Restrictions verticales et droit de la concurrence : principes et
applications
Master 1 EGE Master 1 EGE
Cours d’Economie Industrielle
Thierry Pénard
Questions
Pourquoi certains producteurs préfèrent disposer de leur propre réseau intégré de distribution ?
Pourquoi certaines relations entre Pourquoi certaines relations entre
producteurs et distributeurs se caractérisent par des arrangements contractuels
complexes ?
Contrats de long terme, clauses restrictives, … qui prennent la forme de réseau de franchise, réseau de distribution sélective ou exclusive
Franchise : plus de 1 000 réseaux, 73 750 points de
vente dont 43 680 en franchise
Double marge et intégration verticale
Référence : Spengler J. (1950) " Vertical Integration and Antitrust Policy", Journal of Political Economy 58, p.347-352.
Producteur amont
Producteur aval /distributeur
Consommateur
Résultat : l'intégration verticale est préférable à la fois pour les deux entreprises, mais aussi pour les consommateurs.
-
A. Cournot "Qu'est-ce qui est pire qu'un monopole ? Deux monopoles "
amont /distributeur
Preuve
Soit A l'entité produisant le bien et B celle distribuant ce bien.
Soit c
Ale coût unitaire de production du bien Soit c
Ble coût unitaire de distribution du bien.
Soit p le prix de vente au détail Soit p le prix de vente au détail Soit D(p)=1-p la demande finale
Soit w le prix de gros et q=D(p) la demande de gros dérivée de la demande finale
Deux cas :
les deux entreprises sont séparées
les entreprises sont intégrées
Firmes séparées
Résolution à rebours.
Le prix optimal pour B donné par : ( 1 − p ) − ( p − w − c
B) = 0
Objectif de A : maximiser
πA = (w−cA)qObjectif de B : maximiser
πB =(p−w−cB)D(p)Le prix optimal pour B donné par : ( 1 − p ) − ( p − w − c
B) = 0
Soit
2 1 w c
Bp = + +
Demande dérivée de gros :
2 1 w c
Bq = − −
Le prix optimal pour A donné par : 0
2 2
) 1
( − w − c
B− w − c
A=
Soit
2
) 1
( c
Ac
Bw = + −
Firmes séparées (suite)
Ventes de gros et de détail :
4
1 A B
S c c
q = − −
Prix de détail :
4
3 A B
S c c
p = + +
Profits des opérateurs donnés par :
8 ) 1
( A B 2
A
c c −
= −
π
et
16 ) 1
( A B 2
B
c c −
= −
8 π 16
Surplus des firmes=
16 ) 1
(
3 A B 2
B A
c c −
= − +π
π
Surplus des consommateurs égal à :
SSC q x dx pSqSS − −
=
∫
0 (1 )32 ) 1
( A B 2
C S
c S = −c −
Surplus totale (somme des surplus des producteurs et des consommateurs)
32 ) 1
(
7 A B 2
T S
c S = −c −
Firmes intégrées
Objectif de l'entreprise intégrée : maximiser
) ( )
( p c
Ac
BD p
I
= − −
π
Prix de détail optimal :
pI = 1+cA +cBPrix de détail optimal :
2
1 A B
I c c
p = + +
Ventes de détail :
2
1 A B
I c c
q = − −
Avec p
I< p
Set q
I> q
SSurplus des firmes intégrées : π
I = −cA −cB >π
A +π
B 4) 1
( 2
Firmes intégrées (suite)
Surplus des consommateurs égal à :
I q I
C
I
x dx p q
S
I
− −
= ∫
0( 1 )
) 1
(
1
A B 2C
c c
S = − − avec S
C> S
C8
B C A
S
I= avec S
IC> S
SCSurplus total donné par:
I B A
T q
I
x dx c c q
S
I
) (
) 1
0
( − − +
= ∫
Soit
32
) 1
( 7 8
) 1
(
3
A B 2 A B 2T I
c c
c
S = − c − > − −
Tableau récapitulatif
Profit/surplus des producteurs
Surplus des consommateurs
Surplus total
Structure non
3(1 − cA − cB )2 (1 − cA − cB)2 7(1−cA −cB)2Structure non
intégrée
16
) 1
(
3 − cA − cB
32 ) 1
( − cA − cB
32 ) 1
(
7 −cA −cB
Structure intégrée
4 ) 1
( −cA −cB 2
8 ) 1
( −cA −cB 2
8
) 1
(
3 − cA − cB 2
Le cas Royal Canin
40 % de PDM en 2000 sur le marché des aliments pour chien dans les magasins spécialisés (hors grande distribution)
Des produits haut de gamme, de marque
Barrières à l’entrée
Investissements élevés pour imposer une nouvelle marque
Savoir-faire nutritionnel
Pratiques incriminées
Mise en place d’un réseau de 19 distributeurs grossistes couvrant
Mise en place d’un réseau de 19 distributeurs grossistes couvrant l’ensemble du territoire (13 000 points de vente spécialisés, éleveurs)
Barrière à l’entrée
Contrats d’exclusivité sur les produits haut de gamme (étanchéité entre grande distribution et distribution spécialisée)
Prix de vente au détail indicatif, mais imposé dans le fait conduisant à une relative homogénéité des prix
Limite la concurrence intra-marque
Système de remise fidélisante en fin d’année (basé sur le CA)
Renforce les barrières à l’entrée – car force les concurrents à baisser fortement les prix pour prendre des PDM
Cas mixte de restrictions verticales abusives (entente verticale) et d’abus de position dominante
Amende de 5 millions € infligé par le CC en 2005
http://www.conseil-concurrence.fr/pdf/avis/05d32.pdf
Une entente verticale dans le secteur des jouets
37 millions d’amende infligées par le CC en 2007 aux fournisseurs
Chicco : 600 000 euros
Goliath France: 25 000 euros
Hasbro France: 5,1 millions d'euros
Lego SAS: 1,6 million d'euros
MegaBrands Europe NV : 240 000 euros
Et aux distributeurs :
Carrefour France : 27,4 millions d'euros
Carrefour France : 27,4 millions d'euros
Maxi Toys France : 1,8 million d'euros
JouéClub : 300 000 euros
“Les fournisseurs en cause se sont entendus avec l'ensemble de leurs distributeurs afin que leurs produits soient vendus au même prix dans tous les points de vente. Ils ont parallèlement mis en place des
actions de surveillance du marché et de police des prix, auxquelles ont activement participé les distributeurs.” Communiqué du CC
Période de Noël 2001 à 2003
Utilisation par Carrefour de son opération intitulée « Carrefour
rembourse 10 fois la différence », pour surveiller les prix et faire
remonter l’information auprès des fournisseurs concernés pour qu'ils « règlent le problème » du produit moins cher constaté chez ses
concurrents.
http://www.conseil-concurrence.fr/pdf/avis/07d50.pdf
Le cas Bausch et Lomb
Par une décision du 19 juillet 2001, le Conseil de la concurrence, saisi par la société Casino France, a infligé à la société Bausch & Lomb une sanction pécuniaire de 500 000 Francs pour avoir imposé à son réseau de distribution des prix de vente pour les produits solaires Ray-Ban au cours de la période 1995-1998.
La société Bausch & Lomb avait mis en place, à partir de 1995, une politique de distribution sélective pour ses produits Ray-Ban. Les politique de distribution sélective pour ses produits Ray-Ban. Les contrats de distribution sélective contenaient des dispositions en matière de sélection des distributeurs (qualification professionnelle, exigence d’un service après-vente et d’une vitrine sur rue,
évaluation du point de vente), ainsi qu’en matière de politique tarifaire (politique promotionnelle très encadrée, discount
systématique interdit). De plus, selon le conseil de la concurrence, la société Bausch & Lomb exerçait des pressions sur les
distributeurs ne respectant pas les prix conseillés (menaces, avertissements, sanctions, retards ou suspension de livraison, surveillance des actions promotionnelles).
Distribution exclusive
Distinction vente active (démarchage du client) et vente passive (client venant de lui-même)
Exclusivité absolue sur tous les clients appartenant au
territoire : aucun distributeur concurrent ne peut servir ces clients
Exclusivité relative : le producteur s'engage à ne pas introduire de distributeur concurrent sur le territoire
Interdiction pour un distributeur concurrent de faire de la vente
Interdiction pour un distributeur concurrent de faire de la vente active sur ce territoire, par contre possibilité de ventes passives si des clients de ce territoire viennent d'eux-mêmes chez le
distributeur
En France, interdit pour un fournisseur d'introduire une clause d'exclusivité absolue (d'interdire la vente passive)
La vente en ligne peut être compatible avec de la
distribution exclusive si utilisation de techniques de vente passive
Un site Web s’apparente-t-il à de la vente passive ?
Distinction technologies pull vs push (e-mailing)
Litige entre Nouvelles Frontières et ses franchisés (mandataires)
Contrat de distribution exclusive comprenant une commission de 8% sur les ventes + 3 000 €/an
Le site NouvellesFrontières.fr constituent-ils une remise en question du contrat ?
Oui pour les franchisés qui dénoncent l’opportunisme de NF
«On n’a vraiment rien contre Internet et le progrès mais
franchement, tout cela nous donne l’impression d’en être réduit à franchement, tout cela nous donne l’impression d’en être réduit à des vitrines de la marque en centre-ville, des 4 x 3 doublés de dépôts de brochures» … « Ce système, c’est vraiment de la concurrence déloyale.»
Les franchisés veulent une renégociation afin d’obtenir une part des revenus sur les ventes en lignes (20% du CA de NF )
Décision du tribunal de commerce de Bobigny
« dans l’intérêt des parties, les termes [des contrats devraient être] rediscutés afin qu’il soit tenu compte des conséquences du site Internet NF et de son développement»
Procédure de conciliation en cours
Distribution sélective
Possibilité pour un producteur de vendre uniquement à des distributeurs sélectionnés et agréés
Pour des produits de luxe, de haute technologie ou de marque nécessitant un service, un conseil. Par contre, non justifié pour des produits ne nécessitant aucun conseil.
Les critères de sélection doivent être objectifs de caractère qualitatif => la qualification du personnel, l'emplacement, qualitatif => la qualification du personnel, l'emplacement, l'agencement intérieur, la surface de vente
Les critères doivent être non discriminatoires ou uniformes
un canal de distribution ne peut être exclu a priori Exemple du canal Internet ou de la grande distribution
Exemple : condamnation de Nike refusant de vendre à des grands distributeurs, alors qu'il acceptait de fournir les VPCistes alors que ces derniers ne sont pas en mesure de fournir plus de services de conseils que les hypermarchés.
Exemple : Sony refus de vente à certaines enseignes sans motifs objectifs
Possibilité de discriminer dans les prix de gros en fonction
du service fourni.
Le cas des Laboratoires Fabre
Une distribution sélective des produits cosmétiques Fabre sous les marques Klorane, Avène, Ducray et Galénic
En pharmacie et parapharmacie
Critère de sélection : qualité du point de vente, qualification des vendeurs et présence d’un pharmacien
Une clause contractuelle prohibant la vente sur Internet
Pour le CC, une clause anticoncurrentielle qui entraîne une
«atteinte aux intérêts des consommateurs en privant ces derniers des effets pro-concurrentiels qui peuvent être derniers des effets pro-concurrentiels qui peuvent être
attendus de la vente en ligne des produits distribués par un réseau sélectif et a limité la liberté commerciale de ses
distributeurs agréés en les privant d'un mode de
commercialisation au fort potentiel de croissance. Ce mode de distribution permet non seulement aux consommateurs de comparer plus facilement les prix, mais leur offre
également des services que la vente dans les magasins
physiques ne permet pas d'apporter. La livraison à domicile, la mise à disposition en temps réel, dans n'importe quel lieu, d'une documentation spécifique au produit stimule la
concurrence par les prix tout en incitant les distributeurs à fournir plus de services pour attirer ou fidéliser leur
clientèle. »
Possible d’adapter les critères de distribution sélective de Fabre à la vente sur Internet
Entente verticale dans le secteur de la parfumerie de 1997 à 2000
Condamnation des principales marques de parfums et
cosmétiques de luxe (Jean-Paul Gaultier, Issey Miyake, Chanel, Christian Dior, Hermès, Estée Lauder, Givenchy Guerlain, Kenzo, L'Oréal, Lolita Lempicka, Thierry Mugler Parfums, Yves Saint-
Laurent) et des 3 chaînes nationales Marionnaud, Nocibé et Séphora
Des fournisseurs fixant à leurs distributeurs le « prix public indicatif », ainsi que le taux de remise maximum qu'ils étaient autorisés à pratiquer
indicatif », ainsi que le taux de remise maximum qu'ils étaient autorisés à pratiquer
La mise en place d'une "police des prix" consistant en des
contrôles des prix pratiqués, des pressions et des menaces de représailles commerciales à l'égard des distributeurs ne
respectant par les prix
Des relevés de prix pratiqués au cours de l'enquête qui ont permis de constater l'efficacité de l'entente
Position du CC : la défense de l'image de la marque ne peut justifier les restrictions apportées au principe de la libre fixation des prix
=> 45 millions € d’amendes
Voir http://www.conseil-concurrence.fr/pdf/avis/06d04.pdf