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Le vécu de parents dont l'adolescent a commis un comportement sexuel abusif

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Academic year: 2021

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Le vécu de parents dont l'adolescent a commis un comportement sexuel abusif

Mémoire présenté

à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval

dans le cadre du programme de maîtrise en service social

pour l'obtention du grade de maître en service social (M.Serv.Soc.)

ECOLE DE SERVICE SOCIAL

FACULTÉ DES SCIENCES SOCIALES

UNIVERSITÉ LAVAL

QUÉBEC

2010

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RESUME

Il s'agit ici d'une recherche qualitative effectuée auprès de cinq parents dont le Fils a commis un comportement sexuel abusif et auprès de six intervenants sociaux qui travaillent avec ces parents. L'objectif des entrevues effectuées était d'explorer le sens que ces parents accordent à la conduite de leur adolescent afin de mieux comprendre leur réalité, d'être en mesure de la décrire, et ce, dans l'optique d'améliorer les pistes d'intervention dans ce domaine. Les résultats démontrent que les parents dont l'adolescent a commis un comportement sexuel abusif (CSA) évoluent à travers un processus réactionnel et émotionnel qui s'apparente à une situation de crise. Les valeurs auxquelles les parents adhèrent, le sens qu'ils accordent au CSA, l'importance qu'ils donnent au regard d'autrui et la perception qu'ils ont du traitement de leur fils sont les principaux aspects qui influencent chacune des étapes de ce processus. Une série de recommandations viennent conclure cette étude exploratoire.

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Je tiens d'abord à remercier tout mon entourage pour leur patience à mon égard ainsi que pour leur soutien prodigué tout au long de mon processus de maîtrise qui fut parsemé, plus souvent qu'autrement, de toutes sortes d'embûches.

J'aimerais également rendre hommage à monsieur Jean-Pierre Rousseau, psychologue à la Clinique des troubles sexuels pour mineurs ainsi qu'à monsieur François Larose, intervenant au Centre jeunesse Chaudière-Appalaches, pour leur aide précieuse en ce qui a eu trait au recrutement des participants de cette recherche. Effectivement, sans cette aide, ce projet n'aurait pu être mis à terme. Merci pour votre intérêt et votre continuel soutien.

Puis, je souhaite exprimer toute ma gratitude à mon directeur de mémoire, monsieur Michel Dorais, qui a d'abord cru en mon potentiel, en celui de mon projet et qui m'a appris à me faire confiance ainsi qu'à puiser dans mes ressources personnelles par ses commentaires judicieux.

Enfin, j'adresse un remerciement spécial aux parents qui ont accepté de me parler de leur vécu par rapport à une expérience dont il n'est pas toujours facile de discuter. J'espère que ce mémoire pourra leur procurer un nouvel éclairage sur leur vécu afin de leur démontrer qu'ils ne sont pas seuls au monde aux prises avec ce type d'émotions et de réactions en lien avec le comportement sexuel abusif de leur fils. Un merci spécial aussi aux intervenants sociaux qui ont pris de leur précieux temps pour répondre à mes questions.

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TABLE DES MATIERES

RÉSUMÉ i AVANT-PROPOS ii

TABLES DES MATIÈRES iii

INTRODUCTION iv CHAPITRE I - PROBLÉMATIQUE 1

1.1 Définition des termes 3 1.2 Recension des écrits 5

1.2.1 Théories et modèles explicatifs de l'agression sexuelle juvénile 5 1.2.2 Caractéristiques des adolescents qui ont commis un comportement sexuel abusif 9

1.2.3 Les familles des adolescents qui ont commis un comportement sexuel abusif 11

1.2.3.1 Caractéristiques de ces familles 11 1.2.3.2 L'implication des parents dans le traitement de leur jeune 16

1.2.3.3 Le vécu des parents d'adolescents qui ont commis un comportement sexuel abusif 17 1.2.4 Les limites méthodologiques des études actuelles portant sur le vécu des parents

d'adolescents qui ont commis un comportement sexuel abusif 19 1.3 Pertinence scientifique et sociale de la présente étude 20

CHAPITRE II - CADRE D'ANALYSE 22

CHAPITRE III - MÉTHODOLOGIE DE RECHERCHE 26

3.1 Approche et type d'étude 26 3.2 Population à l'étude 27 3.3 Mode de recrutement 27 3.4 Mode de collecte des données et instrument utilisé 28

3.5 Procédure 29 3.5.1 Avec les parents d'un adolescent qui a commis un comportement sexuel abusif 29

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3.7 Considérations éthiques 32 CHAPITRE IV - PRÉSENTATION DES RÉSULTATS (PARENTS) 35

4.1 Résultats obtenus selon les entrevues réalisées auprès de parents dont leur adolescent

a commis un CSA 35 4.1.1 Description des parents qui ont participé à cette étude 35

4.1.2 Les aspects généraux émergeant de cette recherche 36 4.1.3 Les périodes du vécu des parents d'un adolescent qui a commis un comportement

sexuel abusif 38 4.1.3.1 La période de l'avant dévoilement : l'intuition 38

4.1.3.2 La période du dévoilement : le choc 39 4.1.3.3 La période de l'après dévoilement : l'incompréhension 40

4.1.3.4 La période du « maintenant » : la résignation 42 4.1.4 L'évolution des émotions et des réactions des parents au cours des périodes identifiées

précédemment 43 4.1.5 Des parents qui ont un bouc-émissaire « extérieur » 46

4.1.6 La comparaison du processus du vécu des parents dont l'adolescent a commis un comportement sexuel abusif interrogés dans cette recherche en regard d'autres études portant

sur ce thème 46 4.1.7 Les valeurs qui sont affectées par le comportement sexuel abusif de leur fils 53

4.1.8 Le sens que les parents accordent au comportement sexuel abusif de leur fils 55

4.1.8.1 Un manque sur le plan de l'éducation sexuelle 55 4.1.8.2 Un comportement exploratoire qui a mal tourné 57 4.1.8.3 La présence d'un conflit ou d'un stress au sein de la famille 57

4.1.9 Le regard d'autrui par rapport au comportement sexuel abusif de leur fils 59

4.1.9.1 Les parents qui disent ne pas ressentir le regard des autres 60

4.1.9.2 Les parents qui fuient le regard des autres 61 4.1.10 La perception du traitement dont bénéficie leur fils , 63

4.1.11 La perception d'un éventuel traitement pour ces parents 65 CHAPITRE V - PRÉSENTATION DES RÉSULTATS (INTERVENANTS SOCIAUX) ..68

5.2 Les résultats obtenus selon les entrevues réalisées auprès d'intervenants sociaux qui

travaillent avec des parents dont leur adolescent a commis un CSA 68 5.2.1 Description des intervenants sociaux rencontrés pour cette étude 68 5.2.2 Les caractéristiques communes des parents dont leur adolescent a commis un

comportement sexuel abusif selon les intervenants sociaux interrogés 69 5.2.2.1 Un manque de certaines connaissances chez les parents 69

5.2.2.2 La séparation des parents 71 5.2.2.3 Le souhait commun de tous les parents : que leur fils ne recommence pas 72

5.2.3 Les périodes associées au vécu des parents dont l'adolescent a commis un

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5.2.3.1 Avant le début du suivi 72 5.2.3.2 Le début du suivi 75 5.2.3.3 Pendant le suivi 76 5.2.3.4 Après le suivi 76 5.2.4 L'évolution des émotions et des réactions des parents dont l'adolescent a commis un

comportement sexuel abusif selon les intervenants sociaux 78 5.2.5 Les valeurs affectées par le comportement sexuel abusif de leur fils 81

5.2.6 Le sens accordé au comportement sexuel abusif 83

5.2.7 Le poids du regard des autres 84 5.2.8 La perception du suivi des parents offert par le Centre jeunesse Chaudière-Appalaches

87

5.3 Les limites de la présente étude 90 CHAPITRE VI - DISCUSSION 94 6.1 La discussion des principales découvertes de la présente étude 94

6.1.1 Le processus réactionnel et émotionnel du vécu des parents dont l'adolescent a commis

un comportement sexuel abusif 95 6.1.2 Les valeurs affectées par le comportement sexuel abusif 96

6.1.4 La perception du regard d'autrui 99 6.1.5 La perception du suivi de leur fils 101

6.1.6 La perception d'un suivi spécifique pour les parents dont l'adolescent a commis un

comportement sexuel abusif et de leur implication dans le suivi de leur fils 102

6.2 Les recommandations 104 6.2.1 Pour les parents dont l'adolescent a commis un CSA et les intervenants sociaux 104

6 3 Les pistes de recherche futures 107 RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 109 ANNEXES 113 ANNEXE A 114 ANNEXEE 115 ANNEXE C 117 ANNEXED 119

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ANNEXE F 124

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INTRODUCTION

Ce mémoire s'intéresse à la problématique de la délinquance sexuelle juvénile, c'est-à-dire à des adolescents qui ont commis un comportement sexuel abusif (CSA), mais plus particulièrement au vécu de leurs parents à la suite de la dénonciation de la conduite de leur jeune. Il s'agit d'une étude qualitative exploratoire mettant à profit un cadre d'analyse propre à

l'interactionnisme symbolique et qui vise à répondre à la question suivante : quel sens les parents d'un adolescent qui a commis un comportement sexuel abusif accordent-ils à la conduite de ce dernier? Dans cette perspective propre à l'interactionnisme, le terme vécu fait référence à l'expérience subjective des parents face à la conduite de leur jeune. Il est donc principalement question de leur interprétation et de leur perception de la situation par l'intermédiaire de leurs émotions et de leurs réactions. Par conséquent, cette recherche a pour objectif d'explorer le sens que ces parents accordent à la conduite de leur adolescent afin de mieux comprendre leur réalité et d'être en mesure de la décrire dans l'optique de bonifier l'intervention dans ce domaine. Pour ce faire, il sera d'abord question d'interroger des parents dont l'adolescent a commis un CSA. Puis, par souci de diversification des points de vue, des intervenants sociaux qui travaillent avec ces parents seront également interrogés.

Six chapitres sont présentés dans ce document, soit la problématique, laquelle comprend une recension des écrits, le cadre d'analyse privilégié, la méthodologie de la recherche, les résultats obtenus à partir des entrevues réalisées auprès de parents dont leur adolescent a commis un comportement sexuel abusif (CSA) et les résultats obtenus selon les entrevues réalisées auprès des intervenants sociaux qui travaillent avec des parents dont leur adolescent a commis un CSA ainsi que la discussion de ces différents résultats.

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PROBLEMATIQUE

La délinquance sexuelle juvénile n'est pas un phénomène nouveau en soi; c'est l'intérêt scientifique que l'on porte à cette problématique qui s'avère plus récent (McKibben & Jacob, 1993). Effectivement, avant les années 1980, les études ont mis l'accent sur les agresseurs sexuels adultes, puisqu'on considérait que les comportements sexuels abusifs (CSA) commis par les adolescents étaient exploratoires, c'est-à-dire relevait d'une simple curiosité propre à leur développement « normal » (Venezino & Veneziano, 2002; Bischof, Stith & Wilson, 1992). Puis, Ryan (1991a) souligne qu'historiquement, le déni et la minimisation des comportements sexuels déviants ainsi que la répression de la sexualité chez les enfants et les adolescents auraient eu pour conséquence le développement de la problématique de l'agression sexuelle chez eux. C'est vers la fin des années 70 qu'il est possible de constater une soudaine explosion des écrits sur le sujet en réaction au mouvement féministe qui réclame des peines plus importantes pour les agresseurs sexuels ainsi qu'à la suite de la mise en place de plusieurs programmes de traitement pour les adolescents qui ont commis un comportement sexuel abusif aux États-Unis (McKibben & Jacob, 1993). C'est aussi dans cette décennie que l'on découvre que les comportements sexuels déviants présents chez la plupart des agresseurs adultes chroniques auraient commencé au cours de l'adolescence (Kobayashi, Sales, Becker, Figueredo & Kaplan, 1995).

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Les statistiques démontrent que les adolescents semblent être un groupe d'âge surreprésenté en ce qui concerne l'ensemble des auteurs d'un CSA. De fait, les enquêtes effectuées aux États-Unis indiquent qu'ils seraient responsables de 20% des viols et de 30% à 50% d'agressions sexuelles sur des enfants (Veneziano & Veneziano, 2002). En mars 2007, la police de Québec était en mesure de répertorier 2700 auteurs présumés d'infractions d'ordre sexuel. Près de 97% d'entre eux étaient des hommes dont 23% étaient des agresseurs sexuels âgés de moins de 18 ans (Ministère de la sécurité publique, 2007). De ce pourcentage, 3% étaient âgés de 11 ans et moins, 10% entre 12 et 14 ans et 10% entre 15 et 17 ans. L'analyse des données policières soulève l'évidence que c'est dans la tranche des 12 à 17 ans que la proportion de présumés agresseurs par 100 000 habitants s'avère la plus importante. La politique gouvernementale en matière d'agressions sexuelles a réagi à cette problématique en mettant sur pied une politique qui vise à améliorer le dépistage des jeunes qui ont commis un comportement sexuel abusif ainsi qu'à développer des programmes adaptés à leurs besoins (Gouvernement du Québec, 2001). En somme, il s'agit d'une problématique d'envergure dont il faut se préoccuper (Jacob, McKibben & Proulx, 1993).

Lorsqu'on s'attarde aux écrits scientifiques qui concernent les adolescents auteurs d'un CSA, il est possible de constater que les chercheurs identifient plusieurs caractéristiques qui seraient propres à ces jeunes, mais qu'il s'agit néanmoins d'une population présentant des caractéristiques hétérogènes. Un aspect s'avère plus souvent mis en évidence : les caractéristiques associées aux familles de ces jeunes. De fait, plusieurs facteurs de risque familiaux prédisposeraient et favoriseraient le passage à l'acte de l'adolescent (Ministère de la sécurité publique, 2007; Monastersky et Smith, 1985; Ryan, 1991b, 1991c; Lagueux & Tourigny, 1999; Barbaree & Marshall, 2006b). Effectivement, l'ensemble des écrits scientifiques disponibles dans ce domaine indique que les adolescents qui ont commis un CSA évoluent au sein d'une famille dysfonctionnelle sur divers plans. Les résultats des études en ce domaine tendent à mettre l'accent sur la responsabilité des parents dans le développement du comportement sexuel abusif de leur jeune. Par ailleurs, ces parents s'avèrent aussi des victimes directement touchées par le comportement de leur enfant de par l'impact négatif du dévoilement dans différentes sphères de leur vie (Smith & Trepper, 1992) ainsi que par la gamme d'émotions négatives qu'ils subissent (Duane & al., 2002). Malgré ces éléments, il semble y avoir un

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familiale. Alors, que sait-on concrètement de l'expérience des parents à la suite du dévoilement du CSA commis par leur adolescent? À Québec, aucune étude n'a été complétée jusqu'à ce jour à propos de ces familles (Lafortune, Proulx, Tourigny & Metz, 2004). Considérant que plusieurs auteurs valorisent l'implication des parents dans le traitement de leur jeune (Cherry & O'Shea, 2006; Zankman & Bonomo, 2004; Nahum & Brewer, 2004; Lord & Barnes, 1996), il est légitime de considérer le point de vue de ces parents afin d'en connaître davantage sur leur vécu et tenter d'améliorer l'intervention de ce domaine.

1.1 Définition des termes

Avant de s'intéresser aux principaux aspects élaborés dans la documentation scientifique à propos de la délinquance sexuelle juvénile, il convient d'abord de définir certains termes importants aux fins de cette étude.

Ryan (1991b) définit le délinquant sexuel juvénile comme un jeune de moins de 18 ans qui commet un acte de nature sexuelle avec une personne de n'importe quel âge, et ce, sans le consentement de la victime et contre sa volonté et/ou en utilisant de l'agressivité, de l'exploitation ou des menaces afin de parvenir à ses fins. En outre, il est nécessaire de considérer trois facteurs principaux afin d'être en mesure d'évaluer s'il y a bien présence ou non d'un CSA (Ryan, 1991b). D'abord, le concept d'égalité ou d'inégalité doit être pris en considération. Il s'agit des différences sur les plans physique, cognitif, du développement émotionnel ainsi que du niveau d'utilisation de pouvoir, de contrôle et/ou d'autorité présentes entre l'agresseur juvénile et sa victime. Puis, la notion de consentement s'avère aussi très importante. Elle fait, entre autres, référence aux principes de décision libre et éclairée de la part de l'autre personne (ce qui doit différer d'une simple collaboration). Finalement, l'utilisation de la coercition consiste en des pressions exercées sur la victime qui l'empêchent de prendre une décision libre. Cette utilisation de coercition découle souvent d'un manque d'égalité et provoque le non-consentement de la victime. Dans le même ordre d'idées, Durham (2006) mentionne qu'un comportement sexuel abusif commis par un adolescent est le fait d'initier un comportement sexuel avec une personne qui n'a pas l'âge ou le niveau de développement approprié ou bien le fait d'initier un comportement sexuel où le contexte s'avère inapproprié. Bref, un acte sexuel initié est inadéquat

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lorsqu'il est commis contre la volonté de la personne, si la personne ne donne pas son consentement et s'il est fait de manière agressive, exploitante ou menaçante.

Au sens de la loi, l'agresseur juvénile est une personne âgée en deçà de ce que la loi fixe comme l'âge où la personne peut être jugée comme un adulte pour un acte criminel (Merriam-Webster Dictionnary of law, 1996 cité dans Barbaree & Marshall, 2006a). La loi différencie aussi les délinquants sexuels juvéniles des délinquants sexuels enfants. En effet, la deuxième catégorie est âgée de moins de 12 ans et jugée immature, ce qui fait en sorte qu'elle ne peut répondre d'un acte qualifié de criminel. C'est, entre autres, pour cette raison que lorsqu'un enfant commet des actes sexuels déviants, on le qualifie « d'enfant présentant des comportements sexuels problématiques » plutôt que de « délinquant sexuel », afin d'éviter la stigmatisation que peut entraîner cette étiquette (Barbaree & Marshall, 2006a).

Les principales notions présentes dans la définition du délinquant sexuel juvénile de Ryan (1991b) telles que le consentement, l'égalité et l'utilisation de coercition, qui ressemblent en plusieurs points à celles proposées par Durham (2006), sont les notions retenues pour identifier un adolescent qui a commis un CSA au cours de cette étude. En outre, les termes «adolescents qui ont commis un comportement sexuel abusif» ainsi qu'« adolescents auteurs d'un comportement sexuel abusif » seront préférés aux termes « délinquant sexuel juvénile » et « agresseur sexuel juvénile », car ils semblent moins stigmatisants et péjoratifs. De fait, dans une logique propre au service social, on ne doit pas désigner une personne uniquement par sa conduite, laquelle n'est qu'une manifestation ou une partie de ce qu'elle est, d'autant plus lorsqu'il s'agit de jeunes encore en devenir. De plus, selon les dires des intervenants dans ce domaine, le terme « adolescent qui a commis un comportement sexuel abusif » doit être préféré à celui « d'adolescent qui a commis une agression sexuelle ». Effectivement, ce dernier terme renvoie principalement à une condamnation pour agression sexuelle au sens strict de la loi. Donc, aux fins de cette recherche, le terme « comportement sexuel abusif» sera celui utilisé afin de ne pas limiter les possibilités lors du recrutement des participants. Enfin, seuls les parents d'adolescents qui ont commis un CSA seront pris en considération, tel que déjà mentionné, car il ne s'agit pas de la même problématique lorsqu'il s'agit d'enfants (de moins de 12 ans).

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seront présentés afin de mettre le lecteur en contexte. Par la suite, un bref tour d'horizon des principales caractéristiques attribuées aux adolescents qui ont commis un CSA sera effectué. Puis, les principales caractéristiques de la famille de ces adolescents seront abordées. Finalement, deux études concernant le vécu des parents d'adolescents qui ont commis un CSA seront décrites. Il est à noter que cette recension des écrits ne prétend pas être exhaustive, mais elle présente plutôt les principales informations disponibles concernant la problématique des adolescents qui ont commis un CSA et leur famille. De plus, considérant que la documentation scientifique qui aborde directement les parents dont l'adolescent a commis un CSA s'avère rare, il est apparu nécessaire de débuter la recension des écrits par des éléments qui concerne plus spécifiquement ces adolescents, et ce, même si ce n'est pas directement lié au sujet de la présente recherche. C'est pourquoi il est d'abord question de théories et modèles explicatifs de l'agression sexuelle juvénile et des principales caractéristiques de ces adolescents.

1.2.1 Théories et modèles explicatifs de l'agression sexuelle juvénile

Bon nombre d'auteurs pensent qu'une victimisation antérieure peut jouer un rôle important sur le plan de l'étiologie de l'agression sexuelle et plus particulièrement lorsqu'il s'agit de délinquance sexuelle juvénile (Becker, 1994; Dorais, 1997; Lagueux & Tourigny, 1999; Burton, Miller & Tai Shill, 2002). Le concept de transmission de la victimisation peut se définir soit comme le phénomène de passage de victime à agresseur ou bien comme le cycle de reproduction de l'abus. Dans un premier temps, les modèles cognitivo-comportementaux et l'approche psychodynamique seront présentés, puisqu'ils tentent d'expliquer cette hypothèse d'une victimisation antérieure chez les adolescents qui commettent un CSA selon les concepts qui leur sont propres. Puis, il sera question des théories développementales et de la théorie de l'attachement qui cherchent également à expliquer la délinquance sexuelle juvénile. Ce bref tour d'horizon de ces théories vise à mettre en lumière le fait que l'environnement familial de ces jeunes semble jouer un rôle parfois direct parfois indirect sur le développement de la conduite

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Les modèles cognitivo-comportementaux stipulent que la conduite d'agression sexuelle correspond à une fixation à un scheme d'excitation sexuelle et le développement de comportements sexuels compulsifs en lien avec des distorsions cognitives qui sont en réaction à l'agression sexuelle antérieure, en plus de l'apprentissage social de comportements sexuels inappropriés. Le modèle de l'apprentissage social affirme effectivement qu'il est possible qu'un jeune apprenne ces comportements sexuels abusifs par divers moyens comme l'observation,

l'expérimentation et l'imitation (Durham, 2006).

L'approche psychodynamique propose, quant à elle, deux explications du cycle de l'abus sexuel. D'abord, elle parle de répétition compulsive du comportement abusif qui servirait à maîtriser ainsi qu'à contrôler à son tour la situation. Il peut s'agir également de l'identification ou de l'attachement à l'agresseur, qui résulterait en une domination de la victime afin de se libérer de sa propre victimisation. Les propos de Dorais (1997) vont dans le même sens lorsqu'il présente deux stratégies adaptatives propres aux garçons victimes d'agression sexuelle qui s'inscrivent dans la logique de la reproduction du cycle de l'abus. Il s'agit de la stratégie du passeur, alors que le garçon règle symboliquement son propre traumatisme en sortant symboliquement vainqueur de l'agression qu'il commet sur autrui et de la stratégie du vengeur, où une intention vindicative justifie l'agression sur une autre personne (Ryan, 1991b; Salter,

1988 dans Lord & Barnes, 1996).

Dans le même ordre d'idées, quatre mobiles semblent plausibles selon Sioui (2007) pour expliquer le CSA dans les récits de vie des adolescents qu'il a interrogés. Il s'agit du règlement de compte, du coup d'audace, de l'échappatoire et du plaisir compensateur. Le premier mobile consiste en un règlement de compte : le CSA sert à reprendre de façon symbolique le contrôle sur sa vie. Il ressemble en plusieurs points à la stratégie du vengeur identifiée par Dorais (1997). Le coup d'audace est plutôt utilisé afin de combler un vide relationnel; l'adolescent affirme son existence par le CSA. Le troisième mobile décrit le CSA comme un moyen pour l'adolescent de diminuer la stigmatisation sociale en lien avec les agressions qu'il a subies auparavant. Il s'agit d'un renversement des rôles : la victime devient l'agresseur. Ce mobile se rencontre plutôt chez un jeune qui a vécu des traumatismes ou un cumul d'expériences de vie décevantes. Il est aussi possible de faire en cela un lien avec la stratégie du passeur élaborée par Dorais (1997). Enfin, le

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Par ailleurs, la théorie développementale prétend que le développement psychosexuel normal dépend de l'achèvement de chacun des stades développementaux, et ce, selon un développement parallèle du monde social et familial. Cette théorie suppose qu'un comportement sexuel déviant commis par un jeune provient d'une interruption de son développement psychosexuel, et plus particulièrement, du lien avec son processus d'attachement (Durham, 2006). De fait, une difficulté sur le plan de l'attachement dès lejeune âge constituerait un facteur important qui pourrait expliquer les comportements sexuels inadéquats ultérieurs. Un attachement sécurisant provient en général des parents (personnes qui apportent les soins et l'amour), ce qui fait en sorte que l'enfant développera ses capacités d'intimité, un élément important pour entretenir des relations futures. À l'adolescence, l'attachement éprouvé antérieurement envers les parents se déplacera plutôt vers des pairs et, selon le niveau de développement du jeune, les besoins de proximité et de sexualité se feront de plus en plus présents. Si le processus d'attachement et d'intimité est rompu, cela peut provoquer des difficultés futures sur le plan relationnel et sexuel. Effectivement, comme le jeune n'aura pas appris les capacités nécessaires pour entretenir une intimité avec les autres, cela le poussera à s'isoler. Ici, il s'agit d'un élément caractéristique des personnes qui commettent un comportement sexuel abusif.

À cet égard, Rich (2006) prétend que la documentation scientifique actuelle est insuffisante pour conclure qu'un problème d'attachement est présent ou significatif en ce qui concerne un CSA. Cependant, il est possible d'affirmer que la théorie de l'attachement est associée au développement de cette problématique, et ce, par l'intermédiaire d'autres éléments qui sont en lien direct avec le développement d'un CSA. Par conséquent, il est possible de formuler l'hypothèse qu'un échec à former un attachement sécurisant avec ses parents conduit à un style d'attachement insécurisant à l'âge adulte. Ce type d'attachement fait en sorte que l'individu éprouve de la difficulté à maintenir une relation stable ou toute autre forme de relation intime. D'autres déficits comme l'isolement, le sentiment d'impuissance, un faible niveau de tolérance,

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s

de la colère et des conflits interpersonnels découlent aussi du style d'attachement insécurisant et peuvent favoriser un CSA.

En résumé, l'attachement semble représenter une variable importante dans le développement de CSA des adolescents. À ce propos, Ryan (1991c) mentionne que le degré d'attachement entre les parents et le jeune qui a commis un CSA s'avère une relation presque toujours problématique. Duane, Carr, Cherry, McGrath et O'Shea, (2003) ajoutent que des relations parents-enfant problématiques en bas âge ainsi que des expériences de victimisation durant l'enfance sont souvent des précurseurs développementaux importants en lien avec un CSA commis par des adolescents.

À ce propos, Kobayashi et al. (1995) ont effectué une étude visant à tester un modèle théorique de l'étiologie de l'agression sexuelle commise par des adolescents (n = 117). Le modèle inclut plusieurs aspects, mais les chercheurs ont décidé de se concentrer sur les variables familiales telles que la perception qu'a l'adolescent de la déviance de ses parents, l'histoire d'abus physique ou sexuel de l'adolescent et son attachement à ses parents. Les résultats de leur étude soutiennent deux processus en lien avec le CSA commis par un adolescent, soit le processus d'apprentissage social et le processus d'attachement. Effectivement, ces chercheurs croient qu'il est raisonnable de déduire que des déviances parentales telles que l'abus physique commis par le père, contribuent à créer un environnement familial où le jeune apprend des comportements sexuels déviants. Dans un autre ordre d'idées, les CSA de l'adolescent peuvent aussi être appris après avoir subi une agression sexuelle par un homme. Enfin, le niveau d'attachement qu'a l'adolescent avec sa mère module le soutien que cette dernière est en mesure de lui offrir afin de diminuer les effets négatifs en lien avec la victimisation sexuelle de son jeune. Donc, bien qu'il ne s'agisse pas d'une relation causale, mais d'une corrélation, les

résultats montrent que moins le lien d'attachement est bon entre la mère et lejeune, plus il y a de possibilités que l'adolescent passe de victime à agresseur.

Par ailleurs, jusqu'à ce jour, il est possible d'identifier deux principaux modèles qui tentent de décrire l'étiologie de l'agression sexuelle. Le premier, élaboré par Ryan, Lane, Davis

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déviant selon un cycle de six étapes : une image de soi négative, la prédiction du rejet des autres, l'isolement, la présence de fantaisies sexuelles inadéquates, la planification de l'acte et l'agression sexuelle. En résumé, la première étape est celle où l'adolescent se perçoit négativement et où il augmente son risque d'utilisation de stratégies d'adaptation inadéquates. Cela fait en sorte qu'il va anticiper des réactions négatives provenant des autres. Afin de se protéger de ce rejet, le jeune s'isole et arrête de participer à ses activités habituelles. Pour se recréer un sentiment de pouvoir, il va se mettre à fantasmer à propos de situations où il est en contrôle et où il met en action ses fantaisies (ex : faire une victime). Cela contribue à créer une vision encore plus négative de lui-même, ce qui a pour conséquence de favoriser la planification de l'agression sexuelle, et par la suite, le passage à l'acte.

Dans une autre perspective, le modèle de Becker et Kaplan (Becker, 1994) propose que les CSA commis par des adolescents résultent d'une combinaison de caractéristiques individuelles telles qu'un faible contrôle de soi, une histoire de victimisation, des caractéristiques familiales, comme un faible lien d'attachement et des mauvais traitements à l'égard des enfants et des caractéristiques d'ordre socio-économiques (modèles de rôles violents, acceptation culturelle de la violence, etc.). Becker (1994) souligne qu'il n'existe que ces deux modèles actuellement pour tenter d'expliquer l'étiologie de la délinquance sexuelle juvénile et qu'ils ne reposent donc que sur des hypothèses des chercheurs et non sur des données fondamentales.

1.2.2 Caractéristiques des adolescents qui ont commis un comportement sexuel abusif

Plusieurs recherches se sont attardées à identifier les facteurs qui prédisposent un adolescent à commettre un CSA (Sioui, 2007; Ministère de la sécurité publique, 2007; Van Wijk & al., 2006; Righthand & Welch, 2004; Veneziano & Veneziano, 2002; Duane & al., 2002). Bien que de nombreuses recherches aient été effectuées sur les caractéristiques des adolescents qui ont commis un CSA, il est toujours impossible d'établir un profil type de ces derniers, puisque les chercheurs s'entendent pour affirmer qu'il s'agit d'un groupe possédant des caractéristiques hétérogènes (Sioui, 2007; Van Wijk & al., 2006; Righthand & Welch, 2004;

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Veneziano & Veneziano, 2002; Duane & al., 2002). Néanmoins, certaines caractéristiques plus courantes ressortent des études.

Van Wijk et al. (2006) ont effectué une étude visant à comparer les adolescents qui ont commis un CSA à des adolescents délinquants qui ont commis des délits non sexuels en réalisant une synthèse de 17 articles publiés entre 1995 et 2005. Ils concluent que les études sur les adolescents qui ont commis un CSA démontrent de manière consistante qu'ils présentent plus souvent un passé de victimisation sexuelle que les adolescents qui ont commis des délits non sexuels. Toutefois, tout comme Zakireh, Ronis et Knight (2008), ils soulignent que ce ne sont pas tous ces adolescents qui ont un passé de victimisation sexuelle et que ce ne sont pas toutes les victimes d'agression sexuelle qui deviennent des agresseurs sexuels. Effectivement, d'autres caractéristiques ressortent. Les adolescents auteurs d'un CSA présenteraient également souvent des problèmes de conduite, des traits antisociaux, des difficultés d'apprentissage ainsi que des troubles de comportement à l'école (Van Wijk & al., 2006).

Puis, les jeunes qui ont des problèmes de nature sexuelle éprouvent plus de difficultés en ce qui concerne leur compétence sociale. Ils tendent à s'isoler et éprouvent un pauvre niveau d'adaptation sociale. Il s'agit ici d'une variable très souvent citée dans la documentation scientifique en lien avec le profil d'une personne qui commet un CSA. Une carence au niveau des habiletés sociales jouerait un rôle de premier plan en ce qui concerne le développement de CSA (Sioui, 2007; Lagueux & Tourigny, 1999; Lord & Barnes, 1996). Cependant, Van Wijk et al. (2006) nuancent le manque d'habiletés sociales chez les adolescents auteurs d'un CSA, car ils soulignent que peu d'études se sont intéressées spécifiquement à cette variable. Pour ces auteurs, c'est l'isolement social qui caractérise davantage la délinquance sexuelle à l'adolescence. Sioui (2007) ajoute à ces difficultés d'intégration sociale la présence de familles qu'il qualifie de fracturées ainsi que des problèmes psychoneurologiques chez les adolescents qui ont commis un CSA, c'est-à-dire des troubles de déficit de l'attention. Ce chercheur a également été en mesure d'identifier quatre circonstances prédominantes qui poussent ces adolescents à passer à l'acte, soit l'ignorance des normes, des lois et des interdits, des agressions commises dans un cadre de vie routinier, un milieu chargé de tensions et un cadre de vie sans relation significative qui conduisent à entrer en relation avec des enfants plus jeunes.

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1.2.3 Les familles des adolescents qui ont commis un comportement sexuel abusif L'une des caractéristiques qui est mise en évidence dans les écrits à propos d'adolescents qui commettent un CSA concerne leur famille. Effectivement, l'ensemble de la documentation scientifique disponible sur les parents dont l'adolescent a commis un CSA semble affirmer qu'ils évoluent au sein d'une famille dysfonctionnelle sur plusieurs plans. A ce propos, Ryan (1991c) affirme que le rôle de la famille en ce qui a trait aux modèles de croyances et de comportements, est reconnu comme la première influence sur le développement de leur jeune. Toujours selon ce chercheur, bien que plusieurs études stipulent que certains aspects de la famille consistent en des facteurs de risque à la commission d'actes sexuels délinquants de la part de leur jeune, il est à noter qu'elles ne prétendent pas que les parents sont une cause directe de leur conduite sexuelle abusive. Elles suggèrent plutôt que l'environnement familial favorise, dès leur jeune âge, des circonstances, expériences et modèles parentaux qui pourraient contribuer au développement d'une sexualité déviante. Monastersky et Smith (1985) affirment également que la famille a une

influence cruciale sur le développement du comportement déviant, et ce, même si les causes de cette influence ne sont pas encore claires. Voici plus en détail ce que les écrits scientifiques rapportent par rapport aux caractéristiques de ces familles.

1.2.3.1 Caractéristiques de ces familles

Ryan (1991c) propose cinq types de familles basées sur leurs principales caractéristiques dans lesquelles vit un adolescent qui a commis un CSA. Ce chercheur souligne que cette typologie met l'accent sur les faiblesses présentes au sein des familles interrogées. Il s'agit de la famille exploitante, de la famille rigide et enchevêtrée, de la famille chaotique et désengagée, de la famille dite « parfaite » et de la famille qui fut antérieurement adéquate.

Dans la famille exploitante, l'amour inconditionnel n'existe pas; les parents utilisent leurs enfants afin de répondre à leurs propres besoins et entretiennent des espérances irréalistes envers ceux-ci. Comme ils doivent satisfaire les besoins des autres, ces jeunes développent un locus de contrôle externe et éprouvent de la difficulté à donner un sens à leurs valeurs personnelles. Ils apprennent que tout échange a un prix et ils utilisent la manipulation pour arriver à leurs fins.

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Pour ce qui est de la famille rigide et enchevêtrée, elle se caractérise comme secrète et isolée. Elle évite donc les relations extra-familiales et répond à ses propres besoins. Au sein de ce type de famille, on retrouve plusieurs secrets et tabous qui servent à protéger la famille de l'intrusion. De plus, les rôles et les frontières sont flous entre les membres de la famille, ce qui fait en sorte que la relation parents-enfant est symbiotique. Bref, ce type de famille favorise l'insécurité par rapport à tout ce qui est externe à la famille afin d'assurer sa survie.

Ensuite, la famille chaotique et désengagée est celle où l'on note des dysfonctions chroniques ainsi qu'un perpétuel état de crise. Les parents sont immatures et possèdent de pauvres habilités pour gérer leur vie. Ce type de famille présente de faibles connexions entre ses membres. De plus, le manque de supervision consiste en un facteur de risque à de l'exploitation provenant de l'extérieur de la famille. L'adolescent auteur d'un comportement sexuel abusif qui évolue au sein de ce genre de famille tente de reconnecter sa famille par ses gestes sexuels abusifs dans un monde où l'inconsistance dans la structure familiale lui occasionne de l'anxiété. De fait, l'acte sexuel déviant lui permet d'établir une certaine forme de structure dans sa vie et le secret autour de l'infraction lui permet de créer une sorte de frontière par rapport à sa famille.

Quant à la famille dite « parfaite », elle est celle qui, de prime abord, semble fonctionnelle et appropriée. Effectivement, l'adolescent qui commet un comportement sexuel abusif paraît être une incohérence dans ce tableau. En général, dans ce modèle de famille, les parents sont mariés, le père travaille et la mère s'occupe des enfants. Ces familles sont tellement occupées à bien paraître et les membres à jouer leurs rôles qu'elles tendent à faire comme s'il n'y avait jamais de problème. La communication des émotions est donc supprimée et la résolution de problèmes se fait à un niveau superficiel. Lors du traitement de leur jeune, la famille est d'abord résistante, mais elle ressort du traitement avec des émotions positives qui favorisent son épanouissement.

Enfin, la famille qui fut antérieurement adéquate se caractérise par la survenue d'un événement spécifique qui modifie la dynamique antérieure de la famille, qui devient alors dysfonctionnelle. Elle peut être très difficile à inclure dans le traitement, car elle se sent responsable du comportement de son jeune. Elle peut aussi devenir méfiante et déchirée par la trahison provoquée par l'acte de son jeune.

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Sefarbi (1990) a effectué une étude portant sur l'évaluation des capacités d'adaptation et de cohésion familiale d'adolescents qui ont commis un CSA. L'étude a mis l'accent sur la distinction entre cinq jeunes qui admettent leur infraction par rapport à cinq autres qui la nient afin de comparer le type de famille dont ils proviennent. Les résultats démontrent que ceux qui nient leur infraction proviennent d'une famille dite enchevêtrée alors que ceux qui admettent proviennent d'une famille désengagée. Plus précisément, la famille de ceux qui nient se caractérise par la présence d'une mère qui est accablée, qui compte sur ses enfants pour lui apporter un soutien physique et émotionnel, où les frontières sont diffuses et où il y a une confusion au niveau des rôles. Donc, dans ce type de famille, l'enfant adopte souvent le rôle de parent. De plus, on peut observer que la famille arrive normalement à communiquer, mais qu'elle évite tout ce qui concerne la sexualité. La famille de ceux qui admettent, quant à elle, se caractérise par un manque de stabilité et de protection, ce qui génère une faible estime de soi chez l'adolescent. De plus, il est possible de constater des difficultés de communication, ce qui a pour conséquence de favoriser un manque de clarté lorsqu'il est question de la sexualité. Enfin, ces adolescents présentent une pseudo-maturité et sont peu autonomes. Il est à noter qu'il s'agit d'une étude exploratoire utilisant un échantillon de dix participants. Toutefois, il est intéressant de constater que les résultats préliminaires proposent une tendance entre le fait de nier ou d'admettre un CSA et le type de famille à laquelle l'adolescent appartient. Cela peut effectivement être utile afin de bien planifier le traitement.

Par la suite, d'autres auteurs proposent des caractéristiques de la famille d'un adolescent qui a commis un CSA. Par exemple, Barbaree et Marshall (2006b) rapportent que certains aspects à l'intérieur même de la famille contribuent au développement de la conduite sexuelle abusive du jeune. Ces familles se caractérisent par de l'instabilité et un manque de ressources, de la difficulté à promouvoir ou établir un fort attachement, par une exposition à des comportements ou à du matériel pornographique en jeune âge, par un environnement où l'enfant a un haut risque d'être abusé ou exploité sexuellement par un adulte et par un manque de ressources pour réagir adéquatement au comportement sexuel abusif de leur jeune. Les comportements sexuels déviants à l'adolescence pourraient aussi être favorisés par des difficultés au niveau du fonctionnement de la famille ainsi que par un pauvre niveau d'adaptation des parents.

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Dans le même ordre d'idées, Ryan (1991c) propose des caractéristiques communes aux familles des adolescents qui ont commis un CSA. Les résultats de sa recherche montrent la présence de peu d'émotions, un manque d'affects appropriés, la présence de secrets nuisibles à la famille, un attachement difficile ainsi que la présence d'antécédents de manques sur le plan des rôles parentaux et de l'apport des soins. De plus, il ne serait pas rare de constater que l'adolescent qui a commis un CSA joue le rôle de bouc émissaire au sein de sa famille, surtout pour ce qui est d'encaisser les émotions négatives de la famille comme la gêne, la culpabilité et l'anxiété. La conduite sexuelle abusive peut alors s'expliquer comme un symptôme s'inscrivant dans un long parcours de mise en action de comportements déviants du jeune (Ronis & Borduin, 2007; Miloy, 1994 cité dans Rightand & Welch, 2004).

Quant à Lagueux et Tourigny (1999), ils concluent à la suite d'une recension de la documentation scientifique que la présence d'une famille nombreuse, des antécédents psychiatriques (souvent de la dépression), criminels et/ou de toxicomanie chez les parents, un environnement où il y a présence d'éléments sexuels non conformes, la présence de modèles sexuels inadéquats, de la victimisation sexuelle, d'humiliation et/ou des traumatismes, une inconsistance au niveau des soins apportés aux enfants et l'absence d'un confident, constituent les caractéristiques les plus souvent identifiées comme des facteurs de risque en lien avec le système familial du jeune auteur d'un CSA.

Ensuite, à la suite de leur étude visant à établir un portrait des parents d'adolescents qui ont commis un CSA qui sont en attente d'un programme de traitement volontaire en Irlande, Duane et al. (2003) concluent qu'il y a plus de parents d'adolescents qui ont commis un CSA qui rapportent avoir un passé d'arrestations pour des actes criminels ou des accusations pour une infraction criminelle, un passé d'abus au cours de l'enfance (principalement d'abus émotionnel) ainsi que de consommation d'alcool et de drogues. Pour ce qui est de l'adaptation personnelle, les parents des adolescents ayant commis un CSA ne présentent pas plus de détresse psychologique ou une plus faible estime de soi que le groupe contrôle. Néanmoins, les parents d'adolescents ayant commis un CSA présentent plus de difficultés sur le plan des fonctions familiales, des rôles, de la réponse affective, de l'engagement affectif, du contrôle et de la résolution des problèmes au sein de la famille. Enfin, ces parents ne perçoivent pas un moins bon

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niveau de soutien social que le groupe contrôle. Il est à noter que les chercheurs se sont assurés de façon statistique que la désirabilité sociale ne nuise pas à la validité des résultats de leur étude.

Finalement, une étude s'est intéressée aux perceptions que les adolescents qui ont commis un CSA (n = 105) ont de leur environnement familial (Bischof & Stith, 1995). Quatre groupes ont été interrogés : les adolescents qui ont commis un CSA (ACAS), les adolescents qui n'ont pas commis un CSA, mais qui rapportent avoir commis des infractions violentes (AIV) (ex : homicide, vol), les adolescents qui n'ont pas commis un CSA et qui rapportent avoir commis des infractions non violentes (AINV) (ex : abus de substance, bris contre la propriété) et le groupe contrôle composé d'adolescents non délinquants (GC). Les résultats montrent qu'il n'y a pas de différence significative entre les quatre groupes en ce qui concerne le niveau de conflit dans la famille, le sentiment d'accomplissement, la religion et l'organisation familiale. Toutefois, les groupes des ACAS, AIV et AINV considèrent qu'il y a moins de cohésion au sein de leur famille, qu'elle est moins expressive et qu'il y a un plus faible niveau d'indépendance entre les membres de la famille (elle encourage moins l'indépendance et l'autosuffisance) par rapport au groupe contrôle. Puis, ces trois groupes conçoivent également que leur famille leur procurent moins de soutien, qu'elles mettent moins l'accent sur des activités intellectuelles-culturelles et plus sur des activités qui exigent de bouger, que le groupe contrôle. En résumé, il y a présence de différences de perceptions entre le GC et les trois autres groupes sur divers aspects de l'environnement familial, mais il n'y a pas de différence significative entre les groupes des ACAS, des AIV et des AINV. C'est pourquoi, pour ce qui est du traitement avec les familles dont l'adolescent a commis un CSA, les chercheurs de cette étude affirment qu'on peut se fier à ce qui est déjà fait avec les familles des délinquants juvéniles en général.

À l'instar des caractéristiques attribuées aux familles d'adolescents qui ont commis un CSA, il est possible de constater qu'un environnement familial comportant certaines caractéristiques problématiques ressort dans les écrits comme facteur de risque. De plus, il est à noter qu'il paraît impossible de trouver une étude qui s'est intéressée aux parents de ces adolescents comme un facteur de protection pour ces derniers. Il est également étonnant de constater que la typologie proposée par Ryan (1991c) ne présente que des types de familles

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dysfonctionnelles. Est-ce que cela doit laisser supposer que les adolescents auteurs d'un CSA ne vivent qu'au sein de familles aux prises avec différentes difficultés? Doit-on en déduire que toutes les familles de ces jeunes sont inadéquates? Faut-il croire que les parents de ces jeunes sont « responsables » de l'acte de leur jeune? Les écrits tendent à trop responsabiliser ces parents pour la conduite de leur jeune alors qu'il faudrait également les considérer comme des victimes de l'acte de celui-ci.

1.2.3.2 L'implication des parents dans le traitement de leur jeune

Selon Cherry et O'Shea (2006), il est important de travailler avec la famille lors du traitement d'un adolescent qui a commis un CSA. De fait, la famille représente un modèle en ce qui concerne les valeurs, les croyances, les méthodes de résolution de problèmes, etc., puisqu'elle les véhicule continuellement au sein du système familial. Il est donc utile pour les parents de prendre conscience de ce qu'ils transmettent à leurs jeunes par leurs paroles, leurs attitudes et leurs actions. Les parents sont également perçus comme une ressource pour encadrer ou « surveiller » leur jeune afin d'éviter la récidive (Zankman & Bonomo, 2004; Nahum & Brewer, 2004; Lord & Barnes, 1996). Enfin, travailler à la fois avec lejeune et ses parents peut provoquer l'opportunité de retisser des liens familiaux devenus difficiles et même d'être en mesure de travailler sur les difficultés familiales qui ont pu contribuer au passage à l'acte. Zankman et Bonomo (2004) ajoutent que leur participation peut les aider au niveau de leur style parental.

Cependant, inclure les parents dans le traitement de leur jeune peut constituer un défi de par la multitude de problèmes liés au jeune et à sa famille. Par exemple, Zankman et Bonomo (2004) parlent de la présence de symptômes psychopathologiques chez un parent ou d'un environnement familial chaotique qui peut nuire au traitement. Lord et Barnes (1996) ajoutent à ces éléments la présence de déni de la conduite sexuelle abusive de leur jeune, la présence d'un sentiment de culpabilité ou le développement de comportements négatifs de la part des parents comme la surprotection de leur jeune.

Par conséquent, dans une perspective systémique du traitement des adolescents qui ont commis un CSA, il est possible de croire qu'il est essentiel de solliciter la participation des

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parents, et ce, malgré le fait qu'il est possible qu'ils éprouvent plusieurs difficultés. Il est donc nécessaire de s'intéresser à leur vécu afin d'être en mesure de mieux comprendre leur réalité. Effectivement, une meilleure connaissance de leur point de vue permettra de comprendre le sens qu'ils accordent à la conduite de leur jeune afin de tenter de bonifier le traitement dans ce domaine.

1.2.3.3 Le vécu des parents d'adolescents qui ont commis un comportement sexuel abusif

Duane et al. (2002) proposent un modèle conceptuel concernant le processus et l'expérience de cinq parents en lien avec leur réaction à la suite du dévoilement du CSA de leur jeune. Ce modèle (Voir Annexe A) vise à cerner les types de réponses et l'adaptation des parents par rapport au dévoilement du CSA de leur adolescent. Ces derniers rapportent que l'impact du dévoilement est vécu négativement, car il occasionne des conséquences personnelles défavorables (stress, trauma, besoin d'aide, choc, tristesse, confusion, recherche, déni, gêne, blâme, culpabilité et colère) ainsi qu'en lien avec la communauté (tabou, stigmatisation, isolement, être embarrassé par la situation, abus verbal). Ils proposent donc l'existence d'une relation entre le choc parental et plusieurs émotions ou réactions telles que la confusion, le questionnement, le déni et la minimisation, l'acceptation, la gêne, le blâme de soi, la culpabilité, la colère et la tristesse. Ils soulignent le fait que ces émotions ou réactions ne se présentent pas nécessairement dans cet ordre et que ce ne sont pas tous les parents qui les vivent toutes. Toutefois, les chercheurs pensent que ce modèle peut s'avérer particulièrement utile pour les cliniciens qui ont à travailler avec les parents d'adolescents qui ont commis un CSA, puisqu'ils pensent, tout comme Cherry et O'Shea (2006) et Smith et Trepper (1992), que les émotions des parents influencent les émotions vécues par leur jeune, ce qui peut affecter leur traitement. Par exemple, si le parent nie l'acte de son jeune, il est probable que ce dernier nie également son CSA et adhère difficilement à son traitement.

Dans la même optique, l'étude d'approche phénoménologique de Smith et Trepper (1992) visait à décrire l'expérience de cinq parents dont leur fils a commis un CSA. De leurs entrevues, huit thèmes sont ressortis du discours des parents, soit une préoccupation pour l'infraction de leur fils, une réévaluation de leur relation parents-enfant, un état de crise empreint

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d'éléments de santé mentale et d'éléments en lien avec le système légal, un changement de locus de contrôle externe vers un locus de contrôle interne, le fait d'être confronté à ses croyances concernant l'imposition d'une sanction par rapport à la réhabilitation des personnes qui commettent une agression sexuelle, la difficulté de parler avec leur fils de l'infraction, le fait de devoir composer avec les effets sur la famille ainsi que de devoir envisager à nouveau le futur. À l'instar de ces thèmes, les chercheurs remarquent que ces parents semblent réagir au dévoilement en évoluant à travers quatre étapes qui s'avèrent similaires à celles des personnes qui vivent une expérience de crise.

Toujours selon Smith et Trepper (1992), la première étape identifiée, celle de l'envahissement « pervasiveness », apparaît tout juste après le dévoilement de la conduite sexuelle abusive de leur jeune. La problématique de leur fils prend alors le dessus sur tout; le travail et la vie familiale passent maintenant en second. Puis, l'étape de l'abandon « helplessness » se caractérise par la motivation des parents à vouloir comprendre le comportement de leur fils sans toutefois y parvenir. À ce moment, ils se décrivent comme seuls, incompétents et vulnérables. C'est aussi dans cette étape qu'ils peuvent éprouver des problèmes psychologiques comme de l'anxiété, des obsessions et de la dépression. Par la suite, l'étape de la participation « involvement » se décrit par une capacité à mobiliser leur énergie afin de parvenir à être proactif par rapport à la problématique de leur jeune. L'élément clé dans cette étape est le sentiment pour les parents de posséder assez d'habiletés personnelles pour être meilleurs pour eux et pour leur fils. Enfin, dans la dernière étape, les parents tentent de se refocaliser « refocusing » sur d'autres choses que l'infraction de leur fils. Par exemple, ils planifieront des vacances, sortiront avec leurs amis et seront capables à nouveau d'investir les besoins du reste de leur famille. Il est à noter que bien qu'il soit utile de savoir par quelles étapes ces parents passent, les chercheurs ne mentionnent pas le temps que cela prend pour passer d'une étape à une autre ou bien pour compléter le processus. Ces aspects seraient néanmoins importants à connaître afin de savoir à quel moment ils sont prêts à aider leur jeune.

Smith et Trepper (1992) soulignent également que ces parents éprouvent souvent du déni par rapport à la responsabilité de leur fils en ce qui a trait à son acte. Il s'agit de distorsions cognitives. D'après les chercheurs, ce qui est inquiétant et néfaste, c'est s'ils communiquent ce

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sentiment de déni des responsabilités à leur fils. Effectivement, cela pourrait renforcer les distorsions cognitives du jeune à propos de sa conduite sexuelle abusive, et ultérieurement, nuire à son traitement.

Finalement, les résultats de cette recherche devraient aider les cliniciens qui travaillent auprès de ces parents en ce qui a trait à l'établissement d'un plan de traitement adapté. Effectivement, ce dernier devrait être basé sur les thèmes communs identifiés dans le discours des parents, tenir compte de l'étape de réaction dans laquelle ils se situent et tenter de réduire leur déni de responsabilité par rapport à l'acte de leur jeune.

Pour conclure, il est possible de constater que bien qu'il y ait peu d'études qui se sont attardées au vécu des parents d'adolescents qui ont commis un CSA, ces recherches dites exploratoires et descriptives soulèvent l'évidence que ces parents vivent une période de crise empreinte d'émotions et de réactions souvent négatives. C'est pourquoi il s'avère nécessaire d'augmenter ces connaissances en s'interrogeant sur leur vécu à partir de leur point de vue.

1.2.4 Les limites méthodologiques des études actuelles portant sur le vécu des parents d'adolescents qui ont commis un comportement sexuel abusif

D'abord, il est possible de constater que les études qui s'intéressent à l'expérience des parents d'adolescents qui ont commis un CSA identifiées aux fins de la présente étude (Smith & Trepper, 1992; Duane & al., 2002), sont de natures qualitatives, ce qui permet d'obtenir de l'information plus en profondeur. Toutefois, différentes limites méthodologiques régulièrement reprochées à ce type de méthode peuvent être identifiées. Par exemple, il s'agit d'études exploratoires composées d'un petit échantillon de volontaires qui présentent des caractéristiques peu diversifiées. Ensuite, il s'agit également d'études rétrospectives, ce qui a pour conséquence que les participants organisent les événements selon leur perception actuelle de la situation, perception qui peut différer de celle qu'ils avaient au moment des faits. Enfin, l'étude de Smith et Trepper (1992) ne s'avère pas très récente et elle ne fait pas la distinction entre des parents d'adolescents et d'adultes qui ont commis un CSA.

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13 Pertinence scientifique et sociale de la présente étude

Après avoir pris connaissance de la documentation scientifique concernant la problématique de la délinquance sexuelle juvénile, il est possible de constater qu'il s'agit d'une problématique importante dont il faut se préoccuper. En ce sens, plusieurs informations sont disponibles concernant les adolescents qui ont commis un comportement sexuel abusif (CSA). Toutefois, lorsqu'on s'attarde aux parents de ces jeunes, il est possible de constater que la grande majorité des écrits présentent un portrait de leurs caractéristiques et que très peu d'entre eux considèrent leur vécu en tenant compte précisément de leur point de vue.

À ce propos, une recherche de Lafortune et al. (2004) montre que seulement 15 études québécoises se sont intéressées, jusqu'en 2004, à la problématique de la délinquance sexuelle juvénile. Les chercheurs soulignent que la majorité de ces recherches avaient pour objectif de décrire cette clientèle et qu'aucune n'a été complétée en ce qui concerne les familles. De fait, les premières études québécoises concernant ces dernières sont présentement en cours. Elles consistent à analyser des facteurs dynamiques et relationnels des familles d'adolescents qui ont commis un comportement sexuel abusif au cours de la prise en charge thérapeutique (Tardif & Hébert, en cours) et à faire une analyse comparative des mécanismes pouvant affecter la capacité des parents à offrir du soutien à des adolescents qui ont commis des comportements sexuels abusifs (Tardif, Guay, Tourigny & Hébert, en cours). Néanmoins, bien qu'elles constituent un effort pour connaître davantage ces familles, il n'y a toujours rien de fait pour savoir concrètement comment les parents vivent et se sentent à la suite du dévoilement de la situation de leur jeune ainsi que par rapport au sens que les parents accordent à la conduite de leur adolescent. Pourtant, Smith et Trepper (1992) affirment que ces familles éprouvent de la détresse, qu'elles ont besoin de soutien et que le dévoilement a un impact dans leur vie, alors que Duane et al. (2002) identifient une influence des émotions vécues par les parents à la suite du dévoilement du CSA de leur jeune sur le traitement de ce dernier. En outre, plusieurs auteurs affirment qu'il est nécessaire d'impliquer les parents dans le traitement de leur fils. Effectivement, les parents représentent les piliers de la famille qui véhiculent, par leurs actions et leurs paroles, l'essentiel des valeurs et des croyances valorisées au sein de cette famille. Par conséquent, leur participation au traitement leur permettrait, entre autres, de les aider dans leur rôle parental (Zankman & Bonomo, 2006), de les outiller pour éviter la récidive de leur fils, en

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plus de les aider à identifier et à modifier certaines difficultés familiales qui auraient pu représenter des facteurs prédisposant au CSA de leur fils (Nahum & Brewer, 2004; Lors & Barnes, 1996). Néanmoins, malgré tous ces éléments, il semble y avoir un manque d'intérêt scientifique à mieux cerner l'impact du CSA d'un adolescent dans la vie de ses parents.

Alors, comment intervenir efficacement auprès de ces jeunes en impliquant leurs parents dans leur traitement si on ne connaît pas concrètement le vécu de ces derniers après le dévoilement de la conduite de leur jeune? Devrait-on leur offrir une aide spécifique? Par souci d'efficacité du traitement offert aux adolescents qui ont commis un CSA et même dans une perspective d'offrir une aide adaptée au vécu de leurs parents, il est nécessaire d'en apprendre davantage sur ces derniers afin de pouvoir en tenir compte. Ces différents éléments confèrent une légitimité sociale et scientifique de s'attarder au vécu des parents dont l'adolescent a commis un CSA et plus particulièrement au sens qu'ils accordent à son CSA.

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CHAPITRE II

CADRE D'ANALYSE

Cette recherche s'inscrit dans une tradition d'études s'inspirant de l'interactionnisme symbolique qu'on définit comme «le processus mutuel de définitions et d'interprétations par lesquelles chaque acteur à la fois interprète la signification des actions d'autrui et définit la signification des siennes, c'est-à-dire comme l'entendait Mead, donne à ses partenaires des indications sur ses intentions ultérieures (De Queiroz & Ziolkovski, 1994, p.32) ». La création de ce courant est en réaction au paradigme dominant de l'époque où il a émergé, c'est-à-dire aux modèles fonctionnaiistes et culturalistes propres à la sociologie américaine des années 1900 (De Queiroz & Ziolkovski, 1994). Cette dernière subit une crise, puisqu'on conteste sa méthodologie fondée sur les sondages qui ne prend pas en considération l'unicité des acteurs. C'est George Herbert Mead, professeur de philosophie à l'université de Chicago, qui a développé le premier l'interactionnisme symbolique afin de favoriser, entre autres, le point de vue de l'acteur et la construction de sens au cours de l'interaction (Charon, 2003). Puis, Herbert Blumer, un de ses élèves, a contribué à la systématisation de la théorie par ses écrits en diffusant l'interactionnisme symbolique dans sa version la plus connue de nos jours (De Queiroz & Ziolkovski, 1994).

L'École de Chicago est sûrement la plus célèbre et la plus citée lorsqu'il est question de l'interactionnisme symbolique. Elle s'est principalement intéressée à la façon dont les êtres

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humains définissent leurs actions et celles des autres. Herbert Blumer, l'un des principaux auteurs de cette école de pensée, perçoit le processus d'interaction comme un acte spontané, créatif et réflexif du soi, qui cherche à appréhender la réalité et à lui accorder une signification tout en modifiant simultanément cette signification (Carrothers & Benson, 2003). La réalité telle que définie par l'être humain est donc vue comme fluide, changeante et particulièrement imprévisible. Il est, par conséquent, très difficile de l'expliquer par des relations de cause à effet, puisqu'elle est constamment redéfinie. Cette perspective favorise donc l'indéterminisme, car elle stipule que l'être humain n'est pas soumis à des forces immuables qui déterminent ses actions, mais c'est plutôt lui qui interprète et modifie continuellement ses perceptions de la réalité.

Par conséquent, l'interactionnisme découle d'une sociologie comprehensive, puisqu'il « s'efforce de dégager les significations vécues par les acteurs et de mettre en évidence les logiques qui sous-tendent leurs actions (Le Breton, 2004, p.3) ». C'est donc dire que l'individu se met à la place de l'autre afin d'envisager ce qu'il pense de ses propres actions et de celles d'autrui. Cette mentalisation de l'autre va lui permettre d'ajuster son comportement selon l'interprétation qu'il s'est fait de celui de l'autre. De fait, l'interactionnisme stipule qu'une personne construit son univers à travers une activité délibérée d'attribution de sens plutôt qu'à partir de ses attributs psychologiques ou d'une imposition extérieure. C'est donc dire que les gens réagissent à un événement selon le sens qu'ils lui attribuent : le sens conditionne les réactions. C'est cette faculté d'interprétation qui leur permet de prendre des décisions par rapport aux normes et aux règles qui s'avèrent provenir d'interprétations puisées au cœur de leurs références sociales et culturelles. L'ordre social serait donc une construction partagée par les individus, qui définit les limites entre lesquelles doit se situer l'action. Sans affecter l'aspect plus créatif de l'individu, la structure sociale s'apparente aux normes et à la conception de la culture telles que véhiculées par des groupes d'individus et auxquelles les gens s'identifient et se conforment plus ou moins (Le Breton, 2004).

Plus précisément, la conception de la déviance telle que décrite par Howard Becker (1985) est celle utilisée au cours de cette recherche. Ce dernier affirme que « les groupes sociaux créent la déviance en instituant des normes dont la transgression constitue la déviance, en appliquant ces normes à certains individus et en les étiquetant comme déviants » (Becker, 1985,

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pp.32-33). La déviance découle donc de transactions mutuelles entre un groupe social et un individu qui, aux yeux du groupe, a dérogé à une norme. Becker (1985) résume le caractère déviant ou non à la manière dont les autres réagissent au comportement. En somme, « la déviance est une propriété non du comportement lui-même, mais de l'interaction entre la personne qui commet l'acte et celles qui réagissent à cet acte » (Becker, 1985, p.38).

Ainsi, la déviance résulte d'une désignation, par les autres, d'une étiquette de transgresseur aux normes préétablies par une société. Elle est donc le fruit d'une construction sociale. Il s'agit d'un processus d'étiquetage où l'on vise à expliquer la déviance selon la réaction des autres. C'est à l'instar de cette perspective interactionniste de la conception de la déviance que cette étude vise à investiguer le sens (signification) que les parents d'adolescents qui ont commis un CSA accordent à la conduite de leur jeune. De fait, les individus agissent en construisant des interprétations de la situation au sein de laquelle ils évoluent et ils ajustent leur conduite par la suite afin de faire face à cette situation. Dans la présente étude, il est donc essentiel de considérer le point de vue des acteurs (des parents d'adolescents qui ont commis un CSA et des intervenants sociaux qui travaillent auprès de ces jeunes) afin de comprendre le processus d'interprétation qu'ils se construisent selon le sens qu'ils accordent à la conduite du jeune en question.

Effectivement, les parents d'adolescents auteurs d'un CSA se voient imposer un changement de réalité par le dévoilement du CSA commis par leur jeune. Il est probable que celui-ci sera dorénavant caractérisé comme un déviant sexuel et ils auront à s'ajuster à cette nouvelle étiquette apposée par les autres, mais également à celle qu'ils lui imposeront eux-mêmes. Dans cette recherche, il s'agit de rendre compte du processus d'interprétation des parents par rapport à la situation de leur jeune et de leur propre situation à la suite du dévoilement de la conduite de leur adolescent. Comme la déviance se situe dans le regard des autres, cette nouvelle construction de sens en lien avec le dévoilement du CSA de leur jeune aura un impact sur leurs interactions avec ce dernier. Effectivement, le sens qu'ils attribuent à la conduite de leur jeune aura inévitablement pour conséquence de moduler leurs actions futures avec ce dernier ainsi qu'avec les autres. Bref, cette étude permet de dégager de leur discours le sens qu'ils accordent maintenant à leur jeune, et ce, à travers leur analyse des événements et des

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circonstances en lien avec le CSA. Il est à noter que par souci de diversification et de complémentarité des points de vue, il a été également question d'interroger des intervenants sociaux qui travaillent auprès de ces parents.

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CHAPITRE III

METHODOLOGIE DE RECHERCHE

3.1 Approche et type d'étude

Cette recherche est qualitative puisqu'elle vise à faire ressortir à travers des entrevues à questions ouvertes le sens que les parents d'un adolescent qui a commis un CSA accordent à la conduite de leur jeune. Ce type d'étude est préconisé par l'interactionnisme symbolique, puisqu'elle privilégie le point de vue des acteurs (subjectivité) (Le Breton, 2004). Dans cette recherche, il sera d'abord question du point de vue des parents directement touchés par la conduite de leur adolescent puis, du point de vue d'intervenants sociaux qui interagissent avec ces parents dans le cadre de leur travail. Cette diversification des points de vue permet alors de comparer les dires des parents entre eux, pour ensuite comparer également le discours des intervenants sociaux entre eux. Il s'agit aussi d'une étude exploratoire, puisqu'il y a très peu de recherches effectuées jusqu'à maintenant sur le vécu des parents d'adolescents qui ont commis un CSA. Elle vise donc à documenter ce vécu. Comme l'affirme Dorais (1993): «Il n'en demeure pas moins que la valeur heuristique d'un rapport de recherche exploratoire ou descriptive peut s'avérer déterminante lorsqu'il s'agit d'étudier un phénomène récent, peu connu ou changeant, comme le sont tant de phénomènes sociaux » (Dorais, 1993, p.21). Par conséquent, cette étude explore le vécu de ces parents afin de mieux comprendre et décrire leur réalité.

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3.2 Population à l'étude

D'abord, cinq parents de trois adolescents qui ont commis un CSA ont été interrogés aux fins de cette recherche. Il s'agit de deux mères, de deux pères et d'un beau-père présent dans la vie de l'adolescent depuis que ce dernier à cinq ans. Ils ont tous été recrutés par l'intermédiaire du suivi offert à leur adolescent à la Clinique des troubles sexuels pour mineurs (CTSM). Enfin, leur jeune devait correspondre aux aspects formulés dans la définition d'un adolescent qui a commis un CSA tels que décrits précédemment par Ryan (1991b) et Durham (2006), soit être âgé entre 12 et 18 ans lors de la commission de l'acte et avoir commis un CSA. Il est à noter que le temps écoulé depuis la commission du CSA par l'adolescent n'a pas été pris en considération lors de la sélection des participants. Il a cependant été noté lors de l'entrevue aux fins d'analyse.

Par ailleurs, six intervenants sociaux qui ont à interagir avec des parents dont l'adolescent a commis un CSA ont également été interrogés aux fins de cette recherche. Il est à noter que ces intervenants sociaux n'ont pas travaillé avec les cinq parents questionnés aux fins de cette recherche. Deux raisons ont justifié l'étude de cette population : le fait d'avoir obtenu peu de répondants (parents) lors du recrutement et le fait de vouloir diversifier les points de vue en considérant que les intervenants sociaux ont un certain recul par rapport au vécu des parents avec qui ils travaillent. Les termes intervenants sociaux faisaient référence à toute personne qui, dans le cadre de sa profession (psychologue, travailleur social, psychoéducateur, etc.), intervient directement ou indirectement auprès de parents dont l'adolescent a commis un CSA. Cependant, seuls des travailleurs sociaux et des agents de relations humaines qui travaillent au Centre jeunesse Chaudière-Appalaches (CJCA) ont finalement été interrogés.

3.3 Mode de recrutement

Deux milieux de pratique ont été interpellés afin de recruter l'échantillon nécessaire pour la réalisation de cette étude. L'échantillon total est composé de 11 participants. Plus précisément, il est constitué de cinq parents d'un adolescent qui a commis un CSA qui ont été recrutés à la CTSM du Centre de pédopsychiatrie du CHUQ et de six intervenants sociaux qui travaillent au CJCA. Pour ce qui est de la CTSM, il s'agit d'un endroit où l'on offre un traitement aux adolescents qui ont commis un CSA. Il a été possible d'avoir directement accès à leurs parents par l'intermédiaire des services offerts à l'adolescent qui a commis un CSA. Pour ce qui est des

Figure

Tableau 1 - Profil des parents qui ont participé à cette étude
Figure 2- Schéma conceptuel des émotions et des réactions communes vécues par les  parents dont l'adolescent a commis un comportement sexuel abusif (CSA) de cette

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