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Des recommandations ordinales sur la substitution des opiacés

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Academic year: 2022

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Le Courrier des addictions (20) – n° 1 – janvier-février-mars 2018 12

M i se s a u p o i n t a u p o i n t

M i se s

Réponse

Concentration des agonistes Efficacité Emax : D > B > C > A

Puissance EC50 : A > B > C > D D : agoniste entier (100 %) de la réponse) A, B et C : agonistes partiels

100 %

50 % Emax (D)

D

B C

Emax (A) A

EC50 (A) EC50 (D)

Figure. Comparaison de puissance de l’effica- cité de plusieurs ligands agonistes.

D

ans un article publié dans Le Courrier des addictions portant sur les dérivés du fentanyl, Nicolas Authier et ses collègues comparent différentes molécules en parlant de puissance (1). Mais que se cache-t-il derrière ce terme ? Pour répondre à cette ques- tion, il est nécessaire de définir l’ensemble des paramètres qui caractérisent l’interaction entre la substance et ses cibles qui sont, dans le cas des opioïdes, des récepteurs couplés aux protéines G (RCPG). Il s’agit de récepteurs membranaires.

Parmi les nombreux récepteurs qui jouent un rôle dans la communication cellulaire, les RCPG constituent la plus grande famille des récepteurs membranaires, représentant un peu plus de 3 % du génome et 25 % des cibles des médicaments

Affinité, puissance, efficacité d’un agoniste (opioïde) :

que recouvrent ces termes ?

Affinity, potency, efficacy of an agonist (opioid):

what do these terms cover?

N. Marie*, F. Noble*

sur le marché. Ainsi, la compréhension de la pharmacologie de ces récepteurs, incluant une meilleure connaissance des modes d’action et de liaison des ligands, et des mécanismes d’activation est essentielle au développement de nouvelles molécules.

Le type de ligand qui s’associe au récepteur détermine l’aspect qualitatif et quantitatif du signal intracellulaire engendré par sa liaison.

Ces interactions ligand-récepteur en relation avec la signalisation déclenchent, en aval, des cascades de signalisation. La pharmacologie des RCPG se révèle de plus en plus complexe, avec la découverte de différents niveaux de modulation des récepteurs au-delà de la simple liaison au ligand, par interaction avec d’autres protéines associées ou entre les RCPG eux-mêmes.

Dans le cas des dérivés du fentanyl, la cible est le récepteur opioïde mu (MOR), dont l’activation entraîne la modulation de nombreux effecteurs

intracellulaires via les protéines G, comme l’adénylate cyclase (inhibition), les canaux K+ (activation), les canaux Ca2+ (inhibition) ou la mobilisation du Ca2+ intracellulaire. Les récep- teurs peuvent également activer d’autres voies de signalisation, indépendantes des protéines G, mettant en jeu en particulier la β-arrestine.

LES TYPES DE LIGANDS

Un des paramètres essentiels dans la caractéri- sation d’une substance est son caractère agoniste ou antagoniste.

Le terme d’agoniste s’applique à un ligand qui se lie sur un récepteur, provoquant un réar- rangement conformationnel du récepteur qui aboutit à l’initiation d’une réponse biologique. Il existe différents types d’agonistes. Les agonistes entiers et partiels augmentent l’activité du récep- teur, alors que les agonistes inverses la réduisent.

Un agoniste plein va produire une réponse maxi- male dans un système biologique donné (organe, cellule, etc.). Par comparaison, un agoniste partiel va produire une réponse inférieure à la réponse maximale possible, même lorsqu‘il est présent à une concentration saturant tous les sites de liaison des récepteurs (figure). Il est important de noter qu’un agoniste partiel, lorsqu’il est en compétition avec un agoniste plein, agit comme un antagoniste vis-à-vis de l’agoniste plein. On parle d’activité intrinsèque des agonistes, ce qui correspond à la capacité du ligand à produire un effet plus ou moins important en se liant au récepteur.

La plupart des médicaments ou drogues agissent sur des cibles (récepteurs, enzymes, etc.) dont l’activation (ou le blocage) va engendrer (ou bloquer) une série de réactions biochimiques à l’origine d’un effet (thérapeutique ou indésirable). Le terme de puissance est très souvent employé pour parler de la pharmacologie d’un ligand (molécule qui interagit avec la cible). Dans les articles, on peut par exemple très souvent lire : “La molécule X est 100 ou 500 fois plus puissante que la molécule Y.”

Mais que se cache-t-il derrière cette notion ?

L’affinité (facilité avec laquelle une substance se fixe sur sa cible) ne détermine pas, à elle seule, la puissance d’un ligand. En effet, cette dernière est aussi fonction de l’efficacité du ligand, c’est-à-dire de sa capacité à produire une réponse biologique après sa fixation au récepteur, d’une part, et de l’ampleur de cette réponse, d’autre part.

Most drugs act on targets (receptors, enzymes, etc.) whose activation (or blockage) will generate (or block) a series of biochemical reactions causing an effect (therapeutic or side effects). The term

“potency” is very often used to define the pharmacology properties of a ligand (molecule that interacts with the target). For example, one can very often read in the articles: “Molecule X is 100 times or 500 times more potent than molecule Y.” But what does it mean? Affinity (the ability of the ligand to bind to its target) does not determine, by itself, the potency of a ligand. Indeed, the latter is also function of the efficacy of the ligand, both involving its ability to produce a biological response after its binding to the receptor, and the magnitude of this response.

* CNRS ERL3649, Inserm U1124, université Paris-Descartes, Neuroplasticité et therapies des addictions, Paris.

Mots-clés : Affinité - Efficacité - Puissance - Ligand - Agoniste - Antagoniste Keywords: Affinity - Efficacy - Potency - Ligand - Agonist - Antagonist

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Le Courrier des addictions (20) – n° 1 – janvier-février-mars 2018

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Mises

a

u p

oin

t

a

u p

oin

t Mises

Certains récepteurs (mais ce n’est pas le cas du MOR) présentent une activité constitutive, qui se traduit par une activation des voies de signali- sation en l’absence d’agoniste. Dans ce cas, des agonistes qui vont déplacer l’équilibre de la population de récepteurs vers un état inactif, en réduisant la fraction de récepteurs dans un état actif, vont diminuer cette activité constitutive et sont qualifiés d’agonistes inverses. Plus récem- ment, une autre classe d’agonistes a été définie.

Il s’agit des agonistes biaisés. Un agoniste est dit biaisé lorsqu’il est sélectif d’une conformation du RCPG qui mène à l’activation de certaines voies de transduction par l’intermédiaire d’un seul effecteur spécifique (protéines G, β-arrestines), produisant ainsi une distorsion de la signalisa- tion. Par exemple, pour un RCPG qui se couple à plusieurs isoformes de protéines G, un ligand biaisé va activer un signal intracellulaire dépen- dant d’une seule de ces protéines G, alors qu’un ligand non biaisé activera toutes les protéines G. De la même manière avec les β-arrestines, un ligand biaisé peut activer spécifiquement des voies dépendantes d’une protéine G sans activer les β-arrestines et vice-versa. On parle donc d’un ligand biaisé pour telle ou telle voie.

Depuis quelques années, des études ont montré que l’analgésie passait préférentiellement par la voie des protéines G, alors que les effets indésirables des opiacés (tolérance, dépression respiratoire, constipation) dépendaient plutôt de la mobilisation de la voie de la β-arrestine.

Ce phénomène d’agonisme biaisé présente un intérêt thérapeutique évident ; des agonistes biaisés vis-à-vis des protéines G ont d’ores et déjà été développés. Ils présentent l’avantage d’induire moins d’effets indésirables, tout en présentant une bonne activité analgésique (2).

La deuxième grande classe de ligands est

constituée des antagonistes. Par définition, ils ne possèdent pas d’activité intrinsèque, c’est- à-dire qu’ils ne déplacent pas l’équilibre de la population de récepteurs à l’état basal. Ils sont capables de bloquer un effet, en empêchant la fixation d’un ligand endogène ou d’une autre molécule exogène.

AFFINITÉ ET EFFICACITÉ

Dans le but de prédire si un médicament aura la capacité de se lier à un récepteur (l’affinité, soit la facilité avec laquelle une substance se fixe) et de l’activer (efficacité, qui est l’activité induite par une molécule lors de la liaison au récepteur), la pharmacologie classique se fonde sur des principes de type quantitatif. Ces prin- cipes reposent sur l’hypothèse selon laquelle un récepteur oscille entre une conformation active et une conformation inactive, l’état actif étant à la source de toutes les réponses pharmaco- logiques associées au récepteur.

L’affinité (affinity en anglais) est représentée par le Kd (constante de dissociation à l’équilibre), exprimé le plus souvent en nM (nanomolaire) ou en µM (micromolaire). Plus sa valeur est faible, plus l’affinité du ligand pour le récepteur est importante.

À partir d’une courbe dose-réponse, on peut déterminer l’efficacité et la puissance d’un agoniste. L’efficacité (efficacy en anglais et notée Emax) reflète l’effet maximum produit par un agoniste et la puissance (potency en anglais) la concentration de l’agoniste produisant un effet défini (en général 50 % de l’effet maximum, on parle d’EC50) [figure]. Il faut noter que l’effica- cité et la puissance sont caractéristiques de la voie de signalisation mesurée.

ACTIVITÉ CLINIQUE

Le potentiel thérapeutique d’un médicament dépendra de l’ensemble des facteurs précédem- ment mentionnés : affinité, efficacité et puissance.

Mais d’autres paramètres joueront des rôles importants. Ainsi, la durée d’action sera fonc- tion du temps de dissociation du ligand vis-à-vis du récepteur, de la cinétique de diffusion et de la clairance de la molécule ; le délai d’action, qui correspond au temps de transfert de la molécule vers le site d’action, sera modulé par les inter- actions avec la barrière hémato- encéphalique quand on parle d’action centrale.

Tous ces paramètres vont conditionner les effets attendus, mais également indésirables. Par exemple, dans le cas d’une overdose aux opiacés, due à l’activation des récepteurs opioïdes dans les centres contrôlant la respiration, le traite- ment consiste à injecter la naloxone. Cette molé- cule, qui est un antagoniste des récepteurs, va déplacer l’agoniste du récepteur et ainsi bloquer l’effet dépresseur respiratoire. Le déplacement ne pourra se faire que si l’affinité ou la concen- tration de l’antagoniste sont supérieures à celles de l’agoniste et si ce dernier se dissocie facile- ment du récepteur.

Les auteurs ne déclarent aucun lien d’intérêt en relation avec le sujet de cet article.

Références bibliographiques

1. Authier N, Tournebize J, Mallaret M, Boucher A, Pion C. Dérivés du fentanyl ou fentanyloïdes : un risque majeur d’overdose. Le Courrier des addictions 2017;19:19-20.

2. Michel M.C. and Charlton S.J. Biased agonism in drug discovery - is it too soon to choose path? Mol Phar- macol 2018;93:259-65.

DES RECOMMANDATIONS ORDINALES SUR LA

SUBSTITUTION DES OPIACÉS

Les Ordres des médecins et des phar- maciens ont signé en octobre dernier des recommandations sur la prescription et la dispensation des médicaments de substitution aux opiacés. L’occasion de replanter le décor : 300 000 usagers d’opiacés en France en 2014, 180 000 patients traités. Mais aussi de rappeler :

“Le traitement de substitution aux opiacés, quel qu’il soit, doit être accessible et mis en place sans délai inutile et, lorsque nécessaire, de façon immédiate. Il a pour but la réduction des risques et des dommages liés à la consommation d’héroïne et s’inscrit dans une prise en charge

globale médicale psychologique et sociale.”

Cette dernière s’inscrivant dans la durée.

Après des rappels déontologiques et réglemen- taires, ils listent des règles simples pour rester vigilant envers le mésusage et le nomadisme, sans faire d’amalgame, en invitant à une prise en compte globale, suivant l’état des connaissances, avec une approche centrée sur le patient et qui ne soit pas dogmatique. Une prescription initiale de méthadone par des addictologues libéraux constituerait une amélioration de l’offre de soins et ils appellent à ce que le maximum de profes- sionnels contribue à la substitution aux opiacés.

Ces recommandations se terminent par un retour sur la mise sous prescription médicale de la codéine et les risques pour les usagers dépendants, invitant au repérage ainsi qu’à la réduction des risques.

Commentaires

Les recommandations insistent véritablement sur la réduction des risques, la compréhension de l’ambivalence à l’égard des soins, la chronicité, etc. Néanmoins, pour des professionnels non formés, difficile de savoir si le message passera.

Ils insistent sur le nécessaire engagement du plus grand nombre pour contribuer à cette prescrip- tion et prennent position pour une prescription initiale en ville sous condition de formation. Il est dommage que l’on ne trouve pas de conseils plus détaillés sur les posologies quand nombre d’usa- gers n’ont pas un dosage suffisant. A.D.

Pour en savoir plus

Recommandations ordinales. Prescription et dispensation des médicaments de substitution aux opiacés. Paris, le 11 octobre 2017. Ordre national des médecins & Ordre national des pharmaciens.

Références

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