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Comprendre l’album au cycle 1

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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Mémoire présenté par

Mélissa PICOT

Soutenu le 27 juin 2018, à Blois pour obtenir le diplôme du

Master

Métiers de l’Education, de l’Enseignement et de la Formation

Mention : 1

er

degré

Discipline :

Français

Comprendre l’album au cycle 1

Dirigé par

Mme Christine RAMAT, formatrice Lettres, ESPE CVL Devant une commission d’examen composée de

Mme Anne FEUNTEUN, présidente, Maître de conférences Sciences de l’Education, Université D’Orléans – ESPE CVL

Mme Christine RAMAT, directrice du mémoire, formatrice Lettres, ESPE CVL M. Gilles LEGAL, Professeur des écoles Maître Formateur, ESPE CVL

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Sommaire

Introduction... 3

Comprendre l’album au cycle 1 – le cadre théorique ... 6

1. La compréhension du récit ... 6

1.1. Evolution de la compréhension en lecture ... 6

1.2. Qu’est-ce qu’un récit ? ... 8

1.3. Que signifie comprendre un récit au cycle 1 ... 9

2.L’album, un genre complexe ... 12

2.1. La littérature de jeunesse et sa double énonciation texte / image ... 12

2.2. Les spécificités de l’album ... 13

3.Le rapport texte-image : un enjeu pour la compréhension ... 16

3.1. Les spécificités du texte dans l’album ... 16

3.2. Les spécificités de l’image ... 17

3.3. Rapports et fonctions du textes et de l’image dans les albums ... 20

4.Appréhender le rapport texte image : une tâche complexe mais un enjeu de la compréhension – Mon questionnement et mes hypothèses de recherche ... 23

Comprendre l’album, tirer parti de la relation texte-image : mise en œuvre en grande section de maternelle ... 26

1. Comprendre un album sans texte en grande section ... 26

1.1. Présentation de l’album étudié : Loup Noir d’Antoine Guilloppé ... 27

1.2. Présentation du dispositif ... 28

1.3. Analyse des situations d’apprentissage ... 30

1.3.1. Difficultés et stratégies observées ... 30

1.3.2. Analyse de l’efficacité du dispositif ... 32

1.3.3. Confrontation des résultats à l’hypothèse de départ ... 34

2. Percevoir un rapport de disjonction entre le texte et les images d’un album en grande section ... 36

2.1. Présentation de l’album étudié : Mon chat le plus bête du monde ... 36

2.2. Présentation du dispositif ... 38

2.3. Analyse des deux situations de découverte du livre ... 38

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2

3. La double énonciation texte-image au service du développement de

compétences lexicales en grande section ... 41

3.1. Présentation des albums étudiés : Maman m’a dit que son amie Yvette était vraiment chouette et Papa m’a dit que son ami était un homme-grenouille ... 41

3.2. Présentation du dispositif ... 43

3.3. Analyse de la situation d’apprentissage ... 46

4. Les limites ... 51

Conclusion... 53

Bibliographie / Sitographie... 56

Annexes ... 58

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3

Introduction

Au cycle 1, les enfants découvrent le langage écrit en tant que forme de communication particulière. Cette première approche est un préalable essentiel à l’apprentissage du lire-écrire à partir du cycle 2. A l’école maternelle, « les élèves sont amenés à comprendre de mieux en mieux des écrits à leur portée » comme le préconisent les programmes d’enseignement du cycle 1.

En outre, les albums de littérature de jeunesse occupent une place centrale à l’école maternelle. Ils sont souvent au cœur des projets de classe des enseignants, offrant des entrées privilégiées dans de nombreux apprentissages. Dans le domaine « Explorer le monde », un album peut notamment favoriser un premier questionnement, susciter la curiosité des élèves pour un phénomène. Mais surtout, à travers les albums, les élèves sont sensibilisés à une première culture de l’écrit. Lorsque j’ai commencé à enseigner dans une classe de moyenne et grande section, je me suis retrouvée face à la difficulté de choisir les albums les plus pertinents et les mieux adaptés à mes élèves. Devant la diversité de l’offre, je me suis aperçue que des albums de littérature de jeunesse pouvaient se révéler être d’une très grande complexité. Difficile de se fier à leur apparence, le seul moyen pour moi d’évaluer leur intérêt était de les lire entièrement. Je me suis peu à peu rendu compte que le fait de choisir un album avec pour seul critère le thème abordé en vue d’une exploitation en classe pouvait se révéler contreproductif. En effet, comment faire abstraction des caractéristiques du texte et de l’image dans un album ? J’ai pu constater que ceux-ci peuvent facilement faire obstacle à la compréhension d’un enfant.

La compréhension de l’écrit constitue un enjeu majeur pour la réussite des élèves dans la mesure où sa maîtrise est nécessaire dans la plupart des enseignements. De manière plus générale, l’écrit occupe une place importante dans tous les aspects du quotidien. Les programmes du cycle 3 affirment que l’école doit amener les élèves à développer leurs stratégies de compréhension, ce qui sous-entend la mobilisation de capacités métacognitives permettant aux élèves de mobiliser les ressources dont ils disposent de manière adéquate pour accéder au sens. En matière de compréhension de l’écrit, la France se situe dans la moyenne de l’OCDE, au regard des études PISA de 2015. Depuis 2000, l’écart se creuse entre les élèves de 15 ans ayant un « haut

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niveau » de compréhension (de 15,2 à 21,5%) et ceux présentant un « bas niveau » de compréhension (de 8,5 à 12,5%). 12,5% des jeunes sondés ne sont pas en capacité de « repérer un élément d’information explicitement formulé, dans un texte court portant sur un sujet familier »1. Il semble important d’amener les élèves à entrer dans

l’écrit et de travailler cette compréhension dès les premières années de leur vie, en particulier à l’école maternelle.

Les albums de littérature de jeunesse, genre littéraire complexe auquel nous allons nous intéresser particulièrement, contiennent la plupart du temps du texte écrit mais aussi et surtout des images de natures variées. Les élèves de cycle 1 n’étant pas encore en mesure de décoder le langage écrit, c’est l’image qui retient leur attention en premier lieu. L’enfant qui feuillette un album entre dans l’histoire au travers des images. Dans les années 60, Roland Barthes (le fondateur de la sémiologie de l’image) a démontré que l’image est un système de signes à part entière. L’image livre tout de suite un premier message dont la substance est linguistique. De ce fait, on peut supposer qu’elle a un rôle non négligeable dans la compréhension du récit, notamment dans les albums. De plus, l’image entre en relation avec le texte écrit de différentes façons. Des chercheurs comme Sophie Van Der Linden (dans Lire l’album) ont montré qu’il existait différents types de relations textes-images dans l’album.

Les documents ressources disponibles sur Eduscol incitent les enseignants à choisir des albums dans lesquels le texte et l’image sont le plus en adéquation possible 2, plus

particulièrement durant les premières années de scolarisation des enfants, afin de ne pas faire « obstacle » à leur compréhension. Je me suis alors demandé comment amener peu à peu les élèves à se familiariser avec différentes relations possibles entre le texte et l’image.

1 PISA. Note d’information n°38 : l’évolution des acquis des élèves de 15 ans en compréhension de l’écrit et en

culture mathématique. 2018. [consulté le 3 mars 2018]. Disponible à l’adresse :

http://cache.media.education.gouv.fr/file/2016/40/4/depp-ni-2016-38-PISA-2015-comprehension-ecrit-culture-mathematique_678404.pdf

2EDUSCOL. Scolarisation des moins de trois ans : du langage oral au langage écrit. Mise à jour le 28 août 2015.

[consulté le 29 mai 2018]. Disponible à l’adresse : http://cache.media.eduscol.educ tion.fr/file/Moins_de_3_ans/46/7/Ress_c1_Moins3ans_Langage_456467.pdf

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La première question qui a guidé ma recherche est celle-ci : Comment amener les

élèves de cycle 1 à entrer dans la lecture d’un genre complexe qu’est l’album ?

Comment les amener à appréhender cette double énonciation : celle du texte et celle de l’image ? Comment faire prendre conscience de cette dualité ?

Dans un premier temps, je présenterai le cadre théorique sur lequel s’appuie ma recherche. Il s’articule autour de trois points essentiels : la compréhension du récit au cycle 1, les spécificités de ce genre complexe qu’est l’album et enfin le rapport texte-image comme enjeu de la compréhension. Puis j’analyserai des situations de classe que j’ai menées avec mes élèves de grande section dans le but de tester mes hypothèses de recherche en lien avec la problématique à laquelle je suis parvenue : Comment amener les élèves de grande section à tirer parti de la relation entre le texte et l’image pour comprendre un album ?

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Comprendre l’album au cycle 1 – le cadre théorique 1. La compréhension du récit

1.1. Evolution de la compréhension en lecture

Selon la définition du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL), le terme de « lecture » a différentes acceptions. Il renvoie à « l’action de savoir lire, de déchiffrer visuellement des signes graphiques qui traduisent le langage oral »3, au

« fait de savoir lire », au « déchiffrage de toutes notations ». Mais il désigne également « l’action de prendre connaissance du contenu d’un texte écrit pour se distraire, s’informer » ou encore « une manière de comprendre, d’interpréter un texte, un événement ». Au regard de la sémiotique littéraire, la lecture désigne « la mise en œuvre d’un ensemble de procédures d’analyse portant sur un texte donné ».

Lecture et compréhension semblent intimement liées. Plus exactement, la lecture recouvre deux aspects essentiels : le déchiffrage d’un code et la compréhension. Le rapport de l’Observatoire national de la lecture concernant l’apprentissage de la lecture à l’école primaire datant de 2005 résume bien cette idée : « lire, c’est extraire d’une représentation graphique du langage la prononciation et la signification qui lui correspondent »4. Les programmes actuels affirment qu’au cycle 2, l’apprentissage de

la lecture passe par le décodage et l’identification des mots et par l’acquisition progressive des connaissances et des compétences nécessaires à la compréhension des textes.

Ces deux facettes de la lecture (décodage et compréhension) n’ont pas toujours été reconnues en tant que telles. En effet, la lecture a longtemps été vue comme un processus unitaire. Dans les années 1960, elle était assimilée au décodage. Dans les années 1970, c’était plutôt la compréhension qui primait. De nos jours, ces deux aspects font consensus5 .

3 CNRTL. Définition de « lecture ». [consulté le 30 avril 2018]. Disponible à cette adresse :

http://www.cnrtl.fr/definition/lecture

4 EDUSCOL. Les archives de l’Observatoire National de la Lecture. Rapport de l’ONL et de l’Inspection Générale

sur l’apprentissage de la lecture à l’école primaire, 2005. [consulté le 23 mars 2018]. Disponible à l’adresse :

http://onl.inrp.fr/ONL/publications/publi2005/

5 DE LA HAYE Fanny, LIEURY Alain. Manuel visuel de psychologie cognitive. Paris : Dunod, 2010. Lecture et

compréhension p 31- 61. [consulté le 4 mai 2018]. Disponible à l’adresse : https://www.cairn.info/manuel-visuel-de-psychologie-cognitive--9782100725021-p-31.htm

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Selon Jocelyne Giasson-Lachance, auteure titulaire d’un doctorat en Sciences de l’Education et d’une maîtrise en Psychologie et spécialisée dans la compréhension en lecture, la conception de la compréhension en lecture par les chercheurs a radicalement évolué sur deux plans. D’une part, cette conception est passée « d’un modèle séquentiel à un processus plus global »6. D’autre part, la place du lecteur dans

le processus de compréhension fait à présent l’objet d’une haute considération. Alors que le lecteur était considéré comme un récepteur passif du message, on parle aujourd’hui de « l’interaction texte-lecteur ».

J.Giasson-Lachance explique que la compréhension en lecture était autrefois le résultat de la mise en œuvre de différentes « habiletés » telles que « décoder, trouver la séquence des actions, identifier l’idée principale»7. Comprendre un texte supposait

de maîtriser chacune de ces habiletés. Or, en 1986, Irwin a montré qu’il était très difficile de lister toutes les habiletés requises pour la compréhension en lecture. De plus, Alteweger a constaté que des élèves peuvent rencontrer des difficultés pour lire tout en maîtrisant très bien les habiletés isolées. Ces recherches ont permis de considérer peu à peu la compréhension comme un processus qui intègre différentes habiletés mais de manière plus globale. Il n’est pas nécessaire de maîtriser l’ensemble des habiletés dans la mesure où « toute habileté apprise en dehors d’une activité globale de lecture ne se réalise pas de la même façon lorsque cette même habileté est utilisée dans un contexte réel »8.

Jocelyne Giasson affirme également que dans un texte, le lecteur ne se contente pas de prélever un sens précis choisi par l’auteur. Il participe au contraire pleinement à la construction du sens. Pour cela, il se sert du texte, mais aussi de ses connaissances personnelles et de son « intention de lecteur »9. L’un des écueils possibles pour

l’enseignant (selon J.Giasson-Lachance) est de craindre que cette importance donnée au lecteur laisse place à des interprétations s’éloignant de la vérité du texte. Or, créer le sens du texte ne veut pas dire que le texte peut signifier tout ce que l’on veut. Dans son texte, l’auteur utilise des conventions et laisse de côté les informations qu’il suppose connues du lecteur. Si cette supposition ne se vérifie pas, le message de

6 GIASSON-LACHANCE Jocelyne. La compréhension en lecture. 1996. Chapitre 1 p 4. 7 GIASSON-LACHANCE Jocelyne. La compréhension en lecture. 1996. Chapitre 1 p 4. 8 GIASSON-LACHANCE Jocelyne. La compréhension en lecture. 1996. Chapitre 1 p 5. 9 GIASSON-LACHANCE Jocelyne. La compréhension en lecture. 1996. Chapitre 1 p 6.

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8

l’auteur sera mal compris. Ainsi, le modèle contemporain de compréhension en lecture se base sur un processus interactif.

La compréhension en lecture « varie selon le degré de relation entre trois variables : le lecteur, le texte et le contexte »10. Plus ces variables sont « imbriquées les unes

dans les autres », meilleure est la compréhension selon J.Giasson-Lachance.

S’intéresser à la compréhension des albums par des élèves implique donc de garder à l’esprit l’importance de ces trois variables et notamment le rôle du lecteur (ou plus simplement du destinataire du message) dans la construction du sens. De plus, la plupart des albums comportent des récits dont les élèves doivent peu à peu comprendre la structure.

1.2. Qu’est-ce qu’un récit ?

Le récit est défini par le CNRTL comme la « présentation orale ou écrite d’événements réels ou imaginaires, comme l’action de rapporter des événements ou le propos rapportant ces événements »11.

Dans le champ de la linguistique, le récit s’oppose au discours. Le linguiste Emile Benveniste (1902-1976) s’est beaucoup intéressé à l’énonciation, c’est-à-dire aux conditions de réalisation de l’énoncé. Il a imposé la distinction entre ce que l’on appelle « récit » et « discours ». Dans l’énonciation de récit, les informations sont livrées entièrement par l’énoncé lui-même. Les indications de temps, de lieu ainsi que les informations concernant les locuteurs sont coupées de la situation d’énonciation. C’est

10GIASSON-LACHANCE Jocelyne. La compréhension en lecture. 1996. Chapitre 1 p 6.

11 CNRTL. Définition de « récit » [consulté le 29 avril 2018]. Disponible à cette adresse : http

http://www.cnrtl.fr/definition/r%C3%A9cit

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pourquoi le CNRTL présente une autre acception du mot récit : « texte où dominent la troisième personne et les temps du passé »12. Au sens littéraire, le CNRTL définit le

récit comme une « œuvre littéraire narrant des faits vrais ou imaginaires ».

Nous pouvons ainsi remarquer que le terme de « récit » pris au sens large (mais toujours orienté dans un champ littéraire) est lié à la narration. Il renvoie à l’action de raconter un événement ou un enchaînement d’événements réels ou imaginaires (plus simplement, une histoire).

Raconter un événement suppose une certaine organisation dans le propos. Le récit a une structure, qui dans la plupart des genres littéraires comme le conte ou le roman prend la forme du schéma narratif. Le schéma narratif est un concept né de la linguistique structurale (dans les années 60, portée par Ferdinand de Saussure). Il donne à voir la structure sous-jacente d’un récit où se déroulent différents événements. Les actions s’enchainent selon un ordre logique et chronologique. C’est plus particulièrement à partir des travaux de Vladimir Propp concernant l’analyse structurale du conte que les recherches en narratologie ont retenu le schéma narratif dans les années 1970. Le schéma narratif comporte généralement cinq périodes :

- La situation initiale - L’élément perturbateur - Les péripéties

- Le dénouement - La situation finale

A l’école maternelle, les élèves sont mis en situation de découvertes de récits variés.

1.3. Que signifie comprendre un récit au cycle 1

C’est au cycle 1 que les élèves se forgent une première expérience de lecteur, même si le décodage en lecture ne commencera qu’au cycle 2. Selon les programmes du cycle 1, « il appartient à l’école maternelle de donner à tous une culture commune de l’écrit » 13. C’est selon Eduscol l’un des enjeux de la démocratisation culturelle : il faut

12 CNRTL. Définition de « récit » [consulté le 29 avril 2018]. Disponible à cette adresse : http

http://www.cnrtl.fr/definition/r%C3%A9cit

13 Ministère de l’Education Nationale. Arrêté du 18 02 2015 – Annexe 1 : Programme d’enseignement de l’école

maternelle. [consulté le 7 mars 2018]. Disponible à l’adresse :

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que les élèves s’approprient des « fonds partagés d’histoires, de textes, d’albums, constamment enrichis par la production éditoriale contemporaine »14.

Cette première expérience de lecteur se constitue à partir de « pratiques orales de transmissions (raconter, conter, dire, théâtraliser, mettre en scène) »15 d’une part, et

d’autre part de « pratiques de lecture ». Les pratiques de lecture à la maternelle ont un triple avantage :

- « Entrer dans la langue, le langage et les images » (nous pouvons noter l’importance qui semble déjà être donnée à l’image) ;

- « Entrer dans le jeu avec le livre, avec l’histoire ou un jeu mis en scène dans le livre » ;

- « Entrer dans le récit » ;

L’entrée dans le récit est distinguée selon « 3 niveaux »16: les premières histoires

racontées en album qui préfigurent le récit, les récits simples, les récits élaborés. Les ressources d’accompagnement d’Eduscol17 affirment que l’apprentissage de la

compréhension des récits de fiction s’articulent autour de deux points :

- « Le repérage du personnage principal et sa reconnaissance à travers les transformations qui l’affectent […] et aussi la compréhension de sa pensée à travers ses motivations, les buts qu’il cherche à atteindre (états mentaux) et les relations qu’il entretient avec d’autres personnages » ;

- Le fait de « comprendre que les événements, les épisodes, leur chronologie, leurs relations de causalité, forment un tout : il doit peu à peu apprendre à comprendre que cet ensemble fait récit, ce qui suppose qu’il apprend aussi à hiérarchiser ce qui est central et ce qui est secondaire et à garder en mémoire la situation initiale, la trame principale et la chute en tant qu’ensemble cohérent ».

14 EDUSCOL. Infothèque : Pour une première culture littéraire à l’école maternelle. Mise à jour le 26 juillet 2016.

[consulté le 23 mars 2018]. Disponible à l’adresse : http://eduscol.education.fr/cid73204/selection-pour-une-premiere-culture-litteraire-a-l-ecole-maternelle.html

15 EDUSCOL. Infothèque : Pour une première culture littéraire à l’école maternelle. 16 EDUSCOL. Infothèque : Pour une première culture littéraire à l’école maternelle.

17EDUSCOL. Mobiliser le langage dans toutes ses dimensions, partie IV.3 : la littérature de jeunesse,

compréhension des récits de fiction. Mise à jour le 21 juin 2017. [consulté le 9 mai 2018]. Disponible à l’adresse :

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La progressivité des apprentissages est à envisager dans cet ordre : - Ecouter une histoire racontée ou lue puis la raconter à son tour ; - Comprendre une histoire, ce qui motive l’action des personnages ;

- Interpréter l’histoire dans un contexte, repérer et apprécier les effets de langage, repérer et apprécier les interactions entre le texte et l’image ;

- Se familiariser avec la matérialité du livre puis avec la diversité de l’objet livre ; - Mettre en relation plusieurs histoires mémorisées puis feuilleter, découvrir,

s’approprier, choisir un livre.

Rappelons qu’à l’issue du cycle 1, les élèves doivent être en mesure de :

- « Pratiquer divers usages du langage oral »18. Parmi ces usages, figurent

« raconter », « évoquer », ce qui est en lien avec la production de récit. Etre en mesure de raconter des événements fait l’objet d’un apprentissage et nécessite une première compréhension de ce qu’est un récit.

- « Comprendre des textes écrits sans autre aide que le langage entendu ». Cela suppose d’être en mesure de se constituer des images mentales au fur et à mesure de l’écoute du récit. Nous essaierons de montrer en quoi l’album favorise cet apprentissage ;

- « Manifester de la curiosité par rapport à l’écrit ». La littérature de jeunesse a cette fonction d’éveil à la lecture et constitue de ce fait un support privilégié ; - « Participer activement à la production d’un écrit. Savoir qu’on n’écrit pas

comme on parle ».

- « Pouvoir redire les mots d’une phrase après sa lecture par l’adulte, les mots du titre connu d’un livre ou d’un texte ». Ceci nécessite une certaine appropriation du récit par l’enfant.

La compréhension des récits, travaillée notamment grâce à la littérature de jeunesse (mais aussi avec des écrits de genres et supports variés : affiches, livres documentaires…) contribue pleinement à l’acquisition des compétences visées à l’école maternelle.

18 Ministère de l’Education Nationale. Arrêté du 18 02 2015 – Annexe 1 : Programme d’enseignement de l’école

maternelle. [consulté le 7 mars 2018]. Disponible à l’adresse :

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2.L’album, un genre complexe

2.1. La littérature de jeunesse et sa double énonciation texte / image

En France, les premiers écrits destinés à la jeunesse sont apparus dès le 18ème siècle.

On trouvait déjà d’une part des textes « réorientés » pour la jeunesse et d’autre part des écrits qui leur étaient strictement adressés. Les titres de ces ouvrages mentionnent le public auquel ils sont adressés. Vers les années 1830, les livres destinés à la jeunesse sont plus couramment appelés « livres d’Education »19. Cette

première dénomination montre que ces ouvrages commencent à être reconnu dans la société. Leur diversification entraînera un changement d’appellation : « livres pour enfants », puis « littérature enfantine ».

Depuis les années 1970, tous les livres proposés aux enfants et aux adolescents sont regroupés sous l’appellation « littérature d’enfance et de jeunesse ». Isabelle Nières-Chevrel explique que cette catégorisation demeure floue. La littérature de jeunesse se définirait par exclusion, et désignerait les livres qui ne sont pas pour les adultes. Or, cette limite se déplace « au gré des représentations que les adultes se font »20.

Nières-Chevrel cite l’exemple d’Alice aux Pays des merveilles, que Lewis Carol a destiné à « son idéale amie-enfant » mais qui demeure très apprécié des adultes, ou encore les ouvrages de Jules Vernes. Le premier recueil des histoires du Petit Nicolas édité en 1960 est dans l’esprit de son auteur, Denoël, destiné aux adultes.

Le conte, la fable, le roman, le théâtre sont des genres que l’on peut inclure dans la littérature de jeunesse mais qui sont loin d’être propre à un public enfantin et qui ont tout autant leur place dans la littérature générale.

« La présence d’images peut apparaître comme une marque-frontière qui distinguerait « le-livre-pour-enfant » du livre pour adulte »21. Cependant, toujours selon Isabelle

Nières-Chevrel, « le texte illustré peut être ce lieu où vont se retrouver dans un même plaisir toutes les générations »22. De plus, l’idée d’une image présentant une

esthétique propre aux enfants est en train de disparaître : « de la valorisation presque exclusive des illustrations intelligibles, aux couleurs fraîches et au dessin soigné, on

19 NIERES-CHEVREL Isabelle, Introduction à la littérature de jeunesse, 2009. p.14. 20 NIERES-CHEVREL Isabelle, Littérature de jeunesse, incertaines frontières, 2005. p.10. 21 NIERES-CHEVREL Isabelle, Littérature de jeunesse, incertaines frontières, 2005.p. 26. 22 NIERES-CHEVREL Isabelle, Littérature de jeunesse, incertaines frontières, 2005.p.26

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13

en est arrivé à apprécier aujourd’hui jusqu’au noir, au sale et au gribouilli »23. Parmi

les ouvrages de littérature de jeunesse comprenant des images, on trouve les albums de fiction, mais pas seulement. Les albums sans texte, les imagiers, les abécédaires, les livres-jeux (destinés aux plus petits qui sollicitent une activité manuelle comme plier et déplier des éléments de la page), les albums documentaires, les bandes dessinées en font également partie. C’est plus particulièrement dans l’album et dans la bande dessinée que l’on remarque une double énonciation : celle du texte et celle de l’image. Dans la bande dessinée, l’organisation des images sur le support est bien organisée en séquences. Ce n’est pas le cas de l’album où elles peuvent s’organiser librement sur le support. Cependant, là aussi les frontières sont à relativiser dans la mesure où l’album subit l’influence de la bande dessinée jusqu'à parfois obtenir des livres hybrides.

2.2. Les spécificités de l’album

Dans son usage le plus courant, l’album dessine un « cahier ou classeur personnel destiné à recevoir des dessins, des photos, des autographes, des collections diverses » (selon le dictionnaire Le Petit Robert). Les recueils en question ne sont pas ceux qui nous intéressent mais cette définition associe déjà dans nos esprits l’album à quelque chose de visuel, à un objet destiné à être montré.

L’album se définit comme un « type d’ouvrage pour la jeunesse comportant des images »24. Lorsque nous ouvrons un album, nous constatons la prédominance des

images. Des premiers albums aux albums contemporains, la place, le statut et la fonction de l’image ont beaucoup évolué. Selon Sophie Van Der Linden, l’émergence de l’« album contemporain » peut être situé dans les années 1970. Les images « dénotatives » (censées représenter fidèlement le réel et utilisées comme supports d’apprentissage) laissent de plus en plus la place à une image d’un autre genre. C’est l’émergence de l’image d’album « inattendue aux nombreuses résonnances symboliques »25. Selon Sophie Van der Linden, l’image s’affirme aujourd’hui

pleinement au point de « contaminer l’ensemble des messages et de faire de l’album un objet prioritairement visuel ». Cette dimension visuelle est de plus en plus

23 NIERES-CHEVREL Isabelle, Littérature de jeunesse, incertaines frontières, 2005. p.18. 24 VAN DER LINDEN Sophie. Lire l’album, 2006. p.29.

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élaborée : la typographie, la taille, la matérialité de l’album, les styles et les techniques associés témoignent de l’imagination sans limite des créateurs. « L’image s’adapte au format du livre tout comme le format peut se plier aux exigences de la narration » 26.

L’affirmation progressive de l’album comme genre à part entière offre aux artistes la liberté de s’emparer de ce nouvel espace pour construire de véritables œuvres. L’album jouit d’une grande liberté dans son organisation interne. Dans l’album, le texte et l’image se mêlent dans une « confusion savamment orchestrée »27. Plus

particulièrement depuis la fin du 20ème siècle, apparaissent des albums qui ne

cherchent plus à simplifier le propos pour en faciliter l’accès aux enfants, mais qui au contraire l’invite à entreprendre un « travail de lecture […] avec la promesse qu’il accèderait ainsi aux plaisirs de l’élucidation, de l’émotion et du rire »28. L’album

nécessite à présent une « lecture critique à sa mesure »29. Selon David Lewis, l’album

n’est pas un genre à part entière mais il reprend différents genres tels que les contes, la poésie, les récits policiers. L’album est une « forme d’expression spécifique de par son organisation matérielle »30. Cette particularité lui permet de se démarquer des

autres livres pour la jeunesse comportant des images.

L’album, malgré son apparente simplicité, est très complexe à élaborer. Auteurs et illustrateurs, lorsqu’ils ne sont pas la même personne, doivent s’interroger sur le rapport texte-image, le statut spécifique des images qui ne sont pas autonomes mais « destinées à faire livre »31 et qui doivent respecter les contraintes de l’éditeur,

l’imprimeur, le maquettiste. L’album est nécessairement le fruit de l’invention d’un collectif de personnes.

La majorité des albums de fiction raconte une histoire. Les histoires peuvent avoir différents schémas de construction (qui ne sont pas spécifiques aux albums mais que l’on retrouve couramment dans les albums). Dominique Alamichel32 distingue trois

types de structures :

26 VAN DER LINDEN Sophie. « L’album en liberté ». Littérature de jeunesse, incertaines frontières, 2005. p.50 27 VAN DER LINDEN Sophie. Lire l’album, 2006. p.92.

28 VAN DER LINDEN Sophie. Lire l’album, 2006. p.86. 29 VAN DER LINDEN Sophie. Lire l’album, 2006, p.21. 30 VAN DER LINDEN Sophie. Lire l’album, 2006, p 21.

31 VAN DER LINDEN Sophie. « L’album en liberté ». Littérature de jeunesse, incertaines frontières, 2005. p.52. 32 ALAMICHEL Dominique. Albums, mode d’emploi : cycles 1, 2 et 3., 2010, p.33.

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- Le schéma quinaire : c’est le schéma narratif de base, le plus répandu ;

- Le schéma à séquences répétitives : c’est souvent un cas particulier du schéma narratif. Les péripéties sont constituées d’une séquence qui se répète, souvent à l’aide d’une petite phrase récurrente. C’est le cas dans le célèbre album Roule

Galette.

- Le schéma en alternance : l’album propose au lecteur de suivre une histoire constituée de plusieurs récits (souvent deux) qui se déroulent au même moment et qui sont montrés chacun leur tour, de manière alternée. Cela peut notamment permettre de présenter deux points de vue sur une même réalité.

La fin de l’album a une grande importance dans la narration. Quel que soit le type de schéma auquel répond l’album, Alamichel distingue deux types de fin :

- Les situations finales identiques ou similaires aux situations initiales :

o Les histoires en boucle donnant l’impression que l’histoire n’a pas avancé ; o Les histoires dont la fin relance la narration au début d’une éventuelle

histoire qui ressemblerait à celle que l’on vient de lire ; - Les situations finales différentes de la situation initiale :

o Une fin heureuse et close ; o Une fin positive et ouverte ; o Une fin négative ;

o Une fin ambiguë qui laisse le lecteur dans le doute. L’auteur Rascal utilise souvent ce type de fin, notamment dans son livre Ami-Ami. Le lapin et le loup deviendront-ils amis ou est-ce que le loup va manger le lapin ? Le lecteur n’aura pas de réponse certaine à la fin du livre.

o Une fin sur une note de gaité ; o La morale de l’histoire ;

o La convergence des points de vue, souvent trouvée dans les albums structurés par un schéma en alternance.

Comme nous l’avons vu, la plupart des albums présentent des récits fictionnels. Ce n’est cependant pas le cas de tous. Certains albums s’inscrivent dans d’autres genres littéraires et graphiques. Parmi les genres littéraires les plus courant, on trouve l’énumération. Parmi les albums figurent aussi des mises en images de textes appartenant au patrimoine, relevant souvent de genres établis (poésie, comptine,

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chanson, devinette). Certains albums sont fondés sur figures de styles et des jeux de langages variés. C’est le cas de l’album Bonne nuit, Monsieur Nuit qui utilise la personnification (la nuit, qui effraie souvent les enfants, est représentée sous les traits d’un personnage humain rassurant), ou encore Papa et maman m’ont dit, une série d’albums d’Alain Le Saux (sur lesquels nous reviendrons) qui jouent sur le sens propre et le sens figuré33.

3.Le rapport texte-image : un enjeu pour la compréhension 3.1. Les spécificités du texte dans l’album

Avant d’aborder le texte dans l’album, rappelons le matériau premier du texte au sens général. Un texte est un agencement de signes. En effet, le CNRTL définit le texte en premier lieu comme une « suite de signes linguistiques constituant un écrit ou une œuvre »34. Ferdinand de Saussure a défini le signe linguistique comme « l’union

arbitraire et conventionnelle d’un signifiant et d’un signifié »35. Le signifiant est l’aspect

matériel du signe, il peut être associé à un son ou plutôt une « image acoustique »36,

à une suite de lettres, à des gestes. Tandis que le signifié est l’aspect conceptuel du signe, il renvoie au sens. Le signifié d’un signe est déterminé par l’ensemble des autres signifiés de la langue dans laquelle il s’inscrit, par opposition à eux.

Existe-t-il un texte caractéristique aux albums de jeunesse ? Nous avons vu que l’album accueille une pluralité de genres, de même que certains textes sont antérieurs à leur adaptation en album. Il semble donc difficile d’établir des comparaisons. Cependant, Sophie Van Der Linden pointe certaines caractéristiques qui semblent être spécifiques au texte d’album et qui apparaissent du fait que le texte d’album quel qu’il soit « s’inscrit dans un support où l’image est prédominante »37 :

- Une certaine brièveté du texte car il s’agit de laisser beaucoup de place à l’image tout en gardant un texte bien visible (avec une typographie souvent grande) et l’unité de sens du texte doit souvent être respectée à l’échelle de la double-page. De même qu’un texte court entretient un « rythme de lecture ».

33 ALAMICHEL Dominique. Albums, mode d’emploi : cycles 1, 2 et 3. 2010, p. 91.

34 CNRTL. Définition de « texte » [consulté le 20 avril 2018]. Disponible à cette adresse :

http://www.cnrtl.fr/definition/texte

35 FERDINAND DE SAUSSURE, BAILLY Charles, SECHEHAYE Albert. Cours de linguistique générale. 1995. 36 FERDINAND DE SAUSSURE, BAILLY Charles, SECHEHAYE Albert. Cours de linguistique générale. 1995. 37 VAN DER LINDEN Sophie. Lire l’album, 2006, p.48.

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- Une prise en compte de la lecture à haute voix. Le texte est souvent disposé sur la page sous la forme de passages brefs appelés « unités de souffle ». Le texte d’album joue souvent sur les sonorités

Selon Henri Meunier (cité par Sophie Van Der Linden), auteur et illustrateur d’albums, le texte d’album doit avoir la force d’imposer à l’esprit des images, afin que l’illustrateur puisse faire son travail (Henri Meunier part du principe que le texte précède l’image dans l’élaboration d’un album). Une fois l’image associée au texte, celui-ci doit rester présent et apporter quelque chose de différent. Le texte doit pouvoir « captiver » des lecteurs d’âges variés. Le texte parfait est celui qui « arrive à être polysémique sans pour autant être ambigu ». Marie Saint-Dizier, auteure d’albums mais aussi de romans explique que dans un album, le choix de chaque mot compte, ce qui rend son écriture difficile. Ceci contredit l’idée que les textes des albums seraient d’une facilité « enfantine ».

3.2. Les spécificités de l’image

Le terme d’image est polysémique. Le mot « image » vient de « imago, imiginis, ». Ce mot latin avait déjà des sens très variés38, tels que « effigie », « représentation »,

« spectre », « idée », « rêve », « apparence », « souvenir », « reflet d’un miroir », « comparaison », « fable ».

Martine Joly, dans Introduction à l’analyse de l’image39 dit que l’image peut être

abordée à travers de nombreuses théories : la théorie de l’image en mathématiques, en informatique, en esthétique, en psychologie, en psychanalyse, en sociologie, en rhétorique… Seule la théorie sémiotique permet d’avoir une approche plus globalisante selon elle. En effet, l’image, qu’elle soit mentale ou matérielle est un signe, ou un ensemble de signes, qui pose un rapport de ressemblance avec une réalité concrète ou abstraite.

Nous parlerons ici de l’image matérielle, de l’image comme message visuel, plus précisément comme représentation visuelle. Martine Joly, dans une conférence40

38 Dictionnaire latin Olivetti. Définition de « image ». [consulté le 6 mai 2018]. Disponible à cette adresse :

https://www.grand-dictionnaire-latin.com/dictionnaire-latin-francais.php?parola=imago

39 JOLY Martine, Introduction à l’analyse de l’image,1993. p.21.

40 JOLY Martine. L’analyse de l’image. Conférence de l’Université de Tous les Savoirs, 2010. Disponible à

l’adresse :

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dénonce le préjugé selon lequel la compréhension de l’image figurative serait « naturelle » car les images ressembleraient à ce qu’elles représentent. En réalité, la lecture de l’image n’a rien d’évident. Cependant elle s’acquiert très tôt, avant même le langage dans la mesure où il est courant de montrer des images aux jeunes enfants pour qu’ils comprennent des choses. Ainsi le langage et la représentation visuelle ont tendance à être appris en même temps.

Selon Martine Joly, l’image, quelle qu’elle soit (fixe, animée, sur écran ou non…) est faite de trois types de matériaux :

- « Les matériaux plastiques »41 : ils renvoient à la construction de l’image. Il

s’agit principalement des formes, des couleurs, de la composition, du cadre et du cadrage, des textures ;

- « Les matériaux iconiques » : ils renvoient à ce que l’image donne à voir. Il s’agit des motifs et de la narrativité, mais aussi de la pose du modèle lorsqu’il y en a et de la scénographie.

- « Les matériaux linguistiques » : ils renvoient à la fonction du texte par rapport à l’image mais aussi à l’image formée par les mots : couleur, typographie, disposition sur la page.

Le texte écrit, contrairement à l’image, ne comporte qu’un matériau. Les trois matériaux listés doivent être considérés pour comprendre une image. Or, Martine Joly déplore le fait que le lecteur s’arrête souvent à la dimension iconique et fait passer au second plan les aspects plastiques. En regardant une image de ville, on a tendance à dire « c’est une ville ». Selon M.Joly, c’est pourtant les outils plastiques qui priment car ils donnent une impression beaucoup plus forte qui « conditionne la compréhension iconique des motifs de l’image »42. Contrairement à ce que laisse supposer son

étymologie, l’image ne prend pas la place de ce qu’elle représente. L’image représente quelque chose, un référent qui n’est pas là. Elle ne peut pas être assimilée à ce référent. « L’image, c’est la présence d’une absence »43 dit M.Joly. Il y a une

41 JOLY Martine. L’analyse de l’image, 2010. 42 JOLY Martine. L’analyse de l’image, 2010. 43 JOLY Martine. L’analyse de l’image, 2010.

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ressemblance entre l’image et le référent, et toute ressemblance suppose donc une différence.

M.Joly affirme qu’« il y a toujours du langage dans l’image »44. Lorsque nous décodons

une image, nous reformulons avec des mots ce que nous voyons, même si c’est dans notre tête. Elle souligne également l’importance des titres des peintures. De même, lorsque du texte écrit est associé à une image, il est important d’observer l’ « l’aspect plastique du langage »45. Les lettres ont une forme, une couleur qui dit quelque chose.

Cependant, l’analyse de l’image se confronte à sa polysémie et requiert une interprétation. L’image manque selon elle de capacité assertive. Sa lecture dépend de la façon dont le lecteur va activer les potentialités de l’image selon ses référents dans sa mémoire rétinienne. Nous retrouvons là des similitudes avec le modèle de compréhension en lecture présenté par J.Giasson-Lachance. Dès qu’il y a un montage d’images, dès qu’une image ne peut plus être envisagée indépendamment d’autres, il faut regarder les interactions entre les images (selon M.Joly). De même, le message visuel ne prend pleinement sens que dans son contexte de production et de diffusion : époque, lieu, type de support, public visé, insertion dans une sérialité avec d’autres textes.

Roland Barthes, le fondateur de la sémiotique de l’image parlait déjà dans les années 60 de trois types de messages (plastiques, iconiques et linguistiques) présents dans l’image. Il affirmait que la description rigoureuse du signifiant plastique, iconique et linguistique devait permettre de dégager le signifié par la mise en évidence des dénotations (sens littéral qui renvoie à un référent) et des connotations (sens symbolique associé à la dénotation) et ainsi accéder à la compréhension de l’image

46.

Ainsi, contrairement aux apparences, l’analyse de l’image ne va pas de soi et requiert une attention toute particulière. Dans les programmes de l’école maternelle, l’analyse de l’image appartient au troisième domaine d’enseignement : Agir, s’exprimer,

comprendre à travers les activités artistiques. « Les enfants apprennent peu à peu à

caractériser les différentes images, fixes ou animées, et leurs fonctions, et à distinguer

44 JOLY Martine. L’analyse de l’image, 2010. 45 JOLY Martine. L’analyse de l’image, 2010.

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le réel de sa représentation, afin d’avoir à terme un regard critique sur la multitude d’images auxquelles ils sont confrontés depuis leur plus jeune âge. L’observation des œuvres, reproduites ou originales, se mène en relation avec la pratique régulière de productions plastiques et d’échanges »47.

Certains albums ne comportent pas de texte. Ce type d’ouvrage va nous être utile pour mener notre recherche. L’appréhension de l’album uniquement composé d’images n’est pas plus aisée. Selon les ressources d’accompagnement d’Eduscol :

« La lecture des albums tout en images par de jeunes élèves est une lecture qui nécessite d’être accompagnée et partagée : par exemple, en situation duelle ou en tout petit groupe, les enseignants participent à la recherche de l’idée, de l’élément ressemblant ou complémentaire qui motive l’enchaînement des images ou qui relie une série d’images. Avec les récits de fiction en images, l’enseignant aide les élèves à sélectionner des éléments de l’image qui lui permettent de construire une progression qui va d’une situation initiale à une situation finale, et éventuellement de raconter. […] Pour la plupart des élèves de maternelle, ces albums tout en images ne sont pas directement lisibles en tant que récits graphiques ». (p.2)

3.3. Rapports et fonctions du textes et de l’image dans les albums

Quand l’image rencontre un texte, ils peuvent former ensemble une signification différente.

Dans un album, les images sont liées les unes aux autres, qu’elles soient juxtaposées sur une double-page ou envisagées à l’échelle de l’album. Sophie Van der Linden affirme qu’« au-delà de la liberté structurelle dont jouit l’album, sa diversité est aussi le reflet des influences croisées du livre illustré et de la bande dessinée, constituant deux pôles encadrant l’image d’album »48.

- Les images dans l’album peuvent être isolées : il n’y a qu’une image par double-page, le texte et l’image se trouvant alors souvent sur des pages différentes. Leurs expressions plastiques et sémantiques sont autonomes et cohérentes.

47 EDUSCOL. Mobiliser le langage dans toutes ses dimensions, partie IV : la littérature de jeunesse. Disponible à

l’adresse : http://eduscol.education.fr/cid91996/mobiliser-le-langage-dans-toutes-ses-dimensions.html

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L’album Maman m’a dit que son amie Yvette était très chouette présente des images isolées.

- Les images sont dites séquentielles lorsqu’elles entrent en relation en appartenant à une même séquence. Chaque image est « en déséquilibre »49

car nécessairement articulée à une autre.

- Cependant, « l’image d’album s’affirme souvent à mi-chemin entre ces deux pôles. Ni complètement indépendante, ni tout à fait solidaires, ces images pourraient être qualifiées d’associées »50.

Dans l’album, le texte et l’image entretiennent des relations de différentes natures (des relations notamment formelles, temporelles et spatiales). Mais il s’agit à présent de traiter des aspects narratifs et des messages délivrés. Quel est le sens dégagé par la mise en relation d’un texte et d’une image dans un album ? Pour Sophie Van der Linden, le texte et l’image peuvent entretenir trois types de relation :

- Un rapport de redondance : la mise en relation du texte et de l’image « ne produit pas de sens supplémentaire ». « Les deux narrations sont isotopiques »51. Cependant, on peut n’être en présence que d’une

superposition partielle des contenus. Il y a alors un accord dans le propos, mais l’un des deux (l’image ou le texte) apporte plus d’informations.

- Un rapport de collaboration : « textes et images construisent un propos unique », mais aucun des deux ne porte le sens du message. Le sens émerge de leur collaboration. « Les divergences sont constructives ». « Chacun porte

49 FRESNAULT-DESRUELLE Pierre. La bande dessinée comme moyen d’expression, 1972. 50 VAN DER LINDEN Sophie. Lire l’album, 2006, p. 44.

51 VAN DER LINDEN Sophie. Lire l’album, 2006, p120.

Ma maman m’a dit que son amie Yvette était très chouette, Alain Le Saux (p.64) )

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tour à tour la narration où chacun comble les lacunes de l’autre ». Sophie Van der Linden précise que « plus les messages respectifs paraissent éloignés, plus le travail du lecteur est important pour faire émerger la signification ».

- Un rapport de disjonction : « textes et images suivent des voies narratives parallèles » ou bien ils se contredisent. C’est le cas dans l’album Mon chat le

plus bête du monde. Alors que le texte raconte l’histoire d’un chat, l’image

donne à voir un éléphant. Ce rapport de disjonction engendre un effet comique.

Les rapports du texte et de l’image diffèrent des fonctions qu’ils ont l’un envers l’autre. Ces fonctions impliquent une primauté de l’un sur l’autre, tout en sachant qu’il n’existe pas de règle a priori dans l’album. « Chaque ouvrage propose une entrée en lecture par le texte ou l’image et l’un ou l’autre peut majoritairement porter la narration. L’un est l’instance prioritaire, l’autre l’instance secondaire »52.

On distingue :

- Une fonction de répétition : on observe une redondance dans le propos car le message porté par l’instance secondaire répète dans un autre langage celui porté par l’instance prioritaire.

- Une fonction de sélection : le texte peut sélectionner une partie du message de l’image, ce qui renvoie à la fonction d’ancrage de Roland Barthes.

- Une fonction de révélation : la présence de l’une des instances permet de donner un véritable sens à l’autre instance.

52 VAN DER LINDEN Sophie. Lire l’album, 2006, p123.

Mon chat le plus bête du monde, Gilles Bachelet (p.9) )

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- Une fonction complétive : « l’intervention de la seconde instance sur la première peut donner lieu à la production d’un sens global ».

- Une fonction de contrepoint : « l’une des instances se pose en contrepoint de l’autre, notamment par un décalage vis-à-vis des attentes générées par l’instance première ». La seconde instance peut omettre un élément central de l’histoire ou dire le contraire.

- Une fonction d’amplification : « l’un peut en dire plus que l’autre sans le contredire ni le répéter. Il étend la portée de son propos en apportant un discours supplémentaire ou en proposant une interprétation ».

Il est également intéressant de prendre en compte le point de vue particulier que peuvent donner l’image et le texte et notamment la relation de connivence que l’un ou l’autre peuvent instaurer avec le lecteur.

Pour Sophie Van der Linden, il est presque impossible de fixer les règles de fonctionnement d’un album. Sa compréhension fine nécessite de « partir de la singularité de l’œuvre et de comprendre la manière dont elle forme un ensemble cohérent dont tous les éléments combinés font sens »53.

4. Appréhender le rapport texte image : une tâche complexe mais un enjeu de la compréhension – Mon questionnement et mes hypothèses de recherche

C’est Barbara Brader qui a commencé à définir l’album par un « rapport d’interdépendance entre mots et images »54. Depuis, cette relation a été étudiée de

très près, notamment par les critiques littéraires américains. Maria Nikolajeva et Carole Scott ont proposé une classification des albums en fonction des relations textes-images qu’elles comportaient. Selon Sophie Van Der Linden, une telle classification reste problématique dans la mesure où chaque album « développe précisément différents types de relations »55.

Devant la difficulté rencontrée par les chercheurs pour établir des catégories au sein des albums de littérature de jeunesse, il est légitime de supposer que la compréhension des albums par les enfants n’est pas aisée. En vue de chercher des pistes pour faciliter cette appréhension, j’ai choisi de me concentrer sur les relations

53 VAN DER LINDEN Sophie. Lire l’album, 2006. p157 54 VAN DER LINDEN Sophie. Lire l’album, 2006. p.90. 55 VAN DER LINDEN Sophie. Lire l’album, 2006.p.91.

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entre le texte et l’image qui peuvent être beaucoup plus complexes qu’il n’y paraît. L’un des constats qui m’a amenée à cette réflexion est le fait que mes élèves ont tendance à penser que l’image et le texte d’un album sont toujours en adéquation. En d’autres termes, selon eux, l’image est là pour illustrer explicitement ce que dit le texte. Or, ce cas n’est pas une règle absolue dans les albums, bien au contraire. Cette représentation peut faire obstacle à leur compréhension. La problématique qui guidera ma recherche est donc la suivante :

Comment amener les élèves de grande section à tirer parti de la relation entre le texte et l’image pour comprendre un album ?

La diversité propre au genre de l’album de littérature de jeunesse ne permet sans doute pas de répondre de manière générale à ce problème. Cependant, voici les hypothèses que j’émets ainsi que ce que je chercherai à démontrer :

- Travailler sur un album sans texte va permettre de sensibiliser des élèves de grande section de maternelle au discours porté par l’image.

- Etudier un album dans lequel le texte et l’image entretiennent un rapport de disjonction va amener les élèves à prendre conscience de cette double énonciation.

- La relation texte-image peut se mettre au service d’un apprentissage lexical complexe : le double-sens des mots de la langue française.

Le corpus d’étude est constitué principalement de quatre œuvres. Loup Noir d’Antoine Guilloppé est un album sans texte sur lequel je souhaite m’appuyer pour sensibiliser les élèves au discours porté par l’image. Mon chat le plus bête du monde de Gilles Bachelet est un album qui joue sur un décalage évident entre le texte et l’image pour créer des situations comiques. Il me sera utile pour amener les élèves à prendre conscience de la double énonciation qui peut être présente dans un album : celle du texte et celle de l’image. Papa m’a dit que son meilleur ami était un homme-grenouille et Maman m’a dit que son amie Yvette était vraiment chouette d’Alain Le Saux font partie de la même collection et sont fondés sur le même principe : le texte relate des expressions que l’image prend au pied de la lettre. Le rapport texte-image est donc d’une certaine complexité pour des élèves de grande section. Je vais cependant à en

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tirer parti pour amener les enfants à se familiariser avec le double sens des mots de la langue française. Afin d’amener les élèves à tirer parti de la relation texte-image pour comprendre un album, je vais mettre en place différentes situations d’apprentissage prenant appui sur ces quatre albums de littérature de jeunesse.

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Comprendre l’album, tirer parti de la relation texte-image : mise en œuvre en grande section de maternelle

A travers la mise en place de ces situations d’apprentissage, je cherche à montrer comment il est possible de familiariser les enfants avec la relation texte-image afin de leur permettre d’accéder à une compréhension plus fine de certains albums.

Appréhender et comprendre un album ainsi que les relations qui se jouent entre le texte et l’image ne vont pas de soi. Amener les élèves à comprendre cette double énonciation texte-image nécessite de penser cette approche et la rencontre des élèves avec l’œuvre littéraire.

Ma stratégie pour amener les élèves à comprendre des albums dans lesquels l’image pose problème est celle-ci :

- Premièrement, je souhaite travailler sur l’album sans texte pour permettre aux élèves de se focaliser sur l’image et le sens qu’elle peut véhiculer. En particulier, dans l’album Loup Noir, les élèves se rendent compte que l’image peut être trompeuse.

- Ensuite, j’amorcerai l’étude d’un album dans lequel l’image et le texte entretiennent un rapport de disjonction. En particulier, dans l’album Mon chat le

plus bête du monde, le discours porté par l’image et le texte est différent mais

complémentaire. Un effet comique naît justement de cette disjonction.

- Cela va me permettre d’aborder avec les élèves un album complexe dans lequel l’image permet de mieux comprendre des mots qui ont un double sens (avec

Papa m’a dit que son meilleur ami était un homme-grenouille et Maman m’a dit que son amie Yvette était vraiment chouette).

Dans un premier temps, je fais donc l’hypothèse que la rencontre des élèves de GS avec un album sans texte relativement complexe va permettre de les sensibiliser au discours porté par l’image.

1. Comprendre un album sans texte en grande section

Dans quelles mesures des élèves de grande section sont-ils sensibles au discours porté par l’image dans un album sans texte écrit ? Comment amener les élèves à construire du sens à partir des images ?

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1.1. Présentation de l’album étudié : Loup Noir d’Antoine Guilloppé

Loup noir est un album de littérature de jeunesse qui a la particularité de ne pas

comporter de texte. Il a été élaboré par Antoine Guilloppé, auteur et illustrateur. L’absence de texte dans un album n’implique pas que celui-ci soit dénué de récit, bien au contraire. Cette absence incite le lecteur à mettre en mots les images.

L’histoire pourrait être résumée comme ce qui suit. Il fait nuit et le sol est couvert d’une épaisse couche de neige. Un enfant s’enfonce dans une forêt sombre. Caché derrière les branches, un loup noir l’observe. Sans qu’il s’en aperçoive, le loup se met à suivre l’enfant de loin. Il se met à neiger. Un hibou observe l’enfant qui s’aventure toujours plus profondément dans la forêt. Il neige de plus en plus fort. L’enfant se met à courir. Le loup noir, qui le surveille toujours, montre ses crocs. L’enfant se retourne, le loup s’élance. Le lecteur pense alors que le loup s’apprête à tuer l’enfant. En réalité, l’animal s’est jeté sur l’enfant pour le sauver d’un arbre qui penchait dangereusement et qui allait l’écraser dans sa chute. Le hibou distingue du haut du ciel la silhouette du loup près de l’enfant étendu au sol à côté de l’arbre qui est tombé. L’avant dernière image montre l’enfant souriant se jetant au cou du loup devenu blanc qui sourit également. L’animal ressemble alors tout autant à un chien qu’à un loup. Bien souvent, le lecteur a été trompé par les apparences car l’animal qu’il pensait menaçant a finalement eu un rôle protecteur (les dernières pages de l’album sont en annexe 3).

L’histoire joue sur un suspense fort. Ce suspense est en partie lié à l’écriture d’un scénario qui emprunte au genre cinématographique. Du point de vue des matériaux plastiques de l’image, on observe un jeu de contraste très soigné entre le noir et le blanc. Aucune autre couleur n’apparaît, ce qui est assez rare dans un album de littérature de jeunesse. L’auteur joue sur des cadrages très variés. On trouve ainsi des plans en plongée, en contre-plongée, l’insertion de gros plans et de contre-champs qui témoignent d’un travail de montage précis qui assure le rythme de l’histoire et la liaison entre les pages. Cette grammaire de l’image parvient finalement à tromper le lecteur. La compréhension de ce livre nécessite une observation fine des images, jusque dans les détails mais aussi d’avoir en tête les images précédentes pour comprendre l’enjeu de l’image suivante. Il faut comprendre les liens entre les différentes images. Chaque page n’est pas un renouveau, il y a une chronologie à prendre en compte. Par exemple, on voit l’arbre qui tombe commencer à se pencher bien avant l’intervention

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de l’animal pour sauver l’homme. Ce livre peut nécessiter des retours en arrière pour comprendre l’histoire.

1.2. Présentation du dispositif

Conformément aux recommandations officielles, j’ai souhaité amener les élèves à « sélectionner des éléments de l’image » 56 leur permettant de « construire une

progression, et éventuellement de raconter » Ces situations vont contribuer à l’acquisition des compétences suivantes : comprendre un récit porté par une séquence d’images, décrire et exprimer son ressenti sur des images, prendre des repères sur l’image, développer un regard critique sur l’image, remettre en ordre des images séquentielles pour restituer un récit, restituer la trame narrative d’une histoire connue avec un support visuel, utiliser le langage oral pour raconter.

Afin de sensibiliser les élèves au discours porté par l’image, j’ai essayé de les initier à l’analyse des procédés utilisés par l’illustrateur pour susciter les émotions (ce qui renvoie aux « constituants plastiques » dont parle Martine Joly) toutefois sans entrer dans les aspects techniques du genre cinématographique (que les élèves auront le temps de découvrir à partir du cycle 2).

J’ai organisé la découverte de Loup noir en ateliers semi-dirigés de seulement deux élèves. J’ai choisi cette modalité de travail pour permettre aux élèves d’oser prendre la parole et faire part de leur interprétation de l’histoire relayée par les images. J’ai constitué des binômes de niveaux hétérogènes mais sans que l’écart soit trop important, le risque étant que l’un d’eux s’efface en laissant parler celui qui a l’air de mieux savoir. Cette organisation se voulait être propice à des débats constructifs entre élèves (notamment en cas d’interprétations différentes des éléments de l’image). La séance commence par une analyse de la première de couverture afin de permettre aux élèves d’anticiper et d’émettre des hypothèses, en leur posant des questions. Puis je lis le titre et je les interroge sur ce qu’ils savent sur les loups, je leur demande s’ils connaissent des histoires parlant de loup afin de réactiver un univers de référence et de les amener progressivement à imaginer l’histoire.

56 EDUSCOL, Informer et accompagner les professionnels de l’éducation, Mobiliser le langage dans toutes ses

dimensions, la littérature de jeunesse, texte de cadrage, disponible sur

http://cache.media.eduscol.education.fr/file/Langage/76/3/Ress_c1_langage_litterature_cadrage_774763.pdf

[accessed 28 May 2018].

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Pour la moitié des élèves (le groupe A), j’ai choisi de répartir le travail en deux phases : une première phase pour que les élèves regardent préalablement les images et disent ce qu’ils y voient, et une seconde phase pour les amener à raconter l’histoire, à l’appui des images. Pour l’autre moitié (le groupe B), je suis passée directement à la seconde phase. En effet, je souhaitais observer si le fait de découvrir les images au fur et à mesure (ou le fait de revenir sur des images déjà vues) avait une incidence sur le récit construit par les élèves.

Lors des descriptions d’images par les élèves ou des passages racontés à l’appui des images, j’apporte un étayage et je pose des questions aux élèves. Mon souci est de savoir sur quels éléments de l’image se base l’interprétation des enfants, de voir s’ils s’en rendent compte eux-mêmes et de les aider à en prendre conscience. Je les interroge sur leurs constats : qu’est-ce qui te fait dire cela ? Qu’est-ce qui te fait peur ? A la fin, je demande à tous les élèves : Pourquoi est-ce que l’on s’est trompé sur le loup ? Cette question vise à leur faire prendre du recul sur l’histoire et à réfléchir à la façon dont l’image les a « manipulés ». Je souhaitais que cette activité participe à la prise de conscience du fait que les images peuvent « raconter » une histoire même lorsqu’elles ne sont pas accompagnées de texte. Je voulais également faire passer l’idée que les impressions provoquées par les images (notamment l’inquiétude ressentie dans Loup Noir) ne sont pas laissées au hasard. Elles s’appuient sur des éléments plastiques et iconiques précis. Par exemple, je suppose les élèves de grande section capables de déceler le jeu particulier de l’alternance de couleurs noir/blanc qui amène le lecteur à se méfier puis à faire confiance au loup.

Lors d’une seconde séance, le jour suivant la découverte de Loup noir, je demande aux élèves, cette fois individuellement, de remettre en ordre des images marquantes de l’album (que j’ai sélectionnées). Puis je leur demande de raconter à nouveau l’histoire. Ainsi, je souhaite tirer parti de la fonction mémorielle des images et constater si les élèves gardent en mémoire un récit sans que je leur aie lu un quelconque texte.

Rappelons que pour comprendre un récit, il est important que les élèves soient en mesure de repérer le personnage principal et de le reconnaître à travers les transformations qu’il subit mais aussi de comprendre ses motivations et la relation qu’il entretient avec les autres personnages. Dans cet ouvrage, le loup est un personnage

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ambigu auquel le lecteur prête certaines motivations au départ (par exemple, manger l’enfant) mais qui se retrouvent contredites à la fin de l’histoire. Par mon étayage et mes questions, j’amène les élèves à verbaliser les intentions qu’ils prêtent au loup. Il faut aussi qu’ils comprennent les événements, leur chronologie, leurs relations de causalité et le fait que cela forme un tout. Dans l’histoire, c’est parce qu’un arbre chute soudainement que le loup se jette sur l’enfant. Et c’est ce qui permet de révéler sa véritable identité (un animal bienveillant). Cet enchaînement peut être difficile à percevoir et je prévois de questionner les enfants : pourquoi se passe-t-il cela ? Si je me rends compte que certaines actions n’ont pas été comprises, je les incite à retourner en arrière.

Les élèves doivent apprendre à discerner ce qui est primordial de ce qui est secondaire et être capable de mémoriser la situation initiale, la trame principale et la chute. Afin de favoriser les inférences et permettre aux élèves de ne pas concevoir cette œuvre de manière isolée, j’ai choisi d’inclure l’étude de cet album dans un réseau de lecture autour de la thématique du loup. Pendant l’année, les élèves ont rencontré plusieurs récits avec ce personnage et la veille de la présentation de cet album, j’ai raconté à nouveau Le petit chaperon rouge sans l’appui d’images, afin de favoriser la création d’images mentales. De même, ce livre a été mis en réseau avec d’autres albums qui questionnent la place de l’image. Dans Loup noir, l’image peut être trompeuse. C’est également le cas dans Je connais un rhino de Charles Fuge, bien connu des élèves, dans lequel on se rend compte que toutes les images nous faisaient entrer dans le rêve du personnage principal et qu’il ne s’agissait pas de la « réalité ». Afin de prendre en compte la diversité des élèves, mon étayage verbal pouvait être plus ou moins important.

1.3. Analyse des situations d’apprentissage

1.3.1. Difficultés et stratégies observées

L’identification de l’un des personnages principaux a été difficile pour certains élèves. Une élève en particulier (qui faisait partie du groupe B) changeait le sujet de ses phrases au fil des pages, parlant tantôt d’un loup, tantôt d’un renard, pour finalement l’identifier comme un chien. Pour autant, la notion de permanence du personnage était acquise pour cette élève, la difficulté résidait dans la caractérisation de ce personnage

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