient expliquer les bons résultats obtenus avec l’incorporation de pulpe de betterave dans l’aliment de sevrage du porcelet (Lizardo et al., 1997). Cependant, ces effets favorables risquent d’être contrecarrés soit par une réduction de la digestibilité vraie des protéines, soit par la stimulation des pertes azotées endogènes (Schulze et al., 1995). En outre, quelle que soit leur fermentescibilité, les fibres augmentent le volume des digesta et stimulent fortement la motricité gastro‐intestinale en ralentissant le transit dans le tube digestif antérieur (Boudry et al., 2004).
Le but du présent travail est d’étudier l’impact potentiellement positif sur le tube digestif du porcelet sevré de l’enrichissement en fibres d’une ration de sevrage formulée avec des matières premières conventionnelles pour apporter des protéines peu digestibles et différentes teneurs fibres insolubles et solubles, mettant à profit les travaux analytiques de Bach Knudsen (1997). L’impact réel de la composition de l’aliment sur la digestibilité vraie et les pertes endogènes de protéines est mesuré par marquage de l’animal à l’azote 15N.
1. MATERIEL ET METHODES
1.1. Plan expérimental, animaux et régimes
La composition des aliments est présentée dans le tableau 1.
L’aliment témoin (PDFF) est riche en protéines digestibles (PD) et contient peu de fibres (FF). Les trois régimes expérimentaux, plus complexes, renferment 28 % de pois. Le premier présente une faible teneur en fibres (PIFF) alors que les deux autres sont enrichis en fibres insolubles (PIHFI) principalement sous forme de son de blé, ou solubles sous forme de pulpe de betterave (PIHFS). Des suppléments d’acides aminés libres sont ajoutés pour ajuster les apports digestibles par unité d’énergie nette aux recommandations de Sève (1994).Trente deux porcelets de race Piétrain x (Large White x Landrace) du troupeau expérimental de l’INRA de Saint‐Gilles ont été sevrés à 28 jours d’âge. Ils proviennent de 16 blocs de deux porcelets constitués intra‐portées et ayant le même poids au sevrage. Les porcelets de chaque bloc sont assignés à deux parmi les quatre aliments, selon un plan équilibré en blocs incomplets. L’aliment est distribué deux fois par jour (à 9h et 15h) sous forme de soupe (eau :aliment 1 :1 puis 1 :1.5). Les quantités augmentent linéairement à partir du
sevrage pour atteindre 650 KJ d’énergie nette par kg de poids métabolique (PV0,75) au 7ème jour. L’eau de boisson est disponible à volonté. La température et l’hygrométrie de la salle de sevrage sont maintenues respectivement à 28 °C et 60% pendant toute la durée de l’essai. Les porcelets ont subi le jour du sevrage la pose de deux cathéters sous anesthésie générale, l’un dans la veine jugulaire pour les perfusions, l’autre dans l’artère carotide pour les prélèvements sanguins (Hess et al. 2000). Les perfusions de [15N]leucine 99% APE, en solution aqueuse, à raison de 9 mg par kg PV0,75 par jour démarrent une semaine après sevrage et sont poursuivies jusqu'à la fin de l'expérience.
Tableau 1 – Composition des aliments expérimentaux (g/kg)
Régime1
PDFF PIFF PIHFI PIHFS
Ingrédients
Blé2 240,00 ‐‐ ‐‐ 31,00
Orge2 250,00 ‐‐ ‐‐ ‐‐
Maïs(2) ‐‐ ‐‐ 46,00 ‐‐
Tourteau de soja(2) 160,00 233,00 180,00 250,00 Tourteau de colza(2) ‐‐ 115,00 50,00 55,00
Tourteau de tounesol(2) ‐‐ 50,00 ‐‐
Pois(2) ‐‐ 280,00 280,00 280,00
Son de blé2 ‐‐ 165,30 ‐‐
Pulpe de betterave(2) ‐‐ ‐‐ ‐‐ 100,00
Maltodextrine 70,60 176,50 ‐‐ 43,60
Poudre de lactosérum 150,00 150,00 150,00 150,00
CPSP 82,50 ‐‐ ‐‐ ‐‐
Huile de tournesol 6,00 8,70 43,00 54,00
Carbonate de calcium 15,00 14,90 18,20 12,60 Phosphate monoCa
2H2O 16,50 13,70 7,80 14,70
Chlorure de sodium 0,50 0,50 0,50
Prémix 5,00 5,00 5,00 5,00
L‐lysine HCl 1,85 ‐‐ 1,10 0,25
DL‐méthionine 1,20 2,00 2,00 2,35
L‐thréonine 1,05 0,55 0,90 0,80
L‐tryptophane 0,30 0,15 0,20 0,20
Oxyde de chrome 3 3 3 3
Nutriments, g/kg
Matière sèche 900 898 887 896
Protéines brutes
(N x 6,25) 229 239 235 246
Protéines indigestibles3 26 35 37 35
Matières grasses 27,1 21,3 60,7 65,6
Fibres solubles4 29,2 31 33,5 67,1
Fibres insolubles4 75,8 81 132,8 109,8
Fibres totales4 109,4 131,8 192,2 195
Lysine digestible3 12 11,5 11,5 11,5
Energie nette (MJ/kg)3 10 9,6 9,6 9,6
1PDFF, protéines digestibles‐faible teneur en fibres ; PIFF, protéines
indigestibles‐faible teneur en fibres ; PIHFI, protéines indigestibles‐forte teneur en fibres insolubles ; PIFFS, protéines indigestibles‐forte teneur en fibres solubles. 2Broyage à marteau, grille de 1.8 mm
3Calculé à partir des tables INRA‐AFZ (Sauvant et al. 2004)
4Calculé à partir de la composition des ingrédients selon Bach Knudsen et al., (1997)
1.2. Abattage des porcelets et échantillonnage des tissus et contenus digestifs
Au matin du 16ème jour après le sevrage, les porcelets font l’objet d’un premier prélèvement sanguin à jeun puis reçoivent leur dernier repas. Trois prélèvements sanguins à l’état nourri, puis l’abattage par électronarcose et saignée sont effectués 1h30, 3h et 4h30 puis 6h après le repas, respectivement. Les plasmas correspondants sont extraits par centrifugation, poolés et conservés à ‐20°C. Le pancréas est disséqué et pesé
et des échantillons sont prélevés, congelés dans l’azote liquide et conservés à – 80°C. L’estomac, l’intestin grêle et le gros intestin sont séparés du mésentère puis pesés pleins et vides.
L’intestin grêle est divisé en trois segments (proximal, médian et iléal, correspondant respectivement à 40, 40 et 20% de la longueur). Les contenus du segment iléal sont congelés à ‐20°C pour être lyophilisés et analysés en vue des mesures de digestibilité. Le côlon est divisé en deux segments d’égale longueur. Des portions de 50 cm de longueur sont prélevées au milieu des segments d’intestin grêles puis divisées en deux et pesées. La muqueuse de la première partie est grattée, aliquotée, congelée dans l’azote liquide et conservée à ‐80°C.
Le résidu, séreuse plus musculeuse, est pesé. Dans la seconde partie de chaque portion de segment de petits morceaux d’intestins (0,5 x 0,5 cm) sont fixés dans du formol tamponné en vue des mesures des villosités et des cryptes.
1.3. Mesures et analyses de laboratoire
Les villosités et les cryptes de l’intestin grêle, les cryptes du colon, les teneurs tissulaires en protéines et les activités enzymatiques de l’intestin grêle (maltase, saccharase et aminopeptidase N) et du pancréas (trypsine et amylase sont mesurées et analysées respectivement selon des méthodes préalablement décrites (Montagne et al., 2007). Les activités enzymatiques spécifiques et totales sont calculées par mg de protéines et par kg de poids vif, respectivement. Les teneurs en oxyde de chrome, en azote et en acides aminés ainsi que les enrichissements en 15N de ces derniers dans le pool libre plasmatique et les protéines des contenus iléaux, sont analysés selon les méthodes préalablement décrites (Hess et al., 2000). La proportion d’acides aminés endogènes dans le flux iléal est estimée en rapportant l’enrichissement de l’acide aminé du contenu iléal à celui de l’acide aminé plasmatique. La digestibilité apparente est calculée grâce au marqueur indigestible. La digestibilité vraie est calculée à partir de la digestibilité apparente, en soustrayant la perte endogène de l’indigestible apparent.
1.4. Analyses statistiques
Les données sont analysées par la procédure GLM de SAS (SAS Institute Inc., Cary, NC, USA), l’effet des régimes étant testé par rapport à la variation résiduelle intra‐blocs. Trois contrastes ont été calculés: contraste 1 : régime 1 versus les 3 autres (dépourvus versus enrichis en protéines indigestibles) ; contraste 2 : régimes 1 et 2 versus régimes 3 et 4 (faible teneur en fibres versus teneur plus élevée), et contraste 3 : régime 3 versus régime 4 (fibres insolubles versus fibres solubles). Le seuil de signification retenu est de 0,05.
2. RESULTATS
2.1. Résultats zootechniques
Il n’y a pas de différences significatives entre régimes pour les poids vifs initiaux et finaux [données non montrées ; poids initial et final moyens de 7,6 (SD, ± 0,11) et 10,3 ± 0,2 kg] et pour le gain de poids vif moyen quotidien (300 ± 10 g) des porcelets.
Les consommations moyennes journalières d’aliments sont respectivement de 300, 304, 287 et 263 g (ETR = 29 g) pour les régimes PDFF, PIFF, PIHFI et PIHFS. Bien que les différences observées entre régimes ne soient pas significatives (P = 0,12), l’analyse des contrastes révèle une consommation plus faible avec les régimes enrichis en fibres par rapport aux régimes à faible teneur en fibres (P <0,05).
2.2. Poids des contenus et des tissus digestifs, morphologie de la muqueuse intestinale
L’enrichissement en fibres du régime augmente significativement le poids des contenus digestifs à l’exception de ceux de l’estomac et du côlon distal (données non montrées). Il augmente également le poids de l’estomac et du colon proximal, mais pas de l’intestin grêle ni des autres segments du gros intestin.
Tableau 2 – Influence des régimes sur le poids des organes digestifs et la morphologie de la muqueuse intestinale
Régime(1) Signification statistique(2)
PDFF PIFF PIHFI PIHFS ETR Rég C1 C2 C3
Poids des tissus (g/kg PV)
Pancréas 1,38b 1,55 b 1,75 a 1,57 ab 0,14 0,03 0,11 0,13 0,09
Estomac 7,2 ab 6,9b 7,4 ab 8,1a 0,6 0,04 0,44 0,02 0,12
Intestin grêle distal 8,6 b 9,0 b 9,1 b 11,0 a 1 0,02 0,56 0,07 0,02
Gros intestin 13,6 b 14,9 ab 16,4 a 16,9 a 1,6 0,05 0,27 0,07 0,64
Côlon proximal 6,3 b 7,1 ab 8,3 a 8,1 a 0,8 0,02 0,23 0,02 0,8
Poids muqueuse intestinale (g/kg PV)
Intestin grêle distal 3,3 b 2,8 b 3,2 b 5,0 a 1 0,04 0,4 0,05 0,03
Surface des cryptes (µm²)
Intestin grêle médian 12570 b 12129 b 13310ab 14386 a 1118 0,04 0,57 0,02 0,26
Profondeur des cryptes (µm)
Intestin grêle médian 248 245 269 270 17 0,07 0,79 0,02 0,94
Largeur des cryptes (µm)
Intestin grêle médian 53 52 52 57 3 0,09 0,6 0,09 0,08
Côlon proximal 56 b 67 a 62 ab 65 a 5 0,03 <0,01 0,14 0,25
1voir tableau 1
2ETR, écart‐type résiduel; (a,b)Les moyennes d’une même ligne affectées de lettres différentes diffèrent au seuil P < 0,05 ; Rég., régime ; C1, contraste 1 (PD versus PI) ; C2, contraste 2 (FF versus HF) ; C3, contraste 3 (FI versus FS)
Le poids de muqueuse est élevé chez les porcelets consommant l’aliment enrichi en fibres solubles (Tableau 2).
La différence est significative non seulement avec les régimes pauvres en fibres mais aussi avec le régime enrichi en fibres insolubles (P < 0,03).
Les caractéristiques morphologiques des cryptes sont plus sensibles à la composition du régime que celles des villosités (données non montrées). La profondeur et la surface des cryptes de l’intestin grêle médian sont augmentées par l’enrichissement du régime en fibres (P < 0,05). Au même site, la largeur des cryptes tend à être plus élevée avec le régime enrichi en fibres solubles qu’avec les autres régimes.
Enfin, quel que soit l’apport de fibres, l’ingestion d’aliment enrichi en protéines indigestibles conduit au niveau du côlon proximal à des cryptes beaucoup plus larges que l’ingestion du régime témoin riche en protéines digestibles (P < 0,01).
2.3. Activités enzymatiques de la muqueuse de l’intestin grêle et du pancréas
L’enrichissement en fibres réduit très significativement les activités enzymatiques spécifiques de la muqueuse de l’intestin grêle médian (P < 0,001), cet effet étant moins accentué au niveau de l’intestin grêle distal (Tableau 3).
Les activités totales des enzymes pancréatiques dosées sont plus élevées avec les régimes enrichis en protéines indigestibles qu’avec le régime témoin (P < 0,05). L’activité spécifique de la trypsine est significativement réduite par l’enrichissement en fibres (P < 0,05). Cet effet apparaît plus marqué dans le cas du régime enrichi en fibres solubles qui entraîne une activité totale significativement plus faible que celle permise par le régime riche en fibres insolubles (P <
0,05), la même tendance étant observée dans le cas du poids du pancréas (tableau 2 ; P = 0,09).
Tableau 3 ‐ Influence des régimes sur les activités spécifiques (µmole de substrat hydrolysé/min/mg protéine) des enzymes digestives de la muqueuse de l’intestin grêle et du pancréas
Régime(1) Signification statistique(2)
PDFF PIFF PIHFI PIHFS ETR Rég C1 C2 C3
Maltase
Intestin grêle médian 0,70a 0,59 a 0,42 b 0,40 b 0,12 0,01 0,2 0,01 0,82
Saccharase
Intestin grêle médian 0,096 a 0,091 a 0,057 b 0,054 b 0,013 <0,001 0,58 <0,001 0,72
Aminopeptidase N
Intestin grêle médian 0,111 a 0,115 a 0,071 b 0,065 b 0,02 <0,01 0,63 <0,001 0,61
Intestin grêle distal 0,085 0,121 0,075 0,063 0,034 0,07 0,15 0,01 0,48
Trypsine pancréatique(3)
AS (UI/mg protéine) 0,278ab 0,306a 0,272ab 0,229b 0,046 0,09 0,36 0,04 0,19 AT (UI 10‐3/kg PV) 48,3 b 67,6 a 68,3 a 50,8 b 9,9 0,02 0,02 0,14 0,03
Amylase pancréatique(3)
AT (UI/kg PV) 9,5 c 14,3 a 14,1 ab 11,1 bc 2,9 0,05 0,02 0,2 0,1
1voir tableau 1
2voir tableau 2
2.4. Digestibilité et pertes endogènes d’acides aminés au niveau iléal
Les mesures d’utilisation digestive apparente confirment l’infériorité du régime expérimental non enrichi en fibres par rapport au régime témoin (P<0,05). La différence ne s’explique pas par une augmentation des pertes endogènes (P>0.10) mais par une réduction de l’utilisation digestive vraie (P<0.05). De façon surprenante, au même niveau
d’incorporation de pois dans la ration, l’enrichissement en fibres solubles ou insolubles améliore significativement la digestibilité apparente (P<0.05) dont les valeurs se rapprochent de celle du régime témoin.
Cette amélioration s’explique là aussi essentiellement par une stimulation de l’utilisation digestive vraie (P<0.05), les pertes endogènes tendant à augmenter numériquement, notamment avec les fibres solubles, mais non significativement.
Tableau 4 – Digestibilité iléale apparente, pertes endogènes et digestibilité vraie de la somme de 10 acides aminés (isoleucine, leucine, valine, phénylalanine, alanine, glycine, sérine, proline, a. glutamique, a. aspartique), en % de l’ingéré.
Régime(1) Signification statistique(2)
PDFF PIFF PIHFI PIHFS ETR Rég C1 C2 C3
Digestibilité iléale apparente 66,3 b 53,3 a 63,5 b 65,1 b 10,4 0,07 0,13 0,35 0,45 Pertes iléales endogènes 11,2 a 11,6 a 12,3 a 13,8 a 3,8 0,75 0,53 0,34 0,58 Digestibilité iléale vraie 77,6 b 64,9 a 75,7 b 78,9 b 7,6 <0,05 0.31 0.09 0.58
1voir tableau 1
2voir tableau 2
3. DISCUSSION
L’objectif principal de ce travail était d’approfondir l’intérêt de l’enrichissement en fibres solubles ou insolubles de régimes de sevrage formulés essentiellement à base de protéines végétales peu digestibles. Les données zootechniques ont confirmé l’absence d’effet dépressif des fibres et notamment des fibres solubles apportées dans la pulpe de betterave sur les performances (Lizardo et al.1997).
Nos observations ne permettent pas d’étudier très spécifiquement les effets des protéines indigestibles et des fibres solubles ou insolubles, compte tenu de l’intervention de facteurs confondants liée à l’utilisation de matières premières conventionnelles pour la formulation des aliments expérimentaux, mais ils apportent un éclairage intéressant sur l’adaptation du porcelet à ce type de ration.
En l’absence de confirmation d’une faible digestibilité des régimes à base de pois enrichis en fibres, les différences entre le régime témoin et les régimes expérimentaux doivent trouver une autre explication. En effet, l’impact de type adaptatif des protéines indigestibles sur la fonction pancréatique déjà rapporté chez le porcelet (Newport et Keal, 1982) n’explique que le résultat trouvé avec le régime à base de pois non enrichi en fibres. Il est possible dans ce dernier cas que la présence de 10,5 % de tourteau de colza joue un rôle. L’élargissement des cryptes coliques pourrait permettre une augmentation des sécrétions de mucines dans le gros intestin, un effet qui, compte tenu des résultats de digestibilité, ne serait pas spécifique des protéines indigestibles, mais aussi bien des produits de fermentation des fibres voire de l’amidon résistant du pois.
En accord avec les résultats présents, l’augmentation du taux de fibres dans le régime conduit le plus souvent à une augmentation du poids des contenus et des tissus digestifs (Wenk, 2001). Selon Wyatt et al. (1988) l’augmentation de la masse de digesta serait responsable de celle des tissus du gros intestin quelle que soit la nature des fibres.
L’augmentation du taux de fibres dans la ration a accentué la profondeur et la surface des cryptes de l’intestin grêle médian, et a réduit de 30 à 40% les activités de la saccharase et de l’aminopeptidase N dans ce segment. Ceci a aussi été observé chez le rat consommant divers types de fibres fermentescibles ou non (Johnson et Gee, 1986).
L’aliment enrichi en fibres solubles par un apport de pulpe de betterave, a stimulé la croissance des tissus iléaux, probablement en réponse à une augmentation des fermentations dans ce compartiment digestif. La pulpe de betterave est bien connue pour sa fermentescibilité élevée dans l’iléon (Williams et al., 2001). Les fibres solubles stimulent la prolifération cellulaire épithéliale dans l’iléon et le côlon des rats et cet effet est absent chez les animaux axéniques (Goodlad et al., 1989). Cependant, nous n’avons
pas observé d’effets sur la morphologie des cryptes. Ce résultat suggère que la muqueuse iléale a augmenté sa masse majoritairement par fission des cryptes car la prolifération cellulaire et la fission des cryptes sont considérés comme deux mécanismes indépendants mais complémentaires pour augmenter la masse de muqueuse des intestins (Berlanga‐Acosta et al., 2001).
Comparativement à l’enrichissement en fibres insolubles, l’enrichissement de l’aliment en fibres solubles a réduit les activités de la trypsine et de l’amylase pancréatiques. Cet effet pourrait être dû aux acides gras volatils produits par la fermentation des fibres solubles (Sileikiene et al., 2005).
L’augmentation du taux de fibres totales dans l’aliment conduit généralement à une baisse de digestibilité de tous les composants alimentaires (Le Goff et al., 2002), notamment par la stimulation des pertes endogènes (Schulze et al., 1995). L’augmentation de digestibilité vraie des acides aminés sans augmentation significative des pertes endogènes est donc surprenante au regard des effets observés sur les activités enzymatiques intestinales et pancréatiques.
CONCLUSION
Les résultats importants de cette étude sont les suivants : les constituants alimentaires indigestibles, et pas seulement les protéines, entrainent une adaptation pancréatique ; l’augmentation du taux de fibres alimentaires a un impact apparemment négatif sur le développement fonctionnel du jéjunum ; toutefois, les fibres solubles stimulent le développement de la muqueuse iléale ; enfin, de façon surprenante, l’enrichissement en fibres solubles ou insolubles d’un aliment de sevrage à base de pois améliore la digestibilité de ses acides aminés portant celle‐ci à des valeurs proches de celles d’un aliment témoin riche en protéines animales.
Ces résultats suggèrent que les fibres favorisent une adaptation fonctionnelle non enzymatique à l’utilisation des aliments végétaux par le porcelet. Les mécanismes de cette adaptation, que ce soit au niveau de la régulation du transit gastro‐intestinal ou de l’optimisation des sécrétions non enzymatiques, méritent d’être approfondis.
REMERCIEMENTS
L’Union Européenne (UE) est remerciée pour son aide financière dans le projet HEALTHYPIGUT (contrat n° QLK5‐CT 2000‐00522). Les auteurs sont seuls responsables de ce texte qui ne représente pas l’opinion de l’UE, et l’UE n’est pas responsable du contenu de ce texte. Le personnel des installations expérimentales et du laboratoire de l’INRA‐
SENAH est remercié pour la conduite des animaux et la réalisation des analyses de laboratoire, respectivement.
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