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Et si le dossier médical électronique était inutile

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Vol 61: october • octobre 2015

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Canadian Family PhysicianLe Médecin de famille canadien

831

Éditorial

Et si le dossier médical électronique était inutile

Roger Ladouceur

MD MSc CCMF FCMF, RÉDACTEUR SCIENTIFIQUE ADJOINT

C

e mois-ci, dans le Médecin de famille canadien, nous vous proposons le débat « Pour ou contre le dossier médical électronique (DME) ». Deux pro- tagonistes y débattent des vertus présumées du DME;

Manca énonce ses avantages (page 850)1, alors que Greiver expose ses côtés négatifs (page 852)2.

Il peut paraître étrange de présenter un débat sur ce sujet alors que la plupart des médecins utilisent déjà le DME. En effet, selon le dernier sondage national des médecins (2014), près de 80 % des médecins canadiens (médecins de famille ou omnipraticiens et autres spé- cialistes) utilisent déjà une combinaison de dossiers papier et électroniques pour entrer et récupérer les don- nées cliniques sur leurs patients, et 42 % utilisent unique- ment le DME. Qui plus est, lorsqu’on les questionne sur ce qu’ils pensent du DME, la plupart (65,4 %) croient que les soins aux malades s’en trouvent « beaucoup amélio- rés » ou « améliorés »3. Face à de tels chiffres et opinions, s’il fallait que ce débat révèle que le DME n’est pas aussi utile qu’on l’a cru ou espéré, il serait bien difficile d’en convaincre tous ses adhérents. Et pourtant …

Sans vouloir dénigrer les arguments de Manca, force est de reconnaître que ceux évoqués par Greiver ne sont pas sans faire réfléchir. Alors même que cette dernière était l’une des instigatrices du DME dans son milieu, et qu’elle s’est vu décerner le prix du meilleur article de recherche dans le Médecin de famille canadien en 2012 pour ses travaux en ce domaine4, elle affirme mainte- nant que l’ensemble des preuves démontrant une amé- lioration de la qualité des soins aux patients arrivent à des résultats contradictoires et, somme toute, neu- tres; qu’il y a peu d’évidence que le DME améliore la santé des patients; que la dispensation des pratiques préventives ne s’en trouve pas améliorée; et que les preuves de l’amélioration de l’efficacité des médecins font défaut, tout comme celles relatives à la satisfac- tion des patients. Rien de moins! Tout un constat pour une « innovation » qui coûte si cher et qui consomme tant d’énergie et de temps!

D’autant plus que Greiver n’est pas la seule à mettre en doute les avantages du DME. Plusieurs rapports et méta- analyses arrivent à des constats semblables. En 2011, Lau et coll. ont revu la littérature sur ce sujet et ont con- clu que 22 des 43 études (51,2 %) et 50 des 109 mesures individuelles (45,9 %) montraient un effet positif, alors que 8 des 43 études (18,6 %) et 20 des 109 mesures  (18,3 %)

avaient un impact négatif, et que les autres études ne révélaient aucune influence5.

En 2014, un rapport de l’Institut de recherche de l’Hôpital d’Ottawa formulait des réponses précises aux questions souvent soulevées par le DME. Ainsi, à la question : « Est-ce que le DME améliore la qualité des soins? », le rapport indique : selon les premières revues systématiques et certaines études primaires, le DME a un impact positif; toutefois, selon les revues subséquen- tes, son impact est plutôt neutre. Les preuves demeu- rent contradictoires. À la question : « Est-ce que le DME améliore la santé des patients? », la réponse est : Les preuves d’un rapport entre le DME et les résultats pour les patients font défaut et selon les preuves qui existent, le DME n’a pas d’impact à ce niveau6. Tout un constat!

Sans compter qu’il est fort probable que le DME puisse aussi compromettre la communication médecin-patient. Dès que vous quittez du regard votre patient pour scruter votre écran—ou vos écrans—afin de saisir votre note clinique, de rechercher les résultats de laboratoire, de visualiser les radio- graphies, de retrouver les avis des consultants ou même d’ouvrir le dossier maître du patient, vous donnez l’impression de ne plus être avec lui. Songez seulement à votre réaction quand vous êtes avec vos enfants ou vos amis, et que ceux-ci se mettent à parcourir leur tablette ou leur téléphone intelligent. Ils donnent alors l’impression d’être absents, même si ce n’est ni le cas, ni leur intention. Pas surprenant qu’on ait souvent dit du DME qu’il était « comme un éléphant dans la pièce ». Or, la communication médecin- patient est l’un des principes fondamentaux de la médecine familiale : « La relation médecin/patient constitue l’essence du rôle du médecin de famille »7. On aura beau améliorer le DME, implanter des systèmes de reconnaissance de la voix, en faciliter l’accès, imaginer des gabarits plus convi- viaux, établir des liens plus rapides, le DME devra faire ses preuves. C’est loin d’être le cas actuellement.

Mais le plus paradoxal dans cette histoire est que même si l’on arrivait à la conclusion que le DME était inutile et compromettait la communication, cela ne changerait rien. Le DME est là pour rester. Tout comme les autres innovations technologiques qui ont marqué l’histoire de la civilisation. Le DME va s’implanter comme le téléphone, la télévision, le cellulaire et l’Internet.

Rappelons-nous simplement que le DME est un outil inventé pour nous aider. Rien de plus. Il ne remplacera jamais la relation médecin-patient. Il ne remplacera jamais la relation humaine.

Références à la page 829

This article is also in English on page 829.

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