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La participation sacramentelle: une entrée dans la dynamique de la vie divine d'après les Sermons au Peuple de saint Augustin

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(1)

PARADOSIS

56

PARADOSIS

56

PARADOSIS

56

La participation sacramenteLLe :

une entrée dans La dynamique de

La vie divine d’après Les sermons

au peupLe de saint augustin

Paweł Sambor

59

paradosis

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59

Beiträge zur geSchichte der altchriStlichen literatur und theologie

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ISBN 978-3-402-16120-3

Ce travail, dont la démarche est essentiellement inductive, porte sur la

re-lation entre anthropologie et sacrements. Dans la perspective d’Augustin,

l’homme est une créature dont la vocation à la vie divine est structurelle :

l’homme est fait pour voir Dieu. Mais à cause du péché, il devient prisonnier

du monde et par là incapable de voir intérieurement. Le retour, la

conver-sion, suit la logique de la structure anthropologique. La converconver-sion, qui se

fait au cœur de l’amour, signifie que celui qui vivait pour le monde change sa

perspective de vie. Ce changement se fait par la foi, l’espérance et la charité

qui réalisent la transformation du cœur et l’ouverture à la vie. Ces trois

ver-tus sont des moyens de participer à cette vie. Quelle est la place et le rôle des

sacrements dans cette participation ? La foi se rapporte premièrement au

sa-crement de la Parole qui ouvre à la foi, même s’il s’agit d’une foi incomplète,

pas encore capable de sauver l’homme. Le baptême ouvre à l’espérance parce

que rendant participant du mystère pascal, il ôte tous les péchés de l’homme

et par là supprime l’unique obstacle qui sépare de Dieu. L’eucharistie est le

sacrement de la charité, parce qu‘elle est la présence de l’Esprit que le Christ

offre en donnant son corps. Il s’ensuit que celui qui participe à l’eucharistie et

se nourrit du corps du Christ, se nourrit de la charité.

(2)

LA PARTICIPATION

SACRAMENTELLE :

une entrée dans la dynamique de la vie divine

d’après les Sermons au Peuple

de saint Augustin

(3)

59

Études de littérature et de théologie anciennes Fondée par

Othmar Perler Éditée par

(4)

LA PARTICIPATION

SACRAMENTELLE :

une entrée dans la dynamique de la vie divine

d’après les Sermons au Peuple

de saint Augustin

(5)

© 2017 Aschendorff Verlag GmbH & Co. KG, Münster www.aschendorff-buchverlag.de

Das Werk ist urheberrechtlich geschützt. Die dadurch begründeten Rechte, insbesondere die der Übersetzung, des Nachdrucks, der Entnahme von Abbildungen, der Funk sen -dung, der Wiedergabe auf fotomechanischem oder ähnlichem Wege und der Speicherung in Datenverarbeitungsanlagen bleiben, auch bei nur auszugsweiser Verwertung, vorbehalten. Die Vergütungsansprüche des § 54 Abs. 2 UrhG werden durch die Verwertungsgesellschaft Wort wahrgenommen.

Printed in Germany ISSN 1422-4402 ISBN 978-3-402-16120-3

Le poete Virgile et deux Muses, Sousse (Musée du Bardo), Photo G. Mermet Ascension du Christ. Munich, Musée National de Bavière

Cover, from left to right:

The prophet Ezra. Codex Amiatinus, Florence, Biblioteca Medicea-Laurenziana The poet Virgil and two Muses. Sousse (Bardo Museum). Photo by G. Mermet Ascension of Christ. Munich, National Museum of Bavaria

Titelseite, von links nach rechts:

Der Prophet Ezra. Codex Amiatinus, Florenz, Biblioteca Medicea-Laurenziana Vergil mit zwei Musen. Suosse (Bardo Museum). Foto G. Mermet

(6)

Dans cette étude, l’auteur Paweł Sambor ofm s’est adonné à un sujet

fondamental de la théologie sacramentaire et liturgique : la participation

sacramentelle dans la perspective d’un des plus grands penseurs dans

l’histoire de l’Église, saint Augustin (354–430). L’étude est une thèse de

doctorat en cotutelle entre l’Institut Catholique de Paris (ICP) et

l’Uni-versité de Fribourg/Suisse ; elle s’insère dans le cadre de la collaboration

entre l’Institut Supérieur de Liturgie de l’ICP et l’Institut de Sciences

liturgiques de la Faculté de théologie de l’Université de Fribourg.

Il ne faut pas comprendre la notion de participatio dans le sens

uti-lisé de préférence dans la théologie de la liturgie actuelle qui se base sur

la Constitution sur la sainte liturgie Sacrosanctum concilium du concile

Vatican II (1963). Mais, comme le sous-titre l’exprime, Augustin

consi-dère la participation sacramentelle surtout sous l’aspect de l’entrée des

fidèles dans la dynamique de la vie divine. Le terme de sacramentum est

donc à comprendre selon le concept large caractéristique de la

patris-tique et auquel Augustin a essentiellement contribué. Les sources de

l’élaboration de cette vision théologique augustinienne sont ses sermons

au peuple qui, au nombre de plus de 500 et surtout par leur richesse

théologique, exégétique, liturgique, spirituelle, pastorale, rhétorique…,

offrent toujours de nouvelles inspirations pour les discussions

théolo-giques et la vie ecclésiastique. Plus d’une fois, les thèmes et problèmes

traités dans la prédication de l’évêque d’Hippone à la fin du IV

e

et au

début du V

e

siècle, gardent leur actualité aussi pour notre temps. Paweł

Sambor développe la manière avec laquelle Augustin sait bien relier

en-semble son exégèse biblique, sa réflexion théologique ainsi que le

com-mentaire mystagogique des réalités du salut, avec la vie des hommes et

leur expérience dans la foi, tout cela en s’enracinant profondément dans

la vie de l’Église. De plus, il existe un rapport étroit entre sacrements et

prédication, car tous deux sont des actes liturgiques ; ils ont leur place

dans la célébration des mystères et sont, chacun à leur manière,

consti-tués par la parole dans la vie ecclésiastique.

La question centrale de Paweł Sambor est de savoir comment la vie

sacramentelle, avec ses conséquences pour la vie de l’homme dans son

ensemble, peut donner à celui-ci une véritable participation à la réalité

du Dieu trinitaire déjà dans ce monde, et cela dans l’attente

eschato-logique. Sur la base d’une recherche terminologique sur la notion de

(7)

l’auteur identifie l’importance de la dimension ontologique qui est

impli-quée dans cette notion et concerne principalement le rapport entre Dieu

Créateur et l’être créé. Cette participation est aussi spirituelle dans le sens

où l’âme participe à la bonté qui est Dieu par excellence. Cela indique

déjà qu’une étude de l’anthropologie augustinienne est fondamentale.

Celle-ci présente l’homme comme quelqu’un qui, en tant que créature

dans le monde créé, dépend entièrement de Dieu, son créateur ; un

rap-port qui garde son imrap-portance pendant toute la vie de l’homme. Si, par le

péché, l’homme se détourne de la relation de Dieu et s’attache au monde,

le retour à Dieu lui est offert par la grâce ; par le retour, une nouvelle

rela-tion imprégnée de l’amour de Dieu peut être constituée ; c’est Dieu seul

qui doit être aimé plus que chaque personne ou élément créés.

Paweł Sambor montre bien que la participation de l’homme à la vie

divine se réalise essentiellement par la foi, l’espérance et la charité. Il

existe donc une relation étroite entre les sacramenta, dont il traite dans

la deuxième partie de son étude de manière détaillée, la Parole de Dieu,

le baptême et l’Eucharistie, et les trois vertus théologales. Ainsi, il met au

centre la relation indispensable entre anthropologie et sacrements qui a

été partiellement développée à partir d’autres fondements théologiques

et philosophiques également ailleurs dans la théologie sacramentaire

ré-cente, entre autres, par Louis-Marie Chauvet. L’anthropologie s’accorde

avec la vie sacramentelle qui est concrètement célébrée dans la liturgie et

ensuite vécue. Dans cette optique, les sacrements sont constitués comme

une réalité à vivre et un fait d’expérience. Par cette position, Augustin se

révèle un théologien de grande actualité, malgré le fait que certains de ses

points forts dans la vision de l’homme ne sont pas facilement acceptables

par l’homme de la modernité, pour lequel l’autonomie et

l’autodétermi-nation sont des valeurs de premier rang. Mais aucun homme ne peut fuir

l’insuffisance et la finitude de sa vie, les multiples misères et souffrances,

soit de l’individu, soit du monde dans son ensemble. Le début du XXI

e

siècle présente cette problématique avec une acuité presque inattendue.

La réponse d’Augustin consiste dans la reconnaissance inconditionnelle

de la relation entre Dieu et l’homme, d’où peuvent résulter des forces

libératrices pour l’homme vivant dans ce monde en le réorientant vers

Dieu qui seul peut offrir la vraie vie, finalement la beata uita.

Parmi les sacramenta, Paweł Sambor se concentre sur le « 

sacre-ment  » de la Parole qu’il met en relation avec la foi, le sacrement du

baptême auquel correspond dans cette approche de théologie

sacramen-taire l’espérance, et le sacrement de l’Eucharistie qui est mis en relation

avec la charité. Les vertus théologales sont donc associées chacune à un

sacramentum. Ainsi, l’importance de la liturgie en tant que célébration

sacramentelle est fortement soulignée. En elle, la Parole de Dieu est

pro-clamée et, d’une certaine manière, célébrée pour devenir une Parole

(8)

effi-cace, libératrice et guérissante, et cela dans la communauté de l’Église.

On peut dire la même chose du baptême qui détruit le péché, insère

dans la communauté ecclésiale et crée une nouvelle réalité de la vie

hu-maine orientée vers l’avenir ; les rites du baptême dans l’Église ancienne

ont vivement illustré la conversion et la nouvelle adhésion à Dieu. La

participation sacramentelle à l’Eucharistie, dans sa relation à la charité,

s’inscrit dans la durée par répétition et un processus de vie dans lequel

l’Eucharistie comme pain de vie et pain du ciel donne la stabilité. Ainsi,

celui-ci répond d’une manière extraordinaire à la condition humaine et

à la vie de chaque jour. L’Eucharistie a, dans une perspective

eschatolo-gique, pour but la participation à la table céleste qui consistera dans la

vision et la contemplation de Dieu.

L’étude est beaucoup plus qu’une recherche en histoire de la

théo-logie sacramentaire. Son actualité réside dans le fait que

l’anthropolo-gie et la sacramentaire sont essentiellement liées entre elles et en même

temps profondément intégrées dans l’expérience humaine. La recherche

de Paweł Sambor prend au sérieux la liturgie de l’Église qui célèbre ces

sacrements : la Parole de Dieu, l’initiation chrétienne comme un

che-minement vers la foi et dans la foi, l’Eucharistie comme nourriture de

l’homme dans l’aujourd’hui en tant que pèlerin. On pourrait élargir cette

réflexion encore à d’autres sacramenta de l’Église. La réflexion

théo-logique, la célébration liturgique et l’expérience humaine forment une

unité inséparable. À bon droit, Paweł Sambor conclut que « ce type de

théologie en dialogue avec l’expérience est aujourd’hui urgent » (p. 495).

Son étude présente de manière impressionnante, comment la théologie

peut apprendre sur ces pistes de saint Augustin.

(9)

Cette publication est issue d’une thèse soutenue en mai 2015, pour

l’ob-tention du doctorat en théologie, en cotutelle avec l’Institut Catholique

de Paris et l’Université de Fribourg (Suisse). Le jury de soutenance,

pré-sidé par le Prof. Jean-Louis Souletie (Institut Catholique de Paris), était

composé du Prof. Patrick Prétot o.s.b., directeur pour l’Institut

Catho-lique de Paris, du Prof. Martin Klöckener, directeur pour l’Université

de Fribourg, et des Prof. Isabelle Bochet (Centre Sèvres, Paris) et Franz

Mali (Université de Fribourg).

Ma gratitude va avant tout aux deux directeurs de thèse : c’est grâce

à la pertinence de leurs conseils ainsi qu’à leur soutien que ce travail a

pu voir le jour. Cette reconnaissance ici ne peut être que plus grande

encore : au F. Patrick Prétot, pour une relecture patiente du manuscrit

et les améliorations du français y apportées, et à M. Martin Klöckener,

pour avoir bien voulu honorer cet ouvrage d’une préface. Je tiens à

re-mercier également Mme Isabelle Bochet pour ses observations lors de

la soutenance qui ont permis d’améliorer le texte de cette publication.

Ma reconnaissance va aussi à tous ceux qui ont contribué à ce

tra-vail. Je tiens ici à remercier tout particulièrement Mme Jacqueline

Gréal pour son aide inestimable et sa patience dans la relecture du texte

français. J’exprime finalement ma gratitude aux autorités académiques

de l’Université Pontificale « Antonianum » à Rome pour leur soutien

bienveillant lors de mes études. C’est à eux et à tous les Professeurs de

l’« Antonianum » que je dédie cet ouvrage.

*****

Pour le texte latin des œuvres d’Augustin nous avons utilisé le

CD-ROM du Corpus Augustinianum Gissense (CAG 2).

1

Les textes latins sont cités selon les règles de l’Augustinus-Lexikon :

pour les citations des textes on utilise les guillemets « », pour les citations

plus brèves, notamment les mots latins, on utilise les marques ‹ ›. Les

abréviations scripturaires, dont la liste se trouve à la fin de cet ouvrage

sont celles de la Vulgate, selon les normes de l’Augustinus-Lexikon.

1 CAG 2 – Corpus Augustinianum Gissense a Cornelio Mayer editum, développé part

le Centre pour les recherches augustiniennes de Wurtzbourg, en coopération avec le

Centre de compétence en matière de numérisation de texte en Sciences Humaines à

(10)

Sans aucun doute, la grandeur et le génie d’Augustin en ont fait une

figure marquante pour maintes générations après lui jusqu’à nos jours.

1

Mais le succès d’Augustin date déjà en quelque sorte de son vivant

2

,

succès qui, parfois, lui a causé également de véritables difficultés, par

exemple de la part des circoncellions

3

, le bras armé des donatistes.

Mal-gré leur importance, les Confessions, en tant qu’œuvre

autobiogra-phique, ne permettent cependant pas de saisir toute la profondeur et la

richesse d’une personnalité que, par ailleurs, de nombreux ouvrages ont

tenté de scruter.

4

Des études centrées sur les différents aspects sociaux et

historiques de son milieu et de son époque ont, de plus, complété ces

ap-proches.

5

C’est à travers l’ensemble d’une œuvre immense que l’on

per-1 Cf. H.-I. Marrou, Saint Augustin et l’augustinisme, (avec la collaboration de A.-M.

La Bonnardière), Paris, Seuil, 1955, coll. Maîtres spirituels 2, p. 149–180 ; H.-I. Mar-rou écrit : «  […] aussi longtemps que se maintient en Occident quelque chose de la tradition antique, cette pensée gravite dans l’orbite augustinienne » (p. 155–156). Cf. G. Madec, Petites études augustiniennes, Paris, Institut d’Études Augustiniennes, 1994, Collection des études augustiniennes. Série antiquité 142, chapitre 19 : « Saint Augustin est-il le malin génie de l’Europe ? », p. 319–330 ; Id., « Augustin a formé l’intelligence de l’Europe », dans Saint Augustin. Le Passeur des Deux Rives, M. Pon-devie (éd.), Le Château-d’Olonne, Editions d’Orbestier, 2010, p. 85–93.

2 É. Rebillard, « Sermons », dans Saint Augustin, la Méditerranée et l’Europe, IVe -XXIe siècle, A. D. Fitzgerald (éd.), M.-A. Vannier (éd. fr.), Paris, Cerf, 2005, p.

1324 : « Sa réputation était si grande que chaque voyage dans une province était l’occa-sion pour que l’évêque du lieu l’invite à prêcher ».

3 Possidius, raconte comment, providentiellement et par erreur, Augustin a pu échapper

aux mains des circoncellions. Voir Possidio, Vita di Agostino. Catalogo di tutti libri,

sermoni e lettere del vescovo sant’Agostino, E. Zocca (éd.), Milano, Paoline, 2009, coll. Letture cristiane del primo millennio 45, p. 184–191 (chapitre 12) ; cf. s. Dolbeau 4, 3

(Dolbeau 513). Sur la violence des donatistes, voir s. 359, 8 (PL 39, 1596) ; en. Ps. 10, 5 (CCL 38, 78) ; en. Ps. 54, 26 (CCL 39, 675) ; en. Ps. 57, 15 (CCL 39, 721). Au sujet des circoncellions, voir Y. M.-J. Congar, « Introduction générale », dans Œuvres de saint

Augustin, BA 28 (1963), p. 32–37 ; F. Decret, Le christianisme en Afrique du Nord ancienne, Paris, Editions du Seuil, 1996, p. 144–155.

4 Cf. J. J. O’Meara, La jeunesse de Saint Augustin. Introduction aux Confessions de Saint Augustin, Fribourg/Paris, Editions Universitaires/Editions du Cerf, 1997 ;

S. Lancel, Saint Augustin, Paris, Fayard, 1999 ; P. Brown, La Vie de saint Augustin, Paris, Editions du Seuil, 2001 ; C. Salles, Saint Augustin, un destin africain, Paris, Desclée De Brouwer, 2009.

5 Cf. A.-G. Hamman, La vie quotidienne en Afrique du Nord au temps de saint Augus-tin, Paris, Hachette, 1979 ; L’évêque dans la cité du IVe au Ve siècle. Image et auto-rité. Actes de la table ronde organisée par l’Istituto patristico Augustinianum et l’École française de Rome (Rome, 1er et 2 décembre 1995), É. Rebillard et C. Sotinel (éd.),

(11)

çoit la personnalité de l’évêque d’Hippone, une production qui étonne

non seulement par son ampleur mais aussi par la richesse des thèmes

traités. Cependant, Augustin ne se laisse pas enfermer dans l’image d’un

théologien ou d’un philosophe d’une profondeur exceptionnelle, d’un

polémiste acharné ou encore d’un excellent prédicateur. Certes, tous ces

aspects sont réels, mais ils trouvent leur unité avant tout dans l’image

d’Augustin pasteur d’âmes.

6

La plus grande part de son activité

appar-tient en effet à la pastorale.

7

Pour lui la charge épiscopale n’est pas un

titre d’honneur, mais le fardeau d’une responsabilité.

8

C’est un homme

passionné de la vérité

9

et, en même temps, un pasteur soucieux du salut

du troupeau qui lui a été confié.

10

Rome, École française de Rome, 1998, Collection de l’École française de Rome 248 ; C. Lepelley, Aspects de l’Afrique romaine. Les cités, la vie rurale, le christianisme, Bari, Edipuglia, 2001, coll. Munera. Studi storici sulla Tarda Antiquità 15 ; Saint Augustin,

la Numidie et la société de son temps. Actes du Colloque SEMPAM-AUSONIUS Bor-deaux, 10–11 octobre 2003, S. Lancel, S. Guédon, L. Maurin (éd.), Bordeaux/Paris,

Ausonius/de Boccard, 2005, coll. Ausonius Editions. Scripta Antiqua 14.

6 Voir F. van der Meer, Saint Augustin pasteur d’âmes, vol. I–II, Colmar-Paris,

Édi-tions Alsatia, 1959 ; M. Pellegrino, «  S. Agostino pastore d’anime  », RechAug 1 (1958), p. 317–338 ; P.-P. Verbraken explique qu’Augustin « […] avant d’être un écri-vain et un orateur, un philosophe et un théologien, fut un évêque pour son peuple […] » (« Lire aujourd’hui les Sermons de saint Augustin. À l’occasion du XVIe

cente-naire de sa conversion », NRT 109 (1987), p. 839).

7 G. Madec, «  Augustin évêque (pour un renouvellement de la problématique

doc-trinale) », dans Augustin prédicateur (395–411). Actes du Colloque International de

Chantilly (5–7 septembre 1996), G. Madec (éd.), Paris, Institut d’Études

Augusti-niennes, 1998, Collection des Études AugustiAugusti-niennes, Série Antiquité 159, p. 16 : « […] Les sermons, les lettres et les livres d’Augustin sont des actes de pastorale, et singu-lièrement les œuvres de controverses » ; cf. M. Pellegrino, « S. Agostino pastore d’anime », p. 317.

8 «  hodiernus dies, fratres, admonet me adtentius cogitare sarcinam meam, de cuius

pondere etiamsi mihi dies noctesque cogitandum sit […] » : s. 339, 1 (SPM 1, 112) ; voir aussi s. 91, 5 (PL 38, 569). Cf. M. Pellegrino, « S. Agostino pastore d’anime », p. 321–322.

9 Cf. util. cred. 1 (CSEL 25, 1, 3) ; conf. 3, 10 (CCL 27, 31) ; J. Pegueroles, « La

búsque-da de la verbúsque-dad en la vibúsque-da y en las obras de San Agustín », Espíritu 11 (1962), p. 69–84.

10 s. 17, 2 (CCL 41, 238) : « quid autem uolo ? quid desidero ? quid cupio ? quare loquor ?

quare hic sedeo ? quare uiuo ? nisi hac intentione, ut cum Christo simul uiuamus ? cupiditas mea ista est, honor meus iste est, possessio mea ista est, gaudium meum hoc est, gloria mea ista est. sed si non me audieris et tamen ego non tacuero, liberabo ego animam meam. sed nolo saluus esse sine uobis » ; voir aussi s. 82, 15 (PL 38, 514) ; s. 137, 14 (PL 38, 762) ; s. 296, 5 (MA 1, 404).

(12)

Les sacrements chez Augustin

L’objet de cette recherche concerne les sacrements chez Augustin. Le

thème apparaît chez lui en de multiples occasions, notamment dans le

cadre de la polémique avec le donatisme mais également dans d’autres

controverses.

11

C’est surtout dans le débat avec les donatistes qu’Augustin

précise les différents axes de sa théologie des sacrements, et spécialement

la relation Église-sacrement. Il distingue en effet une dimension objective

et une dimension subjective du sacrement. La première met en évidence le

caractère christique : c’est le Christ qui est l’auteur des sacrements et c’est

donc lui qui baptise (cf. Io 1, 33).

12

La deuxième désigne le fait que, hors

de la communauté ecclésiale, le sacrement demeure sans effet.

13

Sur cette

question, on ne peut évidemment oublier certains textes essentiels,

no-11 Voir à ce propos, par exemple, Y. M.-J. Congar, « Introduction générale », p. 7–133 ;

I. Ndimubanzi Hakizimana, « Baptismum ergo legitimum habent, sed non legitime

habent » : baptême et Église dans le De baptismo libri VII de saint Augustin contre le donatisme (Extrait de la thèse de doctorat), Rome, Pontificia Universitas Gregoriana,

2003 ; voir aussi l’ouvrage (issu de la thèse de doctorat) de C. García Mac Gaw, Le

problème du baptême dans le schisme donatiste, Bordeaux, Editions Ausonius, 2008,

coll. Scripta antiqua 21. L’auteur traite la question du baptême dans un contexte plus large, Augustin y est étudié dans les pages 239–277 (analyse du De baptismo libri VII) ; V. Grossi, I sacramenti nei Padri della Chiesa. L’iter semiologico-storico-teologico, Rome, Augustinianum, 2009, coll. Sussidi patristici 15, p. 87–117.

12 Io. eu. tr. 5, 6 (CCL 36, 43) : « […] dominus autem Iesus Christus noluit baptismum

suum alicui dare, non ut nemo baptizaretur baptismo domini, sed ut semper ipse dominus baptizaret : id actum est, ut et per ministros dominus baptizaret, id est, ut quod ministri domini baptizaturi erant, dominus baptizaret, non illi. aliud est enim baptizare per ministerium, aliud baptizare per potestatem » ; cf. s. 129, 7 (PL 38, 724) ;

s. Frangip. 8, 3 (MA 1, 229). Augustin distingue donc entre ‹potestas› et ‹ministerium›.

V. Grossi écrit à ce sujet : « La potestas appartiene sempre a Cristo che Lui non può in alcun modo alienare ; il ministerium è una possibilità di collaborazione offerta agli uomini. Nel battesimo perciò la potestas della mundatio (baptizare) è solo di Cristo ; del ministro è solo l’azione dell’immergere », (I sacramenti nei Padri della Chiesa, p. 94). Dans la sacramentaire Augustin opère en fait le déplacement de la pneuma-tologie (perspective donatiste) à la chrispneuma-tologie. V. Grossi poursuit plus loin : « Lo spostamento agostiniano sul piano cristologico del principale soggetto battezzante (Cristo) consentì alla teologia sacramentaria di poter sciogliere il nodo delle difficoltà sacramentarie dei donatisti, che si basavano sul binomio Spirito Santo – sacramenti. Agostino creò il nuovo binomio Cristo – sacramenti » (p. 111). Ainsi, ce n’est plus la sainteté personnelle du ministre qui conditionne le sacrement comme tel, mais le Christ qui est l’auteur du sacrement. cf. S. F. Flórez, « Eclesiología y sacramento en san Agustín », EstAg 12 (1977), p. 216–223.

13 Voir bapt. 4, 24 (CSEL 51, 250–251). Cf. P. V. Kornyljak, Sancti Augustini de effica-citate sacramentorum doctrina contra Donatistas (Thesis ad lauream),

Rome/Philadel-phia (USA), 1953 ; E. J. Cutrone, « Sacrements », dans Saint Augustin, la

(13)

tamment les lettres 54 et 55 adressées à Januarius

14

, ainsi que la lettre 98

15

,

un document tellement important que V. Grossi peut y voir un traité

pa-tristique de théologie sacramentaire.

16

Mais les sacrements appartiennent

avant tout à l’ordre de la vie ecclésiale : ils sont des réalités à vivre. C’est

pourquoi la prédication constitue une source importante quand on veut

considérer la théologie augustinienne des sacrements. Nos connaissances

sur la liturgie de l’Église d’Hippone sont malheureusement lacunaires. Ce

n’est que ponctuellement qu’Augustin lui-même évoque les rites comme

tels alors qu’il se concentre par contre sur la théologie des sacrements.

Le rapport entre sacrements et prédication doit être considéré à

plusieurs niveaux. En premier lieu, il s’agit de la célébration liturgique

comme telle. En effet, la prédication n’est pas une simple prise de parole,

mais un acte liturgique

17

qui vise le mystère célébré dans le sacrement.

18

Cependant ce rapport s’explique aussi au niveau métaphysique : la

pré-dication ainsi que les sacrements sont des actes de la Parole. En effet, la

prédication est en continuité avec les Écritures auxquelles elle permet,

en quelque sorte, de prendre corps en actualisant la Parole dans la vie de

l’Église. Mais les sacrements sont actes de la Parole parce qu’ils se

réa-lisent par la conjonction de la parole et de l’élément matériel.

Il faut souligner que le thème sacramentel apparaît explicitement

surtout dans les sermons du temps de Pâques.

19

En effet, le lieu

privi-14 Cf. A.-I. Bouton-Touboulic, « Pouvoir des signes et liturgie dans l’Epistula 55 de

saint Augustin », dans Saint Augustin, la Numidie et la société de son temps, S. Lancel (éd.), p. 115–129 ; R. Cantalamessa, « Il mistero pasquale in Ambrogio e in Agos-tino », dans S. Ambrogio e S. Agostino. Pavia, 20–27 aprile 1975, Pavia, M. Ponzio, 1979, coll. Atti della settimana Agostiniana Pavese 7, p. 17–31 (notamment p. 24–26) ; E. Cattaneo, « Il culto cristiano in Sant’Agostino e influssi della chiesa ambrosiana », dans ibid., p. 61–79 (notamment p. 70–73) ; H. R. Drobner, « Navidad en Hipona : celebración mística y catequesis », Augustinus 55 (2010), p. 31–49 (notamment p. 31– 37) ; J. Rexer, « Inquisitiones Ianuarii (Ad -) », AL 3, 620–630.

15 Cf. P. Batiffol, L’Eucharistie. La présence réelle et la transsubstantiation, Paris,

Librai-rie Victor Lecoffre, 1913, p. 438–439 ; M.-F. Berrouard, « Similitudo et la définition du réalisme sacramentel d’après l’Epitre XVCIII, 9–10, de saint Augustin », REAug 7 (1961), p. 321–337 ; V. Grossi, I sacramenti nei Padri della Chiesa, p. 101–105.

16 Cf. I sacramenti nei Padri della Chiesa, p. 101. 17 Cf. G. Madec, « Christus », AL 1, 859–860.

18 Cf. Y. Congar, « La relation entre culte ou sacrement et prédication de la Parole », Concilium 33 (1968), p. 53–62.

19 Sur la prédication pascale, voir, par exemple M. Comeau, « Les prédications pascales

de saint Augustin », RechSR 23 (1933), p. 257–282 ; S. Poque, « Introduction », dans Augustin d’Hippone, Sermons pour la Pâque, Introduction, texte critique, traduc-tion et notes de S. Poque, Paris, Cerf, 2011, coll. Sources chrétiennes 116, p. 9–115 ; W. Kamczyk, Tota Paschalis Solemnitas. Teologia i duszpasterstwo w kazaniach i

homi-liach św. Augustyna (La théologie et la pastorale dans les sermons et les homèlies de

saint Augustin), Katowice, Księgarnia Św. Jacka, 2012, coll. Studia Antiquitatis

(14)

légié de l’initiation chrétienne reste la nuit de Pâques

20

, ce qui implique

que le temps pascal se présente comme le plus propice pour parler

des sacrements. Outre le carême, qui était un temps de préparation au

baptême, Augustin aborde ce thème le jour même de Pâques ainsi que

pendant la semaine pascale. Même si l’initiation chrétienne trouve son

lieu premier à Pâque, ce n’est pas exclusif. On peut baptiser en d’autres

moments comme Augustin l’atteste dans le sermon 210.

21

Même si ce

sermon n’évoque pas le baptême en danger de mort, on peut

suppo-ser cependant qu’il s’agit souvent du baptême en urgence.

22

Une telle

pratique va au-delà de la querelle pélagienne sur la valeur du baptême

des enfants

23

, même s’il est vrai que l’enseignement d’Augustin à ce

sujet n’a pu que favoriser cette pratique.

24

Il suffit en fait de rappeler

l’exemple du baptême de son ami qu’il évoque au livre IV des

Confes-sions.

25

Il est évident qu’en cas de danger de mort, la nécessité prime sur

la règle générale du baptême durant la nuit de Pâques. Cette pratique

est liée à la conviction, sans cesse croissante, de la nécessité absolue du

baptême pour le salut de l’homme. Au cours de la querelle pélagienne,

20 Sur le sens sacramentel de la Pâque, voir ep. 55, 2 (CSEL 34, 2, 170) ; s. 220 (PL 38,

1089) ; sur le rapport entre Pâque et sacrements, voir ep. 55, 3 (CSEL 34, 2, 171–172) ; cf. R. Cantalamessa, «  Il mistero pasquale in Ambrogio e in Agostino  », dans S.

Ambrogio e S. Agostino. Pavia, 20–27 aprile 1975, p. 24–28.

21 s. 210, 2 (PL 38, 1048) : « quod merito mouere deberet, si baptizare uel baptizari nisi

die paschali solemnissimo non liceret. at cum per totum annum, sicut unicuique uel necessitas fuerit uel uoluntas, non prohibeatur a baptismo, id donante illo qui dedit eis potestatem filios dei fieri ; anniuersariam uero domini passionem, nonnisi certo anni die, quod pascha dicitur, liceat celebrari : baptismi sacramentum a pascha procul dubio distinguendum est. hoc enim omni die licet accipere : illud uno et certo anni die fas est agere. hoc ad innouandam uitam datur : illud ad religionis memoriam commenda-tur. sed quod ad illum diem longe maior baptizandorum numerus confluit, non gratia uberior salutis hic distat, sed laetitia maior festiuitatis inuitat ». Cf. A. Marini, La

celebrazione eucaristica presieduta da Sant’Agostino. La partecipazione dei fedeli alla Liturgia della Parola e al Sacrificio Eucaristico, Brescia, Pavoniana, 1989, p. 34. 22 Cf. J.-C. Didier, « Saint Augustin et le baptême des enfants », REAug 2 (1956), p.

111 ; R. De Latte, « Saint Augustin et le baptême. Étude liturgico-historique du rituel baptismal des enfants chez saint Augustin », QuLi 57 (1976), p. 50–51 ; W. Harmless, «  Baptême  », dans Saint Augustin, la Méditerranée et l’Europe, A. D.  Fitzgerald (éd.), p. 139–140.

23 Voir à ce sujet B. Delaroche, Saint Augustin, lecteur et interprète de saint Paul dans le

De peccatorum meritis et remissione (hiver 411–412), Paris, Institut d’Études augus-tiniennes, 1996, Collection des Études Augusaugus-tiniennes, Série Antiquité 146, « Dossier : Evolution de la réflexion d’Augustin, avant le PMR, sur le baptême des bébés et le salut », p. 347–356.

24 Cf. P. Garnsey et C. Humfress, L’évolution du monde de l’antiquité tardive, Paris,

Editions La Découverte, 2004, p. 209.

25 Cf. conf. 4, 8 (CCL 27, 43–44). Dans les Confessions Augustin raconte aussi comment

il a dû, lui aussi, être baptisé dans son enfance à cause de la maladie, ce qui finalement n’eut pas lieu parce qu’il avait retrouvé la santé (cf. conf. 1, 17 ; CCL 27, 9–10).

(15)

Augustin précisera toutefois que cette nécessité concerne également

l’eucharistie.

26

Outre la période pascale, le thème sacramentel apparaît aussi dans les

sermons, non seulement en écho aux querelles donatiste et pélagienne,

mais aussi en résonance avec des textes scripturaires proclamés lors de

la célébration. Le contexte polémique ne porte pas d’abord sur

l’eucha-ristie mais sur le baptême, ce qui explique que la question soit surtout

abordée à partir du baptême.

27

La raison en est aussi liée à la règle de

l’arcane qui ne permettait pas d’en parler ouvertement.

Ces divers aspects de la théologie augustinienne des sacrements ont

fait l’objet de nombreuses études dont l’inventaire complet serait non

seulement difficile à faire, mais aussi peu utile. Les recueils

bibliogra-phiques et maintenant les moteurs de recherche permettent à tous de

s’orienter dans ce vaste ensemble. Il faut signaler cependant quelques

contributions plus importantes pour notre recherche.

Rappelons d’abord deux articles de P. Th. Camelot : le premier, en

1947, se concentre sur la question longuement débattue du réalisme

sa-cramentel

28

, le deuxième, en 1957, se propose de mettre au point le sens

augustinien de la notion du sacrement.

29

Le premier article souligne la

difficulté à interpréter les textes d’Augustin sur l’eucharistie qui peuvent

être compris à la fois de manière symbolique et de manière réaliste. Deux

considérations de l’auteur méritent d’être soulignées. La première porte

sur le rapport entre symbolisme ecclésial et réalisme sacramentel. P. Th.

Camelot estime que ce « symbolisme », non seulement n’exclut pas le

corps individuel du Christ dans l’eucharistie, mais le présuppose : « […]

c’est parce que le sacramentum est d’abord sacrement du corps physique

26 pecc. mer. 1, 34 (CSEL 60, 33) : «  unde, nisi ex antiqua, ut existimo, et apostolica

traditione, qua ecclesiae Christi insitum tenent praeter baptismum et participationem mensae dominicae non solum ad regnum dei, sed nec ad salutem et uitam aeternam posse quemquam hominum peruenire ? » ; voir aussi c. ep. Pel. 1, 40 (CSEL 60, 458) ;

ep. 186, 30 (CSEL 57, 69).

27 Cf. L. Villette, Foi et sacrement. vol. 1. Du Nouveau Testament à saint Augustin,

Paris, Bloud & Gay, 1959, coll. Travaux de l’Institut catholique de Paris 5, p. 288. Même si Augustin se concentre avant tout sur le baptême, les principes théologiques qu’il approfondit à cette occasion, il les appliquera aussi aux autres sacrements. Y. M.-J. Congar écrit : « Ajoutons […] que si Augustin parle le plus souvent du baptême, il étend aux autres sacrements, en particulier à l’Ordre et à l’Eucharistie, les principes qu’il a surtout élaborés pour le baptême. Par là, il est le fondateur lointain du traité De

sacramentis in genere », (« Introduction générale », p. 94).

28 P.-Th. Camelot, « Réalisme et symbolisme dans la doctrine eucharistique de S.

Au-gustin », RSPhTh 31 (1947), p. 394–410.

29 P.-Th. Camelot, « “Sacramentum”. Notes de théologie sacramentaire

(16)

qu’il l’est aussi du corps mystique  ».

30

La deuxième considération est

plus générale : P. Th. Camelot rappelle que l’on ne doit pas confondre

le symbolisme d’Augustin avec le symbolisme moderne parce que, pour

les anciens, le symbole n’est pas étranger à la réalité :

« Aujourd’hui nous sommes tentés de dissocier symbole et réalité, et de voir dans le symbole une chose qui n’est pas ce qu’elle signifie, et nos historiens du dogme voient dans Augustin tantôt un symboliste, tantôt un réaliste ; pour les anciens, pour Augustin en particulier, le symbole, sacramentum, mysterium, est vraiment ce qu’il signifie. Sa théologie eu-charistique n’est ni symboliste ni réaliste au sens moderne de ces termes, elle est sacramentelle ».31

Dans l’article de 1957, cet auteur se propose d’« analyser quelques textes

qui nous permettront une approche de la définition augustinienne du

sacramentum, et à partir de cette définition, signaler quelques aspects

majeurs de ce que pourrait être une théologie du sacrement chez saint

Augustin ».

32

L’article se distribue en deux parties. La première constitue

essentiellement une analyse des deux lettres à Januarius et permet de

dégager trois éléments du sacrement : 1) « Le sacrement est un rite sacré,

il consiste en une celebratio : le sacramentum ne se sépare pas du culte

chrétien » ; 2) « Ce rite est commémoratif d’un fait passé […] » ; 3) « Ce

rite est porteur d’une signification spirituelle  ».

33

La deuxième partie

étudie le sacrement comme signe sacré. Deux questions y sont posées :

1) « En quoi consiste le signe sacré ? » ; 2) « De quelle réalité le sacrement

est-il signe ? » La réponse à la première question est liée à la structure du

sacrement : c’est par la parole qui s’ajoute à un élément que cet élément

reçoit la valeur de signe.

34

Quant à la deuxième question, P.Th. Camelot

met en évidence que cette réalité (‹res›), dont le sacrement est un signe,

n’est pas la ‹uirtus sacramenti›, c’est-à-dire la grâce sacramentelle, mais

« le Christ en tout son mystère »

35

, c’est-à-dire dans son mystère pascal

ainsi qu’ecclésial (‹Christus totus›).

36

30 P.-Th. Camelot, « Réalisme et symbolisme dans la doctrine eucharistique de S.

Au-gustin », p. 409.

31 Ibid., p. 410.

32 P.-Th. Camelot, « “Sacramentum”. Notes de théologie sacramentaire

augustinien-ne », p. 429.

33 Ibid., p. 438. 34 Ibid., p. 441. 35 Ibid., p. 446. 36 Ibid., p. 448.

(17)

Signalons encore la contribution de C. Couturier sur la notion de

‹sacramentum› chez Augustin

37

, notion qui d’ailleurs ne peut être séparée

de la notion de ‹mysterium›.

38

Il s’agit d’une contribution capitale parce

qu’elle met en évidence la richesse conceptuelle du terme ‹sacramentum›

chez Augustin. On y voit, entre outre, que la notion de ‹sacramentum›

augustinien ne correspond pas pleinement à celle de « sacrement » dans

la théologie postérieure. Le terme est ici plus large et sa signification

plus diversifiée. C. Couturier distingue trois aspects dans cette notion

de ‹sacramentum› : le ‹sacramentum›-rite, le ‹sacramentum›-symbole et

enfin le ‹sacramentum›-mystère. Au premier groupe, appartiennent les

rites chrétiens mais aussi les rites vétérotestamentaires ; ces derniers sont

d’ailleurs orientés vers le Christ. Au deuxième groupe appartiennent

les figures (ou symboles) scripturaires exprimées également à partir des

termes ‹sacramentum› ou ‹mysterium›. Enfin, la notion de ‹sacramentum›

devient proche de celle de mystère : mystère du Christ, mystère du salut,

mystère de la foi. Cette pluralité de significations est loin d’être fermée :

C. Couturier observe en effet que « le terme sacramentum glisse

facile-ment d’un sens à un autre »

39

et « s’il y a des exemples qui appartiennent

à des groupes bien caractérisés, les emplois de transition sont multiples »,

ce qui suggère qu’« une conception une préside à tous ces usages ».

40

En

reprenant ces acquis quelques années plus tard, A. Mandouze précise que

«  les catégories distinguées par Couturier peuvent être aisément ‘récu-pérées’ dans cette perspective ‘unifiante’ à condition qu’on veuille bien admettre de les considérer comme des sortes d’approximations, ou mieux d’abréviations commodes, étant bien entendu qu’au sens plein il s’agit respectivement de rite symbolique d’un mystère (sacré) ; symbole rituel d’un mystère (sacré) ; mystère symbolique d’un rite (sacré) ».41

37 C. Couturier, « “Sacramentum” et “mysterium” dans l’œuvre de saint Augustin »,

dans Études augustiniennes, H. Rondet-M. Le Landais-A. Lauras-C. Coutu-rier (éd.), Paris, Aubier, 1953, coll. Théologie 28, p. 161–332 (de 274 à 332 : annexe avec la classification des textes d’après leur sens et la table des références). Cf. F. van der Meer, «  Sacramentum chez saint Augustin  », LMD 13 (1948), p.  50–64 ; E. J. Cutrone, « Sacrements », p. 1266–1275.

38 Cf. C. Couturier, « “Sacramentum” et “mysterium” dans l’œuvre de saint

Augus-tin », p. 164. 269–274.

39 Ibid., p. 256.

40 Ibid., p. 266. Selon C. Couturier ce qui unifie ces différents usages de ‹sacramentum›

et ‹mysterium› est la personne du Christ : « toutes choses convergent vers lui comme vers leur centre véritable » (ibid.).

41 A. Mandouze, « À propos de ‘sacramentum’ chez s. Augustin. Polyvalence

lexicolo-gique et foisonnement théololexicolo-gique », dans Mélanges offerts à Mademoiselle Christine

Mohrmann, Utrecht/Anvers, Spectrum, 1963, p. 227 ; cf. id., « Sacramentum et sacra-menta chez Augustin. Dialectique entre une théorie et une pratique », dans Bulletin de l’Association Guillaume Budé 48 (1989), p. 367–375.

(18)

On peut signaler également l’article de F.-M. Berrouard centré sur la

lettre 98 à Boniface.

42

Le point de départ de cette étude est la question de

la foi dans le baptême des enfants. Le mérite de cette contribution tient

au fait qu’elle met en évidence le sens de la notion de ‹similitudo›. Dans

la définition du sacrement, la ‹similitudo› ne peut s’appliquer à la parenté

extérieure, à une ressemblance naturelle entre ‹res› et sacrement, ce qui

semble d’ailleurs l’opinion de P. Th. Camelot.

43

La ‹similitudo› exprime

la relation ontologique entre ‹res› et sacrement et c’est à ce titre que le

sacrement porte le nom de ‹res›. F.-M. Berrouard écrit ainsi :

« […] du fait de sa ressemblance avec la res, il y a entre le sacrement et sa res correspondance réelle, parenté ; le sacrement n’est pas étranger à la res dans son être même, il la contient de quelque façon, il y participe et c’est cette part de res qu’il porte en lui qui permet de l’appeler du nom même de la res sans tomber dans la pure métaphore. Mais d’autre part, parce qu’il ne s’agit que d’une ressemblance, un écart plus ou moins grand existe entre le sacrement et la res. La ressemblance explique donc que le sacre-ment soit tout ensemble différent de la res et pourtant si apparenté à elle qu’il est réellement quelque chose d’elle au point de recevoir légitimement son nom ».44

Il en résulte que, d’une certaine manière, par le baptême qui est le

sa-crement de la foi, les enfants eux aussi croient. Cette explication est

éclairante car elle permet de voir dans le sacrement, non seulement

un signe, mais la réalité même que le sacrement signifie, en expliquant

cette réalité en termes de participation : le sacrement participe à une

réalité, et par ce fait même, il rend participant celui qui reçoit le

sacre-ment à cette réalité même. Cette interprétation de la définition

sacra-mentelle (‹similitudo›) permet d’éviter un subjectivisme sacramentel

qui s’épuise dans une réflexion vague et sans consistance. Le sacrement

n’est pas seulement un signe de la ‹res› mais une participation

ontolo-gique à la ‹res›, et c’est cela précisément qui donne au sacrement toute

sa valeur salvifique.

On pourrait ajouter d’autres études que l’on peut estimer comme

étant de première importance, notamment celles de M. Klöckener sur

la liturgie.

45

Dans l’ensemble, ces études permettent de mieux saisir

42 « Similitudo et la définition du réalisme sacramentel d’après l’Epitre XVCIII, 9–10, de

saint Augustin », REAug 7 (1961), p. 321–337.

43 Cf. « Réalisme et symbolisme dans la doctrine eucharistique de S. Augustin », p. 400 ;

« “Sacramentum”. Notes de théologie sacramentaire augustinienne », p. 434–435.

44 « Similitudo et la définition du réalisme sacramentel d’après l’Epitre XVCIII, 9–10, de

saint Augustin », p. 330.

45 Cf. M. Klöckener, « Liturgiereform in der nordafrikanischen Kirche des 4./5.

Jahr-hunderts », dans Liturgiereformen. Historische Studien zu einem bleibenden

(19)

la théologie sacramentaire augustinienne et d’y voir une base solide,

même si elle est parfois complexe, pour toute autre recherche en ce

domaine.

Genèse de la problématique

La définition de la problématique de cette étude s’est faite par étapes.

Tout d’abord la recherche sur le vocabulaire a permis de constater qu’en

traitant des sacrements, saint Augustin utilise, parfois, le mot

‹partici-patio› comme participation aux sacrements. On peut indiquer à titre

d’exemples :

« Mais chez certains la grâce de la foi existe à ce point qu’elle est insuffi-sante pour obtenir le royaume de Dieu, comme chez les catéchumènes, comme chez Corneille lui-même avant que par la participation des sacre-ments il fût incorporé à l’Église »46 ;

«  Par communion, Natalis entend, je crois, celle qui comporte l’union avec la Colombe ; s’agit-il de la participation aux sacrements, sans aucun doute les hérétiques y étaient admis par ceux qui ne jugeaient personne et n’écartaient personne du droit à la communion pour divergence de sen-timents »47 ;

« […] il est absolument improbable qu’il [le candidat cultivé] ne connaisse pas maints passages de nos Écritures et de nos Lettres. Muni déjà de ces connaissances il vient uniquement pour participer à nos Mystères »48 ;

von der Frühzeit bis zur Aufklärung, M. Klöckener et B. Kranemann (éd.),

Mün-ster, Aschendorff, 2002, coll. Liturgiewissenschaftliche Quellen und Forschungen 88, p. 121–168 ; Id., « Das Eucharistische Hochgebet in der nordafrikanischen Liturgie der christlichen Spätantike », dans Prex Eucharistica. Vol. III : Studia. Pars prima :

Ecclesia antiqua et occidentalis, A. Gerhards/H. Brakmann/M. Klöckener (éd.),

Fribourg, Academic Press, 2005, coll. Spicilegium Friburgense 42, p. 43–128. Pour d’autres références, voir Bibliographie de la thèse.

46 Simpl. 1, 2, 2 (CCL 44, 25), trad. J. Boutet, BA 10, 445 : « sed in quibusdam tanta est

gratia fidei, quanta non sufficit ad obtinendum regnum caelorum, sicut in cathecume-nis, sicut in ipso Cornelio, antequam sacramentorum participatione incorporaretur ecclesiae […] ».

47 bapt. 7, 93 (CSEL 51, 367), trad. G. Finaert, BA 29, 557 : « communicationem credo

eam dicit quae pertinet ad columbae societatem. nam in participatione sacramentorum procul dubio communicabant eis neminem iudicantes nec a iure communionis ali-quem si diuersum sentiret amouentes ».

48 cat. rud. 12 (CCL 46, 133), trad. G. Comès, BA 11, 47 : « […] difficillimum omnino

est, ut non multa nostrarum scripturarum litterarumque cognouerit, quibus iam ins-tructus ad sacramentorum participationem tantummodo uenerit ».

(20)

« Le sacrement de cette réalité qu’est l’unité du corps et du sang du Christ se trouve préparé sur la table du Seigneur et est pris à la table du Seigneur, en certain lieux, chaque jour et, en d’autres, à certains intervalles de temps ; il mène certains à la vie et certains à la mort, mais la réalité même à quoi se réfère ce sacrement mène tout homme à la vie et ne mène personne à la mort, quels que soient ceux qui y participent »49 ;

« L’Église lui est incorporée pour avoir part à la béatitude éternelle »50 ; « Nos lumières sont une participation du Verbe, c’est-à-dire de cette vie qui est la lumière des hommes. Mais nous étions vraiment bien inadaptés et bien peu propres à une telle participation, avec la souillure de nos fautes. Il fallait donc nous purifier. Or pour les injustes et les orgueilleux, il n’y a qu’une seule purification : le sang du Juste et l’humilité de Dieu »51 ; « Prendre place à la table de la Sagesse, c’est commencer à vivre. En ef-fet, dans un autre livre appelé Ecclésiaste, où il dit : il n’y a de bon pour l’homme que ce qu’il mangera et boira, pense-t-on qu’il soit dit quelque chose de plus acceptable que ce qui regarde la participation à ce repas que le prêtre, en même temps médiateur du testament nouveau, offre selon l’ordre de Melchisédec, en se servant de son corps et de son sang »52 ; « […] le baptême qui est donné à l’Église pour qu’elle participe au salut éternel […] »53 ;

49 Io. eu. tr. 26, 15 (CCL 36, 267–268), trad. M.-F. BERROUARD, BA 72, 523 : « huius

rei sacramentum, id est, unitatis corporis et sanguinis Christi alicubi quotidie, alicubi certis interuallis dierum in dominica mensa praeparatur, et de mensa dominica sumitur : quibusdam ad uitam, quibusdam ad exitium ; res uero ipsa cuius sacramentum est, omni homini ad uitam, nulli ad exitium, quicumque eius particeps fuerit ».

50 Io. eu. tr. 123, 2 (CCL 36, 676), trad. M.-F. Berrouard, BA 75, 407 : « huic

incorpo-ratur ecclesia ad participandam beatitudinem sempiternam ».

51 trin. 4, 4 (CCL 50, 163–164), trad. M. Mellet et Th. Camelot, BA 15, 345 :

« inlu-minatio quippe nostra participatio uerbi est, illius scilicet uitae quae lux est hominum. huic autem participationi prorsus inhabiles et minus idonei eramus propter immundi-tiam peccatorum ; mundandi ergo eramus. porro iniquorum et superborum una mun-datio est sanguis iusti et humilitas dei […] ».

52 ciu. 17, 20 (CCL 48, 588), trad. G. COMBÈS, BA 36, 459 : « participem autem fieri

mensae illius, ipsaim est incipere habere uitam. nam et in alio libro, qui uocatur Eccle-siastes, ubi ait : non est bonum homini, nisi quod manducabit et bibet [Ecl 8, 15], quid credibilius dicere intellegitur, quam quod ad participationem mensae huius per-tinet, quam sacerdos ipse mediator testamenti noui exhibet secundum ordinem Mel-chisedech de corpore et sanguine suo ? »

53 ep. 108, 16 (CSEL 34, 2, 630) : «  […] baptismus Christi ad participationem salutis

aeternae datus ecclesiae […] » ; (s’il n’est pas indiqué autrement, les textes latins sont traduits par nous même).

(21)

« Ils sont enfants, mais ils deviennent ses membres. Ils sont enfants, mais ils reçoivent ses sacrements. Ils sont enfants, mais ils participent à sa table afin qu’ils aient la vie en eux »54 ;

« Je n’ai pas oublié ma promesse. Je vous avais promis, à vous qui avez été baptisés, un entretien sur le sacrement de la table du Seigneur que vous voyez maintenant encore et auquel vous avez pris part la nuit dernière ».55

Une recherche ultérieure nous a permis de constater que le mot

‹partici-patio› est lié habituellement, sauf quelques exceptions, à la vision

augus-tinienne du rapport entre créature et Créateur. Ainsi, Augustin utilise

le terme ‹participatio› (et ses variantes ‹participare› ou ‹particeps›) pour

exprimer la dimension ontologique, même si parfois il l’utilise aussi dans

le sens plus ordinaire.

56

La pensée augustinienne s’inscrit évidement ici

dans la tradition platonicienne où la théorie des idées et de la

participa-tion est essentielle.

Théorie de la participation dans la philosophie antique

Sans vouloir traiter en détails une question aussi ample et complexe que

celle des idées et de la participation dans la tradition platonicienne, et

au risque d’une simplification pourtant inévitable, on peut résumer le

54 s. 174, 7 (PL 38, 944) : « infantes sunt, sed membra eius fiunt. infantes sunt, sed

sacra-menta eius accipiunt. infantes sunt, sed mensae eius participes fiunt, ut habeant in se uitam ».

55 s. 227 (SC 116, 234–235 ; trad. S. Poque) : « memor sum promissionis meae.

promi-seram enim uobis, qui baptizati estis, sermonem quo exponerem mensae dominicae sacramentum quod modo etiam uidetis et cuius nocte praeterita participes facti estis ». Voir aussi c. ep. Parm. 3, 2 (CSEL 51, 100) ; c. litt. Pet. 2, 247 (CSEL 52, 159) ; pecc. mer. 1, 27 (CSEL 60, 26) ; pecc. mer. 1, 34 (CSEL 60, 33) ; pecc. mer. 3, 8 (CSEL 60, 134) ;

gr.  et. pecc. or. 2, 19 (CSEL 42, 180) ; ep. 141, 5 (CSEL 44, 239) ; ep. 166, 21 (CSEL

44, 576) ; Io. eu. tr. 27, 11 (CCL 36, 276) ; ciu. 21, 25 (CCL 48, 794) ; s. 351, 7 (PL 39, 1542)  ; s. Denis 3, 2 (MA 1, 19) ; s. Mai 89, 1 (MA 1, 331).

56 Le sens ordinaire du terme est multiple et dépend du contexte dans lequel il se trouve.

Il peut signifier, par exemple : faire part de ses pensées (cf. s. 6, 1 ; CCL 41, 62 ; en. Ps. 61,17 ; CCL 39, 786 ; cependant voir le paragraphe infra « Au service de la Parole »), ou de biens matériels (cf. s. 11,1 ; CCL 41, 161) ; être associé à (cf. ciu. 5, 25 ; CCL 47, 161) ; être complice (cf. gr. et pecc. or. 2,17 ; CSEL 42, 179) ; participer à des rites païens (cf.

conf. 8, 3 ; CCL 27, 115) ; prendre part (cf. bapt. 2,18 ; CSEL 51, 194 ; ep. 125,5 ; CSEL

44, 7). Pour d’autres significations voir par exemple ep. 97, 4 (CSEL 34, 2, 519–520) ;

Emer. 11 (CSEL 53, 195) ; c. Gaud. 1, 54 (CSEL 53, 254) ; c. Gaud. 1, 45 (CSEL 53,

244) ; c. Iul. 2, 37 (PL 44, 702) ; c. Iul. imp. 4,108 (PL 45, 1404) ; ep. 11,1 (CSEL 34, 1, 25) ; ep. 15,2 (CSEL 34, 1, 36) ; ep. 80, 3 (CSEL 34, 2, 349) ; s. Dolbeau 4, 1 (Dolbeau 511). Cf. Ch. Pietsch, « Participatio », AL 4, 472–473.

(22)

problème de la manière suivante. La théorie philosophique des idées

et de la participation (methexis)

57

, qui remonte à Platon

58

, essaie de

traduire la relation entre, d’une part, la multiplicité caractéristique du

monde sensible et, d’autre part, la simplicité correspondant au monde

des idées.

59

L’idée de la participation exprime donc également la relation

(demeurant asymétrique) entre le sensible et l’intelligible, entre le

par-ticulier et l’universel.

60

La théorie platonicienne de la participation est

alors déterminée par deux ou trois facteurs selon que l’on considère le

Timée qui est l’œuvre de la maturité de Platon : les idées, la matière et

le démiurge. Le monde sensible ne se situe pas au même niveau que le

monde intelligible des idées, mais il lui est inférieur. Et c’est pourquoi

il se présente comme imitation du monde des idées.

61

Pourtant, les idées

de Platon ne possèdent pas d’impact réel sur le monde sensible, elles

ne s’impriment pas dans le sensible mais y jouent un rôle

d’exempla-rité : les idées ne sont pas dans les choses sensibles, mais c’est en vertu

de l’exemplarité des idées que le monde sensible existe. Néanmoins il

faut préciser que Platon pense à la participation, d’abord en terme de

présence dans, puis comme ressemblance. La relation entre le sensible

et l’intelligible ne se traduit qu’en terme de cause exemplaire. Dans le

système de Platon, la notion de cause efficiente ne prend place qu’au

fur et à mesure où apparaît la figure d’un démiurge fabricant le monde

sensible à partir du monde des idées.

62

57 L. Brisson, « Comment rendre compte de la participation du sensible à l’intelligible

chez Platon ? », dans J.-F. Pradeau (éd.), Platon : les formes intelligibles. Sur la forme

intelligible et la participation dans les dialogues platoniciens, Paris, Presses

universi-taires de France, 2001, p. 56, note 3 : « Il n’y a pas de vocabulaire technique exprimant l’idée de participation chez Platon. On peut cependant citer un certain nombre de verbes et de substantifs qui expriment cette idée [… ] ».

58 Aristote pourtant soutient que Platon n’a pas inventé cette théorie, cf. Aristote, Mé-taphysique A, 6, 987 b, 10.

59 Voir Phédon, Parménide, Sophiste, Timée  ; voir aussi Z. J. Zdybicka, Partycypacja bytu. Próba wyjaśnienia relacji między światem a Bogiem (La participation de l’être. Essai d’interprétation de la relation entre le monde et Dieu), Lublin, Towarzystwo

Naukowe KUL, 1972, coll. Rozprawy Wydziału filozoficznego KUL 20, p. 21–38 ; F. Fronterotta, ΜΕΘΕΧΙΣ. La teoria platonica delle idee e la partecipazione delle cose empiriche. Dai dialoghi giovanili al Parmenide, Pisa, Scuola Normale Superiore, 2001 ;

L. Brisson, « Comment rendre compte de la participation du sensible à l’intelligible chez Platon ? », p. 55–85.

60 Cf. C. Fabro, La nozione metafisica di partecipazione secondo s. Tommaso d’Aquino,

Segni, EDIVI, 2005, coll. Opere Complete 3, p. 50.

61 Cf. L. Brisson, « Comment rendre compte de la participation du sensible à

l’intelli-gible chez Platon ? », p. 63.

(23)

« La réalité intelligible que contemple le démiurge ne fournit rien d’autre qu’un modèle, qui en tant que tel n’est pourvu d’aucune efficacité. C’est le démiurge qui, gardant les yeux fixés sur lui, en reproduit la nature et les propriétés pour fabriquer les choses sensibles ».63

Chez Platon, c’est le monde intelligible qui est pourvu d’un statut

onto-logique à la différence du monde sensible qui en est privé : le monde

sensible devient, le monde intelligible demeure.

Aristote rejette la théorie platonicienne des idées et de la

partici-pation.

64

À la transcendance de l’idée (forme) platonicienne, il oppose

l’immanence de la forme qui informe la matière. Selon Aristote, la forme

(qui est une idée dans l’individu concret) n’est pas une substance

uni-verselle et séparée (comme chez Platon) mais existe individuellement et

concrètement. Le sens universel d’une forme est de caractère

épistémo-logique. « L’universel ne désigne en effet jamais un objet déterminé, mais

seulement une certaine qualité d’un ou plusieurs objets ».

65

Chez Plotin, la question des idées et de la participation s’inscrit dans

le système de la réalité issue de l’émanation de l’Un.

66

La réalité est

orga-nisée de manière hiérarchique et dans un rapport causal.

67

Toutefois, au

63 L. Brisson, « Comment rendre compte de la participation du sensible à l’intelligible

chez Platon ? », p. 80. Étant donné que le démiurge se retire après son intervention, Platon introduit l’hypothèse de l’âme comme un principe de permanence et de mou-vement ordonné, cf. ibid., p. 82–85.

64 Cf. Z. J. Zdybicka, Partycypacja bytu, p. 38–51; F. Fronterotta, «  „Les Formes

n’existent pas de la façon dont il le dit”. La critique aristotélicienne de Platon », dans dans J.-F. Pradeau (éd.), Platon : les formes intelligibles. Sur la forme intelligible et

la participation dans les dialogues platoniciens, Paris, Presses universitaires de France,

2001, p. 129–154.

65 F. Fronterotta, « „Les Formes n’existent pas de la façon dont il le dit”. La critique

aristotélicienne de Platon », p. 149.

66 Cf. Z. J. Zdybicka, Partycypacja bytu, p. 51–54; M. Fattal, ‘Logos’ et image chez Plo-tin, Paris, l’Harmattan, 1998 ; A. Linguiti, « Dottrina delle idee nel neoplatonismo »,

dans F. Fronterotta – W. Leszl (éd.), Eidos – Idea. Platone, Aristotele e la tradizione

platonica, Sankt Augustin, Academia Verlag, 2005, coll. International Plato Studies 21, p. 247–261 ; W. Beierwaltes, « La teo-logica di Plotino », dans L. Romera (éd.), Ripensare la metafisica. La Filosofia Prima tra Teologia e altri saperi, Roma, Armando,

2005, p. 13–30.

67 J.-F. Pradeau, L’imitation du principe. Plotin et la participation, Paris, J. Vrin, 2003,

coll. Histoire des doctrines de l’Antiquité classique 30, p. 60 : « Sous sa forme la plus générale, le rapport des trois réalités véritables est un rapport causal, chaque principe donnant au principe suivant la réalité qui est la sienne, c’est-à-dire l’activité qui le définit. C’est pour cette raison semble-t-il que la procession est aussi bien désignée par Plotin comme processus d’engendrement successif ou graduel : l’Un est le géniteur de l’Intellect qui, à son tour, engendre l’Âme ». Précisons en même temps que le terme de la « procession » chez Plotin est inséparable de la « conversion ». A. Pigler, Le

voca-bulaire de Plotin, Paris, Ellipses, 2015, coll. Vocavoca-bulaire de, p. 40 : « La procession et la

(24)

sommet de tout, se trouve non le monde des Idées, mais l’Un à la fois

indivisible et totalement simple et, par conséquent, au-delà de l’être et de

la pensée. Ce Un inconnaissable et au-delà de l’être est pourtant source

de l’être et de la pensée c’est-à-dire de l’Intellect. De l’Un découle en

effet l’Intellect qui, tout en étant simple, est en quelque sorte la

pre-mière multiplicité par rapport à l’unité absolue de l’Un.

68

La simplicité

de l’Intellect est conservée par une sorte de compénétration des Idées.

69

Au-dessous de l’Intellect se place l’Âme de l’univers qui, à son tour,

engendre l’âme végétative et génératrice en tant que son image.

70

Ce

qui s’imprime dans la matière, à savoir ce qui produit des corps, ce ne

sont pas les formes ou les idées mais les images des formes. Les idées

n’agissent pas directement sur la matière mais indirectement, à travers

ses images, comme le souligne Michel Fattal :

« Selon Plotin, ce ne peut être le “tout” de la forme qui s’engage dans la matière car cela remettrait en cause la transcendance de l’eidos. La matière ne reçoit pas la forme dans sa totalité, mais elle n’en reçoit qu’une image. L’image de la forme transcendante ne représente donc pas le tout de cette forme, elle n’en est que son substitut ou son représentant dans le monde sensible ».71

Il s’ensuit que, selon la pensée de Plotin, la participation du monde

sen-sible et du matériau dans les idées n’est qu’indirecte. Ce qui entre en

contact avec la matière n’est pas la forme (idée) mais son image.

Toutefois, Aristote, l’Académie antique et Plotin ne sont que certains

interprètes, quoique fondamentaux, de la théorie platonicienne des idées

et de la relation avec le monde sensible.

dérivées de l’Un. En effet, de la plénitude du Principe absolu procède, par surabon-dance, une énergie dérivée qui se constitue en réalité achevée lorsqu’elle marque un arrêt dans son éloignement d’avec sa source et se tourne vers son générateur » ; et plus loi : « Si le moment constitutif de la conversion n’avait pas lieu, la procession ne serait qu’une dégradation sans fin vers le néant, et il n’y aurait rien d’autre que l’Un » (p. 41).

68 A. Linguiti, « Dottrina delle idee nel neoplatonismo », p. 248 : « L’ipòstasi successiva

all’Uno è dunque, per Plotino, Essere (…)-Intelletto (…), in quanto formata da una pluralità di enti che sono allo stesso tempo idee – nel senso platonico del termine – e intelligenze, ossia realtà che sono allo stesso tempo oggetti e soggetti primari della conoscenza ». Cf. W. Beierwaltes, « La teo-logica di Plotino », p. 15.

69 Cf. A. Linguiti, « Dottrina delle idee nel neoplatonismo », p. 249.

70 Cf. M. Fattal, ‘Logos’ et image chez Plotin, Paris, l’Harmattan, 1998, p. 25–26. 71 Ibid., p. 35 ; cf. A. Linguiti, « Dottrina delle idee nel neoplatonismo », p. 254–255.

(25)

La théorie de la participation chez Augustin

C’est de cette grande tradition platonicienne, dont on vient de voir les

complexes métamorphoses au cours du temps, qu’Augustin hérite sans

doute sa notion de participation. Mais il ne se contente pas d’une

répéti-tion pure et simple des thèses philosophiques antérieures : les données de

la foi, notamment la notion de création en transforment la signification

et la portée. L’exemple le plus significatif à ce propos se trouve dans la

Quaestio de ideis.

72

Dans ce texte concis et de caractère presque scolaire,

Augustin aborde plusieurs éléments concernant le thème des idées et

de la participation. Après avoir introduit quelques clarifications

impor-tantes sur les plans historique et littéraire

73

, Augustin explique que, tout

en étant des formes ou des raisons des choses, les idées elles-mêmes ne

sont pas formées mais immuables et éternelles. Elles ne se trouvent pas

à l’extérieur de Dieu mais dans son intelligence, c’est-à-dire dans l’esprit

du Créateur qui réalise le monde selon les raisons propres à chaque

élé-ment. C’est par leur participation aux idées que les choses existent. Dans

ce même texte, Augustin met en évidence l’excellence de l’âme humaine

qui, étant une âme rationnelle, est capable de voir la réalité intelligible, à

savoir les idées, à condition cependant d’être elle-même sainte et pure. En

effet, « non pas chacune ni n’importe laquelle [âme], mais celle qui sera

sainte et pure, c’est elle qui est déclarée apte à cette vue ».

74

Il s’ensuit que

la contemplation augustinienne des idées est inséparable de la

purifica-tion intérieure. Il est significatif de relever que les Révisions n’ajoutent ni

correction, ni clarification sur ce texte ce qui peut suggérer que la pensée

d’Augustin en la matière fut constante tout au long de son itinéraire.

75

72 diu. qu. 46 (CCL 44A, 70–73). Voir à ce sujet A. Solignac, « Analyse et sources de

la Question “De Ideis” », dans Aug.Mag. 1, p. 307–315 ; J. Pépin, « Augustin,

Quaes-tio ‘De ideis’. Les affinités plotiniennes », dans H.J. Westra (éd.), From Athens to Chartres. Neoplatonism and Medieval Thought. Studies in honour of Edouard Jeau-neau, Leiden/New York/Köln, E. J. Brill, 1992, p 117–134 ; G. Madec, « Augustin,

“Sur les idées (Quaestio de ideis)”. Traduction et notes de lecture », RThom 103 (2003), p. 358–362. Dans son article G. Madec met en évidence les affinités de la Quaestio de

ideis avec la pensée plotinienne mais il estime en même temps que « Plotin n’est pas son

modèle » formel (p. 133).

73 Augustin souligne l’origine platonicienne (Platon) du terme grec « idées », mais il

pré-cise que la connaissance de la réalité indiquée à travers ce mot, est déjà antérieure à Platon. Il explique également que la traduction littérale latine du terme « idées » n’est pas ‹rationes›, correspondant à ‹logoi› en grec, mais ‹formae› ou ‹species›. Cf. diu. qu. 46, 1–2 (CCL 44A, 70–71).

74 diu. qu. 46, 2 (CCL 44A, 71–72), trad. G. Madec, dans Id., « Augustin, “Sur les idées

(Quaestio de ideis)” », p. 359 : « […] non omnis et quaelibet, sed quae sancta et pura fuerit, haec asseritur illi uisioni esse idonea […] ».

75 Voir retr. 1, 26 (CCL 57, 80). A. Solignac, « Analyse et sources de la Question “De

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