R EVUE DE STATISTIQUE APPLIQUÉE
M. G. K ENDALL
La construction des modèles et les problèmes qui s’y rattachent
Revue de statistique appliquée, tome 17, n
o2 (1969), p. 5-19
<http://www.numdam.org/item?id=RSA_1969__17_2_5_0>
© Société française de statistique, 1969, tous droits réservés.
L’accès aux archives de la revue « Revue de statistique appliquée » (http://www.
sfds.asso.fr/publicat/rsa.htm) implique l’accord avec les conditions générales d’uti- lisation (http://www.numdam.org/conditions). Toute utilisation commerciale ou im- pression systématique est constitutive d’une infraction pénale. Toute copie ou im- pression de ce fichier doit contenir la présente mention de copyright.
Article numérisé dans le cadre du programme Numérisation de documents anciens mathématiques
http://www.numdam.org/
5
LA CONSTRUCTION DES MODÈLES
ET LES PROBLÈMES QUI S’Y RATTACHENT(1)
M. G. KENDALL
DEFINITION D’UN MODELE
1 - Au cours de ces dernières
années,
on a usé ou même abusé du terme"modèle" pour
désigner
presque toutes les tentatives faites en vue depréci-
ser un
système qu’on
étudiait. Il y a desdivergences
de vues sur la naturedes
spécifications qui permettent
la construction d’unmodèle,
dansl’accep-
tation
scientifique
du mot. Je ne voudrais pas entrer dans une discussiontrop poussée
sur le thème desdéfinitions ; trop
discuter despoints
fondamentaux est souvent unsigne
d’incertitude ou de manque de sécurité.Toutefois,
ilnous faudrait
peut-être
commencer cette conférence par une sorted’aperçu
sur la nature de notre
sujet.
2 - Un "modèle" ne
signifie
pasnécessairement,
ni mêmehabituellement,
une
réplique physique
d’unsystème,
au sens danslequel
un constructeur d’avionsfabrique
un modèle pour étudier son comportement dans un tunnelaérodynamique
ou un astronome établit unplanétaire. Parfois,
nos modèles sont effectivement des machinesphysiques ;
il y a même des cas(comme
par
exemple
celui dupremier
modèlehydro-dynamique
duprofesseur Phillips représentant
unsystème économique)
où une série de relations nonphysiques
sont imitées par un
système physique.
Dans lamajorité
des cas,toutefois ,
nous entendons par "modèle" une définition des relations
d’interdépendance
entre les différentes
parties
d’unsystème,
en termes verbaux ou mathéma-tiques,
suffisamment claire etexplicite
pour nouspermettre
d’étudier le com-portement
dusystème
dans unegrande
variété de circonstances et,plus
par-ticulièrement,
pour nouspermettre
de le contester et deprédire
son avenir .3 - Un
simple
coup d’oeil aux revues habituelles nous montrera la gamme très étendue desujets qui
se basent maintenant sur la construction et l’ana-lyse
de modèles. Plus ou moins auhasard, je prends
lesexemples
suivantsdans la littérature
publiée
au cours de ces dernières années :a)
Une étude de Parks(1964)
sur la naissance des incendies de forêtsen Californie et la manière de les maitriser.
(1) Nous remercions le Professeur M. G. Kendall d’avoir bien voulu nous autoriser à
publier la traduction de cette conférence présentée à "Proceedings of the CEIR
(Conference on Mathematical Model Building in Economies and Industry), et qu’il
avait accepté de faire lors des réunions que le Centre de Formation avait organi- sées en Mai 1968 (réunions supprimées en raison des évènements). (N.D.L.R.).
Revue de Statistique Appliquée, 1969 - vol. XV I I - N° 2
6
b)
Une étude deKilbridge
& Webster(1966)
sur la meilleure division du travail dans une chaîned’assemblage
continue dans une usine.c)
Une étude deDill,
Gaver & Weber(1965)
sur l’avancement desemployés
en passant par les différentsdegrés
depromotion,
dans une hié- rarchie.d)
Un groupe d’études(Cootner,
éd.1964)
sur lecomportement
de la Bourse etquelques
étudesanalogues
par Markovitz(1959)
et Fama(1965)
surl’analyse
d’unportefeuille
de valeurs mobilières.e)
Une étude de Fox(1965)
sur la formation des nuages.f)
Différentsarticles,
comme celui de Gani & Yeo(1965)
sur la re-production
enphase.
Certains processus de mutation engénétique.
g)
L’étude de Horvath(1966)
sur la formation des groupes sociaux.h)
Les études de Charnes & collaborateurs(1965)
et de Keller(1965)
sur la commercialisation de
produits
nouveaux.On
pourrait allonger
cette liste presquejusqu’à l’infini,
car on trou-verait difficilement une branche de la science ou de l’industrie
qui échappe
àl’oeil du constructeur de modèles.
4 -
Or,
il n’est nullement évident que toutes ces différentesapplications
sebasent sur un ensemble de théories communes ou sur un groupe de
techniques
communes. Nous ne savons pas encore s’il est
possible
d’écrire un livre sur"La théorie de la construction des modèles".
Toutefois,
de mêmequ’il
existe une série de
problèmes
debase,
il existe aussi la nécessité d’avoirune
technique
debase, partagée
par tous ceuxqui pratiquent
la construction de modèles. Dans le cadre de cetexposé,
nous n’avons pas besoin de passeren revue le
champ
entier - enfait,
nous ne lepourrions
pas. Notre inté- rêt se limitera aux modèles au senséconomique large,
que l’on rencontre dans lessystèmes industriels,
commerciaux etéconomiques,
etje
pense quenous constaterons que,
quel
que soit le pays etquel
que soit le butauquel
est destiné le
modèle,
lesproblèmes
et lestechniques
nécessaires pour les résoudre forment effectivement unsujet
unifié. Tout aumoins,
c’est là undes résultats que nous
espérons
découvrir.LES MODELES ET LES DECISIONS
5 - Il existe un
point préliminaire qui
demande à être clarifié. Le terme"modèle"
pourrait
laisser sous entendre que nous essayons de construire un microcosme dusystème
enquestion,
en ce sens que le modèle imitera lecomportement
de sacontrepartie macroscopique,
sous tous lesrapports.
Or tel n’est pas le cas. Lessystèmes
que nous aurons à étudier sont bientrop compliqués
pourpermettre quelque
chose de ce genre et nous découvrirons - tout au moinsje
le pense -qu’il
nous faut continuellement réfréner l’ambi- tion que nouspourrions
avoir de construire des modèlesayant
une valeurgénérale trop grande.
Ou encore, pour nousexprimer
en d’autres termes ,nous construisons des modèles pour
répondre
à des butsspécifiques,
et nonpour satisfaire à tous les buts
possibles. Quand
nous nous engageons dans la construction d’unmodèle,
lapremière question qu’il
faut se poser estRevue de Statistique Appliquée, 1969 - vol. XVII - N° 2
7
donc celle-ci :
qu’en ferai-je, quand je
l’auraidisponible ?
Pour nousexpri-
mer encore en d’autres termes, la
façon
dont nous construisons un modèledépend
de la décisionqu’il doit, en
dernièreanalyse,
nous aider àprendre.
Une des
conséquences
de ce que nous venons de dire est que nous pouvons avoir des modèles totalement différents du mêmesystème, répondant
à desbuts différents. Le modèle d’une société anonyme, établi dans le but de dresser les
plans
deplacement
de soncapital, peut
être très différent du modèle de la mêmesociété,
établi dans le but dresser leplan
de circula- tion desinformations,
et tous deux seront différents d’un modèle des exi- gences en fait de main d’oeuvre.6 -
Personnellement, je
suis même tenté d’allerplus loin,
et de proposer que la construction de modèles commence par des modèlessimples
et mo-destes - ce que
je
dis ici s’entend d’unefaçon
tout à faitgénérale -
et quece travail de construction tende vers des
systèmes
deplus
enplus compli- qués,
parintégration, plutôt
que de commencer enessayant
d’établir des modèlesgénéraux.
Il y a là certainsdangers ;
mais lesdangers
existentpartout quand
on traite de cesujet.
Unesimplification
excessive peut ne pas imiter lesystème
d’une manière suffisammentadéquate.
Leprofane
est par- faitement en droit de se méfier d’un modèlebrut, qui
ne tient pascompte
de certainsaspects
dusystème,
dont il connaît l’existence etqu’il
croitêtre
importants.
Maisje
crois que la solution de cette difficultéparticu-
lière réside engrande partie
dans lapleine
réalisation dupoint
queje
viens de soulever : à savoir que le but d’un modèle ne consiste pas dans l’imi-tation,
pour le seul but del’imitation,
mais que le modèle est fait pourpermettre
deprendre
certaines décisions. Laquestion qui
se pose est donc de savoir si ce que nous omettons dans un modèlesimplifié
estimportant
pour la décision à
prendre,
et non pour l’exactitude de lareprésentation.
7 - Il existe,
évidemment,
des modèlesqui
sontuniquement
destinés àexpliquer
l’anatomie d’unsystème.
Dans cetesprit,
une cartegéographique
est un modèle de la zone à
laquelle
elle serapporte,
undiagramme
de fluxest un modèle d’un processus
logique
etsystématique,
etl’organigramme
d’une société anonyme est, dans cette
acception limitée,
un modèle de la société anonyme, nonobstant le faitqu’il
esttoujours dépassé
et que les écarts auxdispositions
du tableau sontplus fréquentes
que l’observation stricte de sesdispositions.
Je propose que nous admettions cesimages
structurelles
statiques
d’une situation comme étant des modèles au sens oùnous
l’entendons ; - l’expression
de modèles"iconiques" (imagés)
a étéproposée
pour lesdésigner.
Très souvent, ils constituent unpréliminaire
essentiel pour la construction d’un modèle de travail.
Mais, quand
ils’agit
de contrôle et deprévisions,
cequi
nous intéresse est,bienplus qu’une
re-présentation statique, quelle
quepuisse
être son utilité. D’unefaçon
ou d’une autre, c’est le mouvement dusystème qu’il
nous fautconsidérer,
et c’estainsi que nos modèles sont presque
toujours dynamiques.
LA CLASSIFICATION DES MODELES
8 - Il
pourrait
être utile d’avoir unsystème
de classification des différentstypes
de modèles que nous avons à étudier. Peut-être est-il trop tôt pour essayer d’établir unsystème
de ce genre, au stadeprésent ;
mais celaRevue de Statistique Appliquée, 1969 - vol. XVI 1 - No 2
8
permettra
de clarifier lesidées,
sije
mentionnequelques
divisionspossibles ,
même si elles
impliquent
une classification croisée.a)
Modèlesdéterministes, opposés
aux modèles"stochastiques"
Dans certains cas, nous écrivons des
équations qui expriment
le com-portement
dusystème
en termespurement
déterministes. Cela est courant enphysique,
mais pas tellement courant dans les sciences sociales.Ainsi,
par
exemple,
le modèle de Park pour un incendie de forêt estpurement
déterministe. Il en est demême du
modèle deKilbridge
& Webster pour la chaîned’assemblage progressive.
Maisplus
souvent, surtout en matière éco-nomique,
il nous faut admettre l’existenced’éléments stochastiques ;
celarevient à dire que
quelques-unes
de nos variables sontaléatoires,
en cesens que les valeurs effectives
émergent
du chaos de laprédestination,
comme la chute des dés ou la rotation d’une roue de roulette. Les cas
extrêmes de modèles
purement "stochastiques"
sont rares(la représentation
des mouvements à la Bourse des valeurs par un modèle de "marche au
hasard" constitue un cas à
part)
et presque tous les modèles dont nousaurons à nous occuper sont des modèles
mixtes,
à la fois déterministes etstochastiques.
Parfois nous trouvons uncomportement stochastique
dans unsystème déterministe,
comme parexemple
les schémas de trafic au hasard dans un réseaufixe ; parfois
lesystème
lui-même estpartiellement
stochas-tique
b)
"Résolution"opposée
à "simulation"Pour les
systèmes
de nature relativementsimple (et parfois
aussipour les
systèmes plus compliqués,
en faisantappel
à des moyens mathé-matiques suffisants),
il estpossible
de résoudreexplicitement
leséqua-
tions de mouvement, et de
présenter
lecomportement
sous la forme d’une formulegénérale. Cela, naturellement,
constitue l’idéal du mathématicien.Il arrive
plus
souvent que nouspuissions
écrire leséquations,
mais quenous ne
puissions
pas les résoudre. Ou bien il y atrop d’inconnues,
ouencore le
système
est sicompliqué
que toute tentative de le mettre parécrit,
endétail,
ferait échouer toute la recherche. Dans ces cas nous pou- vons très souvent simuler lecomportement
dusystème,
sous une séried’hypothèses
différentes et, le caséchéant,
nous faire uneimage
de son com-portement
enprenant
un échantillon de toutes les différentes manièresqu’il peut
avoir de secomporter.
A défaut d’avoir lapossibilité
d’obtenir des so-lutions,
la "simulation" nous fournit une deuxièmeligne d’attaque.
c)
Modèlesdescriptifs opposés
aux modèlesanalytiques
Certains modèles cherchent
uniquement
à établir des relations entre stimulus etréponse
pour lesystème
enquestion,
sans chercher à connaître les raisons de leur existence. Pour examiner les réactions d’un conduc- teurd’automobile,
il nous suffit deprendre
une série de stimuli et d’ob-server le délai de la
réaction,
sans nous arrêter à nous demanderquels
sont les mécanismes nerveux
qui
relient les deux. Cela ne nousrenseigne-
ra pas
beaucoup
sur laphysiologie
duconducteur,
ni sur lafaçon
d’amélio-rer sa
technique ;
mais celapeut
suffire pour nousindiquer
s’il faut ou nonl’autoriser à conduire un véhicule. Pour
employer
lejargon
courant, le sys- tème est une "black-box"("boîte noire")
et nous nous contentons d’étudier les relations entre entrées et sorties, sans soulever le couvercle de la boîteRevue de Statistique Appliquée, 1969 - vol. XVI I - N° 2
9
pour essayer de découvrir comment elle fonctionne. Un
grand
nombre deprédictions
à court terme sont de cette nature.A un moment ou à un autre,
cependant,
il nous arrive de vouloir re-garder
dans laboîte,
et pasuniquement
parcuriosité,
mais parce que nous voulons savoir comment lesystème
fonctionnerait si certains de ses consti- tuants essentiels venaient à être modifiés. Un modèlequi
essaie de décrire lecomportement
à l’intérieur de la boîtepeut
êtreappelé
unsystème
"ana-lytique".
Dans une certaine mesure, tous les modèles"économétriques"
sontdes
systèmes analytiques.
La distinction entre modèles
descriptifs
etanalytiques
est,cependant ,
une distinction de
degré plutôt
que de nature.Ainsi,
parexemple,
si nousconstruisons un modèle d’une machine
thermique,
onpeut
considérer commesuffisamment
"analytique"
le fait de tenircompte
des relations depression -
volume -température
d’un gaz, tellesqu’elles
sontreprésentées
par la loi deBoyle,
la loi de Charles ou diverses modificationsphysiques
de celles-ci.Mais pour le
spécialiste
de laphysique moléculaire,
ces relationspeuvent
être dutype
de la "boîtenoire",
car ellesexpriment simplement
les pro-priétés statistiques
des mouvements moléculaires et des collisionsauxquels
s’intéresse ce
spécialiste.
Cepoint acquiert
uneimportance particulière
dansles modèles
macro-économiques
danslesquels
la rareté desdonnées,
la com-plexité
desfaits,
ou même lasimple ignorance,
nous force souvent à substituerdes relations
globales
à l’ensemble des relations individuelles. La meilleurefaçon
des’attaquer
à cettequestion
consiste,je
pense, à considérer le proces-sus de la construction de modèles comme étant une
aspiration
continuelle à de- venir deplus
enplus "analytique",
enpartant
d’un modèlesimple, qui peut
êtresimplement descriptif,
et àpénétrer
deplus
enplus
dans les relationscausales,
à mesure que la connaissance etl’expérience augmentent. Après
tout, c’est bien la démarche traditionnelle de la méthodescientifique.
9 - Il existe d’autres distinctions
qu’on peut
faire entre les différentes classes demodèles ;
onpeut distinguer
parexemple
les modèles à court terme et les modèles àlong
terme, suivant lapériode
deprédiction pendant laquelle
ils doivent êtreutilisés ;
ondistinguera
les modèles"programmables"
ou "non
programmables",
suivant que le modèle est suffisammentexplicite
ounon pour
permettre
de programmer un ordinateurélectronique
pour l’étudenumérique
de soncomportement ;
on fera la distinction entre macro-modèles etmicro-modèles,
en fonction de l’étendue du butpoursuivi,
ou dudegré d’agrégation
dans la formulation des relations de base. En l’état actuel denos connaissances, il ne faut pas
trop
nous soucier d’établir unsystème
declassification
complet,
du moment que nous comprenons ce que ces distinc- tionsimpliquent.
PROBLEMES RELATIFS A LA CONSTRUCTION DE MODELES
10 - Je passe maintenant à la
description
de cequi,
selon moi, constitue leproblème principal
dans la construction etl’analyse
de modèles. Cequi
est dit
ci-après s’applique,
enmajeure partie,
à tous les genres de mo-dèles ; cependant
la construction de modèleséconomiques
et sociaux com-porte
un certain nombre deproblèmes spécifiques qui
lui sont propres, etRevue de Statistique Appliquée, 1969 - vol. XV Il - N° 2
10
sur
lesquels j’attirerai particulièrement
l’attention. Mais d’abord deux re-marques
préliminaires :
a)
Un modèle n’est valable que dans la mesure où la matière brute àlaquelle
ils’applique
est bonne. Nous connaissons tous les difficultés énormesqu’il
y a à se procurer des données satisfaisantes en matièreéconomique .
Il faut tenir
compte
dugrand
nombre d’erreurs dans certainesestimations ;
des délais nécessaires pour l’obtention de certainschiffres ;
deschange-
ments de base
qui
seproduisent
dans l’établissement de chiffrespériodiques ,
comme par
exemple
lesindices ;
despériodes
relativement courtespendant lesquelles
desrenseignements comparables
sontdisponibles.
Je ne veux pas minimiser lesproblèmes
liés à la collecte desdonnées,
mais ils ne con-cernent pas directement cet
exposé.
b)
Si l’on fait la liste de toutes les difficultésauxquelles
se heurte leconstructeur d’un modèle
économique,
elle devient d’unelongueur effrayante ,
au
point
de rebuterbeaucoup
de gensqui
voudraients’attaquer
à cesujet.
Mon intention est exactement contraire. J’aimerais donc que le reste de mon
exposé puisse
être considéré comme consacré à la définition aussiprécise
que
possible
d’un programme derecherches,
et non comme unexposé plaintif
de toutes les difficultés
qu’il comporte.
Il est évident que nous avons unlong
chemin à
parcourir
avant d’arriver à résoudre nosproblèmes ; peut-être
même devrons-nous passer par
quelques expériences
traumatisantes et refa- çonner notre manière de penser fondamentale à leursujet.
Mais nous ne devons à aucunprix
abandonner lapartie.
LES VARIABLES
11 - Le
premier problème
concerne la nature des variablesauxquelles
nousaurons affaire. Dans les sciences
physiques,
cepoint
n’est habituellement pas grave. Toutpeut s’exprimer
en unités delongueur,
detemps
et demasse, ainsi que de
charge électrique,
avecpeut-être quelques concepts spéciaux
comme parexemple
lespin électronique.
Deplus,
ces unités sontparfaitement définies ;
elles ne varient pas avec letemps
etpeuvent
être mesurées avec uneprécision
extrême. Parfois nous introduisons certainsconcepts,
comme celui deforce, qui
nepeuvent
être observésdirectement ;
mais nous le faisons
toujours
d’une manière telle que le modèlepuisse
être vérifié par les lectures effectuées en termes d’unités fondamentales.En matière
d’économie,
desociologie
et depsychologie,
nous ne noustrouvons pas dans une situation aussi favorable. Nous sommes forcés de penser en termes de "valeur" ou
d "’utilité" ,
ou encore de"demande" par exemple,
et il nous faut reconnaitre que, mêmequand
cesconcepts
sontquantitatifs,
ilscomportent
néanmoins un côté essentiellementsubjectif .
Les seules unités communes sont le
poids, qui,
de toutefaçon,
nepeut s’appliquer
aux services, et lamonnaie, dont
la valeur estsujette
à fluctua- tions. Nos étalons de mesure sont doncélastiques.
Nous pouvons essayer d’amener nos sériestemporelles
à un stadequi
les rendecomparables
entre
elles,
en introduisant des corrections pour leschangements qui peuvent
survenir dans la valeur desmonnaies, -
et c’est ce que nous faisons effec- tivement ; mais la valeur de la monnaie est,elle-même,
unconcept
assez artificiel. Même dans le cas des modèles de maind’oeuvre,
danslesquels
Revue de Statistique Appliquée, 1969 - vol. XVII - N° 2
11
nos unités
primaires
sont des êtres humainssusceptibles
d’êtrecomptés,
ilnous faut
prendre
en considération laqualité,
si nous voulons être tant soit peu réalistes.12 - La
question qui
se pose alors est celle de savoir si nous devons admettre dans nos modèles desquantités qui
sont, par essence, non obser- vables.Personnellement, je
ne vois aucune raison pourlaquelle
nous nedevrions pas le
faire, puisque
nous faisons entrer des facteurs non obser-vables dans les
équations
de laphysique ;
maisje
pense que nous devonsprendre garde
de ne pas matérialiser desconcepts qui peuvent
n’avoir aucune validité.Ainsi,
parexemple,
en établissant un modèle de lademande,
faut-il admettre une variable
"propension
à laconsommation",
si nous ne pouvons concevoir aucune manière de la mesurer ? Nous entendonsbeaucoup parler
cesjours-ci
de"capacité productive" ;
mais, cetteexpression
est-elle suffisamment claire pour que nouspuissions
luipermettre
de définir unevariable fondamentale ?
RELATIONS ENTRE VARIABLES
13 - Les
premières
tentatives en vue de traduire des relationséconomiques
par une
expression mathématique
ont presque toutes étéexprimées
en termes de relations fonctionnelles. Deplus,
elles étaient de naturestatique,
en cesens que pour
traduire,
parexemple,
lademande d
en fonction duprix p
nous écrivions :
--
sans tenir
compte
dedécalages
dans letemps,
ou de laphase
de transitionnécessaire pour
qu’un changement
deprix
exerce sonplein
effet sur la de-mande. A mesure que les
systèmes
devenaientplus compliqués,
etqu’un
nombre
plus grand
de variables étaient introduites dans leséquations,
lesrelations étaient habituellement
simplifiés
et ramenées à desexpressions
li-néaires. On savait
parfaitement
que la linéarité n’étaitqu’approximative ;
mais on
croyait
que, dans les limitesqu’on
étaitsusceptible
de rencontrerdans la
pratique,
cetteapproximation
serait suffisammentproche
du compor- tement observé.14 - Dans la
plupart
des cas, nous travaillons encore sur deséquations
li-néaires ;
il nous fautl’admettre,
d’abord parce que lesmathématiques
li-néaires sont les seules
mathématiques faciles,
et aussi parce que nous pou- vonstoujours
soutenir quen’importe quelle
courbe est presque linéaire sur un parcours suffisamment court. Mais en faisant entrer dans noséquations
des variables
aléatoires,
nous sommespassés
du modèlepurement
"déter- ministe" à un modèle"stochastique".
Cela soulève desproblèmes
d’identifi-cation,
en ce sens que nous pouvons écrire un modèle danslequel
certainesconstantes ne
peuvent
pas êtreestimées, quel
que soit le nombre des obser- vations dont nousdisposons,
à moins d’introduire une informationexogène.
Cela soulève aussi
quelques
sérieuxproblèmes
touchant l’estimation statis-tique. (Un exposé
des différentes méthodes de traiter des sériesd’équations stochastiques
linéaires simultanées a étéprésenté
parFisk,
1967).
Revue de Statistique Appliquée, 1969 - vol. XVII - N° 2
12
15 -
Cependant,
avant que nous en arrivions auproblème
de la résolution de notresystème,
il y a deux autrespoints qu’il
convient designaler.
D’abord,
certaines des relationsqui
conditionnent lesystème peuvent
être desinéquations,
et non deséquations. Effectivement,
certains modèlesd’une installation
industrielle,
tellequ’une
raffinerie depétrole, peuvent
consister presque entièrement en contraintesexprimant,
parexemple,
lacapacité
d’admission maximale ou laproduction
minimalerequises
pour faire face auxengagements
contractuels. La théorie de laprogrammation mathématique
a étécréée,
au cours desvingt
dernièresannées, pour
faireface à des situations de ce genre.
Quand
nous avons affaire à unsystème mixte, comprenant
deségalités,
de nature déterministe oustochastique, en
même
temps
que desinégalités exprimant
lescontraintes,
la solution for- melle des relationspeut
en fait devenir trèscompliquée
etje
n’oserais pas dire que ceproblème ait, jusqu’ici,
été maîtrisé. Pour autant queje sache ,
on n’a pas fait
grand’ chose
en matière de modèlesmacro-économiques
pour faire face à cette situation.Ainsi,
dans certaines sortes de relations(comme
par
exemple
uneéquation
linéaire duprix
en fonction de lademande),
nouspouvons nous attendre à ce
qu’un
des coefficients soitnégatif,
s’il a la si-gnification
d’uneélasticité ;
dans certains modèlesstochastiques,
commequelques-unes
desquantités
estimées sont desprobabilités,
elles doivent êtrepositives.
LES DECALAGES DE TEMPS
16 - En second
lieu,
et cela est encoreplus important,
nous nous sommes renducompte
maintenant que lecomportement
desystèmes économiques
dé-pend
d’une manière essentielle desdécalages
detemps
entre le stimulus et laréponse.
Les scienceséconomiques classiques, quand
elles allaientjusqu’à exprimer
leurs relations sous une formemathématique,
le faisaient à la manière del’équation
du &13,
c’est-à-dire sous la forme d’une relation sta-tique.
Il était absolumentimpossible
de déduire lecomportement dynamique
d’un
système
enpartant d’équations
de ce genre, tout comme il estimpos-
sible de déduire les lois du mouvementplanétaire
d’untriangle
desforces ,
et cela
explique
le fait que la formulationmathématique. ajoutait
peu dechoses,
ou rien du tout, aux théories
économiques.
De nosjours,
les "économétri- ciens" reconnaissent que letemps joue
un rôleessentiel,
etplus particuliè-
rement dans les
systèmes
à "feedback".17 - Or cela soulève toute une armée de
problèmes.
Il a été démontré maintenant(le professeur
Stone le fait en termessimples),
que le seul fait de la stabilité d’unsystème peut dépendre
dedécalages
detemps,
de sorte que cedécalage
assume un rôle fondamental dans la structure du modèle.D’autre
part,
la durée d’undécalage,
ou letype
de laphase
de transitionqui
va del’application
initiale du stimulusjusqu’à
sonéquilibre final,
sontparmi
les effetséconomiques
lesplus
difficiles à mesurer ; iln’y
a doncpas lieu d’être
surpris
envoyant
combien peu de choses nous en savons , même dans les économies les mieux documentées.Ainsi,
parexemple, quel
est le
laps
detemps
nécessaire pour que lechangement
du tauxd’escompte
de la
banque
d’Etat exerce tout soneffet,
ou encore,quel
est ledécalage
de
temps
entre laproduction
et lechômage,
ou entre lechômage
et la pro-Revue de Statistique Appliquée, 1969 - vol. XV 11 - N> 2
13
duction ? A ces difficultés
s’ajoutent
lesproblèmes pratiques qui surgissent
de la nature même des donnéeséconomiques. Ainsi,
parexemple, quand
unsystème
est tellement sensiblequ’il
estsusceptible
deréagir
enquelques jours
ou semaines, un modèlequi
doit se baser sur des données mensuellesou trimestrielles est
susceptible
d’omettre certaines réactions fondamentales . 18 - Il y a différentesfaçons
des’attaquer
à cesproblèmes. Quand
le sys- tème est observé à des intervalles tropéloignés
pourpermettre
l’établisse- ment d’un modèlesatisfaisant,
nous pouvons être forcés de mener desenquêtes appropriées
sur une trameplus
fine. Il y a làquelques problèmes mathématiques intéressants,
comme celui de trouverquelle
finesse cettetrame devrait avoir, ou encore de savoir s’il est rentable d’avoir des inter- valles d’observations variables
plutôt qu’un
espacement uniforme dans le temps. Là encore,grâce
aux méthodesstatistiques modernes,
mises enoeuvre sur
ordinateur,
nous pouvons faire desprogrès
considérables enestimant la
longueur approximative
desdécalages
entre des variables don- nées. Ilapparait
aussi, comme dans certains modèles deprévision
à courte terme, que les résultats obtenus sont relativement peu sensibles auxhypo-
thèses faites sur certaines
parties
dusystème,
et cela nous mène à une nou-velle branche du
sujet : l’analyse
de la sensibilité(ou
de savoir àquel point
on peut être
approximatif
et prompt sans affecter par là la validité des con-clusions
finales).
19 - En passant,
signalons
unpoint qui
est lié au recueil des donnéespri-
maires. A
quelques exceptions près,
les modèles construits à cejour
doivent se baser sur desstatistiques produites
par les services gouverne- mentaux, ou par une autoritécentrale,
à des fins totalement différentes.Quand
legouvernement
s’intéressera sérieusement à la construction de mo-dèles,
la nécessité se fera sentir de recueillir des données pour ce butmême,
et cela pourra avoir des effets lourds deconséquence,
sur la na-ture des services de
statistiques gouvernementaux.
Même pour la construc- tion d’un tableau d’entrées et de sorties -qui représente l’image
instanta-née d’une économie, et n’est pas
compliquée (ou
fortpeu)
par des effets de temps -, la somme de travail nécessaire à lacompilation
des données brutes est énorme, parcomparaison
avec letemps
nécessaire à sonappli-
cation.
20 - Pour en revenir à la
question
dudécalage
de temps nous pouvons aussi constaterqu’elle
soulève une classe nouvelle deproblèmes
pour le statisti- cien, et même pour lephilosophe.
Le statisticien, habitué à travailler surdes
systèmes "stochastiques",
a mis aupoint
des méthodes très subtiles pour l’estimation et le testd’hypothèses ;
nous trouvons encore certainstextes élémentaires
qui parlent
des "erreurs standard" d’uneprévision,
ou des "domaines de confiance"qui
entourent uneprédiction,
comme si les incertitudesqui
entourent la construction de modèles étaient de même na-ture que les incertitudes que nous rencontrons
quand
il nous faut tirer desinductions d’un échantillon
pris
au hasard. Ce n’est pas le cas, ouplutôt,
l’incertitude liée à
l’échantillonnage
n’estqu’une partie
de l’erreur que nous pouvons commettre. Il y a l’erreurqui
consiste à choisir un modèleerroné ;
l’erreurd’approximation
par omission de certainesrelations ;
paragrégation ,
ou par
remplacement
d’une relation inconnue par une variablealéatoire ;
l’erreurqui
nous estimposée quand
nous utilisons une variable que nousRevue de Statistique Appliquée, 1969 - vol. XVI I - N° 2
14
pouvons mesurer, à la
place
d’une autre que nous aurions dûpréférer
maisque ne nous ne pouvons pas mesurer. Pour le bénéfice des statisticiens ici
présents, permettez-moi d’ajouter
un détailtechnique ;
il arriveparfois ,
dans certains cas
plus compliqués,
que la surface de vraisemblancepossède plusieurs
modes etje
ne voudrais pas exclure lapossibilité qu’elle puisse
avoir des sillons ou des
cratères,
cequi implique qu’il
nous faut réfléchiraux
principes
admis touchant l’inductionstatistique.
21 - n y a
quelques instants, j’ai
fait allusion au fait que nouspouvions
rencontrer des
problèmes
intéressants même pour lephilosophe.
Ils sontliés à la nature même de la causalité. La
plupart
des corrélations obte-nues par le
statisticien,
parl’analyse
purementstatistique,
sontdépour-
vues de contenu causal. Par
exemple,
la théorie standard de larégression
et de la
corrélation, prétend
découvrir et mettre à notredisposition
desschémas de
dépendance qui
semblentparfaitement
stables etpeuvent
être utilisés pour laprédiction,
maisqui
sont en fait un non sens. Ce sont sim-plement
des situations de "boite noire" bien que naturellement dans la pra-tique,
nouspuissions
souvent trouver un lien causalgrâce
à des connais-sances extérieures.
22 - Dans les
systèmes
à"feedback",
il estparfois
difficile de reconnaîtrece
qui
est la cause et cequi
estl’effet ;
eneffet,
ilpeut
y avoir des re-lations dans
lesquelles
chacune des variables d’unepaire
de variables est la cause de l’autre.Ainsi,
parexemple,
uneaugmentation
des salairespeut
se traduire par la demande d’une
production
accrue, et un accroissement de laproduction peut
se traduire parl’augmentation
d’unepartie
du facteur ré- munération : celle-làprécisément qui
crée des salairesplus
élevés. Iln’y
a aucune raison
mathématique
pourlaquelle
nous ne devrions pas établir deuxrelations,
à condition bien entendu d’inclure desdécalages appropriés
pour être certainsqu’elles
sont consistantes. Lessystèmes
à "feed-back" sont de ce genre, de par leur nature. Leprofesseur Wold, toutefois,
a réfléchi à laquestion
en suivant des raisonnementsdifférents,
limitant les relations dans un modèle à cequ’il appelle
une "chaîne causale". Arrivé à cepoint,
nous pouvons
simplement
remarquer que, sans nous laisser enchaîner par les difficultés liées à la nature même de lacausalité,
unproblème
sepose concernant
l’asymétrie
des relations que nousenvisageons
de faire fi- gurer dans un modèle.23 - A ce
stade,
et avant de nous alarmer du nombre et del’ampleur
dequelques-uns
desproblèmes qui
nousattendent, peut-être
est-il bon aussi de mentionnerquelques
faits rassurants.En
premier lieu,
il n’est pas nécessairement vrai que lecomporte-
ment d’un
système compliqué
soit lui-même trèscompliqué
ou, pour dire les choses en d’autres termes, les variables de sortiequi
nous intéressentau
premier degré peuvent
avoir des schémas tout à faitsimples
etutilisables ,
même si le mécanismequi
leur donne naissance est hautementcompliqué .
Les
statistiques
sontpleines d’exemples
de ce genre.Ainsi,
parexemple ,
les circonstances et l’ensemble des motifs
qui
contribuent à déterminer lerevenu d’un individu sont
légion,
etn’importe quel
modèlequi
voudrait essayerd’exposer
la situation en détail serait vite embourbé dans un fatras de com-plexités.
Celan’empêche
que la loi de Pareto sur la distribution des reve-Revue de Statistique Appliquée, 1969 - vol. XVII - N° 2
15
nus est assez étroitement suivie dans toutes les sociétés occidentales et
qu’elle
nedépend
que d’un seulparamètre.
Deplus,
elle a fait preuve d’une stabilitéremarquable pendant plusieurs
décennies dechangements
fondamen-taux dans les directives
économiques.
Demême,
le vote est unequestion
de librearbitre,
parexcellence,
et lespectre
desopinions politiques
surdifférents
sujets
est très vaste. Celan’empêche
que les lois sur le compor- tement des votants sont suffisamment biencomprises
auRoyaume
Uni pour que les résultats des électionspuissent
êtreprédits
avec uneprécision
re-marquable.
Dans un autredomaine, Ehrenberg -
auteur d’un des sché-mas
économiques
lesplus généraux qui
aientjamais
été observésjusqu’ici -
a montré que c’est la loi binomiale
négative qui régit
les achats des clients. Dans ma communication sur "La loi naturelle dans les sciences so-ciales"
(1961), j’ai
citéquantité
d’autresexemples.
24 -
Ainsi,
les effetsd’agrégation statistique simplifient
par eux-mêmes le modèle. Il est faux de supposer que ladésagrégation
améliore nécessaire- ment laréprésentation,
ou que, du faitqu’un système
estréputé
consisteren une masse de
petits
composants,chaque
détail doitexplicitement
êtreinséré dans le modèle. Il me semble
qu’un
des devoirs de l’économétricien devrait être de rechercher pour ces modèles des schémas de comportement . On les rencontre dans les secteurs lesplus
inattendus et, très souvent, ilsne sont pas
suggérés
par uneanalyse logique
antérieure. Nouspourrions
considérer cetaspect
du travail de l’économétricien comme étantanalogue
à certains aspects du travail du biochimiste : essayer tout ce
qu’on peut imaginer, -
dansl’espoir qu’à
un momentquelconque
une relation utile vien- dra aujour, -
et voir ensuite comment elle fonctionne etpourquoi
elle con- vient.25 - Une deuxième source
d’encouragement
nous vient de l’ordinateur élec-tronique.
Je n’ai pas besoin de m’étendre sur cesujet.
Nous sommes par- faitement conscients que tous lesmodèles,
àl’exception
desplus simples ,
ont besoin d’un ordinateur pour étudier leur
comportement
en tempsréel ,
c’est-à-dire suffisamment vite pourqu’ils puissent
être utilisés dans uneprise
de décision. Il ne serait pasexagéré
de dire que l’économétrie et la construction de modèles ne sont entrés dans le domaine despossibilités pratiques qu’à partir du jour
où l’ordinateur fut créé. Les auteurs des dé- buts ontexprimé
bon nombre des idéesactuelles ;
mais la réalisation pra-tique
par la science del’ingénieur
a dû attendre l’innovationtechnologique représentée
par la machineélectronique.
Je ne crois pasqu’aucun
desgrands problèmes qui
sont liés à la construction des modèlespuisse
être résolurapidement
et d’une manièreélégante ;
tous cesproblèmes
devront être len- tement démêlés par une combinaison de tous les arts que nous pouvons yappliquer,
et l’ordinateur sera une des machines essentielles dans ce pro- cessus.26 - Nous pouvons aussi tirer une certaine satisfaction -
peut-être
pas trèsgrande
en ce momentprécis,
mais elle deviendraplus importante
à me-sure que le
temps
progressera - en pensant au fait que nous nous libéronsgraduellement
d’une desgrandes
difficultésauxquelles
l’économiste avait à faire face dans lepassé :
celle del’impossibilité
de se livrer àl’expéri-
mentation. Nous pouvons
déjà expérimenter,
dans une certaine mesure : uneRevue de Statistique Appliquée, 1969 - vol. XV 11 - N’ 2