Clin d’œil à Lucie Granville, Orage.
Dix-heures tintent au loin. Le soleil printanier tarde à darder les nuées. La corde tendue des arcs-en-ciel semble prisonnier d’une main d’acier trempé. Gantée d’un gris de plomb, cette main titanesque tétanisée empêche l’horizon de décocher ses flèches irisées. Soudain un char de feu se précipite à travers une pluie de sagaies. Sous mes yeux un
TER bleuté — train régional électrisé — tranche en
diagonale la campagne de Bretagne. Entraîné par le courant au travers des colzas, le bleu azuré du métal éclabousse le jaune éclatant des pétales. Par l’alchimie des mélanges, et de vert gras et de vert tendre la machine pare prés et bois alentours qui s’étalent. Dans les cieux noirs diluviens vient à percer un rayon : un petit rais d’argent, le dard pointé d’un soleil argenté. Dans la lumière se fond alors l’obscurité : le jour n’est plus, l’obscur a disparu. Étrange vision ! A l’horizon point une clarté nouvelle. Il se dégage du paysage des couleurs fluorescentes. Sous cet infime pinceau de lumière, la campagne est un Vermeer, un
Chagall que rien d’autre n’égale… Rien d’autre ? Si,
peut-être cet éclair que je vénère, ce mystère dans vos yeux qui me foudroya naguère.