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Traits de la personnalité dépressive/masochiste et violence conjugale au sein du couple

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Academic year: 2021

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Traits de la personnalité dépressive/masochiste et

violence conjugale au sein du couple

Mémoire doctoral

Emmanuelle Cloutier

Doctorat en psychologie

Docteur en psychologie (D.Psy.)

Québec, Canada

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Résumé

Jusqu’à présent, peu de chercheurs se sont intéressés à l’étude de la personnalité pathologique dans le cadre des relations conjugales selon une perspective psychodynamique, et encore moins à l’étude de la personnalité dépressive/masochiste (PDM) telle que conceptualisée dans le modèle de l’organisation de la personnalité de Kernberg (1984). Puisque la prévalence des troubles de la personnalité dans la population clinique est élevée, l’approfondissement des connaissances dans ce domaine constitue une priorité scientifique. Le présent projet propose de mieux comprendre l’impact des traits de la PDM sur la satisfaction conjugale en considérant l’effet médiateur de la violence conjugale chez des couples selon une perspective dyadique. L’échantillon est composé de 158 couples consultant en psychothérapie et ayant tous remplis l’Inventaire de l’organisation de la personnalité, un questionnaire permettant de mesurer les traits de la PDM, l’Échelle d’ajustement dyadique, un outil mesurant la satisfaction conjugale, et la version la plus récente du Conflict Tactics Scale (CTS-2), une mesure permettant d’évaluer la présence de violence conjugale perpétrée et vécue.

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Table des matières

Résumé ... iii

Table des matières ... v

Liste des tableaux ... vii

Liste des figures ... ix

Remerciements ... xi

Introduction ... 1

L’approche psychodynamique ... 4

Théorie de l’organisation de la personnalité de Kernberg ... 5

La personnalité dépressive/masochiste ... 6

Masochisme et satisfaction conjugale ... 9

Personnalité et relation conjugale ... 10

Violence conjugale situationnelle ... 12

Violence conjugale et personnalité ... 13

Objectifs et hypothèses ... 16

Méthode ... 16

Mesures ... 17

Satisfaction conjugale ... 17

Traits de personnalité dépressifs/masochistes ... 17

Violence conjugale ... 18

Procédure ... 18

Plan d’analyses statistiques ... 19

Résultats ... 20

Discussion ... 23

Bibliographie ... 29

Tableaux ... 35

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Liste des tableaux

Tableau 1 : Moyennes, É-T, tests-t appariés et tailles d’effet pour les traits de la personnalité dépressive /masochiste (PDM), la violence physique vécue (PHYPART) et la satisfaction conjugale (DAS)………...35 Tableau 2 : Corrélations entre les variables traits de la personnalité dépressive/masochiste (PDM), la victimisation (PHYPART) et la satisfaction conjugale (DAS) chez les hommes (h) et les femmes (f)……….…...36

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Liste des figures

Figure 1 : Modèle d’interdépendance acteur-partenaire montrant les associations entre la violence physique vécue (PHYPART), les traits de la personnalité dépressive/masochiste (PDM) et la satisfaction conjugale (DAS) chez les hommes et les femmes (*p<.05)………..………...37

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Remerciements

Je souhaite d’abord remercier Stéphane Sabourin, mon directeur de recherche et superviseur clinique. Mon projet de mémoire doctoral m’a passionnée tout au long de mon doctorat et a stimulé mes apprentissages tant en clinique qu’en recherche. J’estime être choyée d’avoir pu bénéficier de votre expertise, de votre passion et de votre impressionnante expérience. J’ai eu la chance d’avoir un directeur de recherche et un superviseur dévoué, à l’écoute, extrêmement généreux de son temps, de son énergie et de son savoir. Vos qualités de pédagogue et l’intérêt que vous portez à vos étudiants m’ont permis de développer non seulement mes compétences en recherche et en clinique, mais également une assurance et une confiance en moi. J’en suis très reconnaissante. Merci de m’avoir supportée tout au long de mon doctorat et dans tous les défis que de telles études comportent. Merci également de m’avoir encouragée à toujours me dépasser et à pousser mes limites. Vous me faisiez remarquer à quel point j’ai cheminé depuis le début de mon doctorat et je suis fière aujourd’hui de constater tous ces accomplissements. Merci infiniment !

Je souhaite également remercier Catherine Bégin, membre de mon comité de mémoire doctoral. Votre analyse, votre rigueur et votre minutie ont permis de contribuer grandement à la qualité de mon travail. Je suis reconnaissante de cette aide précieuse et très fière du résultat final.

Je tiens également à remercier ma superviseure clinique Danielle Lefebvre. Vous avez grandement contribué à ériger les bases de ma pratique clinique en m’enseignant l’importance de la rigueur et de la minutie. Votre capacité à communiquer votre savoir de façon simple et claire, ainsi que l’aide que vous m’avez offerte afin de stimuler ma réflexion sur certains aspects de moi m’ont permis de réaliser énormément d’apprentissages qui m’accompagneront tout au long de la carrière qui se dessine devant moi. La bienveillance, l’investissement et l’intérêt sincère que vous m’avez porté m’ont grandement supportée tout au long de mon doctorat, même après avoir terminé mes stages avec vous. Ces apprentissages m’ont servi dans la rédaction de mon mémoire en me permettant d’y intégrer toute ma sensibilité et mon expérience clinique, ce qui a selon moi, grandement contribué à enrichir mon travail.

J’aimerais remercier Karine Laforest et Sarah Paquin, mes deux superviseures pendant mon dernier stage clinique. Vous êtes des modèles de cliniciennes et de femmes que j’admire grandement. Dans mes yeux de supervisée, vous m’impressionniez par votre flair clinique, votre

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pertinence, vos habiletés de pédagogue, la confiance que vous dégagiez, et ce qui m’impressionnait par-dessous tout, c’était que vous étiez de jeunes professionnelles qui avaient terminé leur doctorat depuis peu. Pour moi qui doutais alors énormément de mes compétences, c’était très encourageant de vous voir travailler et de penser que par mes efforts, j’allais probablement moi aussi développer cette belle assurance. Vous étiez des alliées précieuses par votre délicatesse et votre sensibilité afin de m’aider à rester à l’affut des points que j’avais à améliorer. J’estime que ces belles qualités que vous détenez m’ont permis de réaliser beaucoup d’acquis avant de partir en internat et m’ont grandement aidé à développer ma confiance en moi. J’en suis très reconnaissante. J’espère avoir la chance de vous côtoyer encore longtemps!

Enfin, j’aimerais prendre quelques lignes afin de remercier mes proches. Merci à mes fidèles amies du doctorat Mélodie, Alexandra et Émilie, à mes amies depuis toujours Béatrice, Audrey, Fanny, Charline et Michelle, ainsi qu’à ma précieuse famille de m’avoir supportée à travers ces longues années d’études qui ont été ponctuées de plusieurs épreuves. Vous étiez toujours là pour prendre soin de moi dans les moments les plus difficiles et j’éprouve beaucoup de gratitude pour cette présence. Votre amour et votre écoute ont été indispensables pour passer à travers toutes ces années exigeantes. J’estime être choyée d’avoir des personnes comme vous à mes côtés.

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Introduction

La dissolution d’une union conjugale marque l’aboutissement d’un processus d’insatisfaction conjugale de durée variable et elle est associée à plusieurs conséquences négatives sur le bien-être des individus. Effectivement, comparativement aux couples mariés, les individus divorcés rapportent davantage de problèmes de santé, un plus grand risque de mortalité, une sexualité moins satisfaisante et un sentiment de bonheur et d’acceptation de soi plus faible (Amato, 2000). Actuellement, au Québec, le phénomène de dissolution des unions s’est accéléré; ainsi, de 1969 à 2008, le taux de divorce est passé de 8,8% à 49,9% (Institut de la statistique du Québec, 2011). Dans ce contexte, la compréhension des déterminants de la satisfaction conjugale est essentielle pour développer des modes d’intervention efficaces et pour mieux saisir les facteurs contribuant à la longévité des relations de couple (Karney & Bradbury, 1995).

Parmi les déterminants de la satisfaction conjugale, les conceptions contemporaines font référence au rôle central de la personnalité pour comprendre le développement, la qualité et la stabilité des unions (Daspe, Sabourin, Péloquin, Lussier & Wright, sous presse ; Daspe, Sabourin, Péloquin, Lussier & Wright, 2013; Claxton, O’Rourke, Smith & DeLongis, 2011; Disney, Weinstein & Oltmanns, 2012; Lavner & Bradbury, 2010; Masarik al., 2013; O’Rourke, Claxton, Chou, Simith & Hadjistavropoulos, 2010; Rosowsky, King, Coolidge, Rhoades & Segal, 2012). Selon les données du Bureau central des statistiques aux Pays-Bas, près de 40% des couples divorcés ont rapporté que la personnalité de leur partenaire constitue une raison majeure de divorce (De Graaf, 2006 cité dans Barelds & Barelds-Dijkatra, 2006). Du côté Américain, Amato et Previti (2003) indiquent que les problèmes de personnalité seraient la cinquième raison la plus souvent évoquée lors du divorce. Ces statistiques ne tiennent cependant pas compte des relations de cohabitation.

Dans leur modèle Vulnérabilité-Stress-Adaptation (VSA), Karney et Bradbury (1995) proposent que les vulnérabilités personnelles de l’individu, telle la personnalité, constituent des variables stables qui contribuent à favoriser l’émergence de situations stressantes dans la relation conjugale, par exemple les différences d’opinions avec le conjoint et les transitions de vie. Les vulnérabilités personnelles déterminent également la qualité des stratégies d’adaptation que l’individu privilégie lorsqu’il est confronté à ces situations. Ces comportements se répercuteraient ultimement sur la satisfaction conjugale et la longévité de la relation. Quelques études longitudinales ayant

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étudié des segments spécifiques du modèle supportent cette conceptualisation (Marshall, Jones & Feinberg, 2011; Stroud, Durbin, Saigal, & Knobloch-Fedders, 2010; Woszidlo & Segrin, 2013; pour une recension, voir Karney, 2015).

Toutefois, les résultats d’études longitudinales majeures réalisées au cours des 20 dernières années suivant le développement du modèle de Karney et Bradbury (1995) ont contribué à une remise en question de la stabilité des vulnérabilités personnelles et de la personnalité telle que conçue par Karney et Bradbury (Roberts, Walton & Viechtbauer, 2006; Blais-Bergeron, 2013 ; Allemand, Hill & Lehmann, 2015; Boyce, Wood, Daly & Sedikides, 2015; Kandler, Kornadt, Hagemayer & Neyer, 2014). Par exemple, la méta-analyse de Roberts et ses collègues (2006) auprès d’échantillons de la communauté rassemblant 50 120 participants soutient l’hypothèse d’une évolution longitudinale normative de la personnalité. Les traits de personnalité évolueraient dans le temps en fonction d’étapes développementales que les individus traversent dans leur vie, comme l’entrée sur le marché du travail, le mariage, l’arrivée des enfants, etc. De même, les résultats de l’étude longitudinale d’Allemand et al. (2015), réalisée auprès de 526 individus de la communauté sur une période de 12 ans suite à un divorce, ainsi que l’étude de Boyce et ses collègues (2015), réalisée auprès de 6 769 individus de la communauté ayant confronté ou non une perte d’emploi sur une période de quatre ans, concordent également avec ceux obtenus par Roberts et al.. Ces auteurs montrent que l’exposition à des stresseurs majeurs, comme un divorce ou une perte d’emploi, est associée à des modifications des traits de la personnalité. Par ailleurs, l’ étude longitudinale réalisée par Kandler et ses collègues (2014) auprès de 410 jumeaux âgés entre 64 et 85 ans sur une période de cinq ans révèle que les stratégies d’adaptation employées afin de faire face aux réalités du vieillissement sont associées à des modifications de la personnalité, notamment à une élévation du névrosisme ainsi qu’à une diminution de l’extraversion, de l’agréabilité, de l’ouverture à l’expérience et du caractère consciencieux (Kandler et al., 2014). Ces auteurs ont également montré que l’exposition à des facteurs environnementaux différents chez chacun des jumeaux est associée à des différences individuelles au plan de l’ensemble des traits de personnalité tels que mesurés par l’inventaire de la personnalité en cinq facteurs (Costa & McCrae, 1992), mis à part l’extraversion. Qui plus est, les résultats d’une étude longitudinale réalisée par Blais-Bergeron (2013) auprès d’un échantillon de la communauté montrent que l’adoption de stratégies de gestion des conflits basées sur des conduites de violence estimée par les partenaires, qui peut être conceptualisée comme une stratégie d’adaptation inadéquate, prédit l’estimation ultérieure de l’organisation limite de la

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personnalité telle que mesurée par l’Inventaire de l’organisation de la personnalité (Normandin et al., 2002). Ces données empiriques sont d’une grande importance d’un point de vue théorique puisqu’ils remettent en question les conceptualisations unidirectionnelles de l’association entre la personnalité, les stratégies d’adaptation et les événements stressants telle qu’illustrée dans le modèle VSA (Karney & Bradbury, 1995).

En raison du caractère novateur des résultats des études présentées ci-dessus et de leurs répercussions potentielles sur les conceptualisations contemporaines de la personnalité dans le contexte des relations conjugales, le présent projet de recherche vise à mieux comprendre l’association entre les stratégies d’adaptation, opérationnalisées via la violence physique entre les conjoints, et la personnalité telle que conceptualisée par Kernberg (1984).

Jusqu’à présent, la plupart des auteurs s’étant intéressés au modèle de Kernberg (1984) dans le contexte des relations conjugales se sont penchés sur l’étude d’une portion de ce modèle, soit les principaux construits structuraux de la personnalité, c.à.d. les défenses primitives, le contact avec la réalité et l’intégration de l’identité. Ces concepts seront définis dans une section ultérieure du texte. Très peu d’études portent sur la validation de la seconde portion du modèle qui concerne les relations objectales névrotiques (hystérique, obsessionnelle et dépressive-masochiste) ou limites (narcissique, paranoïde, infantile, schizoïde). Seulement trois études ont été recensées (Naud et al., 2013; Doering et al., 2013; Normandin et al., 2002). Parmi ces trois études, Naud et ses collègues (2013) se sont plus particulièrement intéressés aux traits de la personnalité dépressive/masochiste (PDM), qui constituent un type de relation objectale caractérisé par le sacrifice de soi excessif, dans le contexte des relations conjugales. En raison des caractéristiques de la PDM, entre autres, la présence de difficultés au plan de la gestion de l’agressivité, il s’avère pertinent de s’intéresser à la propension de ces individus à avoir recours à des stratégies de résolution des conflits basées, en partie, sur des conduites de violence. Les caractéristiques de ce trouble de la personnalité sont décrites en détail dans une section ultérieure du texte. Le présent projet propose donc de poursuivre le travail de validation entrepris par Naud et ses collègues (2013) en s’intéressant également aux traits de la PDM dans le contexte des relations de couple. Plus précisément, l’étude vise à mieux comprendre l’effet médiateur des traits de la PDM sur l’association entre les stratégies d’adaptation, dans ce cas-ci le recours à des conduites de violence physique, et la satisfaction conjugale.

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L’approche psychodynamique

Jusqu’à présent, la plupart des chercheurs qui se sont intéressés à la pathologie de la personnalité dans le contexte conjugal l’ont fait en se basant sur le modèle de la personnalité en cinq facteurs, une théorie développée pour conceptualiser la personnalité normale (Costa & McCrae, 1992).

Plusieurs spécialistes ont récemment questionné la validité du modèle de la personnalité en cinq facteurs (Costa & McCrae, 1992) pour expliquer les modes d’organisation dysfonctionnels de la personnalité (Clark, 1993; Kernberg & Caligor, 2005; Laverdière et al., 2007 ; Shedler & Westen, 2004). Les concepts au cœur de ce modèle ne seraient pas suffisamment spécifiques pour appréhender la personnalité pathologique (Clark, 1993). Kernberg et Caligor (2005) questionnent également la possibilité d’utiliser les connaissances émergeant de ce modèle en pratique clinique puisque ce dernier ne serait lié à aucune approche théorique et clinique particulière.

Le modèle de l’organisation de la personnalité de Kernberg (1984) permet de pallier à certaines des limites du modèle de la personnalité en cinq facteurs. Il a été spécifiquement développé afin de mieux comprendre les modes pathologiques d’organisation de la personnalité. Il s’agit d’un modèle conceptualisant la pesonnalité sur un continuum de sévérité et qui propose un rationnel théorique permettant d’expliquer la présence de comorbidité entre les troubles. De plus, il est basé sur un rationnel théorique complexe qui offre des hypothèses quant à l’étiologie et la symptomatologie des troubles (Blais-Bergeron, 2013). Par ailleurs, la qualité des relations d’objet est centrale dans le modèle de Kernberg (1984) et constitue la base du traitement psychodynamique des troubles de la personnalité. Les concepts au cœur de la théorie de Kernberg (1984) s’avèrent pertinents en pratique clinique puisqu’ils font l’objet d’un manuel de traitement psychodynamique des troubles de la personnalité dont l’efficacité a été démontrée dans des études cliniques randomisées (Clarkin, Foelsch, Levy et al., 2001; Clarkin, Levy, Lenzenweger & Kernberg, 2007; Doering et al., 2010; Levy et al., 2006). L’efficacité générale de l’approche psychodynamique a d’ailleurs aussi été démontrée dans des contextes diversifiés, notamment en thérapie individuelle, familiale et conjugale (Vermote, Lowyck, Vandeneede, Bateman & Luyten, 2012 ; Leichsenring, 2010).

En dépit de la pertinence du modèle de l’organisation de la personnalité de Kernerg (1984) et des appuis empiriques dont il dispose, très peu de chercheurs se sont intéressés aux construits

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psychodynamiques de la personnalité, notamment aux relations d’objet, dans l’étude des relations conjugales (Naud et al., 2013).

Théorie de l’organisation de la personnalité de Kernberg

Kernberg (1984) propose un modèle hybride de la personnalité pathologique qui est à la fois dimensionnel et catégoriel. Il s’agit d’un modèle qui s’intéresse principalement à l’organisation de la personnalité, c’est-à-dire aux mécanismes à la base de la personnalité qui sous-tendent le comportement. Le modèle de Kernberg se subdivise en deux paliers. Le premier concerne les mécanismes structuraux c.à.d. l’intégration de l’identité, le contact avec la réalité et les mécanismes de défenses. L’intégration de l’identité correspond au niveau auquel le concept de soi et des autres est bien défini et intégré. Les mécanismes de défense réfèrent à des stratégies psychologiques inconscientes de régulation des émotions chroniques et inflexibles, par exemple, le clivage, la projection ou le déni. Le contact avec la réalité consiste en la capacité de différencier la réalité interne de la réalité externe. Le second palier du modèle concerne les relations objectales. Les relations d’objet déterminent la façon dont l’individu se perçoit et perçoit autrui dans ses relations interpersonnelles et elles façonnent les comportements que l’individu adopte dans ses interactions. La personnalité est conceptualisée sur un continuum de sévérité en fonction du degré d’altération aux mécanismes structuraux et à la qualité des relations objectales. Kernberg identifie (1984) trois types d’orgnaisation allant de la moins sévère à la plus sévère : l’organisation névrotique, limite et psychotique. À l’intérieur de ces trois organisations, Kernberg identifie douze troubles de la personnalité. Puisque le présent projet se concentre sur la PDM, un trouble se retrouvant au niveau d’organisation névrotique, c’est seulement ce type de relation objectale qui sera approfondi dans le présent projet.

L’organisation névrotique se caractérise par une bonne intégration de l’identité, c.à.d. une intégration adéquate des représentations bonnes et mauvaises du concept de soi et des autres. Elle se caractérise également par des défenses matures (p.ex. bonne tolérance à l’anxiété, contrôle des impulsions, fonctionnement sublimatoire). L’organisation névrotique est associée à un bon contact avec la réalité, soit une capacité à différencier adéquatement la réalité interne de la réalité externe. Enfin, les relations objectales sont diversifiées et profondes chez ces individus. L’organisation névrotique se distingue de la personnalité normale par sa rigidité affective, cognitive et

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comportementale. Elle est associée notamment aux troubles de la personnalité obsessive-compulsive, dépressive-masochiste et hystérique.

Les relations d’objet sont particulièrement pertinentes dans le présent projet puisqu’elles constituent, à travers les relations amoureuses, une expression comportementale des autres mécanismes structuraux mentionnés ci-dessus. Puisque ce mode d’expression comportementale est central dans le présent projet, celui-ci sera davantage approfondi.

Les relations d’objet prennent naissance dans les relations significatives de l’enfance. Durant cette période, lorsqu’un affect est fréquemment éprouvé dans un contexte particulier d’interaction, l’individu se crée une représentation durable de cette interaction caractérisée par l’affect vécu. Ce processus correspond à l’internalisation de la relation d’objet. Au cours du développement, plusieurs types de relations objectales sont internalisés. Ces différentes relations d’objet s’activent de façon automatique et récurrente dans les relations interpersonnelles en fonction de la personne avec qui l’individu est en interaction (Diguer, Laverdière & Gamache, 2008). Selon Kernberg (1984), les relations objectales sont primordiales, car elles constituent les fondements de la structure psychique qui modulent la perception de la réalité externe de l’individu. En effet, elles permettent à l’individu d’interpréter et de déterminer ses propres comportements et attitudes, ainsi que ceux des autres, dans des contextes d’interaction particuliers. Lorsque les relations d’objet sont variées, nuancées et adaptées, les individus sont en mesure d’entretenir des relations harmonieuses avec autrui. Au contraire, lorsque les relations objectales sont appauvries, rigides et peu adaptées, les individus ont tendance à développer des relations interpersonnelles chaotiques et instables.

La personnalité dépressive/masochiste

Dans la section qui suit, la personnalité dépressive/masochiste (PDM) telle que définie par Kernberg dans ses écrits sera exposée (Kernberg, 1988, 1995, 2011). Les relations amoureuses des individus ayant une organisation névrotique de la personnalité sont caractérisées par une capacité à l’idéalisation romantique du partenaire, à la capacité de tomber en amour et de s’engager dans la relation. Toutefois, ces individus possèdent une difficulté à établir des relations amoureuses matures en raison notamment de leur rigidité, de leurs standards moraux élevés et de leur surmoi punitif. Selon les observations cliniques de Kernberg, les traits de la PDM sont présents chez les

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hommes et les femmes, mais seraient plus prévalents chez ces dernières, surtout dans le contexte des relations amoureuses. Il existe toutefois peu de données empiriques à ce propos.

Kernberg identifie plusieurs traits spécifiques à la PDM. Ceux-ci rendent compte des relations d’objet particulières qui s’activent dans leurs relations. Premièrement, les individus ayant une PDM présentent des traits reflétant un surmoi extrêmement sévère. Ils ont tendance à être sérieux, responsables, consciencieux et à accorder une grande importance au travail et à la performance. Ils entretiennent des standards et des attentes élevées envers les autres et eux-mêmes. Quand leurs attentes ne sont pas comblées, ces individus ont tendance à se sentir déprimés. Dans les cas les plus sévères, ces personnes peuvent inconsciemment se placer dans des situations souffrantes qui confirment leur impression d’être maltraitées, rabaissées ou humiliées. Au sein des relations amoureuses, l’expiation de la culpabilité inconsciente liée à un surmoi sévère et punitif s’exprimerait par une tendance inconsciente à s’attacher à des partenaires qui ne sont pas en mesure ou peu disposés à répondre à leurs grands besoins d’amour et d’approbation, ce qui confirme leur impression d’être maltraités et rejetés. Selon Kernberg, ces individus ont tendance à rechercher l’amour du partenaire à travers la souffrance induite par un discours interne moralisateur et punitif (« Je me soumets à ta volonté de me punir parce que venant de toi, cette punition doit être nécessairement juste. La souffrance que je subis me permet de préserver ton amour et de te garder auprès de moi»). C’est uniquement à l’intérieur d’une relation insatisfaisante et frustrante que l’expression du désir sexuel et de la tendresse envers le partenaire est possible.

Typiquement, chez les individus ayant une PDM, la non réciprocité des sentiments amoureux augmente l’intensité des affects positifs ressentis vis-à-vis le conjoint plutôt que de les diminuer comme il est habituellement attendu. Durant l’adolescence, le fait de tomber en amour avec un partenaire indisponible peut être considéré comme une manifestation normale de la réactivation d’un conflit œdipien. Toutefois, la persistance de ce type d’expériences amoureuses et plus particulièrement leur intensification suite à la prise de conscience d’une réelle non réciprocité des sentiments amoureux est caractéristique des relations amoureuses de la pathologie dépressive/masochiste. La persistance du conflit œdipien mène ces individus à répéter continuellement le même type d’expérience amoureuse tandis que les individus ne présentant pas une telle pathologie ont davantage tendance à surmonter graduellement l’idéalisation du partenaire indisponible et à devenir de plus en plus sélectifs dans le choix de leur partenaire amoureux.

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Deuxièmement, les individus ayant une PDM présentent des traits reflétant une dépendance extrême au support, à l’amour et à l’acceptation des autres. La dépendance se traduit typiquement par la soumission au partenaire et a pour but d’assurer l’amour de ce dernier. Cela contraste avec la dépendance saine caractéristique des relations amoureuses matures qui est fortement associée au sentiment de gratitude à l’égard de l’amour donné par le conjoint. Ces individus présentent également une tendance à réagir de façon excessive lorsqu’ils ont l’impression que leur partenaire ne répond pas à leurs besoins. En raison de leurs grands besoins d’amour et d’approbation, ainsi que de leur sensibilité, les individus ayant des traits de la PDM ont souvent tendance à se sentir rejetés et maltraités suite à des altercations mineures avec leur partenaire. Ces sentiments les mènent à adopter inconsciemment des comportements visant à faire sentir leur partenaire coupable, ce qui peut ensuite mener leur conjoint à effectivement se distancier. Ce cercle vicieux peut engendrer des difficultés importantes dans les relations amoureuses et déclencher des sentiments dépressifs lorsque l’individu a l’impression réelle ou perçue d’avoir perdu l’amour de son partenaire. Kernberg souligne que le deuil normal vécu après une séparation inévitable devrait mener à l’acceptation de la perte et à la volonté de poursuivre sa vie. Le deuil de la relation ne devrait pas être empreint de sentiments excessifs de culpabilité, de dévaluation de soi ou d’insécurité. Toutefois, chez les individus ayant un trouble de la PDM, les menaces de séparation tout comme la séparation s’accompagnent d’une dépréciation excessive de soi et d’une soumission envers le partenaire même si leur situation amoureuse est irréconciliable ou impossible. Malgré leurs expériences amoureuses négatives, ces individus persistent typiquement à tomber en amour avec des partenaires indisponibles et idéalisés, à se soumettre excessivement à ces derniers et à saboter inconsciemment leur relation, tout en rejetant la possibilité de nouer une relation qui pourrait potentiellement être plus gratifiante.

Troisièmement, les personnes présentant une PDM présentent des traits reflétant une difficulté d’expression et d’identification de l’agression. Dans des conditions qui devraient normalement provoquer de la rage ou de la colère, ces personnes ont tendance à ressentir des sentiments dépressifs. Lorsqu’elles expriment leur colère, elles éprouvent souvent de la culpabilité, ce qui complique davantage le cercle vicieux présenté ci-dessus. Effectivement, l’adoption des comportements visant à faire sentir le partenaire coupable peut ensuite mener l’individu présentant des traits de la PDM à s’excuser et à se soumettre de façon excessive. La soumission de ces derniers et la façon dont ils se sentent traités par leur partenaire engendrent typiquement une

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seconde vague de colère. La capacité des conjoints d’exprimer leurs sentiments suite à une altercation sans tenter d’induire des sentiments de culpabilité est centrale dans une relation amoureuse mature. La capacité de communiquer son sentiment d’être blessé sans blâmer le conjoint est une qualité subtile, mais essentielle d’une communication saine et ouverte reflétant une réelle confiance en l’autre. Le mode particulier de communication des individus ayant des traits de la PDM indique, entre autres, la présence d’un sentiment de culpabilité lié à la possibilité de vivre une relation conjugale harmonieuse et saine.

Masochisme et satisfaction conjugale

Seulement trois groupes de chercheurs se sont intéressés à l’association entre les traits de la PDM et la satisfaction conjugale (Kilmann, 2012; Knabb et al., 2012; Naud et al., 2013). Ces trois études ont démontré que ces traits semblent être liés de façon négative à la satisfaction conjugale. Longitudinalement, cet effet serait plus fort chez les femmes que chez les hommes (Naud et al., 2013). Knabb et al. (2012) ont étudié l’association entre les traits pathologiques de la personnalité et le fonctionnement conjugal auprès de 270 couples hétérosexuels en détresse qui consultaient en thérapie. Ces auteurs ont utilisé le MCMI-III, une mesure permettant d’évaluer divers traits et pathologies de la personnalité, dont le masochisme. Leurs résultats indiquent que les femmes ne présenteraient pas significativement plus de traits de la PDM que les hommes. Toutefois, les femmes ayant des traits de la PDM rapporteraient un moins bon fonctionnement conjugal. Cet effet n’est pas significatif chez les hommes. Kilmann (2012) s’est intéressé à l’association entre la personnalité et la détresse conjugale en tenant compte de l’effet modérateur de la durée de la relation chez 92 couples qui consultaient en thérapie. Ces auteurs ont effectué les analyses selon que les couples étaient dans une relation de moins de six ans ou dans une relation de plus de sept ans. Tout comme Knabb et al. (2012), ces auteurs ont utilisé le MCMI-III. Les résultats de Kilmann (2012) montrent que chez les couples mariés depuis six ans ou moins, les traits de la PDM des femmes sont associés positivement à leur détresse conjugale, alors que chez les hommes, leurs traits de la PDM ainsi que ceux de leur femme sont associés positivement à leur détresse conjugale. Chez les couples mariés depuis sept ans ou plus, les traits de la PDM des femmes sont associés positivement à leur propre détresse conjugale, tandis que chez les hommes, aucune association n’est significative. Tout comme chez Knabb et al. (2012), les résultats de Kilmann (2012) montrent que les femmes ne présenteraient pas significativement plus de traits de la PDM que les hommes dans les mariages d’une durée de

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moins ou plus de sept ans. Naud et al. (2013) ont quant à eux examiné, chez 299 couples de la communauté, comment le style d’attachement et la PDM permettent de prédire la satisfaction conjugale initiale et à long-terme par le biais d’une perspective dyadique. Ces auteurs ont utilisé l’Inventaire de l’organisation de la personnalité (IPO), une mesure permettant d’évaluer la pathologie de la personnalité selon la conceptualisation de Kernberg (1984). Les résultats des analyses de régressions multiples hiérarchiques démontrent que les femmes présenteraient significativement plus de traits de la PDM que les hommes, ce qui concorde avec les observations cliniques de Kernberg (1995) discutées précédemment. Toutefois, la taille de l’effet est relativement petite. Au premier temps de mesure, les résultats montrent que chez les hommes, leurs propres traits de la PDM ainsi que ceux de leur femme permettent de prédire leur satisfaction conjugale initiale. Chez les femmes, c’est seulement leurs propres traits de la PDM qui permettent de prédire leur satisfaction conjugale initiale. À long terme, les traits de la PDM de la femme et ceux de l’homme ne permettent pas de prédire la satisfaction conjugale de la femme, alors que les traits de la femme permettent de prédire celle de l’homme au deuxième temps de mesure. Toutefois, les traits de la PDM constituent des prédicteurs longitudinaux significatifs de la satisfaction conjugale des hommes et des femmes lorsque le style d’attachement des partenaires est considéré. En effet, les résultats de Naud et ses collègues (2013) suggèrent que la sévérité des traits de la PDM interagit de façon complexe avec le style d’attachement préoccupé ou évitant des partenaires.

Personnalité et relation conjugale

Dans ses écrits, Kernberg (2011) explique de façon théorique et selon ses observations cliniques comment les traits de personnalité peuvent se répercuter sur la qualité de la relation amoureuse. Peu d’auteurs jusqu’à présent se sont intéressés à l’étude de l’association entre la personnalité telle que conceptualisée par Kernberg (1995) et la satisfaction conjugale. En effet, seulement deux études ont été recensées (Verreault, Sabourin, Lussier, Normandin & Clarkin, 2013; Naud et al., 2013). Les résultats de ces études montrent que les traits pathologiques de la personnalité sont négativement associés à la satisfaction conjugale. Kernberg (2011) souligne l’importance de l’agressivité comme facteur permettant de mieux comprendre cette association. Selon cet auteur, la présence de l’agressivité dans une relation conjugale mature est inévitable et normale. Lorsqu’un conflit survient dans la relation amoureuse, la possibilité de clarifier et de résoudre le problème avec le partenaire peut résulter en un approfondissement et une solidification

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de la relation amoureuse. Toutefois, de telles résolutions nécessitent une capacité chez les partenaires à pardonner à l’autre de façon authentique, c.à.d. non seulement être en mesure de demander le pardon du conjoint, mais également être en mesure de réellement pardonner le comportement de ce dernier. Une résolution mature des conflits nécessite également une capacité à dépendre de son partenaire de façon saine, c.à.d. à ressentir de la confiance et de l’ouverture envers son conjoint de façon mutuelle. Les partenaires sont alors en mesure de nourrir un intérêt réel l’un envers l’autre et de comprendre le vécu subjectif de leur conjoint malgré les conflits. La relation amoureuse est compromise lorsque l’équilibre délicat entre amour et agressivité est menacé, c.à.d. lorsque l’agressivité s’est infiltrée de façon prédominante dans la relation (Kernberg, 2011). Ce déséquilibre se manifesterait en raison des dynamiques relationnelles particulières qui s’installent de façon graduelle en même temps que s’élabore l’intimité émotionnelle entre les partenaires (Kernberg, 2011). Ces dynamiques traduisent le souhait inconscient de réparer des relations d’objet marquantes du passé. La répétition de ces relations permet l’expression de la vengeance et de l’agressivité qui n’ont pu être manifestées dans le passé. Ce besoin de réparation à travers la répétition explique l’émergence de ces relations d’objet dans la relation amoureuse actuelle (Kernberg, 2011) et par le fait même, la possibilité que l’agressivité infiltre la relation de façon prédominante.

L’émergence de dynamiques particulières dans le couple est complexe en raison de l’interaction entre les relations d’objet activées par chacun des partenaires à des moments spécifiques. Effectivement, selon Kernberg (2011), lorsque des relations d’objet pathologiques s’activent dans la relation amoureuse, les partenaires tendent à induire chez le conjoint des conduites particulières reflétant un conflit lié à l’agression vécue vis-à-vis ces figures significatives. Ainsi, la dynamique présente entre les conjoints ne serait pas attribuable à un seul des deux partenaires, mais le résultat de l’interaction entre les deux partenaires. Inconsciemment, les conjoints complètent leurs relations d’objet pathologiques de sorte qu’un équilibre est créé, générant ainsi une relation unique et particulière (Kernberg, 2011). Cette interaction décrite par Kernberg (2011) souligne l’importance de tenir compte de l’aspect dyadique de la personnalité dans l’étude des relations amoureuses.

En raison des trois caractéristiques principales de la PDM identifiées par Kernberg (1988), il est possible de s’interroger sur la propension de ces individus à se retrouver dans des situations conjugales où l’agressivité s’est infiltrée, menaçant ainsi l’équilibre de la relation amoureuse.

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Effectivement, la tendance des individus ayant des traits de la PDM à se placer dans des situations qui confirment leur impression d’être maltraités, la dépendance extrême à l’amour et à l’acceptation des autres, ainsi que la difficulté d’expression et d’identification de l’agression sont des traits de personnalité qui pourraient entraver la capacité de ces individus à résoudre les conflits conjugaux de façon mature. Cette capacité pourrait être notamment entravée par le déni de l’agressivité émise par le partenaire, c.à.d. par la soumission masochiste à une perception irréaliste de la relation de couple, où la confiance n’est pas envers le partenaire, mais envers une relation fantasmée qui ne correspond pas à la réalité (Kernberg, 2011). Selon Kernberg (2011), l’idéalisation et la soumission masochiste à un partenaire perçu comme agressif ou abandonnique coïncide généralement avec une incapacité à apprécier la personnalité du partenaire de façon sincère, d’être réellement intéressé par son vécu subjectif et d’effectuer une évaluation réaliste et en profondeur de la relation conjugale. Les partenaires amoureux présentant des traits de la PDM pourraient donc avoir tendance à demeurer dans des relations insatisfaisantes où ils ressentent le besoin de se protéger contre l’agressivité réelle ou imaginée de la part de leur conjoint. Cette dépendance envers le partenaire contraste fortement avec la dépendance saine mentionnée précédemment. D’autre part, la difficulté d’identification et d’expression de l’agression (Kernberg, 1988) pourrait mener les individus ayant des traits de la PDM à adopter des comportements agressifs et/ou à tolérer ceux qu’émettent leur partenaire, et ainsi alimenter, sans nécessairement en avoir conscience, une dynamique conjugale où l’agressivité prédomine.

L’agressivité peut se manifester de différentes façons dans la relation conjugale, notamment sous forme de violence. La violence conjugale est une forme d’agressivité se traduisant par un ensemble de comportements verbaux, psychologiques, physiques ou sexuels qui visent à contrôler et à exercer un pouvoir sur le conjoint (Blais-Bergeron, 2013). Le présent projet s’intéressera à l’association entre la violence conjugale et la satisfaction conjugale en considérant l’effet médiateur des traits de la PDM.

Violence conjugale situationnelle

Différents types de violence sont identifiés en fonction de la sévérité des comportements agressifs. Puisque la violence situationnelle est la forme de violence conjugale la plus prévalente (Strauss, 2011), le présent projet s’intéressera exclusivement à celle-ci. La violence situationnelle est dite modérée, comparativement au terrorisme conjugal qui constitue une forme grave de violence. La

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violence situationnelle est une agressivité exprimée sous forme de violence physique par l’un des partenaires dans le couple (Johnson, 2011). Elle traduit une réaction inadaptée au stress et à la colère au moment d’un conflit entre les conjoints (Blais-Bergeron, 2013). Contrairement au terrorisme conjugal, la violence situationnelle est transitoire et ne s’inscrit pas dans une dynamique relationnelle où le conjoint tente de contrôler son partenaire de façon globale (Johnson, 2011). La violence situationnelle serait la plupart du temps symétrique, c’est-à-dire que les deux partenaires auraient tendance à être violents l’un envers l’autre (Johnson, 2011) et surviendrait dans près de la moitié des nouveaux mariages (Lawrence & Bradbury, 2001; Leonard & Senchak, 1996; O’Leary et al., 1989). Selon une méta-analyse menée par Desmarais, Reeves, Nicholls, Telford et Fiebert (2012), 24,5% des femmes qui consultent en clinique rapportent être victimes de violence physique. Le taux de prévalence au cours de la vie chez la femme serait de 40,7% (Desmarais et al., 2012). Chez les hommes, ces taux seraient de 16,6% et de 17,6% respectivement.

Les répercussions de la violence conjugale sur la santé mentale des conjoints et la longévité des unions sont bien établies. Une méta-analyse menée par Golding (1999) a démontré l’association entre la violence conjugale physique et la santé mentale des femmes qui en sont victimes. Le taux de prévalence de la dépression serait de 48%, de 18% pour les comportements suicidaires, de 64% pour l’état de stress post-traumatique, de 19% pour l’abus d’alcool et de 9% pour l’abus de drogue. Par ailleurs, Lawrence et Bradbury (2001) ont démontré que 44% des mariages dans lesquels des comportements violents sont émis par les partenaires se terminent en divorce comparativement à 21% des couples qui ne présentent pas de tels comportements. L’importante prévalence de la violence conjugale et les impacts de cette dernière sur les conjoints soulignent l’importance de s’intéresser à cette problématique afin de mieux comprendre les déterminants de ce phénomène et de mieux répondre aux besoins de cette population en pratique clinique.

Violence conjugale et personnalité

Plusieurs chercheurs se sont intéressés à la personnalité comme facteur permettant de mieux comprendre la victimisation et la perpétration de la violence dans la relation conjugale (Hines & Saudio, 2008; Pico-Alfonso, Encheburúa & Martinez, 2008 ; Blais-Bergeron, 2013; Dutton, 1994; Maneta, Cohen, Schulz & Waldinger (2013); Khan, Welch & Zillmer, 1993). Parmi ces travaux, une littérature scientifique de plus en plus abondante s’intéresse à l’examen du modèle de la personnalité

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de Kernberg (1984) afin de conceptualiser la personnalité dans des dynamiques conjugales marquées par la violence.

Bien que peu d’études portant sur l’association entre la personnalité et la violence conjugale se fondent sur une approche psychodynamique, les résultats des quelques études se basant sur le modèle de l’organisation de la personnalité de Kernberg (1984) supportent la valeur de ce modèle (Dutton, 1994, 1995; Maneta et al., 2013; Blais-Bergeron, 2013). Un bref résumé des résultats de ces études permettra d’illustrer ce point.

Les agresseurs et les victimes se distingueraient par certains traits de personnalité. En effet, Dutton (1994) a démontré que les hommes qui émettent de la violence envers leur conjointe et qui présentent un haut niveau de traits de l’organisation limite de la personnalité (OLP), tels que mesurés par l’IPO, présentaient également de plus hauts niveaux de colère, telle que mesurée par le Multidimensional Anger Inventory (Siegel, 1986), ainsi qu’un haut niveau de jalousie, telle que mesurée par le Interpersonal Jealousy Scale (Mathes & Severa, 1981; Mathes, Phillips, Skowran & Dick, 1982), comparativement aux hommes ayant un bas niveau de traits de l’OLP. Les scores obtenus à l’IPO chez les hommes étaient également significativement associés aux échelles d’agression verbale/symbolique et d’agression physique du Conflit Tactics Scale (CTS) (Dutton, 1994; 1995). Par des analyses fondées sur un modèle d’interdépendance acteur-partenaire (APIM), Maneta et al. (2013) ont examiné l’association entre les traits de personnalité, tels que mesurés par l’IPO, et la violence physique, telle que mesurée par le CTS. Toutefois, comparativement aux auteurs précédents, Maneta et ses collègues (2013) se sont intéressés au contexte dyadique dans lequel la violence conjugale est perpétuée. Ces auteurs postulent que l’organisation de la personnalité de l’individu se répercute sur sa propre émission de comportements violents ainsi que sur les comportements émis par son partenaire. Les résultats de cette étude confirment l’hypothèse des auteurs : les traits de l’OLP sont non seulement associés à la perpétration de la violence, mais également à la victimisation chez les hommes. Chez la femme, les traits de l’OLP sont seulement associés à la victimisation. Ces résultats soulignent la pertinence de s’intéresser à la fois à la victimisation et à la perpétration de la violence chez chacun des partenaires lorsque la personnalité est étudiée dans un contexte de violence conjugale. Les résultats obtenus par Blais-Bergeron (2013) apportent un éclairage différent sur le phénomène. Cette auteure s’est intéressée au contexte dyadique dans lequel la violence conjugale se perpétue en s’appuyant, elle aussi, sur le modèle de

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l’organisation de la personnalité de Kernberg (1984). Par une étude longitudinale, Blais-Bergeron (2013) visait à explorer les effets transactionnels de la violence conjugale et de l’organisation de la personnalité chez des couples de la communauté. Ses résultats démontrent que la violence conjugale rapportée par les partenaires influencerait l’estimation ultérieure de la violence ainsi que le niveau de pathologie de la personnalité. Ainsi, les résultats suggèrent que l’adoption de stratégies de gestion des conflits basées en partie sur des comportements violents pourrait constituer l’un des mécanismes de changement de l’organisation de la personnalité. Cela suggère par le fait même l’existence d’une interaction complexe entre la personnalité et la violence conjugale.

Les auteurs des études présentées ci-dessus se sont principalement intéressés à l’association entre la personnalité et la victimisation et/ou la perpétration de violence conjugale, ainsi qu’à l’interaction entre ces variables. Les études de plus en plus nombreuses suggérant la présence d’une influence des situations stressantes et des stratégies d’adaptation sur la personnalité (Roberts et al., 2006; Blais-Bergeron, 2013; Allemand et al, 2015; Boyce et al., 2015; Kandler et al., 2014) soulignent l’importance de s’intéresser davantage à ces associations afin de préciser notre compréhension du phénomène. En se penchant sur l’étude de la personnalité comme variable médiatrice, l’étude contribuera à mieux préciser le lien entre l’adoption de stratégies d’adaptation coercitives et la personnalité. Une méthode d’analyse des données basée sur une perspective dyadique permettra aussi de mieux définir la contribution de chacun des partenaires aux associations observées.

D’autre part, la prise en compte des relations objectales dans la présente étude permettra d’apporter un appui empirique supplémentaire à la pertinence de cette notion dans le modèle de Kernberg (1984) et de mieux définir le rôle spécifique des traits de la PDM dans la dynamique des relations de couple.

La présente étude sera réalisée à partir d’un échantillon de couples vus en clinique. Zimmerman, Rothschild et Chelminski (2005) soulignent la pertinence de s’intéresser à ce type de population dans le cadre d’études portant sur la pathologie de la personnalité. En effet, selon les résultats de ces auteurs, près de 50% des individus qui consultent en clinique présentent un trouble de la personnalité, tel qu’évalué à l’aide de l’entrevue clinique structurée pour le DSM-IV (SCID-IV) et l’entrevue structurée pour l’évaluation de la personnalité selon le DSM-IV (SIDP-IV). De plus, les couples en détresse qui consultent présenteraient de plus haut niveau de névrosisme, d’introversion

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et de basse estime de soi comparativement à des couples de la communauté (Barelds & Barelds-Dijikstra, 2006; Daspe et al., 2013, sous presse).

Objectifs et hypothèses

Le présent projet propose d’étudier l’effet médiateur des traits de la PDM sur l’association entre la violence situationnelle et la satisfaction conjugale à partir d’une perspective dyadique chez des couples qui consultent en psychothérapie.

Trois hypothèses sont formulées. Premièrement, les femmes présenteront davantage de traits de la PDM que les hommes. Deuxièmement, les effets acteurs et partenaires directs seront significatifs chez les hommes et les femmes, c.à.d. que la violence conjugale dont l’individu estime être victime sera associée négativement à sa propre satisfaction conjugale et à celle de son partenaire. Troisièmement, les effets acteurs et partenaires indirects seront significatifs chez les hommes et les femmes, c.à.d. que la violence conjugale que l’individu estime recevoir sera négativement associée à sa propre satisfaction conjugale ainsi qu’à celle de son partenaire via l’effet médiateur des traits de la PDM des conjoints.

Méthode

L’échantillon est composé de 158 couples canadiens-français résidant au Québec. Trois des 158 couples sont homosexuels. Les femmes de l’échantillon ont entre 18 et 70 ans et ont 38.44 ans (ET = 10.10) en moyenne. Les hommes sont âgés entre 19 et 69 ans et ont en moyenne 42,41 ans (ET=10.10). Pour ce qui est de la scolarité des participants, 57.6% des femmes et 51.3% des hommes rapportent avoir complété des études universitaires. En ce qui concerne l’état civil des participants, 44.3% d’entre eux sont mariés, 51,3 % mentionnent être conjoints de fait. La moyenne d’années de cohabitation pour les couples est de 12.75 (ET = 10,20). Les partenaires ont en en général deux enfants issus de leur union actuelle (M = 1.84, ET = 1,01). 81% des femmes ont un emploi et 6.3% sont étudiantes alors que pour les hommes, ces pourcentages sont de 84.8% et 5.1% respectivement. En ce qui concerne le salaire des hommes et des femmes respectivement, 5.1% et 12.1% rapportent un revenu de moins de 15 000$ ; 14.0% et 20.5%, un revenu entre 15 000$ et 35 000$ ; 42.7 % et 41.0%, un revenu entre 35 000$ et 65 000$ ; 17.8% et 19.9%, un revenu entre 65 000$ et 95 000$ ; 20.4% et 5.8%, un revenu de plus de 95 000$.

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Mesures

Satisfaction conjugale

La version française du Dyadic Adjustment Scale, l’Échelle d’Ajustement Dyadique (EAD), est une mesure auto-rapportée permettant d’évaluer la satisfaction conjugale (DAS; Spanier, 1976; traduite par Baillargeon, Dubois, & Martineau, 1986). Cet outil comprend 32 items sur une échelle de type Likert allant de zéro « toujours en accord » à cinq «toujours en désaccord ». La somme de ces items permet d’obtenir un score global d’ajustement dyadique variant de zéro à 151, un score élevé reflétant un plus haut niveau de satisfaction dans la relation. L’EAD possède une structure en quatre facteurs (Gentili, Contreras, Cassaniti & D’Arista, 2002 ; Shek, 1995; Spanier, 1976). Les qualités psychométriques de l’EAD sont supportées par des données empiriques. En effet, la fidélité ainsi que la validité convergente et divergente de la version française sont satisfaisantes. Les coefficients alpha se retrouvent entre .91 et .96 (Baillargeon et al., 1986; Sabourin, Lussier, Laplante, & Wright, 1990; Vandeleur, Fenton, Ferrero & Preisig, 2003 ). Dans la présente étude, ce coefficient est de .90 pour les femmes et de .89 pour les hommes. Étant donné les résultats de Valendeur et al. (2003) démontrant la similarité de l’ajustement entre le modèle en un facteur et le modèle hiérarchique complexe original, il semble adéquat d’utiliser l’EAD dans la présente étude.

Traits de personnalité dépressifs/masochistes

La version originale de l’Inventaire de l’organisation de la personnalité (Kernberg & Clarkin, 1995) est une mesure auto-rapportée constituée de 155 items comprenant deux sections. La première section de l’outil comprend trois échelles permettant d’évaluer la diffusion de l’identité, les mécanismes de défense primitifs et l’épreuve de la réalité. La deuxième section de l’outil concerne les relations objectales et vise à qualifier les relations objectales selon deux classes : névrotique et limite (Normandin et al., 2002). La deuxième section de l’outil comprend deux échelles principales : l’échelle névrotique, permettant d’évaluer les relations objectales associées aux troubles hystérique, dépressif/masochiste et obsessif/compulsif ; et l’échelle limite, permettant d’évaluer les relations objectales associées aux troubles narcissique, infantile, paranoïde, schizoïde et antisocial (Normandin et al., 2002). Puisque le présent projet s’intéresse à la personnalité dépressive/masochiste, c’est seulement cette échelle qui sera considérée. Dans leur étude, Naud et al. (2013) ont obtenu des coefficients alpha de .79 pour les femmes et de .82 pour les hommes. Des

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analyses confirmatoires ont également été menées afin de déterminer si les items de l’échelle dépressive/masochiste s’ajustent à un modèle en un facteur. Les analyses ont démontré un niveau d’ajustement adéquat de ce modèle unidimensionnel (Naud et al., 2013). Dans la présente étude, les coefficients alpha sont de .75 pour les femmes et de .67 pour les hommes.

Violence conjugale

La version révisée de L’échelle des stratégies de gestion des conflits (CTS-2, Straus, 2004 ; Straus, Hamby, Boney-McCoy & Sugarman, 1996) est une mesure auto-rapportée comprenant 78 items distribués à travers cinq échelles (négociation, agression psychologique, agression physique, coercition sexuelle et blessure) qui mesure la violence perpétrée et vécue par les partenaires dans le couple. Les participants cotent la fréquence des comportements subis et/ou perpétrés durant la dernière année sur une échelle de type Likert (« jamais », « une fois », « deux fois », « trois à cinq fois », « six à dix fois », « 11 à 20 fois », « 21 fois et plus », « pas dans la dernière année, mais c’est arrivé auparavant »). Dans la présente étude, c’est seulement l’échelle d’agression physique d’une version française de l’outil (Lussier, 1997) qui est utilisée. Les résultats d’études précédentes ont démontré que le CTS-2 présente une bonne validité et fidélité auprès de couples hétérosexuels de la population générale (Calvete, Corral & Estévez, 2007 ; Straus, 2004 ; Straus et al., 1996 ; Yun, 2011). Les coefficients alpha dans ces échantillons varient de .67 à .93 pour l’échelle d’agression physique. Dans la présente étude, ce coefficient est de .84 pour les femmes et de .82 pour les hommes. Par ailleurs, les résultats de Vega et O’Leary (2007) ont démontré une excellente fidélité test-restest sur une période de deux mois. Des études menées auprès d’échantillons recrutés dans des milieux carcéraux et d’échantillons composés de femmes victimes de violence ont permis de démontrer la validité factorielle du CTS-2 (Calvete et al., 2007 ; Lucente, Fals-Stewart, Richards & Goscha, 2001). L’outil présente également une bonne validité de construit et est corrélé de façon modérée à une mesure de désirabilité sociale (Straus, 2014).

Procédure

Les participants sont recrutés via l’Unité d’intervention auprès du couple du Service de consultation de l’école de psychologie de l’Université Laval entre 2005 et 2013. Ces couples ont soit entrepris la thérapie d’eux-mêmes ou sont référés par un professionnel de la santé mentale. Une enveloppe contenant des questionnaires, dont l’IPO, l’EAD et le CTS-2, a été remise à chacun des

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partenaires du couple à la première rencontre d’évaluation. Il a été mentionné aux partenaires de remplir les questionnaires seuls, sans consulter leur conjoint. Les couples acceptant de participer à la recherche complètent un formulaire de consentement permettant d’utiliser ces questionnaires.

Plan d’analyses statistiques

La présence de données aberrantes dans l’échantillon, ainsi que la linéarité, la normalité et la multicolinéarité de la distribution ont été évaluées. Des analyses descriptives ont été réalisées afin d’examiner les moyennes et les écarts-types de chacune des variables. Des analyses corrélationnelles, des analyses de variances (ANOVA) ainsi que des tests de chi-deux ont été effectués pour évaluer la relation entre les variables. En raison de la forte corrélation entre la violence physique perpétrée et vécue du CTS-2 (r = .66 ; p < .01), les deux variables ne pouvaient être incluses dans le modèle. Puisque l’échelle d’agression physique dont l’individu estime être victime présentait les plus fortes corrélations avec les autres variables de l’étude, c’est cette-dernière qui a été retenue dans le modèle. Les différences de genre pour chaque variable ont été testées à l’aide d’ANOVA à mesures répétées pour tenir compte de la non-indépendance des données et les tailles d’effet ont été calculées. Le barème établi par Cohen (1988) pour interpréter une taille d’effet faible (η2 =.01), modérée (η2 = .09) et élevée (η2 = .25) a servi de référence. Les statistiques

descriptives ont été réalisées à l’aide du programme SPSS 20.

Un modèle d’analyses acheminatoires d’interdépendance acteur-partenaire (APIM) a été testé avec le logiciel Mplus (Muthén & Muthén, 2012). Ce modèle examine si les traits de la PDM constituent un médiateur de l’association entre la violence conjugale dont l’individu estime être victime (variable indépendante; VI) et la satisfaction conjugale (variable dépendante; VD). Puisqu’un modèle APIM tient compte de la non-indépendance des données, il est tout désigné dans le cadre d’une étude sur un échantillon composé de couples (Cook & Kenny, 2005; Kenny, Kashy, & Cook, 2006). Ce type de modèle permet d’analyser deux effets principaux en considérant simultanément les données des deux partenaires. Le premier constitue l’effet acteur, c.à.d. l’effet direct de la VI mesurée chez l’individu sur la VD de l’individu. Le deuxième constitue l’effet partenaire, c.à.d. l’effet direct de la VI de l’individu sur la VD de son partenaire. Le modèle APIM permet également d’analyser les effets indirects (EI). Enfin, d’un point de vue théorique, les données de chacun des partenaires devraient être distinguables en fonction du genre de l’individu. Toutefois, il est possible que les associations ne soient pas influencées par le genre des partenaires. Afin de déterminer si les

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données des partenaires sont effectivement distinguables, un test de distinguabilité des dyades a été effectué sur l’ensemble des variables.

Le modèle est testé selon l’approche de Hayes (2013). Il s’agit d’une approche qui utilise les intervalles de confiance obtenus par la procédure de rééchantillonnage afin de déterminer si les effets indirects d’un modèle de médiation sont significatifs. Les données manquantes sont traitées avec la méthode du maximum de vraisemblance à information complète (Arbuckle, 1996; Wothke, 2000). Il s’agit d’une méthode utilisant l’ensemble des données disponibles pour estimer les paramètres du modèle. Les erreurs standard ont été calculées à l’aide d’une méthode d’estimation robuste (MLR). L’ajustement du modèle a été vérifié par le biais de cinq indices : l’indice d’ajustement comparatif (CFI), l’index Tucker-Lewis (TLI), le chi carré (χ2), la racine carrée standardisée des

résidus (SRMR) et la racine carrée de l’erreur quadratique moyenne de l’approximation (RMSEA). Les principales lignes directrices suggèrent qu’un modèle possédant un CFI et un TLI supérieurs à .90 est bien ajusté (Browne & Cudeck, 1993). Un modèle possédant un indice SRMR et RMSEA inférieur à .05 est considéré comme étant bien ajusté alors qu’un modèle possédant une valeur entre .05 et .08 est considéré comme modérément bien ajusté (Browne & Cudeck, 1993). Pour ce qui est du test d’ajustement du chi carré, un résultat non significatif au seuil de signification .05 indique un bon ajustement. Une procédure de rééchantillonnage a été utilisée afin de tester les effets indirects. Pour y parvenir, 1000 échantillons aléatoires ont été générés dans le but d’élaborer des intervalles de confiance dont les biais ont été corrigés (Edwards & Lambert, 2007).

Résultats

Les moyennes, les écarts-types, les ANOVA à mesures répétées et les tailles d’effet pour les traits de la PDM, la satisfaction conjugale (EAD), le score à l’échelle d’agression physique dont l’individu estime être victime au CTS2 (PHYPART) pour les hommes et les femmes sont présentés au tableau 1. La consultation de ce tableau montre que les femmes de l’échantillon présentent un plus haut niveau de traits de la de la PDM que les hommes (F(1.173)=14.84, p < .001), ce qui confirme la première hypothèse. La taille d’effet associée à cette différence de moyenne est faible (η2

= .08). Les femmes seraient également moins satisfaites de leur relation conjugale comparativement aux hommes (F(1.177)=11.64, p < .001). La taille d’effet associée à cette différence de moyenne est faible (η2 = .06). La différence entre les moyennes des hommes et des femmes quant à la violence

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Les corrélations entre les différentes variables chez les hommes et les femmes sont présentées dans le tableau 2. La violence dont la femme et l’homme estiment être victime est positivement associée à leurs propres traits de la PDM ainsi qu’à ceux de leur partenaire. Les traits de la PDM de l’homme et de la femme sont associés négativement à leur propre satisfaction conjugale ainsi qu’à celle de leur partenaire.

Pour ce qui est du test d’indistinguabilité des dyades hommes-femmes, le test omnibus de la non indépendance des dyades atteint le seuil de signification lorsque le modèle où des contraintes sont appliquées aux effets acteurs et partenaires est comparé au modèle où des contraintes sont appliquées aux effets acteurs et partenaires, ainsi que sur les variances (∆χ2 ajusté de Satorra-Bentler (3) = 35.75 ; p < .01). La dyade doit donc être considérée comme étant distinguable puisque les variances des variables des hommes et des femmes sont significativement différentes. Les moyennes des variables ont été contraintes à être égales puisque cette démarche ne semblait pas détériorer significativement l’ajustement du modèle.

Les résultats des analyses APIM sont présentés à la figure 1. Les indices d’ajustement suggèrent que les données sont bien représentées par le modèle (CFI = 1.00 ; TLI = 1.05 ; χ2 (7) = 4.24, p = .752 ; SRMR= .03 ; RMSEA= .00, 90% [.00 à .07]). Les effets acteurs sont significatifs : la violence dont la femme et l’homme estiment être victime est négativement associée à leur propre satisfaction conjugale (β= -.06 ; p<.05). Les effets partenaires sont significatifs : la violence physique dont la femme et l’homme estiment être victime est négativement associée à la satisfaction conjugale de leur partenaire (β= -.06, p<.05). L’ensemble des effets acteurs indirects sont significatifs : l’effet de la violence dont la femme estime être victime (VI) sur sa propre satisfaction conjugale (VD) est expliquée indirectement via les traits de la PDM (médiateur) de la femme (EI = -.05 ; 95% IC = [-.09 ; -.02]) et de l’homme (EI = -.02 ; 95% IC = [-.03 ; -.00]). L’effet de la violence dont l’homme estime être victime (VI) sur sa propre satisfaction conjugale (VD) est expliquée indirectement via les traits PDM de l’homme (EI = -.05 ; IC = [-.09 ; -.02]) et de la femme (EI = -.02 ; IC = [-.03 ; -.00]). Les effets partenaires indirects sont également significatifs: l’effet de la violence physique dont l’homme estime être victime (VI) sur la satisfaction conjugale de la femme (VD) est expliquée indirectement via les traits de la PDM de la femme (EI = -.03 ; IC = [-.05 ; -.01]) et de l’homme (EI = -.03 ; IC = [-.06 ; -.01]). L’effet de la violence physique dont la femme estime être victime (VI) sur la satisfaction conjugale de l’homme est expliquée indirectement via les traits de la PDM de la femme (EI = .03 ; IC = [.06 ;

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-.01]) et de l’homme (EI = -.03 ; IC = [-.05 ; --.01]). Le modèle permet d’expliquer 18.8 % et 17.3% de la variance de la satisfaction conjugale chez les hommes et les femmes respectivement.

Références

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