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Première expérience humanitaire dans la “jungle” de … Calais

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La Lettre du Gynécologue • N° 403-404 - juillet-octobre 2016 | 45

VIE PROFESSIONNELLE

Première expérience

humanitaire dans la “jungle”

de… Calais

C. Lefebvre*

* Service de chirurgie gynécologique, Pôle Femme-Mère-Enfant, CHU d’Angers.

E

n novembre 2015, Gynécologie sans frontières met en place un programme de prise en charge médico-psycho-sociale des femmes et des enfants sur les camps de réfugiés-migrants de la région Hauts-de-France. C’est l’opportunité qu’il me fallait saisir. Impossible de rester plus longtemps passive alors que quasiment chaque jour une infor- mation, un témoignage m’interpellent sur le parcours et le sort des migrants. Je postule et m’engage pour assurer une mission de 15 jours du 4 ou 19 juin 2016.

Ce sera ma première expérience humanitaire, une petite contribution bien loin de mon quotidien professionnel habituel de praticien hospitalier au CHU d’Angers. C’est donc avec une certaine appré- hension que j’entreprends le court voyage, tout au plus 4 heures de train, jusqu’à Dunkerque. J’avais de longue date envie de m’impliquer auprès d’une association humanitaire, mais je n’imaginais pas que ma destination serait à une centaine de kilomètres de l’endroit où j’ai grandi…

C’est accompagnée de Justine, sage-femme, et d’Hana, interprète, que je vais pour la première fois dans la “jungle” de Calais. Le choc est brutal. C’est d’abord la vision de hautes barrières surplombées de rouleaux de barbelés le long de la route menant au port et aux bateaux partant pour l’Angleterre et des premiers cars de CRS (fi gure). Nous traversons une zone industrielle où étrangement les piétons sont nombreux : des résidents de la “jungle” rentrant sans doute après une tentative dans la nuit de passer en Angleterre. Puis le camp apparaît, un immense terrain vague, jungle de tentes, de vieilles cara- vanes, de cabanons et de constructions de fortune.

Je suis abasourdie bien que prévenue par les images largement médiatisées. Comment imaginer que des hommes, des femmes et des enfants puissent vivre dans ces conditions… dans mon pays ?

C’est mal à l’aise envahie par un sentiment de honte que je fais mes premières rencontres avec les rési- dents du camp : des femmes et des enfants du centre d’hébergement Jules-Ferry. Ce centre d’accueil, construit sur intervention de l’État, est géré par

l’association La Vie Active et a vocation à mettre à l’abri jour et nuit jusqu’à 400 femmes et enfants vulnérables. Ici les conditions de vie sont meilleures que dans la “jungle”, chacun ayant un lit, plusieurs repas par jour et accès aux sanitaires, mais l’intimité reste un luxe inaccessible, chaque chambre accueil- lant au moins une dizaine de personnes. Il est tôt, le centre est calme. La majorité des résidentes et des enfants dorment encore pour récupérer de leur nuit de tentatives pour rejoindre l’Angleterre. Informées sur les résidentes susceptibles d’avoir besoin de notre aide par les membres de La Vie Active, nous allons à leur rencontre les invitant à une consultation dans l’après-midi. Je m’imaginais pouvoir être confrontée à la méfi ance, à la colère, voire à l’agressivité de ces femmes vivant dans un terrible dénuement. Je n’ai vu que des femmes nous saluant amicalement d’un sourire, d’un hello ou d’un salam, d’une poignée de main. Il en sera de même lorsque nous irons au-de- vant des femmes, des enfants et des hommes dans

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VIE PROFESSIONNELLE

la “jungle” de Calais, les camps de Grande-Synthe, Norrent-Fontes, Steenvoorde et Angres.

Durant les 15 jours de la mission, l’activité médicale est diverse : consultation de diagnostic et de suivi de grossesse, prise en charge de demande d’IVG, infor- mation et instauration de contraception, prévention et traitement de maladies sexuellement transmis- sibles, le tout en lien si nécessaire avec les services hospitaliers locaux. Je n’oublierai jamais certaines de ces consultations. Il y a Webit et son mari qui, malgré leur avenir incertain, explosent de joie quand pour la première fois une échographie à 13 semaines d’amé- norrhée (SA) leur montre leur premier enfant à venir.

Il y a Rahima au deuxième trimestre de sa troisième grossesse qui épuisée continue chaque nuit de tenter avec ses enfants et son mari de passer en Angleterre.

Il y a Beza qui semble si effrayée que les membres de la communauté sachent qu’elle est enceinte et que l’on accompagne pour une IVG médicamenteuse. Il y a Salema suivie pour une grossesse gémellaire qui

sera hospitalisée pour une varicelle déclarée à 32 SA et la mise en place du suivi des autres résidentes enceintes dans les conditions précaires imposées par leur situation et leur lieu de vie. Et tant d’autres sur qui le sort s’acharne, comme Hana que l’on retrouve avec son mari dans une tente de fortune dans le camp de Norrent-Fontes, elle attend des jumeaux et nous les accompagnons pour une première écho- graphie morphologique… et là l’annonce qu’un des jumeaux a un syndrome polymalformatif… Annonce dans tous les cas terrible mais qui là paraît inhumaine tant leurs épreuves ont déjà été nombreuses.

Durant ces 15 jours, j’ai souvent eu l’impression de faire peu. Et pourtant dans les mots, même limités parfois en l’absence d’interprète, et surtout les regards échangés, j’ai reçu tant de marques de gratitude. Il n’y a pas besoin de beaucoup pour pallier l’indifférence et rendre à ces personnes déportées ne serait-ce qu’une once de dignité. Merci infiniment à Gynécologie sans frontières de m’en avoir donné l’opportunité. ■ C. Lefebvre n’a pas précisé ses

éventuels liens d’intérêts.

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