A NNALES DE L ’ UNIVERSITÉ DE G RENOBLE
L OUIS N ÉEL L OUIS W EIL N OËL F ÉLICI
Applications nouvelles de recherches théoriques aux aimants permanents et aux machines électrostatiques
Annales de l’université de Grenoble, tome 22 (1946), p. 71-84
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Applications nouvelles de recherches théoriques
aux
aimants permanents et
auxmachines électrostatiques
présentées
par LouisNÉEL,
et ses collaborateurs Louis WEIL et Noël FÉLICI.
M.
NÉEL :
Dans le laboratoire que
je dirige
à Grenoble(Electrostatique
et
Physique
dumétal),
nous avons eu commeprincipal objectif
de mener
parallèlement
des recherches de science pure etdes recherches de science
appliquée.
C’est un lieu commun ou,tout au
moins,
ce devrait être un lieu commun de direqu’il n’y
a aucuneligne
de démarcation entre la science pure et la scienceappliquée.
Lesspéculations
lesplus
abstraites conduisent très souvent à desapplications pratiques
extrêmementimportantes,
tandis que les méthodes et les
techniques
de l’industrie sont d’ungrand
secours pour les chercheurs des laboratoires.Je voudrais faire ressortir la fécondité de ces contacts entre la science pure et les
techniques,
entre les hommes de laboratoire et lesindustriels,
entre les théoriciens et les hommesengagés
dansl’action, et comme il
n’y
rien de sifrappant
quel’exemple, je
cite-rai,
à titred’illustration,
deux réalisations faites dans celaboratoire,
prises
à dessein dans deux domaines très différents : celui des aimantspermanents
et celui des machinesélectrostatiques.
Dans le domaine des aimants
permanents,
desspéculations
pure-ment
théoriques
sur le mécanisme desphénomènes d’hystérésis
ontouvert la voie à des
applications pratiques importantes.
Onsait, depuis
les travaux de M.Weiss,
que lesphénomènes
d’aimantation dufer, qui jouent
un sigrand
rôle dansl’électrotechnique,
ne sontdus
qu’à
des variationsapparentes
de l’aimantation : dans undomaine suffisamment
petit,
le domaineélémentaire,
l’aimantationgarde
la mêmegrandeur qu’à
la saturation : seule l’orientation de l’aimantation varie d’un domaine à 1 autre.Les
phénomènes
de variationd’aimantation,
dont nous sommes les témoins et lesutilisateurs, proviennent,
enmajeure partie,
desdéplacements
des frontièresqui séparent
cespetits
domainesqui s’agrandissent
ou serapetissent
auxdépens
les uns des autres.Or,
des théories assez
complexes,
et dont l’intérêtpeut paraître
pure-ment
spéculatif,
montrent que cesparois
ne sont pas desplans géométriques
maispossèdent
une certaineépaisseur qui
est detordre du dixième de micron pour le fer. On en conclut
qu’en
divi-sant la matière
magnétique
engrains
suffisammentpetits
pour que les dimensions de cesgrains
soient inférieures àl’épaisseur
de cesfrontières,
les mécanismes de variation d’aimantation, dus à cedéplacement
defrontière,
nepourront plus
seproduire :
l’aimanta-tation de tels
grains
seraparticulièrement stable,
ce seront desaimants
permanents.
C’est dans cette voie que nous nous sommes
engagés,
avec lacollaboration de MM.
Weil, Aubry
et d’autres encore.M.
Weil, qui
ajoué
dans ces recherches un rôle trèsimportant,
va vous
parler
des résultatsobtenus ; je
lui cède laparole.
M. WEIL
parle
alors des nouveaux aimants enpoudre comprimée :
Autrefois,
les aimants étaientlongs
etvolumineux; aujourd’hui
ils sont courts et
petits :
pour créer le mêmechamp
dans le mêmeentrefer,
il fautplus
de 10 fois moins d’acierspécial
en un barreauplus
de 1 o fois moinslong qu’il
y a un demi-siècle.Le
progrès
a été réalisé à deuxpoints
de vue : on a pu faire des aimants courts parcequ’on
a suaugmenter
leurchamp coercitif;
ona pu les rendre moins volumineux parce
qu’on
a suaugmenter
l’énergie magnétique
par cm3.Rappelons qu’on
détermine cetteénergie
en formant leproduit
de l’induction B et duchamp
H pour diverses valeurs duchamp comprises
entre 0 et lechamp
coercitif(champ qui
annulel’induction),
enprenant
sa valeur maximum eten la divisant par 8 pour
l’exprimer
energs/cm3.
Pendant
longtemps
on ne s’était servi qued’aciers
au carbone trem-pés,
avec unchamp
coercitifHc = 20
gauss et(B. H)max.= 0,
10 . 106.Au début du
siècle,
on a fait des additions detungstène, puis
dechrome. Plus récemment, on a fait
appel
aux ferro-cobalts et enfinaux fer-nickel-aluminium additionnés ou non de cobalt et de titane. Les aimants ainsi obtenus ont des
champs
coercitifs de l’ordre de 5oo gauss et des(B. H)max.
de i à1,6 . J06, pouvant
d’ail-leurs être accrus encore par une orientation dans un
champ magné- tique
à chaud.Ces
qualités
nouvelles n’ont toutefois pas étéacquises
sans unelourde
contre-partie.
On travaille l’acier ordinaire au tour et à lafraiseuse,
et on letrempe
ensuite : avec unusinage
peu coûteux on l’amène ainsi aux cotes exactes avec une bonneprécision.
On nepeut plus
en faire autant avec les fer-nickel-aluminium : il faut les travaillercomplètement
à l’étatdur,
c’est-à-dire à la meule et à la rectifieuse.En
général,
on ébauche de trèsprès
la forme définitive par cou- lée :malheureusement,
les nombreuses souillures ettapures
forcentà
rejeter
une fractionimportante
despièces.
Toutes ces difficultés font du fer-nickel-aluminium un matériau cher.Pour en réduire le
prix,
on n’a pas hésité àbroyer
le métal couléet à
agglomérer
lapoudre obtenue,
avec de larésine,
par compres- sion. Lesgrains d’alliage,
trèsdurs,
ne se déforment pas sous pres- sion et la masse d’aimant parcm3,
doncl’énergie magnétique
par cm3, est bienplus
faiblequ’avec
le métal fondu. Dans une certaine« Tromalite )) on a, par
exemple, passé
de 1,6 à i . 106 pour le(B. H)max..
Le faitqu’on
aitentrepris
une fabrication où l’on renonceà
priori
à 40 pour 100 de la valeurmagnétique
illustre bien les dif- ficultésd’emploi
des aciers à aimantmodernes,
Nous avons
cherché,
dans notrelaboratoire,
une solution dansune autre voie. M. Néel avait été
conduit,
par des considérationsthéoriques,
à penser que desferromagnétiques
engrains
suffisam-ment fins devaient avoir un
grand champ
coercitif. Un moyen bienconnu d’obtention du fer, par
exemple,
en trèspetites particules,
consiste à réduire par
l’hydrogène
uncomposé
du métal. Nous l’avonsappliqué
en collaboration avec M.Aubry,
et nous avonscomprimé
lapoudre
obtenue sous unepression
dequelques
tonnespar cm2 pour en faire de
petits
blocs :champ
coercitif eténergie
par unité de volume étaient effectivementcomparables
à ceux des fer-nickel-aluminium. En
remplaçant
le fer par duferro-cobalt,
nousavons même réussi à
égaler
les aimants dutype
fer-nickel-alumi- nium-cobalt. Deuxingénieurs
d’uneimportante société,
MM. Mar-quaire
et Choutean se sontoccupés
de la réalisation industrielle74
et dès à
présent
onfabrique
des aimantsd’après
notreprocédé.
Voici d’ailleurs
quelques caractéristiques
relevées sur des échan-tillons de
production
courante. Pour unpremier
bloc defer,
on a :On
peut
d’ailleurs faire varier considérablement lespropriétés
des aimants en
agissant
sur les conditions de fabrication et de com-pression
de lapoudre.
Voici parexemple
des valeurs mesurées sur un autre bloc :et enfin sur un bloc fait en
poudre
de ferro-cobalt :Ces aimants sont obtenus par
compression :
forme et cotes sontdonc
imposées
par la matrice et l’ou bénéficie del’avantage
que con- fèretoujours
lamétallurgie
despoudres,
une trèsgrande précision
sans frais
d’usinage.
Onpeut garantir
le1/IOOe
de mm. sur les cotesperpendiculaires
à la direction decompression
et le1/106
de mm.sur les cotes
parallèles
à la direction decompression
pour des séries deplusieurs
milliers depièces.
Il y a
plus
encore :quand
on veut construire un circuitmagné- tique
on estquelquefois
tenté de donner à l’aimant une forme com-pliquée
pour réduire ladispersion
du flux, donc améliorer cequ’on
peut appeler
le rendement de l’aimant. Avec les aciersmodernes,
toute
courbure,
toute cannelureposait
immédiatement unproblème d’usinage.
Il n’en estplus
de même avec les aimantscomprimés
pour
lesquels
leprix
de revient de la matrice n’estjamais qu’une
faible fraction du total. Avec une
qualité
d’aimantdonnée,
onpeut
ainsi réduire le volume utilisé.
Enfin la masse
spécifique
de nosaimants,
au lieu d’être de l’ordre de 8 comme pour les aciersordinaires,
n’estplus
que de l’ordre de 4.L’énergie magnétique
par gramme estsupérieure,
àénergie
par unité de volumeégale,
et.permet
donc unallégement
des circuitsmagnétiques.
Nous allons vous
projeter quelques
aimantsfabriqués
actuelle-ment.
(Projection
de deux aimants annulaires de 5 et 15 mm.d’épaisseur radiale,
de 45 mm. de diamètre intérieur et de 10 mm.de
hauteur,
dequelques
aimantsparallélépipédiques
dequelques
mm. de côté, d’un aimant
d’éclairage
debicyclette ayant
deux facescylindriques,
d’unepièce
en U et d’unepetite palette,
de 2 mm.d’épaisseur
et de 10 mm. de diamètre montée sur unpivot
d’acierpar
compression).
La surface des aimants est aussi brillantequ’une
surface de métal
rectifiée;
les arêtes sont aussi fines que celles depièces
faites à la machine-outil. Leprocédé
estparticulièrement
intéressant pour les
petites pièces
comme lapalette
tournante quenous avons
présentée
etqu’il
seraitpratiquement impossible
de faireen matériau ordinaire sans que son
prix
soitprohibitif;
mais la seulelimite
imposée
à la taille despièces
est due à lapuissance
des pressesqui empêche
dedépasser
une certaine surface : unempilement
d’ai-mants tous
rigoureusement identiques permet
de réalisern’importe quelle épaisseur.
On
peut
se demander si desproduits
obtenus parcompression
depoudres
sont suffisamment solides. Nouspourrions
vousindiquer
leur résistance à l’écrasement
(supérieure
à i tonne parcm2)
oud’autres
caractéristiques mécaniques,
mais il estplus suggestif
designaler
que des dizaines de milliers de ces aimants sontdéjà
enservice
depuis plusieurs
mois sur deséclairages
debicyclettes
et que,malgré
les cahotsauxquels
ils sontsoumis,
aucun n’a encore donnélieu à des doléances.
M.
NÉEL reprend:
Comme second
exemple
de réalisation industrielle issue de recherchespurement spéculatives, je
citerai maintenant unepetite
machine
électrostatique
que nous avons étudiée en vued’applications agricoles.
Depuis longtemps,
on sait que l’onpeut dépoussiérer
un gaz aumoyen d’un
champ électrique.
Lespremières applications
indus-trielles de ce
procédé
remontent à1884. Depuis,
les travaux deCottrell en
ïQo5,
il estpassé
dans lapratique
industrielle courante.La,
ils’agit
en somme, deprécipiter
en untemps
très court, desparticules,
despoussières
très fines ensuspension
dans le gaz et dont laprécipitation
naturelle demanderait desjours
et même dessemaines sans
champ électrique.
On
peut
aussi naturellement utiliser lechamp électrique
pour accélérer laprécipitation
departicules plus
grossesqui
sedéposent spontanément
enquelques
minutes.Un domaine intéressant est celui des
applications agricoles.
Vous76
savez
qu’on traite,
parexemple,
certaines maladies de lavigne
enpoudrant les
feuilles et les grappes de lavigne
au moyen de fleur de soufre. Cettetechnique
dusoufrage
soulèvequelques
difficultés : eneffet,
pour que lesparticules
de soufre adhèrent bien sur lesfeuilles,
il ne faut pas
qu’elles
soienttrop
grosses car si elles sonttrop
grosses, elles roulent sur la feuille et se
perdent,
elles n’adhèrent pas.On est conduit à utiliser du soufre en
poussière
trèsfine ;
mais par contre, si onprend
de lapoussière
trèsfine,
celle-ci reste en suspen-sion dans l’air et est entraînée par le moindre vent ; là aussi on en
perd.
On est doncpris
entre deuxexigences
contradictoires et onest
obligé
deprendre
un moyen terme,qui,
comme tous les moyenstermes, n’est pas très satisfaisant.
C’est en étudiant ce
problème,
que MM. Truffaut etHampe,
bien connus dans les milieux
agricoles,
eurentl’idée,
il y aquelques cinq
ans, d’effectuer despoudrages
dans unchamp électrique.
Ilspoursuivirent
cette étude avec M. Pauthenier dont vous connaisseztous les travaux sur l’amélioration des
procédés
Cottrell.L’expérience
montra que l’utilisation duchamp électrique
per-met de fixer sur les organes des
végétaux cinq
à dix foisplus
depoudre
quelorsqu’on
n’utilise pas dechamp.
La
technique
duprocédé est
trèssimple :
Pour faire du
poudrage électrique,
il suffit deporter
la buse depulvérisation
de la soufreuse à un hautpotentiel.
Il va se former uneeffluve et le
soufre,
enpassant
dans larégion ionisée,
va secharger électriquement
et sera ensuiteprécipité
sur les feuilles par lechamp électrique.
Chaque grain
de soufre sera maintenu sur les feuilles par l’attrac- tion de sonimage électrique.
Les tensions àemployer
sont del’ordre de 5o à 100000 volts et les
puissances
sont relativement très faibles : dequelques
watts àquelques
centaines de watts, selonqu’il s’agit
depoudreuses
à dos ou depoudreuses
à roues.Tout
compte fait,
on améliore ainsibeaucoup
lepoudrage
et onlui ouvre de nouveaux
champs d’application qui
étaientjusqu’ici
réservés à la
pulvérisation
par voiehumide,
et sur cettepulvérisa-
tion,
lepoudrage
offrede grands avantages.
Les bouillies utilisées en
agriculture
sont des bouillies étendues.Donc, quand
un cultivateur traite unchamp
au moyen d’unebouillie,
iltransporte
pour rien 99 pour 100d’eau,
soit à l’hectare des trentaines d’hectolitres d’eau. Ceux-cipeuvent
êtreremplacés
par
quelques kilogrammes
depoudre.
Bref,
lesprocédés électriques
constituent unprogrès
considérableau
point
de vueagricole.
Cependant,
il y a une ombre au tableau : pour mettre enpratique
ces
procédés,
il fautdisposer
de sources d’électricité à haute tension continuequi
soientlégères, transportables,
robustes et aussi bonmarché. Les solutions que
l’électrotechnique apporte
à ceproblème
sont peu
élégantes,
etcompliquées :
onpeut
parexemple
utiliser unpetit alternateur,
unpetit
transformateur et unpetit kénotron ;
lepoids
et leprix
de cet ensemble sont assez élevés.En
fait,
aucun constructeur n’a pufournir, jusqu’ici, d’appareils
satisfaisants. Mais il existe d’autres méthodes
qui permettent
d’avoirfacilement de hautes tensions continues : avec des machines électro-
statiques.
Ces machines ont malheureusement uneréputation déplo-
rable : elles
passent
pour êtrefragiles, capricieuses
et d’un rende-ment très faible et, en fait, à
part les
travauxpoursuivis
enAmérique,
par Van de
Graaf,
en France parPauthenier,
elles sont restées dansun oubli presque
complet depuis près
d’un siècle.M.
Felici,
maître de recherches dans notrelaboratoire,
etqui poursuit depuis quatre
ans ces études dans cettevoie,
va vousmontrer maintenant que la source de choix pour avoir de hautes tensions continues est bien la source
électrostatique.
Vous verrez
qu’entre
lesprototypes qu’il
a réalisés et la vieille machine de Wimshurstqui figure
dans tous les manuelsclassiques,
il y a autant de différence
qu’entre
lesdynamos
modernes et leursancêtres de 1860.
Avant de donner la
parole
à M.Felici,
nous allons fairequelques expériences qui
vont vous montrer l’action duchamp électrique
surla
précipitation
despoudres.
Nous ferons d’abord:1° Un essai de
poudrage
sanschamp électrique ;
20 Un essai de
poudrage
avecchamp électrique
établi entre le solet un rideau de fils
métalliques porté
à unpotentiel
continu assezélevé de l’ordre de 100000 volts.
Vous constaterez la différence entre les deux essais. Vous remar-
quez sur le rideau formé de fils
parallèles,
laprésence
depetites pointes qui
ont pour but de créer une effluve, c’est-à-dire de créer des ionsqui
vontcharger
lesparticules
depoudre.
Lesparticules chargées électriquement
serontprécipitées
sur le sol par lechamp électrique.
Nous ferons ensuite deux
expériences
avec une soufreuse Ver-morel du
type
utilisé enagriculture :
78
I° Un
soufrage
normal sanschamp électrique.
Sur la soufreuse est fixée la
petite
machine dontje
vous aiparlé
tout à l’heure. Mettons
l’appareil
en court-circuit et soufrons uneplaque
d’aluminium : iln’y
a aucuneadhérence,
aucuneparticule
desoufre ne reste fixée sur l’aluminium. ’ Sur des feuilles
de platane, l’expérience
reste lamême,
aucuneparticule
depoudre
nes’y
fixe d’une manière durable. ’: 2°
Soufrage
avecchamp électrique.
’ -Si on fait marcher la machine
qui
est entraînée par le levier dela
poudreuse,
lapoudre
reste fixée sur laplaque
d’aluminium ousur la feuille de
platane.
On voit aisémentque
mêmeaprès
l’avoirsecouée, la
poudre
y reste fixée.Un autre
intérêt du procédé :
avec lechamp électrique
on assurel’uniformité de la
répartition
de lapoudre,
car lapoudre
étantchargée électriquement,
estrepoussée
aux endroitschargés
et sedépose
ailleurs.M. FELICI
parle
alors des nouvelles machines électro-statiques :
Vous savez que la machine
électrostatique
esthistoriquement
lepremier générateur d’énergie électrique.
Son évolution a étélente,
elle n’aprogressé qu’avec beaucoup
depeine.
Eneffet,
il est tradi-tionnel de considérer comme 1 ancêtre des machines
électrostatiques,
le
globe
de soufre que Otto de Guericke a monté sur un axe à mani- velle en1640,
aMagdebourg.
Il a fallu
attendre
un sièclepour voir ajouter
à cette machine rudi-mentaire-l’organe
essentielqu’est
lecollecteur,
c’est-à-dire unepièce métallique
isoléequi reçoit
l’électricitédéveloppée par
le frottement.Ceci’n’à été réalisé que vers
1750 par Bose,
deMagdehourg.
Bose
disparut prématurément.
Il vivait à uneépoque
troubléecomme la nôtre. Il fut arrêté par les Prussiens
après
laprise
deMagdebourg, pendant
la guerre deSept
Ans et mourut dans lescasemates. Sa machine avait des effets étonnants pour son
temps :
elle
pouvait
enflammer de l’alcool et renverser un homme.Il fallut attendre un nouveau siècle
pour
arriver auxpremières
machines à influence
qui
ont été créées en1867 par Toepler de
l’Ins-titut allemand de
Riga
et à peuprès
en mêmetemps
par le Berli- nois Holtz. Il y eut ensuite une nouvellepériode
sansgrand progrès
jusque
vers1930,
où deuxphysiciens
que vousconnaissez,
VandeGraaf en
Amérique
et Pauthenier en France, ont créé des macliinesélectrostatiques adaptées
à laproduction
de tensions très élevées utiles pour les recherchesatomiques.
Malgré
cesprogrès,
les techniciensreprochent toujours
auxmachines
électrostatiques
les mêmes défauts : tout d’abordfaible puissance spécifique rapportée
aupoids
ou auvolume);
ensuiterendement très mauvais.
Pour vous donner un
exemple, je
vais vous citer une machineconstruite par Chaumat en
1936
etqui
est cequ’il
y a de mieuxdans le genre. Son
poids
est de 15kilogrammes.
Sapuissance
élec-trique
est de 10 watts. Ellepossède
undisque
de 42 centimètres de diamètrequi
tourne à 2 50o tours par minute. Son rendement est de 19 pour i oo dans les conditions lesplus
favorables.Il y a un
premier
faitqui
s’estdégagé
del’expérience
destemps passés :
c’estqu’il
estimpossible
de réaliser une machine électrosta-tique puissante
dans l’air ordinaire à lapression atmosphérique.
Ilest nécessaire de
remplacer
cet air par un milieu fluide derigidité diélectrique plus grande.
Cetemploi
n’estd’ailleurs
pas nouveau.En
effet,
c’estHempel
de Dresdequi
est lepremier
à avoir mis unemachine
électrostatique
dans l’aircomprimé
en 1885 et à avoirremarqué
l’amélioration dufonctionnement,
améliorationqui
résultait de la
compression
de l’air.Toutefois,
ceprocédé
n’a étérepris
sérieusementqu’à partir
de1936
par Van de Graaf.Cependant, malgré
ces derniersprogrès, malgré l’emploi
de l’aircomprimé,
les machinesélectrostatiques
modernesqui
sont trèsintéressantes pour certaines
applications scientifiques,
ne sont pas suffisantes aupoint
de vueélectrotechnique.
Je vais donner
quelques
chiffres:Hempel,
en1885,
à Dresde afait passer la
pression
de l’air dans une machine deToepler,
de i à4
atmosphères ;
lapuissance
étaitmultipliée
par 2,7.Lauritsen et
Fowler,
enAmérique,
ont réalisé en1941
une machinetravaillant sous une
pression
d’air de 5atmosphères
etdéveloppant
1,5 kw. Le volume
occupé
est de 18 mètrescubes,
c’est-à-dire que la machinedéveloppe
unepuissance
de8/100
kw. par mètre cube.Avec l’air
comprimé,
lapuissance
estmultipliée
par 3 seulement.Enfin,
Van de Graaf a réalisé àCambridge
en1939
une machinequi peut
passer pour laplus
réussie. Cette machine occupe seule-ment un volume
de 2,6
mètres cubes et elle travaille sous une pres- sion d’air de iatmosphères, pression
souslaquelle
elledéveloppe
1,23 kw, c’est-à-dire o,5 kw par mètre cube. Sa
puissance
est mul-80
tipliée
par 20quand
on introduit l’aircomprimé
et sonrendement
est de l’ordre de 5o pour oo.
Le
laboratoire,
conformément à saligne générale
derecherches,
a commencé par
rechercher,
non par desprocédés expérimentaux,
mais par des moyens
purement théoriques, l’augmentation
depuissance
que l’onpouvait espérer
dans les meilleures condi-tions,
del’emploi
de ces gazcomprimés qui étaient,
de l’avisuniversel, indispensables,
maisqui
donnaient des résultats assezvariables.
Cette recherche
théorique
a conduit à des résultats très intéres-sants. Elle a montré que
l’augmentation théorique possible
étaitinfiniment
plus grande
que tout cequi
avait été réaliséjusqu’alors ; qu’il
fallaitopérer
sous despressions
élevées et que, de cettefaçon,
l’on devait atteindre des
multiplications
depuissance
trèsgrandes.
En
opérant
dans de l’air à 20atmosphères,
on devraitpouvoir
arriver à
multiplier
lapuissance
par 150. Enopérant
sur de l’air à3o
atmosphères
ou del’hydrogène
à 60atmosphères
on devraitavoir une
puissance multipliée
par 300.Après
ces recherchesthéoriques,
ils’agissait
de savoir s’il existaitune machine
électrostatique qui,
mise dans l’aircomprimé
sous lespressions indiquées,
ait sapuissance multipliée
conformément auxprévisions précédentes.
Orl’expérience
prouvequ’une
telle machine n’existe pas. Aucune machine connue nepeut profiter
del’augmen-
tation de
puissance espérée.
La seconde tâche du laboratoire a consisté à créer des
types
nou-veaux de machines
pouvant profiter
réellement del’augmentation théorique
depuissance procurée
par despressions
élevées. Cesnouveaux
types
de machines ne sont pas radicalement différents des anciens. Ils ont avec eux uneparenté
deprincipe,
de même que la turbinehydraulique
a uneparenté
deprincipe
avec la roue de mou-lin. Mais cette
parenté
est seulementschématique.
On a pu réaliser au
laboratoire,
des machinesélectrostatiques
dont la
puissance,
sous 3oatmosphères,
se trouvemultipliée
parplus
de 200.Toutefois,
cechiffre,
si élevésoit-il,
n’est pas3oo,
ilreste donc des
progrès
à faire. Maisdéjà,
lamultiplication
par 100ou 200
permet
de réaliser despuissances
suffisantes pour de nom-breuses
applications
industrielles.Dès à
présent,
nous pouvons réaliser des machines dont lepoids,
enveloppe comprise,
est de 20 à iookilogrammes
par kw et dont l’encombrement varie de 5o à 200kw par
mètre cube. C’est direque ces machines tiennent une
place
honorableparmi
les autresgénératrices électriques.
Voici une reconstitution de la machine de
Toepler
réaliséeen
1867 :
Elle se compose de deux
plateaux,
ungrand
et unpetit, qui représentent
chacun une machineélectrostatique complète.
Chaque plateau possède
un inducteurqui
est uneplaque
fixerecouverte de
clinquant qui produit
descharges électriques
par influence sur leplateau mobile, charges qui
viennent se déverserdans le circuit extérieur. La
petite
machine est excitée par la grosseet
réciproquement.
Cette machineproduit
depetites
étincelles cor-respondant
à 10 ou 15 kilovolts. Onpeut apprécier
sapuissance
àquelques
centièmes de watt,quelques
dixièmes tout auplus.
Vous avez, à côté de
celle-ci,
la machineélectrostatique qui
aservi tout à l’heure à
poudrer.
Elle estplus maniable ;
dèsqu’on
lafait tourner à la
main,
elleproduit
unjet
d’étincellesplus
consé-quent
que celui de son ancêtre et sapuissance
est des dizaines de foissupérieure. (Elle développe
un courant continu de 4o à 5o micro-ampères,
sous 3o à 60kilovolts.)
Voici une autre machine
qui
donne 200 watts sous 5okilovolts ;
je
voussignale
que la machinen’occupe qu’une
trèspetite place
decette grosse boîte. La
partie
utile del’appareil
occupe en effet unetranche du
cylindre, qui
a seulement 6 centimètresd’épaisseur.
Lereste est la
place
du moteurtriphasé qui
fait tourner la machine.Le laboratoire a en construction des
prototypes qui
continuent la marche vers lespuissances
élevées : d’unepart,
une machine dei 500 watts
développant
une différence depotentiel
de 5oo kilo-volts et,
enfin,
deux machines de 26 kw sous la tension de 200 kilo-volts. Il ne faut pas vous étonner des tensions
indiquées,
c’est cequ’il
y a deplus
facile à obtenir.En même
temps
que leproblème
de lapuissance
se trouverésolu,
du même coup, le
problème
de rendement. Eneffet,
contrairement àl’opinion habituelle,
en raison de circonstances favorablesqui
sontl’absence
d’hystérésis,
d’effet Joule et de courants deFoucault,
lerendement
électrique
estégal
à 100 pour 100, c’est-à-direqu’il
estimpossible
de trouver une différence entre le travail absorbé par les forcesélectriques
etl’énergie électrique
que la machine restitue.Cette différence est inaccessible à la mesure. Il y a
cependant
despertes,
mais elles ne sont duesqu’aux
frottements. Le gazcomprimé
frotte
beaucoup,
mais desdispositions particulières permettent
de6
82
diminuer suffisamment ces frottements. Il est facile de les réduire à moins de 10 pour 100 de la
puissance
utile. A titred’exemple,
lapetite
machine àpoudrer,
avec ses engrenages a un rendement de 5o pour IOO, cequi
est excellent pour une machine de 2 watts. La machine de 200 watts a un rendement de 7o à 80 pour 100. Celles que nous avons en construction auront un rendement uniforme de go pour 100. Les rendementsindiqués
sontvalablesàpleine charge.
Si la
charge
est diminuée par une réduction devitesse,
le rendement croît. Il passe de go pour ioo à 97 pour iooquand
la vitesse estdivisée par
deux,
et à 99 pour 1ooquand
elle est divisée par trois.En tout cas, on
peut
considérer le rendement de 9o pour 100comme facile à atteindre et même à
dépasser.
Mais ce ne sont pas les seuls
avantages
de ces machines : elles enont d’autres aussi
importants
enpratique :
d’abord leur robustesseincomparable
pour une machine tournante à courantcontinu,
robustessequi
estplus grande
que celle desdynamos
à courantcontinu de même
puissance.
Eneffet,
elles sont insensibles auxcourt-circuits et dans bien des
dispositifs,
le fonctionnement s’ar- rête dèsqu’il
y a uncourt-circuit,
pourreprendre quand
il cesse.Elles sont, en même
temps,
insensibles auxsurtensions ;
les sur- tensionsproduisent
des étincellesqui
ont un effetheureux,
car ellesservent au début à
balayer
lesimpuretés qui s’opposent
à une bonnevaleur du
champ électrique.
Dans les autres machinesélectriques,
les étincelles détruisent les isolants et conduisent à des
réparations
coûteuses.
Toutefois,
comme dans toute machinequi produit
du courantcontinu,
il y a des contacts tournantsqui peuvent
tout de même êtredégradés
par un fonctionnementanormal;
mais il faut que ce fonc- tionnement dureplusieurs heures,
c’est-à-dire que l’intervention est facile etqu’elle
n’a pas même besoin d’êtrerapide.
Dans certainstypes d’ailleurs,
un fonctionnement anormal estrigoureusement impossible, quels
que soient lacharge,
la vitesse et lerécepteur.
Aucune fausse manoeuvre ne
pourrait
détériorer la machine.Enfin,
lelaboratoire,
dans sesrecherches,
a résolucomplètement
une autre
question qui
est celle de la stabilité.Par des
dispositifs
que l’onpeut qualifier
de rudimentaires etqui
sont moins chers que le rhéostat d’excitation d’une
dynamo,
onpeut régler
toutes lespropriétés
de la machineélectrostatique
en marcheet en
plus,
lui donner toutecaractéristique qui puisse
être commodepour
l’emploi
de tel ou telrécepteur.
’
Par
exemple,
lapetite
machine apoudrer possède
la caractéris-tique série,
c’est-à-dire que le courantqu’elle produit
estproportion-
nel à la tension à ses bornes. Elle est
particulièrement
facile àobtenir et, d’autre
part,
cettecaractéristique
se marie très bien avecla
caractéristique
del’aigrette réceptrice.
Onpeut
aussi bien obtenirla
caractéristique shunt,
etc. --Naturellement,
le courantproduit
par ces machinespeut
êtrerendu
rigoureusement
continu et constant dans letemps,
avec untaux de fluctuation aussi faible
qu’on puisse
le désirer.Les nouvelles machines fonctionnent aussi bien comme moteurs.
Elles constituent un nouveau
type
de moteur à courantcontinu, acceptant
des tensions trèsélevées, qui pourraient
êtreutilisées,
parexemple,
pour la tractionélectrique.
Enfin,
en cequi
concerne lescalculs,
ceux-ci sontplus simples
etaussi sûrs que ceux
auxquels
on esthabitué,
enélectrotechnique.
En effet, il y a de nombreuses causes de
complications qui dispa-
raissent : la saturation du
fer, l’hystérésis
du fer et l’effet Joule. Iln’y
a que les élémentsprincipaux
duproblème qui interviennent,
ce
qui
fait que l’onpeut pousser
trèsrapidement
le calcul dans sesdétails en tenant
compte
de tous les élémentsprincipaux
et secon-daires.
Pour résumer, on
peut dire,
dès àprésent,
en raison desprogrès déjà acquis,
que ces nouvelles machinesélectrostatiques
constituent desgénérateurs
de courant continu à hautetension, qui
sont à lafois les moins chers de
réalisation,
lesplus robustes
et lesplus
éco-nomiques
etcela,
pour toutepuissance
de l’ordre dequelques
kilo-watts ou inférieure et pour toute tension
depuis
10 kilovoltsjusqu’à
des milliers de kilovolts et elles soutiennent avec
avantage
la compa- raison avec lesdynamos
à courant continu basse tension.Naturellement,
onpeut
se demander si l’onpeut
construire de cesmachines pour des
puissances
extrêmementgrandes.
Il
n’y
a à cela aucuneimpossibilité
deprincipe,
étant donnés lesrésultats de nos
expériences
actuelles.Toutefois,
le fonctionnement des machines de milliers de kilowatts posera certainement de nou-veaux
problèmes.
Laquestion
est d’ailleurs à l’étude. Si les machines de 26 kilowatts donnent de bonsrésultats,
onentreprendra
laconstruction d’un échelon de
puissance supérieure.
84
DISCUSSION
M. DEMENAcH. _ Avez-vous
essayé d’employer
des gaz depoids
moléculaire élevé ?
M. FELICI. -
Oui,
nous les avonsessayés,
mais cela n’a pas donné de meilleursrésultats ;
nous nous sommes orientésplutôt
vers
l’air,
l’azote etl’hydrogène.
M.
X. _ Quel
est l’encombrement de ces machines? aM. FELICI. - Il est déterminé par la
puissance,
commeje
l’ai ditprécédemment.
M. X. -
Quel
est leprix
de revient de ces machines ?M. FELICI. - Il ne
peut
pas être établi encore, avec unegrande
exactitude. On
peut
penserqu’il
sera dequelques
milliers de francs par kilowatt.M. X. - Y a-t-il des
dangers
d’électrocution?M. FELICI. - Dans certains
types,
le courant estautomatiquement supprimé quand
il y a contact, d’autrepart
iln’y
a pas degrande capacité :
ledanger
d’électrocution n’existe que pour desappareils
très
puissants.
M. X. -
Quel
est lesupplément
d’effortmécanique
réclamépar la machine à
poudrer?
M. FELICI. - 3 à
4
watts.M. X. - Avez-vous
déjà
des soufreuses en action dans le domaineagricole ?
M. FELICI. - Pas encore ; en ce
qui
me concerne,je
suis seule-ment réalisateur de
prototypes.
M. X. -
Qui exploite
cette invention ?M. FELICI, - Le Centre national de la Recherche