Comptes-rendu s
Fr . UNTERKIRCHER, Das Kollektar-Pontifikale des Bischofs Baturic h von Regensburg (817-848) (Cod . Vindob . ser . n . 2762) mit einer
liturgiegeschichtliche Untersuchung von Kl . GAMBER (Spicilegiu m Friburgense. Texte zur Geschichte des kirchlichen Lebens 8) .
Fribourg-en-S ., Les Éditions universitaires, 1962, un vol . in-80, X-193 p . , 3 p1 . en phototypie, une en couleurs .
L ' histoire de ce codex refectus est un véritable roman . Au XV e siècle, le bibliothécaire du monastère autrichien de Mondsee, dans le diocèse de Salzbourg, se mettait en tête de faire relier les codices le s récents de sa collection . Les vieux livres liturgiques, hors-d 'usage , de la sacristie devraient fournir le parchemin nécessaire . Aujourd'hui ces mss . sont à la Bibliothèque Nationale de Vienne . Leurs reliures ne cessent, depuis plus d ' un siècle, de réserver des surprises aux historien s et aux philologues . Vingt-trois de ces codices ont livré les débris , exactement soixante dix-sept pages, d'un livre liturgique catalogu é sous la cote n .s . 2762 . Il restait à identifier ce volume, à l' éditer et à l'étudier . C ' est ce que viennent de faire, d ' une manière vraimen t exemplaire, M . Fr . UNTERKIRCHER, assisté du spécialiste des livre s liturgiques qu'est le Prof . Kl . GAMBER .
Trouvé dans des reliures en provenance de Mondsee, le ms . Vienne n .s . 2762 provient-il du scriptorium de ce monastère ? Oui, pensen t les éditeurs . Leur démonstration repose en grande partie sur un e observation du professeur B . Bischoff . Le savant paléographe de Munich avait déjà rapproché l'écriture de ces fragments de celle du Commentaire de Cassiodore sur le Psautier conservé dans le Cl m 1 4077 /78 . Or ce dernier codex, destiné à l ' évêque Baturich de bonne (817-848), montre une main « étrangère au milieu de Ratis-bonne » ; une main de Mondsee, pensait B . Bischoff . Qu'est-ce qui le faisait penser à ce monastère ? Parce que c ' était précisément Baturich, qui, en 833, avait acquis cette abbaye de la jeune rein e Emma . Le Clm 14 0 77 /78 avait donc des chances de provenir de c e scriptorium . L'hypothèse du savant historien des sildostdeutschen
Schreibschulen est confirmée par la découverte, dans le Vienne n.s . 2762, d ' une oraison proinvidia horninurn qui ne se rencontre que dan s
le fameux Libellus precuin dit de Fleury, aujourd ' hui le ms . 184 de l a bibliothèque d'Orléans . Or ce dernier ms . provient presque certaine-ment deMondsee .
Après une longue et minutieuse description codicologique, for t technique mais indispensable, il restait à définir le « genre liturgique du codex et à caractériser sa physionomie . Cette partie du travail , dense et brève, est l ' oeuvre du Prof . K .GAMBER (p . 38-44) . Le Vienne n .s . 2762, dit-il, est l'alliance, insolite, d'un collectaire et d 'un ponti-fical . Cette juxtaposition s'explique, si l'on veut se rappeler que l' évêque de Ratisbonne était encore, au I X e siècle, l'abbé du monastère de Saint-Emmeran . S 'il devait procéder ici à des sacres d'évêques, de s ordinations de clercs ou des consécrations de vierges et d ' églises , là-bas, il devait prendre part à l'office monastique, bénir le lecteur à matines, ensevelir les moines défunts, réciter l ' oraison aux jours de
fête (par ex., la fête de S . Emmeran, martyr, p . 114-117) ; ici, il avait besoin d'un pontifical, là d'un collectaire ; les réunir en un seul codex
était une facilité, une garantie contre les surprises .
L'intérêt de ce ms . vient aussi de l'époque & laquelle il a été composé . Comme pontifical, il est antérieur à la compilation connue sous l e nom de pontifical romano-germanique ; comme collectaire, il a ét é copié à une époque où l 'influence franque achevait de s'imposer e n Bavière, détournait les évêques de chercher leur inspiration chez le s Lombards du nord de l'Italie et les obligeait à porter leurs regards vers la chapelle palatine . Voilà pourquoi le Vienne n .s . 2762 est e n grande partie un reflet de l'Hadrianum conservé à Aix-la-chapell e (édité en 1921 par Lietzmann), alors que le collectaire que l'on trouve , par ex., dans le Saint-Gall 349, et qui lui est de quelques années anté-rieur, présente un type «gélasien ancien» tout-à fait oberitalienisch . Ces influences, si importantes qu'elles aient été, n ' empêchent pas notre manuscrit d'avoir sa physionomie propre . Il en est toujours ainsi des livres liturgiques anciens, qui sont avant tout des collection s d ' ordines et d ' oraisons, des compilations . Chaque pièce devrait être étudiée en particulier, chaque fois la question devrait être posée : « D'où vient-elle ? DUn jeu de références dans les marges de la présent e
édition permet d' amorcer cette recherche, facilite les comparaison s avec les plus anciens sacramentaires et rituels déjà . publiés . C'est à quoi tendent également les deux splendides instruments de travail qu i viennent à la fin de l'ouvrage : 1 0 la table d'initia des prières litur-giques publiés d'après le C .P . de Baturich ; 2e l'important glossaire de 50 pages sur deux colonnes, une véritable « concordance » qui rendr a les plus grands services à tous les philologues et particulièrement au x lecteurs de ce Bulletin .
N . HUYGHEBAERT, O . S . B . René BRAUN, «Deus Christianorum » . Recherches sur le vocabulaire
doctrinal de Tertullien . Publications de la faculté des lettres e t
sciences humaines d' Alger, XLI . Paris, Presses Universitaires d e France, 1962, 644 pages, NF30 -}- T . L .
Bien que la langue de Tertullien ait déjà fait l'objet de nombreuses études, l' auteur de ce livre a estimé néanmoins qu'il était temps de l a soumettre à un nouvel examen . Après avoir surestimé l'apport d e Tertullien dans la formation de la latinité chrétienne — et ce, à l 'origine, sous l'impulsion de Harnack —, des réactions se sont des-sinées contre cette tendance, dirigées par l'école de Nimègue d e Schrijnen-Mohrmann . Celle-ci considère le latin chrétien comme une
Sondersprache, une langue de groupe que la communauté chrétienne
a fait dériver de la langue générale . Il n'est pas étonnant que cette école réduise volontiers l ' apport d'un individu, en l'occurrence Ter-tullien, aux plus petites proportions possibles . L'A . marque so n désaccord avec cette tendance, sans pour autant être aveugle devan t les mérites particulièrement grands qu'a eus et qu'a encore l' école de Nimègue en ce qui concerne la latinité chrétienne ; une argumentatio n valable tend à démontrer que « la thèse de l'existence d 'une Sonder-sprache ne paraît plus pouvoir être soutenue » . L'A . n'est pas seul à défendre ce point de vue . Cette nouvelle réaction semble ramener le s esprits à l ' époque de Harnack : aLa position moyenne généralement
adoptée par la critique actuelle, paraît plus proche de la thèse d e Harnack » . C' est là pour l'auteur l'occasion d'essayer de déterminer par un examen approfondi adans quelle mesure notre écrivain doi t
être considéré comme le créateur ou comme un usager des termes e t expressions qu'il emploie » .
L' A. s'est assigné une limite compréhensible et bien fondée . Dans la regula fidei, telle que celle-ci a été à plusieurs reprises formulé e et défendue par Tertullien, l ' A . distingue asix ensembles
terminolo-giques : les trois premiers, qui concernent le Dieu unique, la Trinité , le Fils de Dieu, se rapportent, on le voit, aux mystères de la natur e divine ; les trois autres auront trait à ces manifestations historiques du
Deus Christianorurn que sont la Création, la Révélation, le Salut » . C'est cette partie du vocabulaire théologique de Tertullien que l'A . soumet à son examen . A cet égard cette étude nous livre donc moin s que le titre pouvait peut-être le faire supposer . Par contre l'analyse y est plus approfondie que ne le suggère la concision de ce même titre . L'A . a notamment expérimenté, que surtout pour un homme bilingu e et beaucoup lu, comme Tertullien, qui a été sans cesse mêlé à de vive s controverses avec des opposants de toutes sortes, il faut faire interveni r
tous les facteurs qui peuvent avoir eu de l 'importance : trop souvent , on est arrivé à des conclusions hâtives et erronées pour avoir néglig é ou mal apprécié l ' un ou plusieurs de ces facteurs . Il ne suffit pas de suivre l ' apparition et le développement d'un mot donné dans le grec et le latin profanes ; il faut également englober dans son examen l a langue de la Septante, des plus anciennes traductions latines de l a Bible, des Pères apostoliques et des apologistes grecs . L'influence de la langue des philosophes grecs et de celle des grands hérésiarques n e peut pas davantage être négligée . En définitive l' A . accorde plu s d ' importance que l ' école de Nimègue à l'ceuvre préparatoire de s milieux juifs dansal'étape en quelque sorte pré-chrétienneD .
Il n' est pas étonnant que l'A . dans cette matière extrêmemen t complexe, « dans ce domaine où les inconnues sont si nombreuses » , ne puisse formuler autre chose qu'une hypothèse . Il est parvenu cependant à un résultat final bien précis . Au total on peut dénombrer chez Tertullien 34 créations absolues : conssector, dispector (despector) ,
factitator, ,botentator, restitutor, resurrector, resuscitator, reuelator, salutificator, sanctificator, suscitator, uiuificator ; apparentia, imprae-scientia, improvidentia ; factitamentum ; factitatio, figulatio ; inad-frehensibilis, incongressibilis, incorporabilis, inconvertibilis, inde-mutabilis, informabilis, innascibilis, inreformabilis, nascibilis ; cor-ruptorius, incorcor-ruptorius, reuelatorius ; monarchianus ; substantivalis ; figulare, unare . Si l' on considère que parmi elles se trouvent plusieurs Augenblichsbildungen, de même que des créations quelque peu
inso-lites, le nombre de mots avec lesquels Tertullien avait vraimen t «l'intention de doter la langue d'un moyen d ' exprimer une idé e nouvelle s, devient remarquablement réduit . Par contre, beaucou p plus élevé est le nombre de néologismes sémantiques, la transpositio n de termes anciens pour exprimer les idées nouvelles . L'A . montre d e façon pertinente que la caractéristique propre de Tertullien à ces deu x points de vue, est absolument parallèle avec le latin chrétien en géné-ral : à cet égard également, Tertullien apparaît comme un enfant d e son époque . Il est heureux que M . BRAUN ait attiré, une fois encore , notre attention sur le fait que Tertullien, quelle que soit la façon don t il ait pu dépasser ses frères chrétiens par sa culture et sa personnalité , s'enracine par sa langue dans celle de ses contemporains et frères dan s la foi . Soyons reconnaissants à l'A . de nous avoir ramené à un juste milieu, situé quelque part entre Harnack et Nimègue .
Pour qui veut s' orienter rapidement dans ce livre particulièremen t riche, celui-ci est pourvu d ' une conclusion (pp. 547-561). On y trouve en outre troisexcursus : I . La Chronologie des ouvrages de Tertullien ; II . Le mot essentia a-t-il été employé par Tertullien ? (L'A . ne le croit pas) ; III . Adu. Prax ., 14, IO (75-78) . Un index bibliographique
détaillé, trois indices verborum : A . Mots latins ; B . Mots grecs ; C. Mots hébreux et araméens, et un index auctorum antiquorum complè-tent l ' ouvrage . Il n ' y a donc pas de registre des savants modernes, ni des passages étudiés .
Je me permets enfin trois petites corrections . L'A . écrit (156, 1) : « Novatien n ' emploie le mot (trinitas) que dans le titre de son livre . » Il est très invraisemblable que ce titre provienne de Novatien lui -même . Le traité de Tertullien Adu . Praxean nous est transmis par
plus de quatre manuscrits (p . 161) . Ma correction du De ara., 4, 5 subinstantia, à laquelle, je l'ai constaté avec joie, M . BRAUN se rallie,
8 7 je la dois à une correction de Ursinus : sub instantiam au lieu d e
substantia .
(Traduction P . Tombeur.) G . F . DIERCKS .
Ulla WESTERBERGH, Anastasius Bibliothecarius, Sermo Theodor i
Studitae de Sancto Bartholomeo Apostolo . Studia latina Stockhol-miensia, IX, IX-z14 pp ., Almqvist et Wiksell, Stockholm, 1963 .
L'A ., dont on connaît la remarquable édition du Chronicon
Salernitanum, a tenté de résoudre dans cette nouvelle étude, avec beau
-coup d'érudition, toute une série de problèmes posés par la traductio n latine du sermon de Théodore le Studite (759-826) sur l ' apôtre saint Barthélémy, que nous a laissée Anastase le Bibliothécaire (t 879) . Il a fallu d'abord, après la collation de nombreux manuscrits, établi r de nouvelles éditions des textes en question, avant de soumettr e ceux-ci à un examen minutieux . Pour pouvoir se livrer à l'étud e comparative de la traduction latine et de l'original grec, l'A . a égale -ment édité le texte de Théodore . Cette étude philologique nous fournit d'intéressantes lumières sur la connaissance du grec et du latin qu e possédait Anastase . On sait que ce dernier traduisit également d'autres textes grecs, notamment les Actes du concile de Constantinople d e 86g . Il sera intéressant de comparer ces diverses traductions, pour pouvoir aboutir à une connaissance précise de la culture de ce biblio-thécaire de l'Église Romaine. Le présent travail fournit pour cett e étude un chapitre important .
Pourquoi, hélas, ne pas avoir présenté l ' ensemble de cette étud e dans un ordre clair, et à vrai dire logique ? J'avoue que tel quel, tan t pour les textes édités que pour les études présentées, ce volume m e paraît un peu un puzzle de chapitres non numérotés, qu'il faut ordon-ner soi-même . En réponse aux nombreux problèmes que l'A . s'es t posé, il nous fournit bon nombre d'éclaircissements nouveaux, mai s il faut bien constater que la clarté de la présentation aurait mieux servi la richesse du contenu .
Notons que dans l' édition des textes non plus, tout n' a pas toujours été fait pour présenter l' apparat critique de façon claire . Il faut évi-demment avouer qu'il est très complexe, et je rends hommage à l'A . du soin avec lequel il a collationné les manuscrits . Le double apparat critique aurait dû pour le moins être expliqué au point de départ e t touj ours être précédé du rappel des sigles respectifs . Pourquoi mettre le prologue du sermon entre crochets (p . 23) ? On dirait que l'A . e n rejette de la sorte l ' authenticité (sans se prononcer clairement, p . 66) .
On pourra déplorer que l'A . ne nous indique les sources du texte que pour le seul sermon traduit par Anastase .
Le chapitre qui retiendra l'attention surtout du lecteur de l'ALM A est naturellement celui où l'A . examine la valeur de la traductio n d 'Anastase . L'ouvrage se termine par un index locorum, un index
verborum graecorurn, un index verborum rerumque, où l'on notera
spécialement les mots marqués d'un astérisque (ils ne figurent pa s dans le Thesaurus, ou à défaut dans le Lewis-Short) : clericare se , exhonorantia, inhonorantia, prolixio = prolixitas, requiescibilis, res-plendescere pour resplendere, salutabilis et superlaudare . Pourquo i
cependant ne pas se référer au Forcellini ? Des huit mots mentionnés , il faudrait écarter resplendescere, que Forcellini mentionne comm e figurant dans les notes tironiennes .